on


Alors on ne sait pas si c’est le haut le bas de cette maison
Par exemple est-ce que c’est la cave par exemple
Par exemple le grenier par exemple un mauvais exemple qui suppose le surplomb
Tu m’étonnes le surplomb y’en a pas
Dégoûtés devant l’aéroport, nombreux, plus de mille à dire non
Pas à la cave ou il faudrait un soupirail périscope incliné vers le haut
>>> Pas regarder en bas
>>> En bas y’a la lagune de venise, l’homme qui se noie
Des fois cette maison s’assoie sur une chaise
Et la bande passante des passants autour
Mais elle assise immobile
Comme les trucages au cinéma, la foule galope et au milieu un-une ne bouge pas
Pas bouger
C’est peut-être une bonne idée par exemple
C’est peut-être pas une bonne idée par exemple
L’homme se noie on ne bouge pas
Au cinéma les trucages font voler voldemort d’un mur à l’autre
son visage sans visage
Dans la cave de la maison on voit bien les fictions et les visages sans nez voler d’un mur à l’autre le soupirail tinte
Ding fait le soupirail
Après ton coeur explose par exemple
Bouger pas bouger bouger dire non
Tu cherches le poème qui finit par
« nous creusâmes ensemble nos fosses pour la nuit »
Parce que dans ta cave de souvenirs ou ton grenier de tête c’est un poème qui dit prends-moi dans tes bras et qui dit nous sommes tristes si tristes si désespérés prends-moi dans tes bras qui disent non
Un grand oui ferait aussi bien l’affaire mais tu noteras que le son iiii qui finit oui se perd dans les ricanements voldemort
Et le bruit iiiiii des grilles ouvertes pour être refermées
Le oui, c’est si beau un oui, mais s’il est pris dans les grilles des lagunes, pris dans les cris des oubliées, c’est oublié
Et parapher des documents recouvre les oui aussi
Le non le son on de non peut durer plus longtemps comme un bourdon
Une basse
Sourde
Longue
Sans reprendre son souffle
Non
Tu dis non dans la fosse tu dis non dans la nuit
Ensuite tu jettes tout, par exemple tu exploses et tu cries prends-moi dans tes bras
Peut-être que ça fait impact
Peut-être que ça fait réverbération
Peut-être que pop’ pop’ des tas de petites fosses se creusent
Les gens se prennent dans les bras, dedans
Même sans virgule
Les gens se prennent dans les bras dedans
on non on le bourdon
Ensuite la maison récupère des visages d’hommes
Des visages de femmes
À tous les étages
>>> Et ils-elles disent
>>> Ou elles-ils disent
>>> Parce que le sujet commun à l’être humain peut pas être il – il masculin
>>> Ou alors on ? On dit on ? Alors on ?
Et plusieurs on dit non ce qui fait un son on allongé allongé allongé
Comme le poème du hareng saur facile à retrouver
La maison le retrouve
La maison l’accroche sur son mur
Il pend au bout du ficelle
on on on
Prends-moi dans tes bras le on
Retourne la lagune
<<< On entends « 20 000 euros une somme dérisoire »

on entend qu’il a détourné « 20 000 euros une somme dérisoire » et la vieille dame rue laitière marche avec ses espadrilles à semelles de corde tout l’hiver et le mot dérisoire la fouette pendant qu’elle marche les lanières du mot dérisoire fouette ses jambes >>>
Retourne le fouet des langues les fouets détournés des langues
Retourne ta langue de lagune morte ta langue de lagune noyée
Retourne ton ventre de paraphe au bas d’un document de ricanements
Retourne-le
Et dessine sur le blanc du mur maison un fil qui bouge immobile
Achève
Un fil’achève
Par exemple Lié à un grenier sans surplomb
Par exemple à une cave au soupirail qui résonne métal bref
Et si tu cherches la fin y’en a pas on en n’a pas on ne finit pas on ne finit rien on bourdon basse continue de on
Moteur de mobylette de on
Rage aussi longtemps que possible de on
On raconte que on
On implore que on
Chercher la bête
Avec de grands yeux noirs
Quand on l’aura trouvée on saura ce qu’il convient d’en faire et si à la cave par exemple on doit rester

