Vivre en paix

 

 

Comme il va y avoir la guerre, c’est un fait entendu, il va falloir la préparer (ici, le jeune neveu du réalisateur pose des scotch sur les vitres des fenêtres en prévision des bombardements)

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on cherchera à pomper de l’eau du sous-sol, on fera face comme on a fait face il y a une dizaine d’années, comme aussi durant la guerre contre l’Iran, à la télévision, on verra passer toujours et toujours le Raïs, le maître, le presque Roi, le dominateur

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Saddam Hussein qui sait qu’il va falloir aller à la guerre et y envoyer son peuple, qu’il salue, on le voit en militaire, on voit les personnes assises qui le considèrent avec une sorte de sourire, ou de détachement, il est en place depuis tant d’années, il a sauvé sans doute le pays, une sorte de confiance peut-être, une sorte de fierté ou de nationalisme, quelque chose qui fait penser, bouger, agir sans doute mais tellement absurde, inutile et rance, toutes ces vies qui vont disparaître et pourquoi ?  Les enfants, quant à eux, n’en ont pas grand chose à faire, ils rient, jouent, vivent et rient mais fondent aussi sur l’avenir un présent qui vivra

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ils rient, s’amusent mais les jeux sont un peu différents

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parfois une arme à feu, mais si souvent des jeux simples, envoyer à ceux qui sont en bas des fruits de l’arbre, partir dans un verger, nourrir les bêtes, bien sûr on sait que ce qu’ils font est en prévision de la guerre, on sait que l’avenir sera sans doute blessant et difficile, mais ce que montre le film, c’est qu’on croit encore à la vraie toute puissance de la réalité, de la force du chef, et que, puisqu’il faudra sans doute aller à la guerre, on ira défendre des idéaux qu’on croie fondés… Les automobiles sont fréquemment usées et américaines, on prend une barque, on traverse le fleuve est-ce le Tigre ? je ne sais pas, mais j’y ai pensé lors des remous traversés, le bleu du ciel mais le chauffage au gaz, tout de même parce qu’il fait froid, les femmes plus loin boivent du thé

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et plus tard, on mariera l’une d’entre elles, lors d’une fête magnifique, où les hommes chanteront et ainsi des femmes, elles danseront, les enfants rient encore, on croise les souks, les métiers tailleur ou métalliers, ou ici ce vieil homme qui vend dirait-on des chaussons à la viande

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on salue la caméra, on aime être filmé, on aime tout court semble-t-il vivre, comme à Tunis ou Istanbul, rien ne diffère, on voit des embouteillages, la ville, la campagne, une lumière magnifique, et loin pourtant, loin (bien que le film commence par le passage d’un hélicoptère) la guerre qui va venir, qui viendra, inéluctable et promise par la voix off…

Alors, pour ma part, je ne sais pas mais c’est le titre vraiment « Homeland » (cet anglais qui veut parler américain) qui m’a frappé : j’ai recherché un peu le visage du réalisateur et j’en ai trouvé bon nombre (je vois dans sa biographie qu’il a étudié le cinéma dans la même université que moi dis donc)

Abbas-Fahdel

le voici (je procède comme pour les femmes cinéma de numéro précédents qui sont au salon), qui ressemble (j’ai choisi la photo) à son film : quelque chose de la gentillesse de l’enfance (j’y ai aussi retrouvé un peu de la mienne) (une photo ne veut rien dire non plus, sinon ce qu’on y projette, je sais bien) mais je me suis demandé pourquoi ce titre en anglais ? Le traduire par « patrie » ou « patrujo » en esperanto, heimat en allemand (vaterland aussi bien) ? Je ne sais pas, non, mais la guerre (elle est là, juste ensuite, juste après, le petit garçon de la première image y mourra, on le sait, on nous le dit…)  cette horreur, là, pourquoi ?

