des guerres

 

C’est un film nécessaire (on trouvera des théories qui en parlent ici), ardent et nerveux. J’ai pensé très souvent aux types (et aux femmes, mais je crois qu’elles étaient moins nombreuses mais elles sont évidemment là) de l’usine de pneus de Clairoix (c’est dans l’Oise, avant c’était Englebert, puis Uniroyal, pratiquement historique) ici c’est un Perrin, sous traitant automobile. Même histoire.

Longuement aussi à ceux de Good Year (ici aussi, édifiante constatation : mais des suicides des employés, qui en a quelque chose à faire ? T’en souvient-il de ce charmant dirigeant manager formidable en tous points qui parlait à ce sujet d’une mode dans l’entreprise qu’il avait l’honneur de diriger – lean management, quand tu les tiens… – c’était il n’y a pas dix ans). Et aussi à ceux de Lip, et à ceux de ce magnifique « L’usine de rien ».

Cette maison serait donc le témoin des conditions de travail iniques imposées par des hommes à d’autres hommes (et femmes, c’est entendu).

Souvent cadré au zoom (le flou des premiers plans), le film raconte cette histoire tragique d’un homme au service des autres, lâché par certains (on ne veut pas citer de nom mais les accords tenus par certains syndicats, comme la CFDT ne soyons pas chien, avec les tenants du pouvoir sont de ceux qui feront capoter toutes les luttes) et qui finit très mal.

Faut-il donc se battre pour les autres ou ne garder que son immense dégoût et le retourner contre soi ? La misère la tristesse le suicide…

Mais comme on sait jamais personne n’est responsable, et surtout pas l’Etat qui attribue ses aides – et personne non plus ne sera responsable de la sécurité sociale défaillante, de la formation détournée et des indemnités plafonnées du chômage, non plus que de la suppression de l’impôt sur la fortune ou de ce qui se nomme aujourd’hui tax exit. Nous l’avons élu.

On ne va pas baisser les bras, le 26 on descendra peut-être dans la rue (mais j’ai peur pour ma vie, simplement), le 26 de ce mois de mai. Avant hier aussi, ça n’a pas de rapport, évidemment non, un jeune type de 21 ans a vu sa main exploser avec la grenade dont il tentait de se débarrasser, c’était à Notre-Dame-des-Landes. Aucun rapport non plus avec Rémi Fraisse. Rien, non. Rien. On n’oublie rien. On ne baisse pas les bras, seulement avant d’avoir honte, on a peur…

 

les chevaux (2)

 

Voilà un moment qu’on n’est pas entré dans cette maison (« entre ici Jean Moulin », tsais) c’est que les ennuis techniques alliés des contretemps et des obligations ont posé des barrages difficilement surmontables (apparemment) mais ça n’empêche pas d’aller au cinéma. De un. Et puis une espèce de lassitude vis à vis des choses courantes aussi, la maladie quelque peu, le travail pour une part (Henry Miller  » qu’il aille au diable celui pour qui le travail n’est pas un plaisir »), la relecture, le journal, la perte de quelques objets (retrouvés pour la plupart) toutes sortes de choses qui arrivent, n’empêchent plus de dormir, mais affectent l’allant du rédacteur. En vrai,la fatigue. Mais les histoires aussi parfois peuvent aider à surmonter cet état de l’âme. De deux. Peut-être (écriture qui continue, photographies qui essayent), un brin de défaitisme pour la résidence de la Marsa, la vie continue et les voyages reprendront, je ne m’inquiète plus, juste quelque peines et nostalgies, une espèce d’impression d’un  joug si lourd pour tracter de si lourdes charges – cela changera. Trois. Ici donc à nouveau, une merveille – il en faut – et qui vient d’une femme – et c’est tant mieux – trop choqué des événements de Toronto : cent mille lieues de comprendre le chemin de certains, quelle honte…

 

Les précédents chevaux étaient géorgiens, imbus peut-être d’une sorte de spiritualité qui allait légèrement en biais (ah voilà, il y avait cette chanson texte Louis Aragon, musique et chant Jean Ferrat : « ce qu’on fait de vous hommes femmes… ») (« J’entends j’entends ») (c’est un peu loin, je reconnais) (je m’y perds à peine) (il s’agit plus de l’amble, et des coeurs qui battent ensemble dans cette configuration, il me semble) : avec les animaux (foin des spécistes, et autres végans à la mode), autres habitants du monde, cette sensation d’appartenir aussi au même. Ici aussi : les plus belle images sont celles de ce héros (Brady Jandreau, dans son propre rôle, comme tous les personnages de ce conte si réel) qui parle avec un cheval sauvage, l’apaise, mais le dresse… Au même monde, certes, mais la plus noble conquête de nous.

