rêve américain

 

 

C’est un peu l’histoire du rêve américain – c’est à dire que c’est rêvé par des américains (étazuniens, surtout) il y a à voir avec cet autre film  : en réalité, le scénario se compose de la même manière – le van est un des personnages mais loin d’être le principal – une camionnette qui transporte des personnes handicapées

d’un endroit à un autre d’une ville de province – on ne sait pas bien ce que ça peut être, la province des États-Unis mais c’est qu’il y a trop de capitales sans doute – je suppose – alors disons qu’on recommencerait comme « c’est l’histoire d’un type qui conduit une camionnette »

et ce serait suffisant (le type Vic, interprété par  Chris Galust). On appartient à l’histoire, et on la suit.  Il y a son grand-père gentil mais un peu fou, il y a la soeur de Vic aussi

il y a leur mère musicienne, qui donne (ce sera le soir) un concert dans son appartement, il y a les gens de l’établissement où vit le grand-père (l’une d’entre celles et ceux-ci est décédée, Lilya, il faut aller à son enterrement)

il y a les gens qu’il faut convoyer – une jeune femme assez obèse qui va chanter dans un concours « ‘Rock around the clock », une autre jeune fille handicapée

noire

qui doit aller quelque part, qui est évidemment comme tout le monde, en retard et puis d’autres encore – je ne sais plus exactement – mais arrive le neveu de la Lilya

qui est morte, qu’on va enterrer qui vient assister à l’enterrement – et tout ce beau monde est embarqué à cent à l’heure…

C’est un  peu le rêve américain – on aime cette nation, on vient d’ailleurs pour la plupart de Russie (les gens qui vivent dans le même immeuble que le grand-père) et on dispose d’une âme slave (je me souviens de cette chanson, je me souviens de Jacques Higelin qui la chantait, je me souviens) et donc on chante – on s’est trompé de tombe

tant pis on change et on chante, on chante et c’est l’hiver, il a neigé, il fait un froid de gueux, elle est enterrée, Lilya.  Le rêve américain, c’est aussi pas mal les Noirs – la famille de cette jeune fille (Tracy  dans le film, interprétée par Lauren »Lolo »Spencer)

qui a apporté à son boyfriend (son ami de coeur) un carton qu’il ne prendra pas et un cadeau d’anniversaire – un sabre japonais dans son étui – qu’il ne prendra pas non plus, cette jeune fille dont le frère fait partie d’un groupe de rap – ils chanteront un morceau a capella – il y a des gens qui travaillent et qui chantent

la jeune fille participe à son concours, on chante – des gens rient, des gens dansent…

C’est un peu comme on aimerait que soit le rêve américain : les choses s’arrangent toujours – un peu de bric ici, un peu de broc là – on déménagera pour le concert un canapé, à pied, loin, on s’assiéra dedans fumer une cigarette au bord de la route, il neige c’est bientôt la fin de l’après midi, on a été chercher les clés de l’appartement de Lilya, puisqu’elle est morte, il faut qu’on boive qu’on mange et qu’on chante – on ne peut pas, non impossible d’avoir les clés, non : son neveu charme la gardienne agent de sécurité, il lui parle gentiment, elle l’écoute finit par sourire – on va aller boire, tous ensemble – on va rire aussi

c’est vraiment le bazar

on partira ensuite, on s’en ira écouter le concert, on reviendra ici, là ailleurs – ce sera la nuit : chez la jeune fille noire, le groupe de jeunes gens rappeurs se sont fait prendre, ils sont au commissariat, il faut aller délivrer le frère, mille dollars, on les emprunte ici, on les trouvera là (la mère les a planqué dans le canapé,le canapé n’est plus là…)  et puis et puis une séquence endiablée

(en noir et blanc)

on se bat

on se bat – terrible séquence… L’Amérique (les États, plutôt)si elle était comme elle nous est montrée là, comme elle est et devrait être, c’est ainsi qu’on l’aimerait…

Je ne raconte pas tout, évidemment, les images sont fixes, le texte est ce qu’il est – mais dans tous les sens, partout, tout le temps, cet amour immodéré pour les gens,ce qu’ils sont simplement (il y a surtout – ça ouvre et ferme le film – ce dialogue où Vic ne dit rien, mais c’est un dialogue, avec un de ses amis – cigarette simples mots : for-mi-da-ble.

C’est la nuit

c’est l’hiver

il fait un froid de gueux, ce sont les rues d’une ville de province, parcourues à tombeau ouvert par une camionnette qui sert au transport des handicapés – un peu comme dans ce film, là, qui était tellement bien… Ici aussi, tellement bien, c’est la nuit, il fait froid, c’est un peu un rêve américain

 

Give me Liberty, un film (extra) de Kyrill Mikhanovski.

