Album (dispersion continue) (6)

 

 

 

 

 

non, la colère, non – même si ça servait à quelque chose, c’est impossible, c’est sûrement trop tard – mais on reste en prison – on regarde quand même les choses qui passent (les images sont des choses) – elles me rappellent ce que je suis, de quoi je suis fait – il y a eu cet entretien que j’ai écouté, avec Allain Leprest

c’est un chanteur, un poète aussi bien qui disait « une chanson, c’est cinquante pour cent les mains » – c’est plus que d’avoir quelque chose avec les chansons (ou avec la chanson) – je regardais aussi cet entretien de Jacques Higelin (gaffe : lien vers facebook) (merci à Laurent Peyronnet) au sujet de Léo Ferré – mais oui, l’âme – j’aime assez les chansons comme j’aime les images –

(des tonnes : requiem pour un fou) les stars et les espions –

là elle joue dans « madame la juge » (une ex-avocate qui devient juge – série de 4 ou 6 je ne sais plus épisodes télé fin du siècle dernier années soixante-dix – elle nous a quitté en 85; au Père Lachaise avec son Montand à côté d’elle)

je lis un truc sur Marguerite (un truc, c’est petit de dire ça) sa biographie par Laure Adler (un folio (3417) acheté 3 euros chez momox) – le Jouvet avec cette actrice Asie du sud-est, Foun Sen (l’épouse de Léo Joannon (dont on tait les frasques avec la Continental – on ne les oublie pas cependant ) que j’ai croisé(e) dans le « Oncle Dan » dont je rapporte l’index, la semaine prochaine ici même) (elle tient de le rôle de l’assistante du télépathe Winckler (ainsi que l’un des personnages de « La vie mode d’emploi » (Georges Perec, Paris Hachette, 1978) et pseudonyme vivant)

incarné par Erich von Stroheim – puis avec Jany Holt (laquelle est, si je ne m’abuse, l’une des grand-mères de l’auteur, Jean-Marie Périer) (ça se passe dans « L’Alibi » (Pierre Chenal, 1937) – ce ne sont que des images et tous ces gens sont morts (ça ne change rien, ils sont là) – une image du Joli Mai

de Chris Marker (1962-3) (lion d’or vénitien, on peut le regarder comme le « Chronique d’un été » (Jean Rouch et Edgar Morin, 1961) des images de ces années-là) – j’avance tu sais mais pour quoi en faire et vers où, je ne sais pas bien – je repose celles-ci (je les aime tant) : attendre l’autobus sur les hauts de Lisbonne (il en est des tas, des hauts de cette ville)

discuter avec un voisin 

on ne le voit que mal, mais il est là – ici avec probablement sa femme

dans « Le tramway de la ligne 28 » (Denis Pasquier, chez l’auteur, 2020) – cette vie-là, dehors et riante – bien d’autres choses sans doute mais que j’oublie – il faudrait garder ces choses, les inscrire dans un album pour tenter de se rassurer sur son existence – et la leur –

on a presque oublié qu’on allait lire le journal en terrasse, café verre d’eau – ici le trottoir de la droite de la rue de Verneuil – et puis encore trois images

de ces nuages

plutôt merveilleux (du côté de l’Alaska)

sans doute reviens-je de (ou vais-je) loin pour ne pas regarder ce qui se passe ici et maintenant – cette honte et ce décharnement de l’hôpital pour aboutir à celui de la sécurité sociale, les avancées dues à l’issue de deux guerres mondiales – la résistance, et son conseil national – poubelle de l’histoire capitaliste – se battre et mourir – la publicité et le marketing – l’ordure – j’en finis avec cette image rézosocio – on s’y rappelle souvent à votre bon souvenir (des images pour vous y aider, quelque chose de tellement beau (le souvenir) utilisé pour quelque chose d’abject – (on peut remarquer le genre des photographes saisi par cette image) cette charmante Varda, M veste rouge fils (de Louis) et petit fils (d’Andrée) et l’artiste de rue JR (Cannes hors compétition, présentation de « Visages, villages » voilà non pas 2 mais 4 ans) (quoi qu’il puisse arriver, la publicité comme le marketing et leurs avatars (dont le rézosocio est le parangon immonde) (mais une immondice d’un organisme immonde devient-elle autre chose ?), quoi qu’il puisse en être de ces forces, rien n’attentera jamais à l’amour qu’on a pour ces gens)