Hors champ, lorsque dans l’histoire cette bête se blesse, pour garder sa liberté, il faudra l’achever. Et c’est cette mort même qui a servi de point de départ au film (The Rider, Chloé Zhao, 2017, présenté à Cannes en 2017 à la quinzaine des réalisateurs) et de moteur : l’allégorie qu’emploie le jeune cow-boy, cette plume qu’il porte sur son chapeau, sa vie elle-même qui ne vaut plus d’être vécue s’il ne peut plus jouer sa partie au rodéo.

Un accident de rodéo, un de ses amis qui lui aussi s’est trouvé sous les sabots de celui qu’on voulait entraver – le rodéo, que je comprends aussi mal que le base ball, a cette caractéristique – à moins que ce ne soit une qualité – ou un défaut je ne sais pas bien – de faire surgir des affects puissants, un peu comme la boxe, en une mise en scène tragique du couple dominé/dominant que cherche à cacher, voiler, dissimuler la politesse, la société, la vie en société – une visite à l’hôpital où il se trouve, cet ami, et puis des tatouages, et puis des animaux qui vivent ainsi que des hommes et des femmes dans ces grandes étendues étazuniennes (Dakota je crois bien, je suis allé voir avec GSW mais j’ai des difficultés avec les machines, aujourd’hui : un autre jour, peut-être, je trouverai les lieux de tournages).

Mais surtout les liens de fraternité qui existent entre le héros, déchu soigné (la trentaines d’agrafes qui resserrent le cuir de son crâne…) rétabli mais non, incomplet, et sa soeur et son père : cette intimité qu’on voyait aussi dans le film précédent, la réalité de cet humanité, juste magnifiquement suggérée mais montrée. Un bonheur, un plaisir, une joie.

A ne pas manquer (ainsi que le précédent).

Chloé Zhao (déjà croisée ici pour son précédent, magnifique tout autant)

et Brady Jandreau (le bras de l’opérateur, Joshua James Richard; derrière l’ingénieur du son Wolf Synder – ici en lien, le dossier de presse du film – les films du Losange)

 

 

 

des affiches

 

 

 

on sacrifie à la mode de l’anniversaire, en un sens, avec deux affiches pour décorer un peu cette maison (vide) (il y avait cette chanson émise par Michel Polnareff « dans la maison vide » qui n’arrivait pas à la cheville de celle nommée « le château des Laze » diamants rubis topazes) (bah, aucun rapport, n’importe : illustration musicale peut-être) ces affiches datent des années claires dont on nous rebat déjà les oreilles, et les cinquante ans (ce qui ne nous rajeunit que peu). Celle-ci d’abord parce que d’actualité à Poitiers et à Toulouse

rien nulle part dans les journaux (je ne dois pas lire les bons, j’imagine) mais je m’interroge (ici, ailleurs), les choses se meuvent, les terreurs (je me souviens aussi, de l’assassinat de Martin Luther King, comme je vois celui de Marielle Franco, je repose ici une image d’elle pour ne pas oublier

selon toute vraisemblance assassinée par la police, quatre balles dans la tête) tu vois son sourire et l’humanité entière existe…

C’est l’état d’urgence ici, la Ligue des droits de l’homme a posé, je crois, quatre questions prioritaires de constitutionnalité sur cet état-là (le conseil en délibère et rendra son jugement le 29 mars) mais il me semble (je peux me tromper, je suis sans doute influencé par mon désir) que les choses ont un aspect particulier et dès demain, on manifeste déjà, puis les grèves des cheminots (ici une deuxième affiche de l’époque, que j’ai empruntée à « notre héroïne » de la Binaf – merci à elle)

on ne voit pas les choses bégayer, non, le contexte a changé, la liberté pourtant est vraiment menacée par la réaction dont l’incarnation hypocrite est bien au pouvoir, avec son costume cintré (cette histoire de costumes qui a mis à bas les prétentions de celui qui l’avait emporté et sur le droit dans ses bottes et sur le type encore en garde à vue à Nanterre, là maintenant au moment où je pose ces mots) et ses clins d’oeil entendus, cette entente avec la banque et l’omniprésence de l’entre-soi.

Ne pas lâcher, rien, et continuer, suivant ses moyens (pauvres, ici, comme il se doit), modestes mais tenaces.

