Pour l’amour des images

 

 

Il est des choses qui me sont plus difficiles que d’autres (qu’à d’autres, tout autant) et parler de photographie (celles qui viennent sont – comme la plupart d’ailleurs – magiques) en fait partie : ça arrête le temps, ça propose quelque chose qu’on aime, ça intime de penser quelque chose de différent sur le monde tel qu’on le conçoit, qu’on le voit tous les jours  – évidemment, c’est la même chose, il n’y a pas deux réalités, évidemment.

Il y a là deux types (qui peut dire s’ils sont frères, amants, associés, collègues ennemis peut-être pas mais ce sont des semblables) et un miroir; c’est pris à la Guidecca (cette île en face des Zattere, dans l’ombre quand il fait soleil) par le type qu’on distingue dans l’image du miroir. C’est repris par moi, mais c’est l’Italie, ce sont des gens qui travaillent. Ils sont là, mais ce que j’aime c’est cette façon qu’a celui de gauche de tenir son poignet (il porte un bracelet montre comme son collègue, ils sont un peu chauves, ils sont en bras de chemise et c’est qu’il fait chaud à Venise, en été).

C’est parce que c’est Venise, certainement.

Ce sont les grèves qu’il y a eu, juste avant guerre ou juste après (je n’ai pas pris de note, je retournerai sur place, je verrai) mais ce qui est certain, c’est que c’est la grève. (il s’agit d’une photo intitulée  « Grève à la SNECMA-Kellerman » – du nom du boulevard où était située l’usine, datant de 1947 – add.01.10.18). Ce type, là, allume son clopo, derrière lui les déchets de sa machine (c’est sa machine, ça ne fait pas de doute), tourneur ajusteur quelque chose en usine, Panhard Levassor du quai de Javel ou Citroën quelque chose – mais comment il est vêtu, le brillant de ses chaussures, la propreté impeccable des piles de tambours probablement, tout le travail et le savoir faire, tout est là, la dignité du travail surtout. Comme pour elle, cette merveille (une histoire sur cette Rose Zehner, adorable)

elle revient informer ses collègues de la suite des négociations, elles vont entrer en grève (l’histoire dit que cette femme a vu le photographe – lui aussi, et dès après son cliché, il n’en pris qu’un, il a disparu – et l’a pris pour un flic) (la photo, une preuve, un alibi, un témoignage – à charge, à décharge ? je me souviens des clichés qui ne sont pas parus (mais qui ont été pris) de Lady Diana morte dans le souterrain de l’Alma) : on l’écoute, on suit son geste… Le travail, ses luttes, ses victoires

celle-ci, un meeting au vélodrome d’hiver, Paris 1 rue Nelaton, quinzième arrondissement  : la photo ne rend pas compte de l’entièreté des choses, mais elle en suggère bien d’autres. J’aime les regarder, mais en rendre compte avec d’autres photos est plus difficile – je n’y parviens pas, je n’ai pas de point, je n’ai pas d’appareil ou de technique, tant pis, ce ne sont que des sentiments, même si on sait que, parfois, évidemment, ils mentent

mais certainement pas devant ces sourires. Ni devant ceux-ci (on entend presque les mômes (ce sont des Napolitains, tu parles comme on les entend dans leur sabir…) demander au photographe si il veut leur photo)

de quoi j’me mêle ? (ce qui m’appelle, c’est celui qui porte une casquette, on dirait Paul Frankeur). Enfin, des images, des photos, des centaines je n’ai pas compté, je n’en ai pris qu’une petite dizaine, pour me souvenir (mais déjà, Willy Ronis, déjà, on en avait vu de nombreuses de lui, sur Belleville comme on y pense parfois).