 

allez allez

en fait l’idée c’est de faire ce que l’on fait
avec plus ou moins de bonheur
plus ou moins de chance
plus ou moins de sérénité et de ténacité
plus ou moins de questionnements
sans oublier que nous ne sommes pas des îlots ou des gardiens de phare, faire c’est aussi regarder ce que font les autres avec plus ou moins de hardiesse, plus ou moins de vilenie, plus ou moins d’âpreté, plus ou moins de courage et/ou de cohérence
le faire des autres vient heurter s’engouffrer s’insinuer saupoudrer pénétrer notre faire à nous
et c’est ce qu’on garde de ces poudres de ces poteaux ou ces tenailles qui compte
par exemple j’ai lu cet homme qui dénonce ceux qui sont fiers de leur hideur
j’ai vu ces sit-in
ces armes maniées à la cow-boys
ces pelleteuses que des bras sans force repoussent, bras accablés
ces têtes hautes qui refusent de s’asseoir au fond du bus, qui refusent que les noyés se noient
faire, ce n’est pas difficile
faire, c’est impossible
c’est entre ces deux plateaux de la balance que son propre visage se sculpte en trois dimensions
et dans ce faire il y a aussi l’insu
ce qui survient et n’était pas prévu
parler de cinéma, ce n’est pas parler de cinéma, c’est parler des gens de comment ils vivent de comment ils sont vus de comment ils se voient de ce qui est proposé dans le faire
on peut se placer en vigie
on regarde ou on tourne les yeux
on fait comme ça nous chante
et parce qu’on fait ce qui nous chante ça sonnera toujours assez juste
(l’idée)
parce que les idées, ce ne sont pas des concepts, ce sont des corps
les rêves de piscines vides n’existent pas
ou bien c’est que les boutiquiers ont gagné ?
les boutiquiers à cols blancs dont les suv possèdent un pare-chocs anti rhinocéros en centre-ville ?
non les rêves de piscines vides n’existent pas
hop
inutiles
et déjà envolés
allez allez, ne traîne pas dit la voix, tout va bien

or, zen, futé

tout près de la maison[s]témoin il y a un grand parking avec souvent un bus garé, son moteur tourne au ralenti – puis on longe l’eau jusqu’au pont, à cet endroit où passent la voie rapide et les pistes cyclables

en contrebas poussent des arums sauvages, ça fait du bien de voir leur grandes vasques blanches qui dénotent dans tout ce vert sombre, du bien aussi de prononcer leur nom arôme, un nom-parfum

on traverse en s’éloignant des files de voitures, on passe un portique de fer qui tourne sur lui-même, et c’est encore assez urbain – il y a des poubelles, un hôtel à insectes aux pans de bois si bien rangés, si bien vernis, qu’un insecte n’oserait pas s’installer – on suit le ponton lancé par-dessus la zone marécageuse – de grandes tiges dépassent, parfois un iris jaune tout déplumé – et puis ça tonitrune, les grenouilles sont petites mais elles font plus de bruit que cent — à peine quinze –, leurs jambes élastiques fendent les lentilles d’eau, leurs yeux roulent pendant leur spectacle, performance : parce qu’elles s’observent l’une l’autre, elles font tout, l’artiste et le public

avant la voie de chemin de fer on tourne – c’est un sentier, de l’herbe, des boutons d’or, et ça s’ensauvagise – on marche et bientôt ça retourne sur soi, on revient vers la ville en longeant l’autre parking et le garage – il y a de grands drapeaux, OR, ZEN, FUTÉ, des occasions à ce qu’il paraît, qui pourrait croire que l’or, le zen et le futé scient les planches du radeau sur lequel on se tient serrés (il est possible qu’on coule)

on reprend le portique et on retrouve le bus à l’identique, son moteur allumé que des fleurs tricolores respirent – on se dit c’est dommage : comme l’anxiété du pipi jaune dans les piscines qui se verrait tandis qu’on nage, il faudrait des fumées colorées sur le cul des voitures, des jaunes, des brunes, des écarlates – les bleues seraient acides, les vertes et les violettes les plus nocives puisque, c’est bien connu, ce sont les couleurs du poison

on se mêle aux touristes, on les entend parler anglais, allemand ou norvégien, à ça qu’on les reconnait, et puis aux appareils photos avec leurs zooms si longs qu’ils  les déséquilibrent – on pense à cette amie qui s’est acheté une canne et marche sans doute comme oscar wilde, aussi élégamment, parce qu’elle est élégante, du dedans, du dehors tout autant (mais on ne sait pas si la comparaison lui va)

on rentre à la maison (témoin) – on se demande où se trouvent ses archives car le grenier a l’air bien vide et bien propret – on se demande ce qui sera archivé, et qui nous archivera dans les fumées

des hommes se serrent les mains, se congratulent, ils s’applaudissent avant d’entonner l’hymne de la fierté et du costume amidonné – on distribue des points – on fait « voir », « plus d’infos » et « ajouter à ma playlist » – on tousse – on écoute le silence qui dure plus qu’une minute, par respect – les tiges de myosotis résistent au vent, et le banc est repeint – BFMtv répond à toutes les questions : « Révélations ce soir. Saisissez l’opportunité. Ensemble. C’est là que ça se passe. Allez, c’est parti. Partagez vos bons moments. Maîtrisez votre trajectoire. Dans la vie on ne devrait pas avoir à faire de compromis. Terminus dans trente minutes. C’est en suivant ses rêves que l’on trace sa propre route. Profitez de facilités pour le transport. Nous partageons le même amour de la liberté. C’est bientôt l’heure. L’heure des comptes. Mais je vous interromps, vous imaginez ? C’est la réalité. C’est compliqué. »