 

 

Les poissons rouges

 

Comme il n’est pas question de laisser cette maison vide, on se résout à y déposer un billet – même si le film en question a quelque chose qui ne correspond pas vraiment à la passion qui peut animer le rédacteur pour le cinéma : ce n’est pas que le réalisme des faits soit mis en question; peut-être que le monde qu’il décrit est éloigné de celui dans lequel il vit. Il y a pourtant dans cette destination, ce pays, l’Iran, cette campagne et cette ville, quelque chose d’exact et de vrai. Les discussions qui ont lieu dans les voitures, les relations qui ne sont que d’intérêt, sans amour et sans compréhension sinon recours à la force, brute et aveugle, indiquent une disposition plutôt hargneuse et sauvage : il se peut que cette description soit la réalité de la vie. Je ne sais pas bien s’il s’agit d’une attitude franche contre le régime, ou d’une volonté de se montrer plus dur encore que l’acier tranchant dont on sent bien que l’Etat est fondé, bâti, constitué dans ce pays particulier. J’en ai peur, sans doute – mais dans cette circonstance, ici maintenant, regardant l’hypocrisie ambiante (celle de la tête de l’exécutif comme celle de ceux qui la servent), il se peut qu’il s’agisse d’une voie de recours. Le manque de sympathie fait trembler les certitudes, mais s’il n’y a qu’ainsi qu’on puisse survivre, peut-être faut-il s’y résoudre.  

 

 

Ca se passe en Iran, le type (jamais un sourire) vient d’ailleurs – on ne sait trop. Sa femme bosse dans une école, lui élève dans un paysage magnifiquedes poissons en eau douce (ce sont des poissons dont sont friands les Iraniens, sans doute à certaines fêtes – je ne me souviens plus exactement, il y a quelque chose comme un sens, un signe, un témoin de quelque chose). L’histoire commence par une aiguille pénétrant dans une pastèque : le type, en secret, fabrique une espèce d’alcool, cache ses fruits dans une trappe, arrivent deux types à moto : ils cherchent quelque chose (sans doute cet alcool) finissent par  lui confisquer son fusil ( la loi islamique, certainement : il faudra venir à la mosquée au besoin réclamer l’arme – c’est assez trouble).

Puis l’histoire suit son errance : le terrain est convoité par des édiles, il ne veut pas céder, l’eau dont il se sert lui est rationnée, sa femme tente d’intervenir

sans y parvenir… Il y a quelque chose de l’amour qui unit ces deux personnes (ils ont ensemble un fils) mais il y a surtout quelque chose qui les sépare (elle lui apporte son aide, mais lui n’en veut pas, quelque chose d’individuel et de sauvage aussi). Il faut qu’il paye, lui ne veut pas. L’eau de ses bassins où vivaient ses poissons rouges est empoisonnée, les poissons meurent… Il se réfugie dans une sorte de grotte, un bain d’eau chaude, il boit son alcool de pastèque

sans doute ourdit-il un plan dont il ne confie pas la teneur à sa femme. Simplement : il se batSeul. Contre tous, il vend son auto, paye, tente de surnager : non. Sa maison brûle…On se souvient de l’avant-dernier plan du film de Tarkovski « Sacrifice » cette merveille. Oui, on met le feu à sa maison (il a fait partir sa femme et son enfant chez son beau-frère, parce que se battre voilà le moteur). Il se batSeul. Conçoit, seul, sa façon, sa manière, sa victoire. Paye. S’allie. Et puis, et puis…Paysages magnifiques, villes et villages, villageois et vengeances, ce n’est pas qu’on ne le comprenne pas, simplement il est rattrapé par le reste du monde. Le film a obtenu le grand prix de la sélection « Un certain regard » à Cannes en 2017.

 

Un homme intègre, un film de Mohammad Rasoulof.

Lui : Reza Akhlaghirad; elle : Soudabeh Beizaee

Les chevaux

 

 

(c’est plutôt au grand air que ça se passe – en Asie centrale, loin – type cinq mille kilomètres à k’est d’ici, au nord de l’Inde comme à l’extrême ouest de la Chine, loin de tout semble-t-il, mais pas de la civilisation – celle de l’occident s’entend – on roule en quatre quatre quand on a des sous, on a des montres bling bling, on fait de la gymnastique dans sa salle de sport particulière…) ici les propiétaires