ce qui change, ce qui a disparu et la sève

 

quelquefois ça me chiffonne ces choses qui ne changent pas
je suis assise dehors près d’une photo géante où l’on voit une femme – 1er Octobre 2019 Hong Kong Chine – une femme brandit un parapluie et une plaque d’immatriculation où est inscrit « amour » lors de de violents affrontements entre les manifestants et la police anti-émeute dans le quartier de Caseway Bay, ça ne change pas
aussi la radio ce matin, une autre femme parle de découverte de territoires inexplorés et de rencontres avec de nouvelles populations – l’expédition de Lewis et Clark, 1803-1806 – une découverte, vraiment ? donc ces nouvelles populations vivaient sur leur territoire sans l’avoir ni découvert ni exploré ? vraiment ? qui légitime quoi ? qui donne la légitimité à qui et comment ? ces questions ne changent pas
ce qui me chiffonne aussi, c’est ce qui change, les inquiétudes neuves en vue d’une catastrophe qui est déjà derrière nous – 80 % des insectes européens ont disparu en trente ans –, ça a déjà eu lieu, l’insecte mort ne va pas sortir de son tombeau pour revenir butiner ventre à terre, il n’y aura pas de rewind, de récupération possible, et ça ça change, mais comme il m’ennuie ce terme, disparu, il me chiffonne, l’adjectif disparu donne l’impression du passager, on lance un avis de recherche et on est soulagé parce qu’on retrouve ce qui était sorti du champ visuel ou sorti de l’écran clignotant du radar, les insectes n’ont pas disparu, ils sont morts, éradiqués, et ça, ça change
c’est très inconfortable, ces choses qui changent et ces choses qui ne changent pas – les mauvais esprits pourraient tirer des liens entre ceci cela, entre le mythe d’une domination d’une population sur une autre et les pratiques pratiquement meurtrières – très inconfortable, parce qu’ensuite on ne peut plus penser sans s’opposer, sans s’énerver, sans taper du pied et du poing, sans déverser en soi et autour de soi de l’amertume et de l’aigreur, aigreur, j’ai la tête qui éclate j’voudrais seulement dormir disait l’autre, c’est très inconfortable, parce qu’il faut se hisser, solidement, solitairement, solidairement, du côté d’une joie affamée et active, celle des troncs d’arbre et de leur nœuds, magnifiques, actifs, remplis de sève énergisante
se hisser du côté des troncs d’arbre, c’est l’idée
et puis faire, rien d’autre que faire, faire dans le sens du verbe fabriquer qui est le contraire du verbe pulvériser, allez roule

 

