Plus qu’à

Toutes les maisons témoins sont différentes, toit orange, jaune ou gris, une véranda ou pas, et les buis dans leurs pots ne sont pas disposés de la même manière.

Toutes les maisons témoins portent des noms, il suffit de feuilleter un catalogue : « maison individuelle Argus », « Sagesse », « Noctuelle pourpre », « Grand nacre », « Perle », « Labry »,  « Aurore azuré », « Ambiance », « Noir jaspée », « Histoire », « Jouvence », « Vert doré ».

Les visages du couple prêt à remplir la demande d’information sont souriants, incrédules.

_Grand nacre, chérie ? Crois-tu que c’est dans nos moyens ?

_Quelle sera notre vie en Noctuelle pourpre ?

_Ambiance possède des volets verts et une balançoire.

_Tu as vu cet onglet « qualités des maisons » ?

_Et celui d’à côté, « qualité du bâti »…

_Car ce n’est pas la même chose, une maison sans qualités peut être bâtie comme un pied.

_Ou le contraire.

_Dans la rubrique « Pourquoi construire ? », je note beaucoup d’avantages.

_Mais quand même un inconvénient : « L’architecture contemporaine peut parfois ne pas plaire à certaines personnes »

_Hum… « certaines personnes »… Ces gens-là ne sont pas comme nous. Certaines personnes sent l’anormal, l’inadapté. Ça frise le gauchiste, le révolutionnaire. Ça peut avoir des mœurs étranges, voire étrangères. Comme être homosexuel ou libanais.

_Ah, par exemple !

_Comment, en toute conscience, être certaines personnes ? Pourtant ce constructeur est magnanime. Il se penche sur leur cas. Il ne les ignore pas.

_C’est généreux.

_Il dit « Certaines personnes, chez nous, on s’en occupe, ne craignez rien. On les matera. On leur mettra deux buis en parallèle et à plusieurs endroits ».

_Comme tu y vas !

_C’est que je veux des voisins propres. Des voisins comme moi. Avec des volets bleus, des balançoires, des entrées de garage immaculées Perle ou Ambiance ou Noir jaspée.

_CONTACTEZ-NOUS… ?

_Plus qu’à cliquer.

maison témoin 1

 

 

similaire

De temps en temps il est nécessaire de rénover la maison témoin, de repeindre les murs, changer le papier peint et l’évier de la cuisine dont l’éclat s’est terni. C’est un passage obligé pour que le visiteur soient satisfait et choisisse d’investir dans une construction qui lui ressemble.

Les objets sont alors effacés. Ceux qui servaient à la décoration ne touchaient que la couche superficielle de nos désirs, ils ne portaient en eux aucune intention d’être portés, caressés, déplacés, envisagés avec tendresse.  Ils doivent disparaître sans marquer d’au revoir, aussi fugaces et élégants qu’ils sont venus,  copies de pensées affectueuses, de souvenirs, et les tableaux de liège étalent des photos de visages que l’on ne connaitra pas.

Sur le frigo de la cuisine qui offre aussi de l’eau et des glaçons à volonté, les post-it ne verront pas leur couleur passer sous la lumière, et les messages qu’ils portent, à ne pas oublier, n’entreront dans aucune mémoire.

On pourrait penser qu’ils vivent ailleurs, dans un monde parallèle, leurs injonctions ou leur mots doux. Mais c’est une fiction étrange. On se retourne et c’est nous qui passons de l’autre côté du mur, à la fois effacés et présents dans ce qu’on imagine qu’on pourrait dire ou faire, dans ce qui nous plairait de croire, de regarder. Un coup d’éponge et les peintres viennent modifier la couleur du salon pour, semble-t-il, accentuer cette sérénité que l’on cherche, une couleur d’absence (grise ? taupe ? bleue ?), et c’est comme un sommeil que l’on reprend après s’être tourné dans son lit.

Parfois, quelqu’un laisse un objet – c’est un enfant qui oublie un jouet, une femme stressée qui a posé ses clés sans les reprendre, un papier tombé d’une poche, un ticket de caisse ou un lettre qu’il aurait dû poster – et cela agit comme une lacération dans cet espace trop calme, c’est le surgissement d’un temps brutal qui fait désordre. Le similaire est une petite dictature paisible.