(le Kirghizistan, ex-république socialiste soviétique, indépendante depuis 1991) c’est l’histoire de ce type (on le surnomme Centaure) d’une cinquantaine d’années qui a épousé une jeunesse – elle est sourde et muette, elle s’exprime par signes, on lui écrit pour qu’elle comprenne aussi (encore que ce médium-là -l’écriture- exprime plutôt quelque chose comme la haine…) – ensemble ils ont un fils de cinq ans maintenant, qui ne dit mot. Ce n’est pas qu’il soit muet (enfin si) mais il ne parle pas, ce petit. Il fait beau, le père a cessé (on le saura au détour d’une phrase) son travail de projectionniste (il est incarné par le réalisateur) pour exercer celui de charpentier-maçon-ouvrier du bâtiment. C’est une belle histoire que celle de cet homme dont l’amour des chevaux est l’une des raisons de vivre (semble-t-il : c’est une allégorie, c’est que « le cheval est pour l’homme les ailes de la vie » – je ne suis pas sûr, mais c’est l’idée du proverbe kirghyze qu’on lit au début du film). Ici l’homme, suivi de sa femme, porte aux épaules leur enfant – ce sont aussi les amours de sa vie – ils vont de concert visiter une femme médecin – rebouteux, peut-être qui sait-, qui affirme que l’enfant peut parler.

L’homme emprunte les chevaux donc, ce qui fâche les propriétaires – ceux-ci se servent de ces chevaux pour concourir, parier, donner à ces chevauchées une raison d’argent, de gain, alors qu’il n’en est pas ainsi, les chevaux sont des envoyés des anciens pour nous guider sur un chemin de fraternité et de partage. Si on le surnomme Centaure c’est qu’il en est l’image : celle de l’affiche

C’est du cinéma comme on l’aime : le type se fait gauler, sa rédemption passe par sa conversion obligée à l’islam, on le rase on le rhabille l’oblige à assister à l’office mais non

là c’en est trop : la mosquée a pris la place de la salle de cinéma, mais reste le projecteur, reste le film

cette femme qui chevauche et croise cet homme

ils échangent sourires et plus certainement (sans doute est-ce un film de ce Tolomouch Okeev cité dans le film, je ne sais pas – en fait il s’agit du film titré « La pomme rouge », 1975 ) (on ne parle que d’amour…) le cinéma kirghyze, l’identité de ce peuple, dont on dit que ce sont ses femmes qui lui ont montré le chemin (en ce sens, tellement contemporain) et c’en est trop, il est banni, on le chasse du village…

Ici l’épilogue : le vol des chevaux…

Notre héros courra à sa propre perte en libérant des chevaux volés

mais on verra sa femme mais on verra son fils qui court sur le pont et chute

(comment ne pas voir dans cette image celle de ce petit Aylan sur la plage en Turquie, en septembre 2016 ?) mais il se relève pour crier « Papa!!! » dans les dernières images…

Que ce texte est plat… mais les images, ah ces images…

 

Centaure, un film de Aktan Arym Kubat.

 

Les animaux du zoo

 

 

la maison ((s)(témoin)) est située non loin d’un zoo, elle le jouxte sans doute, lequel est tenu et entretenu par un homme, sa fille, son fils, et sa compagne (qui n’est pas la mère des enfants – laquelle est morte dans des circonstances tues – elle n’est pas prénommée d’ailleurs – mais on peut la voir apparaître dans des images truquées – c’est bien le moins – du temps où ces enfants étaient petits). Il y a aussi un autre fils, le fameux Gaspard, qui rejoint le zoo et la tribu pour les nouvelles noces annoncées du père. Le film est produit par Agat films & cie (un collectif de huit producteurs) (auquel appartient Robert Guédiguian), une comédie peut-être fraîche et douce, assez exotique, qui ne craint de montrer la nudité ni des êtres ni des bêtes.

Au vrai, c’est que celles-ci et ceux-là vivent une entente, mais elle se meurt – rien à faire, la mise en presque prison d’animaux sauvages a quelque chose qui nous heurte à présent (c’est à peine si, de nos jours, on peut se laisser aller à manger un steak ou une volaille, je ne parle même pas du lapin ou du canard sans être traité de (je ne vais pas jusque nazi) tous les noms dont spéciste serait le plus indulgent – vegan quand tu nous tiens…) (pour ma part, c’est non)

C’est ainsi que l’explique le père Max (ici avec sa future épouse Peggy

(incarnée par Marina Foïs), le père lui par Johan Heldenbergh – je découvre qu’il a incarné un autre gardien de zoo, au côté de Jessica Chastain, couple qui sauva la vie à des centaines de Juifs de Pologne, lors de la dernière guerre mondiale, en les cachant dans son zoo, Jan Żabiński et son épouse Antonina) à ses enfants.

C’est la nuit américaine, ils les prend à part dans un champ, l’affaire est finie, les noces n’auront pas lieu, voilà, c’est tout.