On a commencé par Venise, on finit par Venise (le visage du vendeur est trouble, au loin il porte une moustache, mais c’est ma prise de vue qui défaille – en réalité (?) il a l’air assez surpris et peut-être même vindicatif – il n’aime pas qu’on lui tire le portrait (alors qu’il n’est qu’une infime partie de cette image magnifique, tellement années 50…)

 

Une exposition de photographies de Willy Ronis, entrée gratuite au carré Baudoin, en haut de la rue de Menilmontant, Paris 20 – fermée le dimanche…

Chanteur de charme

 

 

 

Un peu comme dans les livres de Philip Roth (qu’il repose en paix), il arrive qu’au cinéma (un peu aussi comme dans les Mille et une nuits) ce soit quelqu’un qui prenne la parole (et du même coup l’image) et nous raconte une histoire. Ici, il s’agit d’un jeune type réalisant – plus ou moins seul, apparemment : c’est une des failles du film – un portrait (documentaire ? fiction ? les acteurs jouent-ils ? les acteurs ne jouent-ils pas toujours quand ils sont à l’image ? comme nous tous ?) (que de questions, hein…) de son père – celui-ci ne sait pas être le père du jeune barbu mais ce sera caché, et ce sera l’une des grandes qualités du film ( qui n’en manque pas d’ailleurs). Il s’agit d’un vieil homme (dans les soixante quinze piges) (ça ne fait jamais que dix de plus que le rédacteur qui se sent dans la même position) un chanteur (on pourrait se souvenir « jme présente je m’appelle Henri (ici Guy)/ j’aimerai bien réussir ma vie être aimé é/é/é / être beau gagner de l’argent/puis surtout être intelligent « – stop !)

Années soixante dix :  on a souvent droit à quelques flash-back au temps où le type était une star (il y avait cette chanson, qui était-ce j’ai oublié mais ça va revenir « n’avoue jamais/jamais/jamais/jamais ») (le sarcasme sur la profondeur des paroles entonnées par les chanteurs de charme a bon dos) (Guy Mardel – bizarrement, le réalisateur qui tient le rôle principal ne le cite pas – c’est  pas gentil – mais est-ce que citer quelqu’un ressort de la gentillesse ? je ne sais) ici Guy et son attachée de presse sont au bar (elle, interprétée par Nicole Calfan, adorable : quarante ans de complicité)Des chansons (textes un peu idiots, mais l’amour ne l’est-ce pas aussi ?) (parfois ?) et ce type aux cheveux blancs qui montent des chevaux, en dépit de toute prudence vu son âge et son contrat, qui boit qui fume, qui vit : peu importe. Il chante et les gens sont heureux (les femmes aussi).

Des apparitions, des silhouettes peut-être: chanteuses (Dani), ou pas (Elodie Bouchez) chanteur (Julien Clerc splendide) présentateur (Michel Drucker) ou acteur dans un rôle (Nicole Ferroni parfaite) : on a l’impression de quelque chose d’artificiel, et ça l’est mais c’est aussi affectueux . Très (en entrée de billet : la photo de la mère du réalisateur, incarnée par Brigitte Roüan, magique). Il n’y a pas à geindre sur le passage des ans, mais « deux heures, paf » dit le chanteur, le temps d’un concert et évidemment, à nos âges, ça cogne.

Il fait bon ça se passe en partie dans le sud de la France (le type possède un mas, un cabanon amélioré – très amélioré), il y vit avec femme (Pascale Arbillot qui se défend : très juste) et chiens et chevaux, petite piscine, grands espaces… La tournée qu’on suit, les concerts qu’on traverse, la relation qui unit le père au fils (et bien sûr qu’on sait qu’il sait être le père de l’olibrius : et bien sûr que l’olibrius sait que son père finit par savoir), les repas, les loges, et puis le « tu étais très bien » du fils, vers la fin et le regard du père qui demande : « c’est vrai ? »…

Vraiment réussi.

 

 

 

Guy, un film de Alex Lutz (2018)

d’ici là

 

 

 

 

un type convoie dans son véhicule étudié pour des gens d’un point à un autre : ils sont handicapés, mentaux ou physiques, quelque chose les empêche, ils sont empêchés.

