/ corps, conques & contenants.
Les maisons qu’on visite en rêve sont habitations poétiques, présences induites, issues du paysage. Elles font corps avec le site et même, possiblement mouvantes, s’y adaptent en permanence. L’une d’elles était retranchée en fond de baie, contenue dans une anse, une anse elle-même comme un contenant, remplie et vidée par la mer. Tour à tour lagune et vasière. Limon, argile et sable, teintes ardoises et ocres, douces à l’œil. En dégradé de grains. De la poudre d’émeri au papier de verre. Ni galets secoués par les vagues, ni cailloux pointus de rivières. Cette seule surface tactile, et tout de suite après l’herbe en tapis dans un sous-bois de pins. La maison était là – nous le savions seulement mais sans l’apercevoir – associée au bois, faite de bois, s’accordant aux troncs. Visible essentiellement par la présence d’une terrasse où s’asseoir pour profiter du paysage dans lequel aucune verticalité ne semblait avoir capacité à se maintenir longtemps. Non pas hissée sur la plage mais posée sur le plat de l’anse. Annoncée par un plancher de pin d’où l’on percevait nettement les éléments du sol, dans la continuité d’autres lignes lointaines, d’autres surfaces, se répondant en plans qui se recouvrent. Affaires de niveaux. Plancher-plateau-paysage – vidé, empli, en nappes – d’où regarder approcher le trop plein de mer, cet envahissement au terme duquel il eut été facile d’imaginer l’habitation soulevée, flottante. Mais l’habitation avait disparu, s’était enfoncée dans la vase à la façon d’un coquillage – fermeture, retranchement – puis laissée recouvrir. Et tandis que mon regard flottait encore au-dessus de l’anse effacée par l’eau, une autre partie de moi enfermée dans l’abri, attendait de refaire surface pour découvrir, comme sur un campement provisoire, un paysage changé et neuf.
Virginie Gautier
et, moins soucieux ma propre verticalité, j’attendais de même.