Les enfants reviennent vers la maison

(l’image est un peu éclaircie) : au premier plan, Gaspard (Felix Moati – le fils à Serge oui – en plan américain), à gauche son frère Virgil (Guillaume Gouix), à droite sa soeur Coline (Christa Théret) vêtue d’une peau d’ourse. C’est la fin du zoo, c’est la fin de la jeunesse – de l’enfance – tout autant.

Il y a de la grâce chez ces acteurs (tous) mais les trois jeunes gens ont cette qualité, une scène lorsqu’ils préparent le mariage (ou alors n’est-ce qu’un repas, je ne sais plus) les montre dansant (c’est le mariage, puisque cette musique sur laquelle ils dansent est censée être celle des noces)

a quelque chose de subtil, et de simplement spontané (comme quoi – on imagine les heures de mise en place quand même – le cinéma n’est (pas) qu’une illusion, c’est pour ça qu’on l’aime aussi). L’amour qui lie les personnages est rassurant, rassérénant même s’il est parfois écorché. Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié le rôle tenu par Laetitia Dosch (elle incarne Laura) qui s’enchaîne à un rail au début du film (sans doute pour empêcher le passage d’un convoi : on ne sait pas exactement – j’ai traduit déchets atomiques) et qui s’y endort… Elle est réveillée libérée par Gaspard qui va au mariage, et lui propose de jouer le rôle de sa petite amie… A la fin du film, le cadeau de mariage (car il y aura noces -fatalement) seront ces menottes employées pour un autre usage…

Ce n’est pas que joli, mais ça a cette qualité (l’image fréquemment splendide, la qualité du jeu des acteurs, le scénario qui reste affable…)

 

Gaspard va au mariage, un film d’Antony Cordier.

trains

 

 

je ne me souviens plus pourtant ce n’était que voilà, peut-être, dix jours, il y avait un signalement sur ce réseau social de maçon, de la part de François Bon, lequel indiquait qu’une de ses relations de la villa Médicis des années quatre vingts si je me souviens quand même avait posté quelque chose sur un train et la ville de Valentine (ou alors j’ai inventé cette proximité). Le problème avec le rédacteur solitaire, c’est qu’il est curieux (il pose ici ce billet, tout autant pourrait-il le mettre ailleurs, chez lui ou dans un autre lieu encore – il est curieux, et réflexif). Je me suis dit tant qu’à faire, je vais aller voir – il y a sur le bord de cette route (ça se passe aux Etats) une wtf succursale d’un faiseur de prêt-à-porter (en plein désert : OSEF).

Valentine, Texas USA. Le rédacteur curieux et réflexif est aussi presque tout autant superstitieux : à peine arrivée sur les lieux, voilà ce qu’il trouve

un peu comme à la bibliothèque de New-York, ces deux félins en gardent l’entrée (#323)

zoom arrière, les grands espaces ?

continuons : sur cette route (numéro 90) en traverse cette petite contrée de Valentine (pour ne pas dire trou hein, comprends-moi bien) pour arriver en sortie (ou en entrée tout dépend, évidemment) à cette station service (ici photographiée en 2008)

et là en 2013 (à gauche, le drapeau (american stars and bars – les étoiles et les barres étazuniennes) flotte sur le bureau de poste)

augmenté donc d’une espèce de toiture en zinc (le drapeau flotte dans le vent, donc ou n’est-il que faux, comme sur la Lune en 69 ?) rougi de peinture qu’on aperçoit ici, bord cadre à gauche en bas, pour donner quelques indications de la topographie du lieu

ah non, on voit rien, pardon, sinon que la ville est faite autour de la voie de chemin de fer : on descend pour aller voir, on tombe immédiatement sur ça

(il ne fait pas de doute que, comme l’indique à un moment le chanceux Eric Guillard dans son « Ordre du jour », le rédacteur a quelque velléités d’amusement d’enfant ainsi que l’ordure Goering en sa cave, je ne sais plus où – jte parle même pas du reste que trimbale avec lui le train et ses wagons à bestiaux) (je mets un lien quand même) : ici le spécimen dispose de deux locomotives comme on voit, mais la longueur du bidule se borne à quelques 21 wagons

ce qui fait, malgré tout, assez peu

ça se termine là

avec ces deux tapis roulant à épandre (je suppose) le ballast.