Le type est noir (il se nomme Koffi, il était à la projection du film ce jeudi, c’est son calme qui impressionne et sa gentillesse), il conduit les attache les fait descendre monter dans le petit camion, met la radio ou la coupe quand elle est trop intrusive (une bande son – alors on doit citer à qui elle est due : Tristan Pontécaille – on cite rarement les techniciens mais c’est une erreur, c’est le monde de l’illusion que de croire qu’un film a un auteur, ils sont nombreux et tous y travaillent – les coupures des sons quand on les aurait coupés nous mêmes : ce qui fait penser à cette série, la suite à six minutes de Christine Jeanney), conduit dans la ville (au fond de l’image la tour Eiffel tronquée par le brouillard)

(c’est Paris, début du tournage octobre 2015, fin sans doute vers mi-2017) (je suis passé par là avant hier,

et souvent je vais avec mon ami Chasse-Clou boire un verre au Carillon parce que c’est pas loin, et que cette proximité me (nous) fait prendre conscience de la réalité du monde, et de sa cruauté et de sa bêtise – mais aussi de l’amitié et de la joie, on y allait avant). Ces moments-là de la vie de la capitale et ensuite, les luttes contre la loi travail (ni loi, ni travail : cette abjection). Et la campagne électorale. Et le passage du temps, l’alacrité des regards, la tendresse des gestes, des sons de musique sans oublier que « le type était sourd quand il a écrit ça » : l’humour…

Et ceci écrit sur un mur (« l’obscurité de l’âme de celui qui s’agrippe à l’essence du passé « )

Un camion qui fait partie de ce qui, pour l’immonde, « coûte à la nation un pognon de dingue ».

Voilà tout, un moyen métrage (quarante cinq minutes), un cadre magnifique comme l’image qu’il borde, un scénario en acier (minimal, mais en acier), le film s’intitule « d’ici là », c’est une tentative certainement déjà aboutie de quelque chose qui existera on l’espère en salle (mais trois quarts d’heure, quel exploitant oserait ? et en combinaison avec quel autre ?), mais on en parle parce que ça existe. C’est coproduit par périphérie et subventionné par la Scam (brouillon d’un rêve – auquel les amis de l’Air Nu (j’en suis) avons prétendu sans y parvenir mais ça viendra), le CNC et la région (brrr) mais c’est écrit en images : une merveille.

 

« D’ici là » un film de Matthieu Dibelius.

Passage le 27 septembre à 16h15 à la Scam : 5, avenue Velasquez, Paris 8 – réservation obligatoire et impérative (ahah)  ici :

Réservation impérative à : cineastesenresidence@peripherie.asso.fr

 

Dans le brouillard

(on ne la voit guère, mais sur l’image ci-dessus, la jeune fille, Haemi, fait signe (de son bras, côté passager) à son ami Lee Jongsu (hors cadre : c’est ce qu’il voit) : elle et son ami Ben arrivent chez lui…)  

 

 

ça va se passer à la campagne (les maison(s)témoin de la campagne, je ne suis pas certain mais les lotissements qui viennent et mangent les abords de la ville, oui) (je ne suis pas sûr) depuis un moment le brouillard est tombé et le type court

on se demande pourquoi – il cherche des serres abandonnées, en plastique, auxquelles son contemporain nommé Ben dit qu’il aime mettre le feu (pourquoi ? pour s’amuser)

(ici, voici Ben) (la question en sous titre s’adresse à la jeune fille, Haemi) un type à l’aise financièrement – il conduit un petit coupé allemand carrera 4S – c’est une voiture qui vaut à peu près dix années de smic – et je me suis arrêté à ça (c’est un peu bête comme idée, mais il en est ainsi) l’homme conduit cette voiture il revient d’Afrique (le Kenya, je crois) en compagnie de cette jeune fille, Haemi, dont notre héros (celui qui court dans le brouillard) est amoureux

ici il est de dos (il se nomme Lee Jongsu), elle est de face, elle paraît plus jolie depuis, dit-elle, qu’elle est passée par le bistouri – alors il la trouvait « moche », quand ils se sont connus, dans la même petite ville de la campagne voilà quinze ans peut-être, mais à présent les choses ont changé – elle doit avoir un charme – c’est à peu près certain, elle en a – mais la voilà qui revient d’Afrique flanquée de ce Ben, riche, sympathique, gai, accueillant, simple : toutes les qualités… et voilà qu’ils viennent le trouver, lui, notre héros, dans sa campagne – ce sont des plans d’une grande beauté lorsqu’elle danse devant eux deux, puis tout à coup, elle se rassoit et s’endort… – tout comme elle disparaît tout à coup… Lui la cherche, court, se demande, mais plus que tout, il cherche quelque chose comme la vérité (où a-t-elle disparu ? est-ce Ben qui l’a perdue, enlevée brûlée vive ou pas ? endormie ? qu’en est-il de leurs relations, à elle, lui, Ben ? toutes sortes de questions inépuisables et justement, tout se trouve dans ces questions)