 

sur le trottoir devant la maison[s]témoin

J’aimerais vous donner de ses nouvelles, clairement, je ne sais pas. Sa présence ne passait pas inaperçue. Voilà, et vous savez la suite. Il parlait de rien. Lui était médecin et il savait, à la visite d’embauche il aurait pu dire. Jamais on s’est posé la question de la visite inverse. La réponse était inapte. L’usine de la honte. L’usine cercueil. Essentiellement des femmes. Les gens qui habitaient dans la rue sont morts. Non lieu. Il n’y a même pas matière à instruire ou à juger. Dans cette rue y’avait les abattoirs, la spa et l’assédic. Maintenant ils ont mis des sdf. C’est pour dire la vocation de cette rue. Avant c’était une rue ouvrière. Y’avait les grèves, des distribution de tracts. Maintenant y’a quelques entrepôts, c’est des bureaux, artisan du placard, expertise-comptabilité, ils ont acheté ça pas cher. Là où y’a écrit horizon, moi j’ai commencé à travailler là, là où c’est marqué horizon. Le dernier pdg il travaillait là. Avant c’est son père qui était pdg. C’est des verrières. On n’a pas besoin de faire de fenêtres pour les ouvriers, sinon ça les distrairait. C’est la poésie patronale. Mon père avait été licencié comme syndicaliste, je pouvais plus aller à l’école, je suis venue et on m’a embauchée. On rentrait là. À côté y’avait la filature et en haut c’était le filage tressage. Il faisait tellement chaud, ça tapait on demandait au chef de peindre en bleu pour filtrer les rayons du soleil, on prenait les bobines et on les balançait sur les verrières, on les cassait alors ils venaient et ils peignaient. Y’avait des machines qui brasaient partout, vers chaque machine y’avait un nuage de poussière. C’était une atmosphère irrespirable. C’était une machine qui faisait une tresse, une gaine, la machine y’avait un tapis, ça faisait une mèche, on n’avait ni masque ni gant. Toutes les femmes en blouses de nylon, parce qu’en coton ça se collait dessus. On en avait dans les cheveux, les oreilles. Les médecins anesthésient les gens. Y’avait peut-être vingt-cinq navettes qui tapaient tapaient, ça faisait un bruit infernal tout le temps. Au début je venais pour gagner ma vie après je venais pour faire la syndicaliste. Le seul problème qu’on posait pas c’est celui qu’on savait pas. Entre gêné et empoissonné, c’est pas la même chose. Elle respirait pas bien ou elle toussait? On se disait c’est de la poussière. Aucune poussière n’est bonne. On se disait ça se saurait. On voyait des gens qui mourraient mais le lien était jamais fait. Il est mort de façon très rapide. La direction devait s’employer justement à dire ils fument ils boivent ils s’abîment la santé eux-mêmes, les mineurs crachaient leur poumons, les gars du bâtiment dégringolaient des échafaudages, c’est la condition minimum. Ce qui me tracasse beaucoup, c’est peut-être que ça se réveille. Le jour où ils ont annoncé la fermeture les gens étaient désespérés, j’ai demandé d’être entendue, on est rentré tous dans le grand bureau, il était là, elles ont commencé à dire c’est une honte, ce qu’on dit quand on est jeté à la rue et lui il était très surpris, il nous regardait d’un air détaché, y’avait une part d’indifférence, peut-être presque d’indifférence de naissance. C’est le dernier cliché que j’ai. Moteur.

Je suis arrivé tout début janvier. J’ai découvert le site, c’était le moyen âge. Y’avait de la poussière qui était là depuis quarante ans. Au bout des six mois, il avait rien fait, il fallait arrêter toute l’usine. Quels travaux. L’expert a mis huit mois pour faire le voyage, huit mois pour faire son rapport, en tout deux ans. Le pdg a déposé son bilan. Entre nous je crois que la faillite est arrivée au bon moment. Il savait très bien que c’était excessivement dangereux. C’est scandaleux. Ils ont bénéficié de ces experts, de ces médecins qui venaient dire que c’était pas dangereux. Le fils, quand il a pris l’affaire il savait très bien tout ce qu’il fallait faire, il savait.

Nous faisons partie de votre héritage. Vous avez eu le meilleur et nous le pire. Vous avez eu l’argent, nous avons eu la maladie. Il voulait pas faire de travaux. La fortune il l’a pris. Il faut qu’il prenne les victimes aussi. Les patrons ils venaient pas beaucoup, une demie-heure par an. La plainte a toujours pas abouti. Les témoins sont morts. Les accusateurs sont morts. Mais on se dit que ça pourrait donner à réfléchir aux autres. La dignité. Que nous on nous donne le statut de victimes, et lui d’empoisonneur. Que chacun ait sa place. Et que les ouvrières redescendent du bus en chantant. Qu’il ose nous faire face. On lâchera jamais.

(lettre à Chopin)

les couleurs de Douchanbé

 

D’un voyage à l’autre #4 : espèce de série inspirée disons des voyages effectués par O.Hodasava sur son site Dreamlands virtual tour.