Trop petit : il tient dans une image

: s’il fait deux cents mètres de long, c’est le bout du monde…

J’ai donc cherché un moment encore (car, de plus, je suis patient et je sais attendre) parcourant cette voie de chemin de fer des Etats-Unis d’Amérique (je pensais à Rockfeller, aux coolies et autres malheureux mortels dévolus à la construction d’un tel ouvrage) ici une vue pour appréhender et le désert et la route qui longe la voie ferrée

des paysages sans fin, immenses, la frontière de l’ouest

en bas, Valentine, au presque centre Van Horn, et vers le haut Sierra Bianca : entre les deux villes peut-être quatre vingt kilomètres, on approche de Sierra Blanca

enfin il faut s’approcher encore

et distinguer le bourg de Sierra Bianca, en bas, à droite, la route désormais numéro 10 qui longe la voie de chemin de fer – en haut, le mont Sierra Bianca ici capturé par une certaine Cecilia Marchan dit le robot

recadré par le rédacteur) on distingue peut-être les fils du télégraphe qui bordent aussi cette voie de chemin de fer, qui lors du léger infléchissement vers le nord fait découvrir ceci

un peu au delà de Etholen

on ne le distingue pas encore, mais sur celle-ci

il commence à apparaître (il ne tiendra pas dans une image, il compte plus de cent wagons, ce qui en fait un bazar de plus de deux kilomètres de long)

devant : trois locomotives tractent

à l’arrière une quatrième qui pousse

assez loin, il faut le reconnaître (ou alors est-ce l’inverse, trois qui poussent une qui tire ?)(ça m’étonnerait jte dirai) et entre ces moteurs, des wagons

des wagons

des wagons (on remonte)

encore (y’en a 103…)

et encore

pour finir

et sur le croisement de la route qu’on voit en haut de l’image précédente, celle d’un certain C. Marquez du train qui passe là

disproportionné, too big to fail ? Deux chauffeurs ? (la Bête humaine…) (Jean Renoir, 1938 – ou Milou, 1890). Je me disais, voyant le film d’Otto Preminger « Tempête à Washington » (Advise and consent, 1962) que j’étais plus habitué aux marques et objets étazuniens, et que de les voir en film ne m’inquiétait pas tellement (je les reconnais) mais qu’en revanche ceux d’autres pays… Le cinéma, les trains, les Etats-Unis… (l’histoire écrite par les vainqueurs, sans doute)

 

addenda : retrouvé, c’était à Marfa (au sud de Valentine, quarante bornes peut-être, Quebec puis Ryan par la 90); et l’artiste c’est François Delbecques)

Les loups

 

 

 

 

ça répond au mot de dégraissage (en anglais ça fait « lean »), il y a des officines sur les bords de la mer Noire je crois bien qui pour quelques centaines d’euros vous font profiter de leur savoir faire afin de vous ôter ces poignées d’amour ou plus qui affectent votre beauté supérieure – il y avait cette image magnifique d’un président svelte aux rames d’un canoë ou quelque chose, tu te souviens – et d’autres qui parviennent à truquer les photos évidemment, c’est plutôt une attitude qui veut tenir compte de l’apparence, comment est-on en photo?, c’est une question qui se pose ici, dans cette construction, cette maison, qui veut traiter des traces laissées dans l’imaginaire. Ce qui fait qu’on dit « lean management » c’est quand même plus agréable et plus clair. Il y a quelques semaines, avant Noël, un autre de cette classe avait fait parler de lui

il se trouve à droite sur cette image (les cours de bourse dégringolaient), une espèce d’enfant sage tandis que son collaborateur préféré fait le spectacle (on aime la pochette, la montre, les boutons de manchette, le noeud des cravates, l’air satisfait, à l’arrière plan, le cadreur télé). A cette occasion, j’avais pris quelques images sous prétexte de me souvenir de ce moment où celui-là fut foutu dehors

manque de cravate, je suppose, enfin remercié (on ne s’inquiète pas trop non plus pour lui), le sourire c’est quelque chose de magnifique et qui inspire la confiance, un peu comme le rire

la confiance et la joie – c’était le bon temps – ce sont les images qui circulent : ici on applaudit parce qu’on a foutu quelques centaines de paumés dehors, on dégraisse, on applique les recettes et les cours en bourse montent  –

ces gens-là savent s’amuser et sont particulièrement drôles, cet humour magnifique et un peu pince sans rire, tu comprends

oui, entre amis, les marques comme on les aime, l’avenir radieux, la hausse des cours en point de fuite… Et puis ce ne sont que des hommes, après tout (il y a peu de femmes, c’est vrai mais ça se trouve quand même) : un billet qui en traite, quelque chose de dégradant ou d’indigne. Lorsqu’il arrive  la tête de l’Etat, celui-là a aussi de grandes idées pour le patronat (son prédécesseur avait accompli ce merveilleux cadeau de 50 milliards d’euros à cette classe dirigeante dont on aperçoit ici deux des fleurons d’alors que le monde nous envie)