qui est-il, lui, pour la chercher ? Certes, il l’aime (ou le croit, ou le rêve) mais devant son rival (est-il bien un rival ? ou un ami ? un ennemi ? un double rêvé ?qui est-ce ?) il ne peut rien, ou presque… Mais je voudrais revenir surtout sur la scène finale, où le jeune Lee Jongsu passe devant la voiture qui flambe (et je voudrais revenir sur ce feu, ces flammes) pour me souvenir des formidables histoires qui courent sur le film « Le Guépard » (1) dans lequel Luchino Visconti demandait qu’on dépose dans les tiroirs des commodes du palais des Salina des dentelles, des vêtements de luxe, des chaussures, peut-être des parfums (toutes choses qu’on ne perçoit pas à l’écran, puisque c’est – comme on dit – du « cinéma ») et je me suis dit, reconnaissant le feu qui passe derrière les vitres du petit camion que Lee Jongsu conduit, nu semble-t-il, et laisse derrière lui – je me suis dit : « s’il s’agit d’un vrai feu, ce n’est pas celui de la carrera 4S de Ben » (ici une image d’une serre qui flambe)

vraiment, à l’écran… (mais ce n’est qu’un rêve d’enfant…)

Toute la différence est sans doute là : le cinéma, qu’est-ce que c’est ? Une illusion pour dire le vrai ? ou une vérité pour décrire le mensonge ? En tout cas, Haemi (la jeune fille qui disparaît) qu’on ne reverra plus garde, quelques temps encore après la fin du film, un charme presque inoubliable…

(me revient aussi ce qui se disait d’Andreï Tarkovski dans le Sacrifice où le plan – sublime – de l’incendie de la maison a été réalisé deux fois – à la fin de la deuxième reprise, l’équipe pleurait…)

 

Burning, un film (magnifique, cependant) de Lee Chang-dong (présenté au festival de Cannes en mai)

(1) Formidable livre que la biographie de Luchino Visconti, en folio (4891), par Laurence Schifano « Visconti, une vie exposée »

 

quelque chose se passe

 

 

Deux femmes dont l’une (Dolorès – en jaune photo d’entrée – Lola Duenas adorable – on l’avait déjà croisée dans « Les ogres » (Léa Fehner, 2014) , autre merveille d’un cinéma actuel et contemporain fait par des femmes) sauve la vie de l’autre (Irma, robe à fleurs, souriante – Bojena Horackova mélancolique mais qui revit) sont les premiers rôles d’une présentation du sud de la France comme il est – encore qu’il y ait, il me semble, assez peu de racisme (il semble aussi qu’en Provence Alpes Côte d’Azur, cependant, le vote pour l’ordure soit assez conséquent et les actes de racisme fréquents) – il s’agit sans doute, probablement, d’une idylle et d’un choix, d’un désir ou d’un fantasme : peu importe, il s’agit d’un film qui existe, et bien.

Bord de l’eau, Camargues, on reconnait cette espèce d’ambiance de vacances (mais on ne voit pas les flamands roses…), bien que les gens, tous les gens qu’on croise (qu’elles croisent aussi) travaillent : il s’agit de la présentation, fictive, documentaire, mixée des deux genres, d’une France qui (un peu comme dans « L’île au trésor » (Guillaume Brac, 2017, chroniquée en maison(s)témoin il y a peu) possède sa qualité première : accueillante, ouverte, gentille, généreuse… Hospitalière. Dolorès l’incarne, en quelque sorte

Irma plus sur la défensive (choquée par la vie, sans doute, sauvée des eaux, ressuscitée… )

amies à la vie à la mort, pratiquement : une relation affectueuse et simple – comme on les aime… Vivre, enfin :  travailler

aimer, manger boire et se reposer

danser

aimer

une réussite un espoir…

Un premier long métrage, un film de cinéma : l’une des qualités de ce film est de mettre en scène des femmes – la plupart des dialogues parlent au féminin – d’un certain âge – « quel âge tu me donnes ? » demande Dolorès – on répond 42 mais c’est plus – quant à Irma après cinquante ans, plus de boulot… et même si sans raison – mais c’est aussi la leur… – les esprits viennent là en début et fin de film, on s’attache à ces personnages, deux femmes sincères, drôles et vivantes.