 

(je tente l’expérience qui consiste à écrire à propos d’un film sans en avoir vu l’entièreté : un deuxième volet/partie/épisode (et peut-être sera-t-il  ailleurs dans la maison) sera peut-être développé, j’en sais rien, lorsque j’aurai vu la deuxième partie) (il s’agit d’une sorte de film documentaire : ça se passe en Irak, au début des années deux mille, lorsque la guerre n’était pas encore déclarée contre les agissements de Saddam Hussein qui dirigeait le pays d’une main de fer, la République d’Irak quand même; il était adulé de beaucoup cependant et certainement pour d’autres raisons que la peur; on se souvient aussi que cette guerre a été déclenchée par ce Georges Bush junior, lequel a pris pour prétexte la possession par la République d’Irak »d’armes de destruction massive » – ce vocabulaire à vomir- qui se sont avérées, plusieurs années plus tard (mais on le savait quand même dès le départ) , être inexistantes : Saddam Hussein, pour sa part, a été mis à mort par pendaison (après un procès étazunien), après avoir été retrouvé dans une cache, si mes souvenirs sont bons, dans sa ville natale de Tikrit) (on sait, par ailleurs, ce qu’il en est advenu de l’Irak aujourd’hui et ce par la grâce -pour une grande partie – étazunienne, alliance qui s’est ici comportée de la même manière qu’elle se comportait au Chili en mille neuf cent soixante treize, ou dans d’autres lieux du monde où elle défend les intérêts de son idéologie et ses valeurs que je ne qualifie pas).

 

 

Jeanne

 

 

C’est un film qui dure un moment, parce que les choses ne se font pas par magie -jamais même si on aimerait y croire, blanche, noire, exceptionnelle ou ordinaire, la magie n’existe qui si on y croit.

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Alors donc je pose ce billet dans la cuisine, mais il pourrait aussi bien se trouver dans le salon

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et cette soupière aurait aussi bien que le cric du début de cette maison pu se trouver encore ailleurs. On y met des sous. Plus exactement, Jeanne y met les sous de son labeur. Qu’en est-il de vivre dans un  monde d’homme ? Qu’en est-il d’être – disons – le jouet de leurs désirs ?

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(« A la semaine prochaine » dit Henry Storck qui interprète le premier michton).

Quoi qu’il puisse en être, c’est une de mes cinéastes préférées, pas seulement parce qu’elle parvient à nous faire parvenir l’essence même des choses

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et ces mains-là, qui s’ouvrent pour recevoir le salaire qui leur est dû.

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Non pas seulement. parce que aussi, le personnage se comporte comme une mère aimant son fils, parce que cet argent là lui servira, à lui. Ils vont au cinéma ?

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Je ne me souviens plus, mais elle le lui donne à lui, son fils, orphelin de père, seize ans, le fruit de ce travail.

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Je ne me souviens plus, j’ai vu ce film lors de sa sortie, voilà plus de quarante ans, je ne me souviens plus exactement, j’ai juste dans l’idée les combats menés par l’actrice qui interprète Jeanne, à l’esprit la réalisatrice de ce film-là, et de bien d’autres, elle a décidé de s’en aller à un moment, je pense qu’elle l’a décidé, on en veut toujours à ceux qui nous fausse compagnie, on avait avec eux plaisir à vivre sur le même monde, mais tant pis, elle s’est tirée, Delphine Seyrig, cette charmante apparition aussi

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ça ne fait rien, on est un peu plus seuls, sans doute et sans elles, mais n’importe, la vie continue, et lorsque , plus loin peut-être, à nos dernières heures dans ces salles obscures, nous repenserons à elles voyant les fantômes qui restent d’elles sur les écrans, notre vie en sera enrichie et encore et encore

Attendre filmer voir

 

(je n’aime pas n’avoir pas le temps de faire ce dont j’ai envie, c’est le cas, je n’ai plus de lieu, je n’ai plus de machines, je n’ai plus de livres : je devrais laisser tomber un peu le cinéma -impossible – la lecture -encore moins : je lis une sorte de biographie de Nina Simone par Gilles Leroy, lequel n’accorde point le pluriel d’amour avec le féminin, ce qui me le rend antipathique – marcher dans les rues, oui, mais travailler, surtout, voilà l’ennemi(de la musique, de la musique, oui)

(j’ai des questions sur cette maison, du genre il faut bien l’habiter, mais avec qui ? ou encore : il faut que tout le monde vive, mais est-ce que c’est bien sûr ?)