n’est-ce pas qu’on sent bien l’humour, la franche gaieté et la camaraderie sincère (et non pas la veulerie,  ni l’hypocrisie : l’accord dans le ton des tissus est à l’image de celui des idées), il y a ces ordonnances, cette loi travail ni loi ni travail, et on balance des hommes et des femmes dehors, on dégraisse, c’est ce qu’il faut faire. Arrivé en  2015 à la tête d’une enseigne dont le bénéfice bondit (ici à la présentation du bilan

– le type est content, ici en 2016, on le serait à moins : cinq cents personnes dégraissées), il aime foncer (on (enfin votre serviteur…) ne lui connait pas encore – comme certains s’en vantent – de jet privé (c’est certain) ou de yacht (c’est probable) amarré à Miami toute l’année pour quelques jours de balade en mer), et on entend ces cris de loups à présent. Voilà six mois (un peu comme un autre) qu’il a été nommé à la tête d’une enseigne plus importante (pensez, elle est cotée dans les quarante plus grosses), on apprend que ce seront deux mille quatre cents qui seront foutu dehors (non, pardon, remerciés, mis à la retraite anticipée, dans le cadre de départ volontaires, sans doute négociés, avec des conditions avantageuses et tout le barda qui va avec)

non, ça n’a rien à voir avec ces éclats de rire d’autres concurrents laissés en arrière (mais pourtant, quelle joie…!) restons calmes, pondérés et présentables

et heureux, en un mot entre amis…

Quel monde merveilleux…

Les Genove

 

(imagine-toi qu’il s’agit du billet 300, lequel s’intéresse à un livre porté sous le signe du 3 à la puissance quatre et au carré : c’est beau comme de l’antique) (j’en suis fort aise, mangeons maintenant) (y’a pas que le cinéma dans la vie, tu sais bien) (cet article est en WIP) (tu connais, travail en cours ?) (cet article est en TEC) 

Tout allant par neuf dans l’ouvroir, il se trouvera une neuvaine d’établissements recensés ici. On commence sans doute par l’un des plus petits en surface et grand en renommée (il faut dire que la cuisine qu’on y goûte est délicieuse : l’endroit est pris d’assaut dès onze heures, les fritures dévastées vers quatorze, fermé vers seize dans mon souvenir). Ici la spécialité de poulpe bouilli ((c) Daniele Pectini)

l’endroit se trouve sous les arcades du vieux port (via di Sottoripa, établissement Carega) « Pizze calde Farinate »

Une autre officine de cet ordre – vente à emporter, à manger sur place immédiatement et vite – on pense à Francis Lemarque qui vivait à la Varennes Saint-Hilaire, et venait à Paris par les quais de la Marne en mangeant des frites – se trouve du côté du marché oriental (manqué lors des visites) via San Vincenzo

ou de plus près

qui semble mieux (à vendre : tourtes aux légumes etc…) (torte, farinate).

Ensuite, on passe à table.

Dans le monument à Gênes dédié par Benoît Vincent intitulé GEnove ou GE9 comme on veut, composé de quatre vingt et un billets (l’intitulé des chapitres, c’est aussi comme on veut) on a gardé le 29, non parce qu’il débute en page 100 et finit en cent cinq, non plus à cause de la qualité de premier du quantième, mais parce qu’il traite de la cuisine de ce pays-là, Gênes, cette république maritime, cette ville magnifique, qu’on aime (on va y aller, ne t’en fais pas, on y va)

(ici le port et sa lanterne, au zoom pris de l’hôtel où on passait une première nuit, au dessus des voies de chemin de fer, mais bref) Ligurie quand tu nous tiens, le golfe, cette sauce à base de basilic, de pignon et de parmesan, mêlée aux trofie ou aux linguine (dont on apprend qu’elles peuvent s’intituler trenette ou bavette) dite pesto, on a recherché dans les images proposées par le robot les néons ou les façades des officines où l’auteur aime à se sustenter. Tout seigneur a ses premiers honneurs, je crois qu’il faut commencer par là

non loin de la pension où nous logions (Caffaro sixième étage et sa suite Napoléon), pour continuer par celle-ci, non moins célèbre

(peut-être assez surfaite), puis d’autres plus obscures

(d’autant que close au passage du robot) les trois fenêtres qui donne sur le port antique probablement, cette autre (magique je crois)