 

Douchanbé, c’est une localité du Tadjikistan – c’en est même la capitale – (ou Dushanbé) – Asie centrale, ex-union des républiques socialistes soviétiques – en gros c’est là

 

c’est pour qu’on se repère (en vert) – les billets de Dreamlands virtual tour sont, depuis quelque jours, orientés Asie Douchanbé pourquoi pas – on parle aujourd’hui de ce que d’autres pourraient voir là-bas – je suis coutumier du fait  (il s’agit de la quatrième recension des diverses recherches que j’entreprends le matin, vers sept heures trente quelque chose) (en semaine) – on aura ici, oules 3 premiers billets de cette affaire – en vrai c’est donc la capitale (je croyais que c’était Tachkent mais je me trompais – c’est celle du voisin, l’Ouzbékistan) (il s’agit d’un pays sans mer) l’hiver il y fait froid – la voiture robot n’y passe évidemment pas – le capitalisme a ses propres fantasmes comme on sait – ce sont donc des images réalisées par quelques personnes j’imagine – je ne sais pas lire l’alphabet tadjik (j’imagine qu’elles et ils parlent tadjik) (un peu comme le russe je suppose – j’en sais rien) – il y en a du reste un bon paquet de ces images réalisées par un gonze qui va en vélo (ou une gonzesse, j’en sais rien non plus) (quoique le vélo, comme on le voit là, gauche cadre, soit plutôt marqué masculin – bof mais quand même)

quatorze images donc de ce lieu (ici réparer son vélo), de ce que j’en ai plus ou moins retenu – il y a des couleurs surtout – et peut-être comme toujours, je n’irais jamais là-bas – le peut-être est quasiment certain – qui peut dire ? je n’ai pas le temps, j’ai des trucs à faire – on ne va pas non plus mourir tout de suite – avançons, voulez-vous ? ce qui est sur le mur d’une salle de sport (pas mal de salle de sports muscu truc à la con mais peu importe – l’âme slave le corps quelque chose ? peut-être bien – en tout cas ceci

un mec un vrai (à pleurer ? peut-être, qui sait ?) – se faire couper les cheveux (traitement d’image du coiffeur et non de l’auteur du billet)

(c’est moi, ou ça vous a quelque chose de semblable ?) ( c’est moi, certes) c’était l’intérieur, passons au patio

(je ne connais pas signification de ce signe droite cadre, petit doigt levé (tant que ce n’est pas le majeur) quelque chose de la couleur – entrez, par ici (ils’agit d’un autre restaurant)

une espèce de carnet de voyage, un passage dans le temps et l’espace – je passe, je m’en vais – c’est imaginaire, c’est collaboratif, c’est enrichissant – j’avance, je mets un disque d’Amalia et puis je continue –

remarquable, sans doute – jardins, rues, chemins, je ne m’attarde pas, je me suis donné une heure avant de reprendre la saisie – j’aime voyager

locomotive à vapeur, char d’assaut pour la victoire finale de l’étoile rouge

il y a une flopée d’images de machin (le chef, le leader maximo, le fürher, que sais-je ? mais j’en mets pas, tu m’excuseras), il y a de la neige et des enfants des jeunes gens

le monde comme il va, mais surtout des couleurs, j’ai aimé, à Duchanbé, les couleurs, les verts de ces murs des arbres de la haie de l’auto

(sous son drap on ne la reconnaît pas, l’arbre cache l’écusson) (une Lada peut-être bien) – les couleurs, ce vert pastel, cet or, ce bleu

celles de cet homme assis en gris comme s’il ne voulait pas être dans l’image, le rouge du mur, la porte dans les jaunes, la veste  et le vert derrière la rampe blanche- qui sait ce qu’on prend en photo ? – le soleil sur le pavé bicolore

il en reste une, je ne sais plus, où se cache-t-elle ?

Ici la sculpture devant l’aéroport international – voici la dernière, au revoir, adieu à bientôt (c’est l’opéra Ayni et presque le monde est déjà parti…) (dans les rouges, fatalement

(la moitié de) Vingt six merveilles du monde

 

 

 

il y a aujourd’hui (mardi, le 22 janvier 2019) dans le poste de radio (france wtf cu) un économiste qui parle et qui provoque une haine infinie pour et par ses propos (il se nomme François Bourguignon, il est interrogé et invité par un meneur de jeu nommé par mon chou, c’est pour dire – il doit être inamovible),  aujourd’hui par ailleurs (mais l’autre a provoqué l’un, comme il se doit) s’ouvre à Davos (une petite station de ski de Suisse, on fait ce qu’on peut) le forum économique mondial  (il n’y a qu’une lettre de différence, wef et wtf : ce ne peux pas être ni gratuit, ni non intentionnel ) (les grands, les riches, les pourvus se réunissent et discutent entre eux) (le peroxydé qui admire les murs, le minus méprisant et la succédanée de maggie n’iront pas – il y a là un axe, tu sais). Pour cette occasion itou, l’organisation non-gouvernementale Oxfam a pondu un rapport repris par le quotidien libération (que je ne lis pas, merci) (je me souviens l’année dernière les bruits qu’ont suscités cette organisation, cependant) (il faudra que j’étaye ces souvenirs) et la curiosité m’a poussé à chercher un peu (à peine) qui étaient ces gens-là (« et ça fait des grands slurppp, et ça fait des grands slurppp »  en disait le jacques). En réalité seulement leur tronche : ici donc le trombinocsope (comme on dit à l’assemblée nationale) de cette brochette enviable (?) (enviable, vraiment ?) (en deux épisodes, si tu permets quand même) (un peu moins que pour la série des Sorcières, on se plaint ici de n’avoir pas de cabinets d’aisance où déposer ces deux billets – tu me diras j’ai qu’à en inventer un – je les mets « ailleurs » et en « gravats »)

Ici ce qui sert de point de départ (un bout de « une » retaillé du quotidien daté d’hier je crois bien) :

(les billets qui volettent si naïvement autour du titre du journal sont des dollars)

J’ai opté pour le plus simple, soit une image de ce qui apparaît au nom de chacun, avec le moteur de recherche (il fait partie de cette litanie et à ce titre, il faut se demander comment les informations sont parvenues à ce site – comment elles sont traitées – notamment celles qui ont trait à ceux qui ont la direction de ce moteur, par exemple).