 

Il se passe quelque chose, un film d’Anne Alix.

entre ciel et eau

 

 

des îles il y en a pas mal sur le plan d’eau – on fait un effort pour ne pas se croire en ville, ce n’est pas la mer, ce n’est pas l’océan, mais ça ne fait rien, on se baigne et il fait beau – la chance… des vues de haut

c’est une des dernières boucles de l’Oise, avant qu’elle n’aille rejoindre la Seine à Conflans

un paradis, mais d’un jour – baignades surveillées, accès sécurisés,  agents de sécurité – sans doute, quelque chose du contemporain, mais peu importe finalement, ce qui existe vraiment, c’est quelque chose comme une entente

si au loin est la ville

ici semble épargné – on joue, on chante

(un repas accompagné à l’accordéon, des gens, comme vous et moi) et de tous âges, on se promène on se baigne s’il fait beau, ici une mère et sa fille qui discutent de l’avenir (le son du film : une merveille de plus) (ajoutée à celle de la musique due à Yongjin Jeong : extra…)

il y a peut-être quarante petites histoires, les unes rapportées aux autres, les unes et les autres, jeunes vieux filles garçons des histoires, des gens des corps – ma préférée c’est celle du veilleur de nuit, rescapé in extremis, qui m’a fait penser à Doïsotievski, qui en réchappa in extremis aussi –  un petit train

rien, une petite fille qui regarde et le train qui roule : voilà tout, le soleil ou la pluie, une saison sur une île, on trouve parfois un cygne (ici c’est l’hiver)

pas mal de gens qui se marrent

un lieu, un territoire, quelque chose en ville, non loin tout au moins, tout le monde et n’importe qui, ça n’a pas d’importance, on est là et on vit, on se regarde et on se voit, on s’apprécie et on se sourit – ou pas – on s’amuse et on rit, à la nuit on s’en va, et quand l’été sera fini, on attendra (peut-être) le suivant, ici c’est l’automne sûrement

et puis il y aura sans doute l’hiver – on se promènera

le film, quant à lui, sera terminé, monté montré : splendide…

(les 4 dernières images : (c) Julien Vivet , recadrées, contrastées : bibi) (les 4 premières : issues d’une image de drone – via gsw)

L’île au trésor, un film documentaire de Guillaume Brac.

femme en guerre

 

 

Un film islandais (au vrai, islando-franco-ukrainien) – mais on aime les Islandais un peu comme on aime les Portugais pour leur 25 avril 1974 et leur révolution des oeillets, sans trop de sang, dont le déclenchement a eu lieu par la diffusion d’une chanson « Grandola, vila Morena » (écrite et mise en musique par Zeca Alfonso) une espèce d’hymne – et ici aussi, la musique joue un rôle dans l’image même (vraiment j’ai adoré).

Comédie, ou drame, admirable oui on s’en fout un peu : une femme est en guerre contre les ravages d’une usine d’aluminium. Elle se bat avec ses armes, et coupe le courant qui alimente l’usine (gauche cadre les étincelles qui font sauter les lignes)

et plus tard fera exploser un pylône convoyant l’électricité. Elle mène une lutte plutôt seule bien qu’elle trouve de l’aide auprès d’un présumé cousin qui lui prête par exemple une voiture (sur l’image, elle convoie des fleurs pour son cousin dans la voiture que celui-ci lui a prêtée une première fois (elle a caché au milieu de l’engrais – constitué de chiures de poules malodorantes –  les pains de semtex utilisés pour le dynamitage du pylône) (L’explosif est nommé d’après Semtín, une banlieue de Pardubice dans l’est de la Bohême. : j’adore ce genre de précision que nous apporte wikipédia)