(je veux dire l’image)  (encore que pasto completo 10 euros non seulement ça rime mais en plus ce n’est pas trop onéreux) on mettra des italiques plus tard, on continue notre mise en ligne, toutes celles-ci sont en ville

(ici da Ugo) et dans la rue parallèle, plus au sud ce galion

défendu d’un carabinier (sans doute en faut-il ?) (encore que cette évocation dans cette ville-ci a quelque chose de tragiquement dégradant, tu sais, ni pardon ni oubli, non) mais se tient dans l’arrière-pays (on prend le train, en cette gare – je suppose

– Principe) et stop à Acquasanta pour trouver, non loin de l’église environnée de quelque court de tennis

le da Dria (la jolie résonance avec mon patronyme n’est pas pour rien dans la recherche obstinée menée pour la trouver jte dirai) dont la devise (« arborée fièrement » dixit BV) est ici reprise

(comme elle l’est dans les notes de colonnes de l’ouvrage qui nous a renseignés) ne peut qu’être de bon augure… Il me reste cette image (il m’en reste des centaines, mais elles me sont intérieures aussi) du palais blanc je crois de la rue Garibaldi pour me souvenir encore, et encore de cette merveilleuse étape

 Avec nos compliments pour ce merveilleux ouvrage (bon appétit, surtout).

 

« GEnove GE9 Villes épuisées » autoGEographie par Benoît Vincent, Le Nouvel Attila collection Othello, 2017

 

Les révoltés

 

 

passera comme dans un rêve (c’était un (morceau du) titre de livre qui a disparu dans la maison brûlée) : le film commence par la scène de lit (on pourrait décrire les films par leur prise de position dans le domaine du genre : scène de lit, repas; courir la nuit, se baigner, retrouver sa mère etc etc…) mais ce n’est pas lui rendre justice que de commencer ce billet par elle (elle est illustrative, probablement, quelque chose qui doit s’y trouver, qui s’y trouve, parce que la description qui va suivre tente de coller à la vraie vie) (je ne pose pas d’image de la femme de Zé – en quelque sorte, Zé (José Smith Vargas) est le personnage principal de l’histoire si on décide que l’usine ne l’est pas). Et finalement si (Carla Galvao)

il m’a semblé comprendre que l’enfant qu’elle avait n’était pas de Zé, mais ces deux-là sont assez amis

ici ils sont tous les deux sur un radeau sur le Tage – au fond, la ville blanche peut-être bien qu’on distingue le pont Vasco de Gama sur la gauche de cette image : ça se passe dans sa banlieue – le lieu est désaffecté, des ouvriers tentent de prendre leur vie en main, appropriation des moyens de production, on pense à celles et ceux de Lip ici (à l’image Herminio Amaro)

ils ne veulent simplement que continuer à faire vivre cette usine et vivre aussi par la même occasion, le début du film montre la tentative de soustraire à l’usine ses machines, comme on l’a vu cent fois, on pense aux Conti on pense à Goodyear, on pense que c’est tout simplement dégueulasse et qu’il faut se révolter, oui, mais on suit une narration fluide (Zé, Herminio et peut-être bien  Joachim Bichana Martins)

qui montre ces ouvriers arriver au siège social, désert, il ne reste qu’un vigile qui leur dit « restez si vous voulez, de toutes façons personne ne viendra » , il y aurait bien de quoi baisser les bras mais non, des ouvriers à l’écran c’est déjà suffisamment rare ( on se souvient quand même du Voleur de bicyclette (Vittorio de Sica, 1948) là aussi, un prolo) (on pense à « La classe ouvrière va au paradis » autre merveille italienne (Elio Petri, 1971)) c’est suffisamment rare pour être souligné et soutenu parce qu’ils sont vivants et que c’est là-bas que le travail a commencé, trois heures avec eux, à sauver l’usine, à tenter de vouloir la faire fonctionner, à faire grève parce que c’est la seule solution, et puis et puis passer le temps

une séquence formidable avec des autruches

une autre en forme de comédie musicale

vivante, drôle, acerbe, parfois cruelle, Zé se retrouve peut-être bien seul, est-ce la vie, une espèce d’écho de quelque chose qui est en train de se passer (les difficultés du Portugal d’aujourd’hui, comme celles de la Grèce – j’euphémise, il la faut bien – que faire contre le système qui nous broie, nous isole, nous monte les uns contre les autres ?), comme on aime le pays, son âme et qu’on ne voudrait pas que ça disparaisse…

 

L’usine de rien, un film magnifique, collectif et portugais, réalisé par  Pedro Pinho.