poème du kérosène

j’ai de la chance
je suis enfermée dans la maison[s]témoin
en me penchant un peu je peux voir passer les gens dehors
ils vont les uns sur les autres se presser
-compresser dans les rames de métro – le port du masque est un geste
hautement technique
une caissière gantée et masquée techniquement attend
derrière une plaque de plexiglas
que passe le chef souriant
oh bizarrement la caissière est une
femme et le chef est un
homme mais que vas-tu déduire espèce de
espèce de
espèce de féministe hystérique
on fait la queue dans un aéroport en respectant les règles de
distanciation
sociale
puis on s’assoie côte à côte collés aux collés à
la compagnie loue les sièges collés aux collés à
sinon les bénéfices plongent
le kérosène sent bon
oh je voudrais ici
(bien enfermée dans la maison[s]témoin)
te chanter le poème du kérosène
tu sens bon kérosène
tu as supplanté l’huile de baleine
kérosène
dans les lampes à huile ou les lampes à pétrole
on t’appelait aussi « pétrole lampant »
qui ressemble à pétrole rampant
oh tu rampes kérosène
tu rentres dans nos bouches
muqueuses tu t’éclates pétrolette
kérosène chafouin
raffinage soutirage distillation
kérosène super héros !
plus fort que le lait des vaches en batteries
batteuses moissonneuses
vaches mythiques mécaniques
et les gens qui ont faim font la queue distanciation
distance
cachez ce
cachez ce sein nourricier cachez cet
affamé distanciation
avance masquée
dans le métro voilà comme tu t’en doutes voilà
les microbes agents infectieux nécessitant un hôte trouvent un hôte
dans l’avion le système de climatisation change l’air toutes les 3 minutes
ce qui permet – plus ou moins – d’éradiquer l’agent infectieux parait-il
il semblerait que
plus tu jettes de kérosène par-dessus bord
plus tu restes au-dessus de l’eau salie croupie
mon dieu que c’est laid d’être pauvre
le poème du kérosène bouffe la barrière de corail à pleine
gueule tralala
à force de t’étaler partout cher ami tu vas entrer en contact avec
quelque chose de pourri au royaume du danemark confrère
si tu ne vois pas le rapport frotte bien le plexiglas
mieux que ça
mieux que ça
maintenant le masque :
attention (j’arrête le poème du kérosène un instant
on va pas rigoler toute la vie non plus)
le masque est un
geste technique
qui cache un sourire carnassier
les dents longues
il y a la possibilité que toutes les 3 mn
les dents dessous les masques s’allongent
allez
on met ça en musique ?

rêve américain

 

 

C’est un peu l’histoire du rêve américain – c’est à dire que c’est rêvé par des américains (étazuniens, surtout) il y a à voir avec cet autre film  : en réalité, le scénario se compose de la même manière – le van est un des personnages mais loin d’être le principal – une camionnette qui transporte des personnes handicapées

d’un endroit à un autre d’une ville de province – on ne sait pas bien ce que ça peut être, la province des États-Unis mais c’est qu’il y a trop de capitales sans doute – je suppose – alors disons qu’on recommencerait comme « c’est l’histoire d’un type qui conduit une camionnette »

et ce serait suffisant (le type Vic, interprété par  Chris Galust). On appartient à l’histoire, et on la suit.  Il y a son grand-père gentil mais un peu fou, il y a la soeur de Vic aussi

il y a leur mère musicienne, qui donne (ce sera le soir) un concert dans son appartement, il y a les gens de l’établissement où vit le grand-père (l’une d’entre celles et ceux-ci est décédée, Lilya, il faut aller à son enterrement)

il y a les gens qu’il faut convoyer – une jeune femme assez obèse qui va chanter dans un concours « ‘Rock around the clock », une autre jeune fille handicapée

noire

qui doit aller quelque part, qui est évidemment comme tout le monde, en retard et puis d’autres encore – je ne sais plus exactement – mais arrive le neveu de la Lilya

qui est morte, qu’on va enterrer qui vient assister à l’enterrement – et tout ce beau monde est embarqué à cent à l’heure…

C’est un  peu le rêve américain – on aime cette nation, on vient d’ailleurs pour la plupart de Russie (les gens qui vivent dans le même immeuble que le grand-père) et on dispose d’une âme slave (je me souviens de cette chanson, je me souviens de Jacques Higelin qui la chantait, je me souviens) et donc on chante – on s’est trompé de tombe

tant pis on change et on chante, on chante et c’est l’hiver, il a neigé, il fait un froid de gueux, elle est enterrée, Lilya.  Le rêve américain, c’est aussi pas mal les Noirs – la famille de cette jeune fille (Tracy  dans le film, interprétée par Lauren »Lolo »Spencer)

qui a apporté à son boyfriend (son ami de coeur) un carton qu’il ne prendra pas et un cadeau d’anniversaire – un sabre japonais dans son étui – qu’il ne prendra pas non plus, cette jeune fille dont le frère fait partie d’un groupe de rap – ils chanteront un morceau a capella – il y a des gens qui travaillent et qui chantent

la jeune fille participe à son concours, on chante – des gens rient, des gens dansent…