Il y a un film de Wim Wenders qui traite de Pina Bausch qui attend sa chronique, mais je n’ai pas le temps : le manuscrit de mon frère est là -j’en suis à la page 200, il m’en reste un peu plus, il est, en italique (s’il garde ça), empli de ces souvenirs communs, que je revois en lisant

(je dois travailler tu comprends, les vacances de février, je dois assurer – hier, le plombier me disait qu’il avait le même âge que moi, j’ai eu comme chaud au coeur de voir qu’il faut travailler quand même, l’âge, les fantômes, les décisions, les obligations) (on a taillé le noisetier du jardin en tous cas)

J’ai bien préparé une sorte de générique pour tous ces êtres/personnages/actrices-acteurs/humains qui hantent ces lieux, mais je n’ai pas le temps de le renseigner : je fais le récapitulatif de ce qui me reste à faire et la maison(s)témoin pour en faire un billet (on fait ce qu’on veut/peut, on  essaye de survivre, on lève la tête et hors de l’eau et on respire : depuis que le monde l’est pour moi, j’ai des difficultés à y respirer, depuis ce voyage qui part d’Afrique et finit à Orly, et puis avancer en âge, ressentir la présence de Burt Lancaster en Guépard dans sa baignoire

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: c’est que je préférerais que vive cette maison, mais comment faire ? Tant à faire, tant à écrire, les mouvements des gens à enregistrer, monter, élucider peut-être, les non-réponses de toutes parts (pas vraiment mais c’est une sorte de stimmung -j’ai adoré entendre quelqu’un dire ça à la radio hier soir, comme si de rien n’était – employer des mots -habitus- que seule comprend -stéréotype- une catégorie de la population, c’est un snobisme qui me donne envie de cogner) (d’ailleurs j’ai été voir »Les premiers les derniers » (Bouli Lanners, 2015 dont on avait assez aimé « Les géants » il y a quelques années) où A. Dupontel (première apparition sur mon écran personnel) flanque une bonne correction à un abruti (sous le lien, il y a lui et il y a le metteur en scène deuxième rôle), il y a aussi une assez longue apparition de Max von Sydow (l’exorciste du film de Friedkin-1973) un vrai acteur comme on les aime) (il tape quand même quatre vingt six) (ça ramène à ces histoires de travail qu’on exerce et qu’il nous faut bien exercer)

Le problème à résoudre, c’est que cette maison-ci n’est pas une résidence, et que, pour cette dernière, il me faut produire et concrétiser ce qui ne veut pas venir (les gens ne répondent pas : le mari de la bibliothécaire, le bibliothécaire de la catho, d’autres encore : cette façon qui oblige, dans ce monde, à arracher aux autres ce qu’on voudrait parce que, simplement, on y est attaché et que notre besoin a sur nous cet empire, cette obligation de se battre pour quelque chose qui, après tout, n’a pas tant d’implication que ça, pas plus, ça a quelque chose du gâchis, le temps presse et je n’ai aucune envie d’attendre encore qu’on veuille bien se donner la peine -ce n’en est pas une- de répondre).

Je fatigue, en effet.

Un billet sans humeur, le mois de février entamé, rien du côté du relogement, le livre de Virginia Woolf (que j’adore) (et le livre, et elle) « Une chambre à soi » de plus en plus d’actualité, j’écris la nuit, dans le salon, la maison dort, je vais me coucher, parfois je suis tellement fatigué, je regarde le vent souffler, au loin en arrivant dans cette petite ville normande s’étalait, sur le flanc d’un coteau, le cimetière, ce n’est pas que le cinéma n’apporte pas son content de plaisirs, non plus que la littérature ou les autres choses (la musique, les chansons, la musique me manque tellement, la vraie, celle jouée au fond du couloir…) qui aident à vivre et à savoir que la vie est belle, non, ce n’est pas ça, c’est juste que, quelquefois, il m’est plus ardu de me lever et de parcourir les rues à présent éloignées de celles que j’aime.

Je vais attendre.

Je vais stationner sur le quai, filmer l’arrivée, et boire un café. Après, le jour se lèvera (Jean Gabin, du haut de son sixième où il vient de flinguer Jules Berry (mon préféré français) en lui criant « tu vas la taire ta gueule ? Tu vas la taire  oui ?!!! (« Le jour se lève » Marcel Carné, 1939)

JG et JB

)

et acheter du mimosa, peut-être