Ils sont donc vingt six. On examine un petit peu les pedigrees et on observe, disons, deux faits : quinze sont de nationalité étazunienne (soit un rapport de 0.58); deux sont femme, 24 homme (0.83). Il y aurait d’autres variables à prendre en compte (par exemple les âges, les tailles, les poids, les montants des compte en banque ou des fortunes évaluées etc.), mais laissons-là les emmerdements et découvrons ces gens.

Il se pose cependant aussi la question de l’ordre : l’alphabet sera adopté bien que je pense (là, tout de suite) (on verra) qu’il ne favorise pas l’émergence des asiatiques (6 chinois, dont deux de Hong-Kong) (au niveau des patries, disons, ou des nationalités : un espagnol, deux français, un indien, un mexicain (et libanais) : ce sera tout). Ça vous a un petit gout de rapport de force ? Allons donc…

Les treize premiers.

Voilà (number one) que l’ordinateur lui-même a classé les images par leur intitulé – les prénoms donc –  et on adoptera cette présentation qui pose en première cette dame

(pas mal de choses parviennent à la conscience : – les images c’est adorable, c’est certain, on a l’impression de connaître le truc; – éclairons un peu : c’est l’une des quatre héritières du Sam en question (on trouve deux autres de ce nom dans la liste, mais bizarrement pas le quatrième – je me renseignerai quand même) en tout cas elle est souriante (j’ai gardé  trois variables : l’année de naissance (ici 49 – soit 70 piges cette année), la nationalité (ici us) et la raison sociale (ici épicière)) – et donc, dans la suite j’ajouterai en légende ces trois variables, ou paramètres.

Vient ensuite (2) :

(1936 – 83 balais; Espagne; textile plus immobilier et télé) un seul sourire – le type est sérieux; l’hexis de la grande photo, bras fièrement croisés sur un torse puissant (ça cache la bedaine remarque bien) (elle apparaît cependant dans l’image au sourire) (il y a un point peut-être important, c’est de citer les marques dont ils sont les directeurs manageurs donneurs d’ordre employeurs – mais fuck off) (on peut remarquer que le robot sait aussi opérer une rotation suivant l’axe vertical : la grande photo est la petite première , ce sont les mêmes) (zéro cravate quand même hein)

Continuons  (3) ?

on peut entamer le joli slogan « propriétaire à la montagne, propriétaire à la mer » (70 balais aussi, french touch) – on ne présente plus le fleuron français – tellement Merci patron ! – image avec l’une de ses progénitures – la famille c’est sacré (même si on a divorcé attends) (les micros c’est joli, ça parle pendant les conseils d’administration, tu comprends) on a droit à quelques sourires (l’homme est maigre mais a migré dans le luxe comme on sait – 4° fortune mondiale) (la fierté que je ressens, tu n’imagines pas) (cravate à tous les étages pour bébert – pas certain que ça paye des impôts, ce bazar-là)

Ensuite (4)

je crois que c’est le number one question fric (ou je me trompe, c’est son pote esclavagiste libertarien – ici (11)) (en tout cas lui, c’est Bill Gates 3) (1955 : 64 printemps; us; informatique soft) il a le sourire, c’est clair comme les fonds disposés derrière l’objet de notre admiration (il y a même son image d’il y a 50 ans) (il dit bonjour) mais il est tout seul dans les images, tu vois (on a droit au tshirt « casual » du vendredi sans doute (détendu, cool) et autres joyeusetés vestimentaires)

Puis vient le (5)

le (libano) mexicain de la brochette (1940; 79 piges cette année; télécom (beaucoup) et immobiliers) (cravate, souvent, mais sait aussi être cool; image de sa jeunesse aussi, micro; pose avec l’autre avec sa cravate fluo dans les turquoises attend que je regarde :  eh bien non, l’algo change les images qu’il choisit (comme quoi, c’est pas con) et je ne retrouve plus le rigolo – sans doute un chef d’état mexicain ou quelque chose du genre – non c’est je crois Bill « Levinski » Clinton) (il a porté la barbe aussi, 173 cm de haut – lui, pas sa barbe hein) (micro un petit peu)

Au suivant (plus humiliant d’être suivi que suivant ?) (ce billet a le don de m’écoeurer, désolé) (6 et 7)

un des deux frères (me font penser à ce film, Un fauteuil pour deux, avec les deux frères Duke), voilà le suivant (le premier naît en 35; le 2, en 40 soit 84 et 79 aux pelotes) (us, tous les deux évidemment)

des histoires de pétrochimie, finances, matières premières – d’autres, plus affirmées, d’optimisations fiscales comme ils disent (des armées d’avocats et des impôts nettement moins importants – papiers de Panama tu vois le genre) (on tient avec le petit dernier une présentation mono-image qui ne se trouve que peu) (c’est l’algo qui choisit je ne sais comment)

(8) sans commentaire (la 2° femme du lot – 1953) (lunettes ou pas ? faudrait savoir…) (pas de micro en tous cas)

la fille très héritière de (1922, décédée) la fortune de

actionnaire (et non fille ou femme de) (traitement de faveur  je ne sais pas) (trompe-couillon ou fards ou parfums (un peu comme bébert (3) en plus populaire) : on en trouve au monoprix) : la seule entreprise de ce style) (les images dans le temps) (les enveloppes pour nano un) (nul doute que micro un aussi, je ne me fais pas (trop) de souci) (frenchi oh yes !) (malodorant non ?) (pour des parfumeurs…)