C’est un peu comme on aimerait que soit le rêve américain : les choses s’arrangent toujours – un peu de bric ici, un peu de broc là – on déménagera pour le concert un canapé, à pied, loin, on s’assiéra dedans fumer une cigarette au bord de la route, il neige c’est bientôt la fin de l’après midi, on a été chercher les clés de l’appartement de Lilya, puisqu’elle est morte, il faut qu’on boive qu’on mange et qu’on chante – on ne peut pas, non impossible d’avoir les clés, non : son neveu charme la gardienne agent de sécurité, il lui parle gentiment, elle l’écoute finit par sourire – on va aller boire, tous ensemble – on va rire aussi

c’est vraiment le bazar

on partira ensuite, on s’en ira écouter le concert, on reviendra ici, là ailleurs – ce sera la nuit : chez la jeune fille noire, le groupe de jeunes gens rappeurs se sont fait prendre, ils sont au commissariat, il faut aller délivrer le frère, mille dollars, on les emprunte ici, on les trouvera là (la mère les a planqué dans le canapé,le canapé n’est plus là…)  et puis et puis une séquence endiablée

(en noir et blanc)

on se bat

on se bat – terrible séquence… L’Amérique (les États, plutôt)si elle était comme elle nous est montrée là, comme elle est et devrait être, c’est ainsi qu’on l’aimerait…

Je ne raconte pas tout, évidemment, les images sont fixes, le texte est ce qu’il est – mais dans tous les sens, partout, tout le temps, cet amour immodéré pour les gens,ce qu’ils sont simplement (il y a surtout – ça ouvre et ferme le film – ce dialogue où Vic ne dit rien, mais c’est un dialogue, avec un de ses amis – cigarette simples mots : for-mi-da-ble.

C’est la nuit

c’est l’hiver

il fait un froid de gueux, ce sont les rues d’une ville de province, parcourues à tombeau ouvert par une camionnette qui sert au transport des handicapés – un peu comme dans ce film, là, qui était tellement bien… Ici aussi, tellement bien, c’est la nuit, il fait froid, c’est un peu un rêve américain

 

Give me Liberty, un film (extra) de Kyrill Mikhanovski.

 

allez allez

en fait l’idée c’est de faire ce que l’on fait
avec plus ou moins de bonheur
plus ou moins de chance
plus ou moins de sérénité et de ténacité
plus ou moins de questionnements
sans oublier que nous ne sommes pas des îlots ou des gardiens de phare, faire c’est aussi regarder ce que font les autres avec plus ou moins de hardiesse, plus ou moins de vilenie, plus ou moins d’âpreté, plus ou moins de courage et/ou de cohérence
le faire des autres vient heurter s’engouffrer s’insinuer saupoudrer pénétrer notre faire à nous
et c’est ce qu’on garde de ces poudres de ces poteaux ou ces tenailles qui compte
par exemple j’ai lu cet homme qui dénonce ceux qui sont fiers de leur hideur
j’ai vu ces sit-in
ces armes maniées à la cow-boys
ces pelleteuses que des bras sans force repoussent, bras accablés
ces têtes hautes qui refusent de s’asseoir au fond du bus, qui refusent que les noyés se noient
faire, ce n’est pas difficile
faire, c’est impossible
c’est entre ces deux plateaux de la balance que son propre visage se sculpte en trois dimensions
et dans ce faire il y a aussi l’insu
ce qui survient et n’était pas prévu
parler de cinéma, ce n’est pas parler de cinéma, c’est parler des gens de comment ils vivent de comment ils sont vus de comment ils se voient de ce qui est proposé dans le faire
on peut se placer en vigie
on regarde ou on tourne les yeux
on fait comme ça nous chante
et parce qu’on fait ce qui nous chante ça sonnera toujours assez juste
(l’idée)
parce que les idées, ce ne sont pas des concepts, ce sont des corps
les rêves de piscines vides n’existent pas
ou bien c’est que les boutiquiers ont gagné ?
les boutiquiers à cols blancs dont les suv possèdent un pare-chocs anti rhinocéros en centre-ville ?
non les rêves de piscines vides n’existent pas
hop
inutiles
et déjà envolés
allez allez, ne traîne pas dit la voix, tout va bien

Immobile/nouveau décor

 

 

