maison(s)idéale

 

 

Il faut bien qu’on revienne, évidemment, pas nécessairement par le cinéma (l’été ne se prête pas aux films, les cinéphiles ne bronzent pas, haves, yeux fatigués, barbes et rides, ils ne considèrent pas le commun des mortels, des spectateurs, comme des objets dignes de quelque foi, ils vont, ils errent (certains à Venise sur le lido, d’autres à Locarno du moins ceux dont les finances le permettent) en ville…)

J’ai tout à l’heure cherché un film (aujourd’hui, il fait trente cinq et le parisien -comme la parisienne – sue), mais il n’y avait rien à mon goût, mon entendement, mon envie peut-être.
J’ai regardé sur le bureau (j’ai comme sale habitude de laisser traîner des images sur le bureau (je les prends dans le téléphone, je les remets de face, et j’attends qu’elles veuillent bien se prêter à un quelconque exercice)).

Cet été, il a été question de jardinage (couper des branches trop abondantes sur le cerisier, tailler des haies, ranger un peu le garage), et de trouver du bois pour l’hiver (mais je n’y vais guère en hiver). Cet été, après les vacances, on a donc continué à aménager la maison idéale (elle n’est témoin qu’ici, il faut que les choses évoluent, qu’elles vivent et continuent à embellir).

On a posé des chaises en osier au coin de la salle dans l’idée de la maison d’Erétria.

maison idéale 1

Dehors s’ouvraient les roses à nouveau (en spécial dédicace à Maryse Hache)

maison idéale 2

Lentement sur le devant de la maison poussait encore de l’herbe, comme à l’accoutumée. Verte, puis jaunie. On s’est promené, à travers champ pour trouver une sorte de raccourci pour ne pas suivre la grande route, on s’est perdu, on s’est retrouvé… La maison, il la faudrait à la campagne, il lui faudrait être au milieu des champs qu’on moissonne, il faudrait aussi qu’il y fasse parfois un vent doux, on aurait la joie d’y boire un verre à l’ombre, on lirait tranquillement quelque livre (l’été fut Modiano, mais en Grèce), on écouterait voler les hirondelles et le soir venu passerait à très basse altitude quelque chauve-souris myope ou bigleuse, il ferait tard et soir et doux encore, tomberait la nuit, on aurait tenté d’oublier les horreurs et quotidiennes les guerres et ce mon de réel, doucement sous un ciel profond et bleu, il ferait bon savoir que demain se lèverait un nouveau et beau jour

maison idéale 3

 

Les maisons qu’on visite en rêve sont habitations poétiques

/ corps, conques & contenants.
Les maisons qu’on visite en rêve sont habitations poétiques, présences induites, issues du paysage. Elles font corps avec le site et même, possiblement mouvantes, s’y adaptent en permanence. L’une d’elles était retranchée en fond de baie, contenue dans une anse, une anse elle-même comme un contenant, remplie et vidée par la mer. Tour à tour lagune et vasière. Limon, argile et sable, teintes ardoises et ocres, douces à l’œil. En dégradé de grains. De la poudre d’émeri au papier de verre. Ni galets secoués par les vagues, ni cailloux pointus de rivières. Cette seule surface tactile, et tout de suite après l’herbe en tapis dans un sous-bois de pins. La maison était là – nous le savions seulement mais sans l’apercevoir – associée au bois, faite de bois, s’accordant aux troncs. Visible essentiellement par la présence d’une terrasse où s’asseoir pour profiter du paysage dans lequel aucune verticalité ne semblait avoir capacité à se maintenir longtemps. Non pas hissée sur la plage mais posée sur le plat de l’anse. Annoncée par un plancher de pin d’où l’on percevait nettement les éléments du sol, dans la continuité d’autres lignes lointaines, d’autres surfaces, se répondant en plans qui se recouvrent. Affaires de niveaux. Plancher-plateau-paysage – vidé, empli, en nappes – d’où regarder approcher le trop plein de mer, cet envahissement au terme duquel il eut été facile d’imaginer l’habitation soulevée, flottante. Mais l’habitation avait disparu, s’était enfoncée dans la vase à la façon d’un coquillage – fermeture, retranchement – puis laissée recouvrir. Et tandis que mon regard flottait encore au-dessus de l’anse effacée par l’eau, une autre partie de moi enfermée dans l’abri, attendait de refaire surface pour découvrir, comme sur un campement provisoire, un paysage changé et neuf.

 

Virginie Gautier