Passons au (9)

(1958, 60 piges, chinois, promotion immobilière) fond bleu, fond rouge ?  cravate micro sourires en tout cas (Hui Ka Yan en cantonais)

Dix (10)

même kit, un peu moins souriant peut-être (site marchand informatique – 1964, chinois) (comme le précédent, dispose de deux « identités » – l’une occidentalisée ici présente, l’autre mandarine Ma Yun) (même index droit levé – pas majeur, non) (le plus petit : 152 centimètres)

Onze (11)

(1964 soit 55 balais us esclavagiste – wtf)

Douze (12)

l’un des frères de la première ici, épicier tout autant (1948 – 70 balais – us (la mention « fils de » est posée là et intime de déposer  ce supplément

ça sourit mais sans dents, tu noteras – ça fait dans la casquette mais pas de micro) (j’aurais pu le mettre sous sa fille, mais non, bizarrement ça ne s’est pas fait) (le jeune avec sa barbalamod (je reste poli, il n’est pour rien dans son apparition ici après tout) est un avocat homonyme mais quaker cependant)

On touche au bout –  on a besoin de repos c’est vrai – au secours !!! – (13)

(1944, 75 – informatik software (logiciels comme l’autre Gates là) ça n’a pas l’air de plaisanter (micro quand même) petit sourire pas trop de cravate (pas du tout même) (attend je reviens : ça ne change que peu – s’est acheté une île du côté d’Hawaï) (non, mais ça va sinon)

 

La suite la semaine prochaine, si vous le voulez bien.

 

 

 

 

le tiroir


S. n’habitait la maison[s]témoin que depuis sa construction.
Avait posé la première pierre, avait frotté du plat de la main la première plaque de placo-plâtre.
Avait testé le premier tour de robinet.
S. avait décidé de laisser venir.
Les mots.
Puis de les coller comme ils venaient,
dans l’ordre d’apparition à l’écran de sa vue,
sur des morceaux de cartons étonnement rectangulaires, régulièrement carrés, le plus souvent munis de ces angles qu’on qualifie de droits.
De temps en temps, S. s’arrêtait de tourner dans la maison[s]témoin.
Cessait de regarder par les fenêtres
(les ponts, les travées, les affiches, les barricades, les courbes en hausse à 150 %).
S. lisait alors la récolte de messages ainsi constituée dans le plus heureux des hasards, celui qui s’adressant à S. ne pouvait jamais se tromper.
S. lisait :

« nonchalamment étendus dans la vase du fleuve
au milieu de cette foule de chevaux affolés
PROJETS D’AVENIR
Je m’écriais en moi-même :
cette clef
« ALLONS? JEAN-PIERRE EMBRASSONS-NOUS »
_Vous avez tort de me parler sur ce ton.
_N’y comptez pas !
_Mais si, mais si…
_Je ne vois pas ce que je gagnerai au change !
La porte s’ouvrit silencieusement.
vous imaginez que
_Je vous méprise autant
_Eh bien, mettons que j’en ai assez !
_Si j’étais vous
_Peut-être
_Mardi. _Ce n’est pas mardi. _Est-ce mardi ? _ C’est peut-être mardi.
SE PRÉOCCUPER DES FONDS OBSCURS
_Oui, c’est mardi.
Visser le fond
avec le pointilleur.
RÉVÉLATIONS !
un vrai miracle
directement à votre adresse.
La rivière est barré
et l’eau remonte.
On sent que le pas de l’homme
peut être regardé comme la plus grande
dérivation.
Un très riche et très noble dessein,
nous, à ses pieds,
il nous suffisait de l’apercevoir. »

Une fois ses lectures faites (à voix haute et à voix basse simultanément), S. se repliait en seize morceaux de taille identique et se rangeait dans un tiroir, celui du haut, ou celui du bas, selon la teneur de ses émotions, fugitives, contradictoires, pesantes, enthousiasmantes, incontrôlables, et propres à transformer S. en fumée.
C’est à ce titre que les volutes du S qui lui servait d’initiale lui apparurent comme prémonitoires.

« Vous devez être heureux de votre voyage » lui répondait alors un livre ouvert page 47(une page saturée d’un hasard objectif, millénaire, incompressible et discret).

Il étouffe, dit quelqu’un.