: contrôle infructueux donc, par l’opération de l’engrais  naturel… Elle porte des fleurs à son présumé cousin, fait sauter le pylône, et se retrouve coincée malgré sa défense contre les drones de la police (elle porte là un masque en forme de Nelson Mandela) –

on ne nous donnera pas de recettes de cuisine pour manger sainement – tout ça devrait aller ensemble cependant – mais le film raconte une histoire d’entraide, salutaire et hors de nos frontières. On se souvient pourtant des démissions des banquiers véreux (il y a comme une espèce de lapalissade dans ce couple substantif qualificatif) et des politiques qui ne l’étaient pas moins il y a quelques temps dans ce pays, l’Islande donc. J’ai raconté l’histoire, mal, puisqu’il me reste une photo

notre héroïne dans un bains d’eau chaude propre à la régénérer avant d’être reconduite en ville par son (supposé) cousin (cachée sous des moutons…). Peu importe : il y a aussi un autre ami à elle, probablement assez espion, du ministère de l’intérieur si j’ai bien compris : à chacune de leur rencontre pour parler un peu de ses agissements à elle, ils isolent de concert leurs téléphones portables dans le freezer du réfrigérateur

mais ils ne mangent pas… Beaucoup de trouvailles de scénarios, tant et tant de choses encore – un choeur ukrainien, des enfants, des dessins, des animaux… – qui donnent au film tout un charme qui aide à supporter les avatars contemporains…

 

Woman at war, un film de Benedikt Erlingsson, avec au rôle principal (au vrai, double : vous verrez) Halldora Geirhardsdottir – formidablement drôle.

 

des photos d’amis

 

 

dans cette lointaine campagne (la maisons(s)témoin doit vivre, serait-elle éloignée de la ville inventée) (encore que cette injonction n’ait pas tant de nécessité que ça – sinon le désir qu’on en a) (les fleurs déjà

au loin les montagnes) il y eut cette fin d’hiver une exposition de photographies dues à Daniel Wallard (1913-1983) intitulée « l’ami photographe » (rétrospectivement j’en parle ici mais elle a fermé depuis le 3 juin) : elle illustre ses amitiés avec des gens qu’on aime, on en parle ici mais ils sont assez loin dans l’espace et le temps – on les aime toujours malgré leurs défauts qu’on pardonne (il en est d’autres à qui on ne pardonne pas, cependant) d’abord sans doute André Gide – sans image – et « Les faux monnayeurs », puis : je me souviens que dans mes premiers mois de vie à Paris – soixante quatorze – je prenais le métro pour lire (j’allais à La Motte Piquet-Grenelle pour prendre la direction de l’Etoile où je changeais pour prendre celle de Nation où je changeais pour prendre la direction de Denfert Rochereau, et poussant un peu, je changeais à La Motte-Piquet Grenelle) (le tour du monde, sur  les traces du Paris d’avant l’annexion) je lisais « Les voyageurs de l’Impériale » (et le reste du cycle)

(Louis Aragon, à droite, avec son pendentif en forme de montre – ou l’inverse) d’un des amis de Daniel Wallard, regardais lorsque le métro sortait cette ville désormais mienne (comme on y va, hein) alors que je ne faisais que lui appartenir pour les cinquante ou plus années à venir (le savais-je, l’ignorais-je, peu importe) (qu’en sais-je aujourd’hui, je l’ignore tout autant). Des amis de ce photographe, un autre que j’aime aussi est ce marchand (je ne le connais que d’avoir lu ce livre paru dans cette édition « mes galeries mes peintres » (il y allait aussi, tu remarqueras)) ami (entre tant d’autres) de Picasso

Daniel-Henry Kahnweiler (j’aime le foulard qui couvre la tête de la femme au deuxième plan – après les main appuyées sur la canne – et après la vie capturée de cet homme). Et puis aussi Marc Chagall

dont on aime tant les oeuvres et le sourire évidemment (cette histoire racontée par son fils : il va dans un restaurant avec son père, dans le quartier de l’opéra où il travaille, un type (peut-être un autre peintre) demande ce qu’il fait dans la vie, il répond « oh je repeins un plafond » et retourne à ses sardines (ou radis) beurre…) on a le droit de rire même dans le tragique, la vie traversée par ces gens, s’arrêter devant cette image magnifique

Fernand Léger de face et Blaise Cendras avec sa main gauche (années 1954 je pense) (il y aura d’autres images avec Fernand Léger, avec Emmanuelle Riva, avec Louis Pauwels ou Alexandre Calder, qu’il comptait parmi ses amis)  ici un des tableaux de Léger

quelque chose comme « les constructeurs » – la photographie, c’est se souvenir des belles choses… Et donc, cette petite maison dans le champ, au loin, pour se souvenir de la fin de l’hiver et du nouveau toit

et cette image du photographe devant une toile de son ami Léger (prise à Touques en 1957)

en entrée de billet, Elsa Triolet (qui fait penser à « La jetée  » de Chris Marker) qui tient le bras de son amoureux.