Primus en Norvège

(quelle est donc cette façon de faire, de toujours rester accroché à quelque chose, qu’on aime, certes, mais qui n’est qu’une sorte d’habitude, qui ne vit que par soi, qui n’a pas d’autre ambition, d’autre but, d’autre fin ? A quoi est-ce que cela peut bien ressembler ? Impossible de trouver, sinon à de l’addiction, simple, comme celui qui a besoin de sa dose; le surmoi conquérant impose de continuer parce que on a commencé, et qu’on ne s’arrêtera pas; seul : Quichotte, mais Sancho Panza, son âne Rucio et sa Rossinante, Jules Maigret et sa femme à blanquette, ou Sherlock et son fidèle Watson – j’apprends que la réplique « alimentaire mon cher Watson » n’est jamais tombée de la bouche du détective violoniste et cocaïnomane – « élémentaire », non plus, t’inquiète ) (il ne fait aucun doute que ce film-ci, même s’il n’y a pas que le cinéma dans la vie, se trouvera dans la cuisine – et pas seulement du fait de la carte postale de L’aiR Nu) (à paraître) (ne suis-je qu’un héros de fiction et ne suis-je donc que cela ?) 

 

Le héros de ce film (« Bienvenus! » ou « Welcome in Norway« , 2016 ) se nomme Primus par une sorte d’antiphrase (interprété par l’acteur probablement fétiche du réalisateur, Anders Baasmo Christiansen) (le réalisateur se nomme Rune Denstad Langlo – je me documenterai pour savoir s’il s’agit de noms composés ou de deux prénoms, l’un figurant celui d’un père/aiëul/grand oncle par alliance – si quelqu’un passe et sait, qu’il-ou elle-m’informe…) : il n’est maître de rien, n’importe, il possède (venant d’un héritage, semble-t-il) un hôtel qu’il veut faire fructifier (l’hôtel reste à terminer) : l’Etat propose à ses administrés de financer l’accueil de réfugiés à hauteur de cent mille couronnes par tête (soit à peu près onze mille euros) et Primus en accueillera donc cinquante. Ils seront dans son hôtel comme chez eux du moment qu’ils effectuent les travaux, et que l’hôtel se trouve aux normes. Primus est assez raciste, en un sens, et pour lui il s’agit d’une affaire pour s’en tirer. Les hôtes arrivent : ils vient les chercher en bus à la gare…

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L’histoire rebondit (sa famille, sa femme, sa fille, tout ce joli monde vit dans le froid) (on l’a vue au 104 à Pantin), mais ce qu’on trouve de profondément différent c’est la place qu’occupent les femmes. Elles tiennent les commandes, d’une certaine manière. Ici, la policière et l’assistante sociale

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même à l’image, les hommes viennent ensuite (l’assistant social, l’hôtelier) :  un des réfugiés (qui n’a sans doute pas de papier) s’enfuit et tout le monde de le regarder faire (on ne peut pas l’attraper, il a passé une frontière communale…). C’est un film débonnaire, les enjeux sont de faire vivre ensemble une cinquantaine d’individus aux religions différentes (sinon antagonistes) dans un même lieu. Trois histoires se tissent, trois personnages les incarnent : ici Abedi (Olivier Mukuta)

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là Zoran (Sliman Dazi)

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enfin Mona (Elisar Sayegh)

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(à gauche, devant la femme – Hanni (Henriette Steenstrup) légèrement déprimée de Primus – et sa fille Oda (Ninni Bakke Kristiansen) qui veut mener sa vie et y parviendra sûrement). Trois personnages qu’on  suit dans les détours de l’histoire (un scénario structuré et serré), dont les destinées seront différentes, on s’en doute, mais on accepte de voir leurs façons d’agir tout en les partageant.

C’est burlesque, même si le sujet est grave. On rit, on s’amuse, on s’attend un peu à ce qui se passera, mais le plus important, c’est certainement qu’on dépassera sa peur de l’autre et des autres pour s’entraider : c’est sans complaisance et très sensible.

Ici Primus coupe des tranches de pain pour le buffet (à la scie circulaire…) (voilà pourquoi la cuisine)

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ailleurs il sera presque violé par la bibliothécaire (Line, alias Renate Reinsve

renate-reinsvequi elle aussi sait ce qu’elle veut), plus loin d’autres déploiements qui ne finissent ni en drame ni en tragédie (bien que la cruauté des diverses histoires affleure) mais donnent aux spectateurs du film un sens doux-amer mais tendre d’une sorte d’humanité où les religions, les couleurs de peau, les genres mêmes et surtout s’équivalent : l’important ne serait que des les unir… Lourde tâche cependant, mais probablement ici réussie.

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En tout cas, sans prétention, sans leçon à donner, assez comique et suffisamment profond pour faire réfléchir sur nos identités européennes (même si la Norvège, comme on sait, ne fait pas partie de l’union : mais, de cela, qui en a quelque chose à faire ? Pas les réfugiés, en tous cas…).

A voir.