Elle était très habile, elle a donné son portrait au lieu de le vendre.
Plus que satisfaite.
Tout ce qu’elle suppose est que Rose est une rose.
Que suppose l’acheteur de la maison[s]témoin ?
Veut-il vendre son témoignage ?
Une artiste canadienne confronte les objets : statuette de lapin blanc et bouteille de rhum vide.
Elle accroche des couvertures qu’elle a récupérées et réparées.
Que confronte l’acheteur de la maison[s]témoin ?
Que veut-il récupérer et réparer ?
On a tous besoin d’accumuler, dit quelqu’un.
On a tous besoin que quelqu’un fasse appel à notre intelligence sensible, dit quelqu’un (les plus belles chansons, les plus grands artistes, des archives jamais revues, alors que tous nous avons besoin de danser, danser, danser).
On a tous besoin de retrouvailles, de choisir, de vouloir, de nostalgie.
On a tous une bonne raison, dit quelqu’un, de rester jeune.
L’acheteur de la maison[s]témoin cherche la tranquillité.
Entre voie rapide et buissons, il se gare, il éteint la radio de son SUV compact urbain.
Il va accumuler de l’excellence : des meubles neufs agencés au goût du plus grand nombre, et la possibilité de ne pas être remarquable, au point de devenir remplaçable.
C’est ce qu’il désire : se muer en personnalité fulgurante, interchangeable, proliférante, être tout et tout le monde à la fois, anonymement.
Au premier abord, on se dit qu’il s’agit là d’un extrait d’humanité sans contours.
Qu’il s’agit de créer une œuvre artificielle, dépersonnalisée, détachée, impassible.
Bienvenue dans un monde enchanté, dit-il.
Ce qui n’a pas de prix est rare, fait événement, et pourrait bien apporter la pureté et le bonheur, sans trop d’impact émotionnel.
Si j’ajoute du jaune, de l’orange et du magenta, les gens seront fascinés.
C’est ma façon de montrer, dit-il.
La piscine[s]témoin ouvre.
À l’intérieur, tous les nageurs nous fixent sans expression.
Le cimetière[s]témoin est finalisé.
Quand ses grilles s’écartent, elles produisent un grincement accordé aux teintes des tombe[s]témoins, un gris moussu très élégant.
L’acheteur de la maison[s]témoin fréquente la piscine[s]témoin et se promène dans le cimetière[s]témoin, ce qui aide à sa digestion.
Le soir, sur son canapé[s]témoin, il ouvre la bouche en étirant sa mâchoire de façon phénoménale.
Il la garde ouverte.
Elle se transforme en haut-parleur.
Elle crie.
Rose est une rose.
Le supermarché s’étend sur cinq hectares.
S’il y a quelque chose de brillant et d’original, c’est bien le système nerveux.
Au bout de quelques secondes, tout est comme avant.
Dans des statuts facebook, on confronte les définitions de ce qu’est une œuvre d’art.
Le correcteur orthographique de quelqu’un a corrigé le mot œuvre en pieuvre.
Cette certitude est d’une densité admirable, oscillant entre réflexion et confusion, dit quelqu’un d’autre.
L’acheteur de la maison[s]témoin rend compte de tout, au coup par coup, de façon formelle et informelle, dit-il.
Puis il commente : c’est un vieil épisode qu’on a déjà vu.
La maison[s]témoin est le témoin d’effondrements d’autres maisons.
Celles-ci ne peuvent plus témoigner.
Quelqu’un avait perçu des subventions pour réparer des fondations, mais ensuite il a pris l’avion et a pensé à autre chose.
Le kérosène et les arbres se combattent dans les airs
L’affrontement est non équitable.
Le pouls est trop rapide.
On va le perdre.
Il étouffe, dit quelqu’un.
Les troncs sont découpés, broyés, petit bois et copeaux pour cheminées.
L’acheteur de la maison[s]témoin n’a pas peur des fissures.
L’acheteur de la maison[s]témoin ne craint aucune moisissure.
« Tout a un prix » est l’expression qui reste, après lavage.

La liberté ou la mort

 

 

Il s’agit d’une période trouble, troublée et tumultueuse (comme on aimerait qu’il s’en trouve de nos jours, tant les injustices, les indignités, les mensonges sont présents partout dans cette politique menée, dans ces mots employés et dans ces images posées). La première scène voit le roi Louis seize laver les pieds de jeunes garçons comme son Dieu le lui impose (c’est son Dieu qui l’a posé sur le trône, il lui obéit). Le roi est incarné (sobre et inquiet) par un Laurent Laffitte de la comédie, je crois bien : il plaît, et on l’aime. Au début.

Le travail des lumières est assez incroyable (j’aime la lumière au cinéma, ici la photo est due à Julien Hirsch (sous le lien, il raconte un peu de son travail)). Une vraie distribution, magnifique, emmenée par Adèle Haenel

et le rôle des femmes dans l’histoire est aussi magnifique que le sien. Elles emportent la vie, le monde… comme dans la réalité ? plus personne n’est là pour le dire (j’aime savoir que des gens comme nous – longtemps j’ai vécu sur le faubourg Saint-Antoine, ont pris le présent par les cornes et l’ont maîtrisé ou du moins ont tenté, j’aime savoir ça) mais le cinéma a cette audace (il en a beaucoup) et , crédules que nous sommes, nous nous y laissons prendre. Il y a Olivier Gourmet qui joue le rôle d’un verrier et sa femme interprétée par Noémie Lvovski

il s’agit d’un grand et beau spectacle, qui raconte des faits et des gestes, des guerres et des fusillades (on frémit en pensant à cette troupe qui tire sur des manifestants : on se souvient de ces manifestations où on parlait de « nasse », on frémit – on se souvient un peu de Rémi Fraisse, tout autant, et de Romain D.), il y a, assez halluciné, un Gaspard Ulliel à qui on transmet l’art du verre (et son sourire formidable quand il dit « le Roi m’a touché la tête… »)

il y a beaucoup de sensibilité, de drôlerie et de drames, de morts : ici l’une des habitantes de cet immeuble du faubourg Saint-Antoine, lavandière comme Adèle Haenel, interprétée par Izia Higelin (la soeur à Arthur, oui)