 

Les visages (Behnaz et Jafar)

 

 

 

Deux plans constituent le premier quart d’heure du film; l’un, cette jeune femme

qui veut devenir actrice – prétend-elle, ainsi que Pereira – qui se filme dans une grotte où elle va mettre en scène sa pendaison : la vie, sa vie ne peut plus durer si elle ne parvient pas à son désir (aller étudier à Téhéran la comédie) et elle demande à la star de l’aider à y parvenir en venant convaincre ses parents (quand j’écris star, je pense à Norma Jeane, et je me demande si, recevant ainsi un petit film d’une apprentie, mais bientôt concurrente quand même, elle aurait agi de la même manière – elle aurait demandé à Billy Wilder ou John Huston – non Billy, oui, Billy – de l’emmener aux frontières du Mexique pour retrouver cette jeune fille)

Le deuxième plan, sur la star (Behnaz Jafari, magnifique), qui regarde le petit film envoyé (l’esthétique de cette image – les trois quarts de l’image noire, une bande animée, contre plongée, jeune femme, bientôt le plafond de la grotte, la corde, la branche fichée dans un creux) dans la voiture, c’est le soir, c’est la nuit (alors j’apprends que Jafar Panahi, le réalisateur et acteur, est né à Mianeth, en Azerbaïdjan iranien – équidistance de Tabriz, 100 kilomètres peut-être au nord est, et Téhéran, cent kilomètres peut-être au sud-ouest), ils s’en sont allés tous les deux à la recherche de cette jeune fille.

« Le goût de la cerise » (Abbas Kiarostami, 1992) racontait aussi l’histoire d’un type qui veut se suicider (personne ne veut l’aider : c’est formellement interdit, le suicide, c’est vieux comme le monde…) : le suicide de la jeune fille (Marzyeh Rezaei) leur sera caché, il faudra enquêter. Arrivée au village

mais avant de passer le col, connaître le code

on le lui indique, on cherche à les aider parce qu’ils viennent de la ville : ils apportent certainement des faveurs du pouvoir central, ce sont des intellectuels (la pire des insultes : le qualificatif  « écervelée » pour dépeindre Marzyeh), des saltimbanques, des gens qui sont encore plus inférieurs que les inférieurs des inférieurs – ils ont du pouvoir, une voiture, une image : ils passent à la télévision… Non, la jeune fille n’est pas là. Au cimetière, cette merveille

allongée dans sa tombe (on rit un peu jaune quand même…) mais la jeune fille n’y est pas.

Il faut attendre, passer la nuit non loin de la maison d’une pestiférée (lépreuse peut-être, honnie en tout cas, laissée seule et abandonnée peut-être : elle était comédienne puis danseuse puis a vieilli et le shah étant foutu dehors, elle le fut tout autant…) Shahrzad (Kobra Saeedi) l’une des actrices les plus populaires du cinéma iranien d’avant la révolution (1978)

pour comprendre la condition de ceux qui tiennent à leur liberté.

Lui, le cinéaste, dort dans sa voiture : là-bas, dans la petite maison « minuscule » elles danseront. La plupart des comédiens sont dans leurs rôles (Jafar joue Jafar, Behnaz joue Behnaz, la vieille femme (donnons son nom : Fatemeh Ismaeilnejad) joue ce rôle-là, le (grâââve) frère de Marzyeh est joué par Mehdi Panahi… une affaire de famille, un groupe, qu’il faut soutenir. En parler, faire exister ce cinéma, iranien au plus haut, cette merveille : en maison(s)témoin oui.)

Un plan enfin, sans doute joli

de cette femme qui peint, de loin.