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vos désirs sont nos désirs

  

la lampe de l’entrée de la maison[s]témoin est un plafonnier, quatre spots chromés orientables, verre transparent, longueur 35 cm, largeur 35 cm, hauteur 18 cm, existe en bleu, rose, noir, gris argent, fabriqué à -chiffre suivi de plusieurs zéros- exemplaires

   la fenêtre de l’entrée de la maison[s]témoin est un œil de bœuf abattant, bois exotique, dormant de 46 cm, existe en bois, pvc, aluminium, fabriqué à -chiffre suivi de plusieurs zéros- exemplaires

   la vie dans l’entrée de la maison[s]témoin est un compromis, x avenirs chromés orientables, désirs transparents, langueur x cm, hâbleur x cm, horreur x cm, existe en bleu, rose, noir, gris argent, décuplée selon un -chiffre suivi de plusieurs zéros- exemplaires

  la rue qui passe devant de l’entrée de la maison[s]témoin est une avenue, quatre feux tricolores, verre coloré, rouge, orange, vert, longueur de macadam 70 000 cm, largeur 6000 cm, hauteur 00 cm, existe en noir, noir, gris anthracite, gris clair, état d’usage, fabriqué à -chiffre suivi de plusieurs zéros- exemplaires

   la lampe de l’entrée de la maison[s]témoin a été dessinée et nommée Ó par X, designer néo-zélandais fabriqué à 1 exemplaire travaillant à Amsterdam pour une entreprise suédoise spécialisée dans la conception et la vente de détail de mobilier et objets de décoration prêts à poser ou à monter en kit fabriqués à -c’est peu de le dire- exemplaires

  le kit de la maison[s]témoin est disponible, 16 agencements disponibles orientables avec frais supplémentaires, prix compétitifs, longueur plusieurs années, largeur dans les grandes, hauteur de l’endettement autour de la barre des 30%, existe en papier, 3D, pdf, fabriqué à -chiffre suivi de plusieurs zéros- exemplaires

   le carrelage de l’entrée de la maison[s]témoin est un carrelage d’intérieur aspect béton à effets grès cérame pleine masse couleur fonte surface lisse finition mate bords rectifiés pour joints fins, sueur, débris de verre, tache de sang, larmes, clés, poussière, traces de terre, cadavre de mouche et futur imaginaire non fournis, dimensions de chaque dalle 60 x 60 x 10, fabriquées en exemplaires multiples

   les mots ne sont que des mots, a-t-il dit (c’est un acteur)

 

étude préparatoire incomplète aux conclusions approximatives

En creusant les fondations de la maison[s]témoin, les vestiges de trois occupations pré et protohistoriques ont été mis en évidence, matérialisés par un fossé palissadé à multiples interruptions décrivant un tracé curviligne. Cette construction s’oriente est-sud-est. Dans le trou de poteau marquant l’angle nord-est a été déposé le crâne d’un ovi-capriné, sans doute un acte rituel.

Le mobilier céramique découvert, bien conservé, montre un élément orné d’une ligne d’impression réalisée à l’ongle. L’argile est noire, rehaussée de chevrons blancs sur un pourtour en forme de cloche inversée, typique des poteries de cette période.

À ce jour, aucune tombe, ni tumulus abritant un enterrement en position fœtale, n’ont été découverts. Les décrets et autorisations permettant la construction de la maison[s]témoin sur ce site ont donc été dûment signés et paraphés par les organismes idoines. On n’en saura pas davantage sur ce qui s’est passé sous la cuisine, la terrasse, le garage, mais on peut néanmoins conclure qu’il n’y a ni terrain vierge, ni page blanche, car elle se couvre de fils en réseau serré : des morceaux de céramique identiques (argile noire, traces d’ongle, chevrons blancs) ont été exhumés au sud du Portugal (Zambujal), sur les berges de la Vistule (Cracovie) et dans les îles Britanniques (Cornouailles).

note : les ossements d’un chien domestique, ainsi qu’une boîte contenant les restes d’un hérisson, trouvés sous quatre pierres plates, trop récents, ne seront pas mentionnés dans cet article. Leur description complète et non pertinente restera donc non rédigée.

cric

Le cric dans le garage est un cric fantôme, tout comme les livres fantômes du séjour, c’est qu’ici les perspectives sont inconscientes, elles frisent d’autres dimensions temporelles et gestuelles, et des silhouettes s’engouffrent. Tout à coup, tu les vois, dans le coin qui sert d’atelier, ces lignes qui cernent les outils, dénoncent ceux qui manquent (mais qu’est-ce qui ne manque pas dans la maison[s]témoin ? ce pourrait être le lieu même du manque, l’endroit exact où il est aspiré, et un tourbillon invisible, irréversible, happerait constamment vers son œil ce qui n’est plus de mise, plus atteignable, ici pas de trace de fuite d’huile sur le sol, seul le fantôme de son contour d’absence, et dans le vide de l’air, l’irisation d’essence, violet et jaune en dégradés).
L’odeur du citron synthétique lutte de toutes ses forces pour faire place nette et éradiquer ce magma. Mais il ne pourra rien, tu es entré avec tes ombres.