tragique, drôle, sensible – il ne faut sans doute pas trop exagérer dans les compliments, mais toutes proportions gardées, j’ai vaguement pensé au Guépard pour les scènes de guerre et les scènes qui montrent la royauté en acte à Versailles : je reconnais que c’est un peu excessif, mais il y a quelque chose : c’est que le lyrisme est présent (on ne sait pas bien comment il fait, mais il nous parvient)). Il y a quelques scènes avec des chevaux, ce noir-là qu’on tente d’attraper et qui foncera vers la caméra

de nombreuses scènes de palabres parlementaires où on découvre un Marat survolté (Denis Lavant, splendide)

on plaide avec Robespierre (Louis Garrel, intraitable (zéro sourire, mais on est habitué))

on retrouve Paris, le Louvre, on voit Versailles et la cour, on frémit aux tueries, et puis le « Mon peuple, où es-tu ? » de Louis seize, à la fin sur cette place qui n’est pas encore de Concorde : il arrive ce qu’il doit arriver et ce n’est pas seulement à Louis seize qu’on décolle la tête, mais aussi à cette aristocratie qui se sert de l’esclavage, qui humilie les pauvres et les tient sous un joug illégitime, tue des enfants et des femmes et des hommes, c’est le peuple qui parle : c’est le peuple qui  crie, même : « la liberté ou la mort ! » …

du vrai cinéma, du grand et du beau comme on l’aime…

 

Un peuple et son roi, un film mis en scène par Pierre Schoeller.

 

 

Pour l’amour des images

 

 

Il est des choses qui me sont plus difficiles que d’autres (qu’à d’autres, tout autant) et parler de photographie (celles qui viennent sont – comme la plupart d’ailleurs – magiques) en fait partie : ça arrête le temps, ça propose quelque chose qu’on aime, ça intime de penser quelque chose de différent sur le monde tel qu’on le conçoit, qu’on le voit tous les jours  – évidemment, c’est la même chose, il n’y a pas deux réalités, évidemment.

Il y a là deux types (qui peut dire s’ils sont frères, amants, associés, collègues ennemis peut-être pas mais ce sont des semblables) et un miroir; c’est pris à la Guidecca (cette île en face des Zattere, dans l’ombre quand il fait soleil) par le type qu’on distingue dans l’image du miroir. C’est repris par moi, mais c’est l’Italie, ce sont des gens qui travaillent. Ils sont là, mais ce que j’aime c’est cette façon qu’a celui de gauche de tenir son poignet (il porte un bracelet montre comme son collègue, ils sont un peu chauves, ils sont en bras de chemise et c’est qu’il fait chaud à Venise, en été).

C’est parce que c’est Venise, certainement.

Ce sont les grèves qu’il y a eu, juste avant guerre ou juste après (je n’ai pas pris de note, je retournerai sur place, je verrai) mais ce qui est certain, c’est que c’est la grève. (il s’agit d’une photo intitulée  « Grève à la SNECMA-Kellerman » – du nom du boulevard où était située l’usine, datant de 1947 – add.01.10.18). Ce type, là, allume son clopo, derrière lui les déchets de sa machine (c’est sa machine, ça ne fait pas de doute), tourneur ajusteur quelque chose en usine, Panhard Levassor du quai de Javel ou Citroën quelque chose – mais comment il est vêtu, le brillant de ses chaussures, la propreté impeccable des piles de tambours probablement, tout le travail et le savoir faire, tout est là, la dignité du travail surtout. Comme pour elle, cette merveille (une histoire sur cette Rose Zehner, adorable)

elle revient informer ses collègues de la suite des négociations, elles vont entrer en grève (l’histoire dit que cette femme a vu le photographe – lui aussi, et dès après son cliché, il n’en pris qu’un, il a disparu – et l’a pris pour un flic) (la photo, une preuve, un alibi, un témoignage – à charge, à décharge ? je me souviens des clichés qui ne sont pas parus (mais qui ont été pris) de Lady Diana morte dans le souterrain de l’Alma) : on l’écoute, on suit son geste… Le travail, ses luttes, ses victoires

celle-ci, un meeting au vélodrome d’hiver, Paris 1 rue Nelaton, quinzième arrondissement  : la photo ne rend pas compte de l’entièreté des choses, mais elle en suggère bien d’autres. J’aime les regarder, mais en rendre compte avec d’autres photos est plus difficile – je n’y parviens pas, je n’ai pas de point, je n’ai pas d’appareil ou de technique, tant pis, ce ne sont que des sentiments, même si on sait que, parfois, évidemment, ils mentent

mais certainement pas devant ces sourires. Ni devant ceux-ci (on entend presque les mômes (ce sont des Napolitains, tu parles comme on les entend dans leur sabir…) demander au photographe si il veut leur photo)

de quoi j’me mêle ? (ce qui m’appelle, c’est celui qui porte une casquette, on dirait Paul Frankeur). Enfin, des images, des photos, des centaines je n’ai pas compté, je n’en ai pris qu’une petite dizaine, pour me souvenir (mais déjà, Willy Ronis, déjà, on en avait vu de nombreuses de lui, sur Belleville comme on y pense parfois).

On a commencé par Venise, on finit par Venise (le visage du vendeur est trouble, au loin il porte une moustache, mais c’est ma prise de vue qui défaille – en réalité (?) il a l’air assez surpris et peut-être même vindicatif – il n’aime pas qu’on lui tire le portrait (alors qu’il n’est qu’une infime partie de cette image magnifique, tellement années 50…)

 

Une exposition de photographies de Willy Ronis, entrée gratuite au carré Baudoin, en haut de la rue de Menilmontant, Paris 20 – fermée le dimanche…