Et puis, pour la fin, (sous le lien le dossier de presse) il y aurait d’autres histoires à raconter (mais d’abord aller le voir) bien sûr, cette dernière, pour la fin : le voile blanc de la jeune fille qui va courir accompagner la star qui marche seule sur la route (cette reconnaissance et cet amour) et qui, la rejoignant, toute petite, bientôt elles disparaîtront derrière ce tournant (encore un plan séquence de peut-être six minutes – une merveille encore, mais le film en est plein – le cinéma comme on l’aime), et son voile a disparu, elle est, au loin, toute petite, avec son amie, marchant vers la suite de l’histoire.

 

 

Trois visages, un film (magnifique) de Jafar Panahi.

 

d’un voyage à l’autre

 

 

Les deux mille deux cents de Dreamland

(ici l’illustration proposée de l’image du jour 2200 : Sacramento)

 

Durant la durée d’activité qui m’échoie (pas mal, du temps à perdre ? non, mais du travail, et de l’accompagnement) il m’arrive de commenter des billets (j’aime assez, j’utilise un pseudonyme « bien franchouillard » – on m’en a déjà causé… – pour ce faire, sauf sur le réseau wtf social facebook) (car il existe des sites qui n’admettent point les commentaires) (c’est sans doute tant mieux, vu parfois les horreurs qui s’y déversent – j’en ai mon lot, mais continue à laisser cette éventualité ouverte – et merci aux commentateurs) mais ici, ce « voyage » de rêve compte près de 2200 étapes quand même (bravo !!!) encore que l’accumulation ne soit non plus gage de qualité (ici oui) il y avait un film (mais il n’y a pas que le cinéma dans la vie) qui avait pour titre « Je règle mon pas sur le(s) pas de mon père » (les parenthèses sont de moi) (Rémi Waterhouse, 1999) où le héros (incarné par Jean Yann) était dans un état déplorable ainsi que son fils (Guillaume Canet apprends-je in peto : j’ai toujours cru dans ma mémoire défaillante qu’il s’agissait de Mathieu Kassowitz – en même temps j’ai toujours cru que le film était dû à Bertrand Blier -tant que c’est pas Bernard… – on fait sa distribution comme on aime, aussi bien) (je m’égare) et donc pour fêter ce deux mille deux centième arrêt, toc quelques images de la suite donnée à certains de ces billets (je ne cherche pas, il faut suivre ces pérégrinations (lien sous bravo!!! encore) – aujourd’hui (5 juin 2018 où je compose pour la maison témoin de tout ça ce billet) on a droit à la villa de Landru (il se prénommait Désiré ce bougre de salopard) – où je déposerai taleur cette image

(ça se passe en Seine-et-Oise, et c’est presque un Rothko…) ce qu’il voyait – à peu près – sortant de chez lui, après en avoir fini avec ses manies…

Mais par ailleurs d’autres, des baies : ici Osaka (Japon)

là San Francisco

par ici Alger

toutes images dues au robot, une auto qui tire la langue (c’est aux Etats)

puis un félin (Osaka encore je crois bien)

des choses et d’autres, une image encadrée

des autochtones traversant la rue à Tokyo

villes ou campagnes

été ou hiver

et quoi d’autre encore ?

il est petit avec ses lunettes de soleil – puis un hôtel je ne sais plus exactement dans quel émirat arabe uni à d’autres – je ne sais plus

ou cette tour décadrée – mais non, c’était pour une occurrence – je ne sais plus très bien, peut-être bien liminaire –

des images comme s’il en pleuvait, des tours du monde, des idées d’ailleurs – le monde occidental plutôt, mais pas que – des illustrations de ce qui peut faire penser à autre chose (ça reste cependant, c’est là et ça a quelque chose de rampant, de fat tout autant, ces révolutions qui n’éclosent pas – c’est là, et puis ça s’épuise, c’est là et ça fermente) alors juste ce sourire, comme volé, ce voile, ce ciel bleu, cette vie et cet enfant décadré découpé sur son joli petit vélo bleu

et ces fleurs parce qu’on les aime

J’ajoute in extremis cette image de Lisbonne, le marquis de Pombal et son lion tandis qu’un avion…