atelier

 

Voici

Le guitariste des pears 65 ans et sandy m 34 ans blessés par les déclarations se sont dit oui le 12 décembre dernier à londres une révélation totale le 28 janvier lorsqu’il débarque sur le tournage à chicago will obtient mais il semblerait une nomination aux oscars pour son rôle dans le film c’est éprpuisant que les folies du festival le couple ne soit déjà plus sur la même montre sa culotte longueur d’onde il est métamorphosé monstrueux décrit l’acteur phil dazzy ressemblait à une bête il avait les yeux pleins de rage parle de son anorexie avait pris beaucoup de kilos et se déplaçait difficilement le vice-président réfléchit à transformer l’affaire de la cocaïne en sitcom sa vrp1ie il ne décroche pas l’atout-charme le trophée denzel le remporte pour running mais il aura tout donné pour son personnage la figure légendaire si tout se passe bien je ne suis pas qu’un physique entre eux il apparaît lorsque l’on croise leurs interviews accusés que le musicien et sa femme n’ont pas exactement la même vision du futur vêtue d’une robe griffée elle déclare aider les gens c’est dans mon ADN il a osé en pleine tourmente depuis sa séparation d’avec taclée par les fans se passionne tristement les médias après son malaise et son hospitalisation ses anciens profs soulignent aussi ses facultés d’apprentissage et sa vivacitrp2é d’esprit peu de temps avant leur mariage la jolie jeune femme productrice de théâtre révélait dans la presse son désir d’enfant j’aimerais hésite mais pas tout de suite la prochaine étape on prendra un chiot groupe son étonnante transformation une sacrée différence d’âge drame elle ne compte pas quitter l’hexagone il y a un truc que les gens minimisent c’est le fait qu’être tout le temps à la télévision ne veut pas dire qu’on travaille tout le temps sans décocher quelques flèches trempées dans l’acide retourp3r gonflé hier c’est son poids que la belle a voulu partager sur instagram puisqu’elle pèse désormais de se lancer dans la restauration et décolleté plus particulièrement les bagels se lâchent à montpellier c’était horrible mais finalement on se demande si ce n’est pas plus une question de volonté que de possibilité.

Saisissez votre titre ici

Vous êtes entré dans l’entrée de la maison[s]témoin.

Vous avez poussé la porte de l’entrée de la maison[s]témoin avant d’entrer et vous avez noté sur le mur une petite fissure, extrêmement délicate, comme la coquille d’un œuf en train de se fendre.

Vous vous êtes dit que vous en parleriez plus tard à qui de droit, sachant pertinemment que vous oublieriez cette question, comme d’autres. D’ailleurs vous n’êtes pas certain de savoir qui est qui de droit, ni s’il est en capacité d’entendre.

L’entrée de la maison[s]témoin, hormis cette ligne de coquille d’œuf qui s’ouvre, vous semble vide, mais alourdie par une odeur de citron. Vous ne savez pas pourquoi, mais vous pensez que ce parfum d’agrume est particulièrement bien indiqué ici. Un parfum un peu aigre, un peu acidulé, un peu rafraichissant et un peu désolant de ne pas être naturel, mais assez entêtant pour savoir se mêler de poussière, de colle, de mastic, de peinture, de neuf, sans en être enseveli.

Sur le sol, vous notez qu’il y a, près de la butée de la porte, un éclat de plastique rouge, avec dans ses linules des restes de plâtre. C’est une cheville cassée en deux dans le sens de la longueur, oubliée par un ouvrier, puis négligée par la femme de ménage. Car c’est sûrement un ouvrier et une femme de ménage vous dites-vous, sans pourtant vous scandaliser, ou si peu. D’ailleurs, votre irritation ne changerait pas grand-chose. La femme et l’ouvrier ont disparu depuis assez longtemps pour ne plus être ni un ni une, ni l’un l’autre joignables, reconnaissables, ils pourraient marcher dans cette rue, derrière la porte de l’entrée de la maison[s]témoin, sans que vous le sachiez, ou prendre le bateau, se fondre dans une avenue, un souterrain de gare, un escalier roulant, ou chez eux éteignant la lumière, repliés sur une chaise à l’écart des fenêtres, compulsant des papiers ou se remémorant la veille, et choisir un ou une ne changera pas l’entité anonyme qui les grignote à petits coups de dents, finement, finit par les ronger, entièrement, on ne voit plus leurs visages, mâchoires, oreilles, cheveux, on ne voit plus leurs hésitations et leurs silences, on ne voit pas leur inexistence, seul un morceau de plastique rouge aux lignes hélicoïdales salies de blanc.
Il y a vraiment beaucoup d’espace dans cette entrée, et il est vide, pensez-vous encore.