(dans tous les cas, cette maison restera le témoin de quelque chose que je ne m’explique pas : un journal de ciné, un autre des sorties, autre chose des lectures, on s’en fout – OSEF – certes, mais parfois, je me demande : où vais-je d’où viens-je en quel état ? c’est le passage des saisons, probablement, le parcours vers les jours qui raccourcissent, déjà entamé c’est à la vie comme à la mort, c’est la même chose continuer, avancer, tenter d’exister, de se tenir et d’observer) (par ailleurs, et – comme disait ma grand-mère – je l’aime toujours, elle se nommait Louise – je l’aime toujours – par ailleurs Dieu merci, bientôt les vacances – et cette année, tant pis, ce seront trois semaines, sans compter les suivantes, et donc nous verrons) (dans la série « il n’y a pas que le cinéma dans la vie »)

Ces murs blancs manquent singulièrement d’apprêt, ces maisons ne veulent pas donner l’impression de vivre, elles veulent simplement imprimer quelque chose dans l’imaginaire des visiteurs, afin de leur donner envie de les faire leur, c’est une façon de faire, parfois on consulte un plan, on regarde les annonces du journal du vendeur d’armes volantes, on essaye de trouver quelque chose, un toit, quelque chose, un lieu où poser ses toiles, ses couleurs son chevalet, et puis passent les jours et passent les semaines, ni temps passé ni les amours reviennent – la Seine, sous le pont, s’en va à l’Atlantique…

paul klee carnet

Mettons cette image, c’est le carnet de Nina Kandinsky (j’ouvre une parenthèse – coq à l’âne -dans ce renouvellement des décors de cette maison pour imposer ici cette image magnifique des manifestations contre la loi scélérate

rectangle blanc sur fond de bois

: demain on manifeste et on bouge putain) (j’ai fermé la parenthèse, mais demain, debout hein) et je continue à poser quelques clichés sur les murs des couleurs et des toiles de Paul Klee (ici un portrait en noir et blanc, évidemment fatalement j’en sais rien)

OK portrait de paul klee

début du siècle dernier, artiste au travail, couleurs magnifiques (« Eclair pétrifié »)

éclair pétrifié paul klee

ce ne sont pas des décors, évidemment (ici, « la belle jardinière« )

OK paul klee la belle jardinière

j’ai eu le livre catalogue de l’exposition en cadeau (merci tant merci)

OK paul klee projet

des merveilles (au dessus, « projet« ; en dessous « jouets« )

paul klee jouets

on s’arrête, on marche dans le couloir, un des couloirs (est-elle de plain pied ?) et l’image vous attrape (« Les jumeaux« )

paul klee jumeaux

il lui manque le point, c’est aussi pour (ne) donner (qu’) une idée (« Le ballet »)

paul klee ok le ballet

il ne s’agit pas tant d’habiller (« Port mondial« )

port mondial ok paul klee

que de donner à voir  des merveilles (« Famia« )

paul klee famia

les murs, les couloirs, les pièces, les chambres, les cabinets les réduits les cagibis, les lieux, les sorties les portes les entrées, les fenêtres sur la rue, le jardin, fermées ouvertes, sur le monde, dehors là-bas la paix

paul klee Diana

(« Diana ») (je ne suis pas sûr de la qualité des photos : je les aime bien, elles me sont chères, mais de quoi rends-je compte ici ? une visite d’une exposition ? un parcours du cinquième étage du musée ? Je ne sais pas, mais je crois que je meuble…)

Les pieds nus

 

 

 

C’est à peu près certain : il n’y a pas que le cinéma dans la vie (même si on y va, si on l’aime et qu’il ne cessera pas d’être présent dans cette maison – elle le vaut bien).

Cesaria 3

Il y a aussi la chanson et cette femme-là ne ressemble à personne. La force, l’intelligence et la grâce de l’amour et du plaisir de vivre, voilà ce qu’elle illustre.  Le florilège, ou les linéaments que je pratique régulièrement (sans doute parce que j’aime aimer les choses et les êtres aimables) indiquent pourtant une filiation, (une sororité, pédanterai-je peut-être), un témoin entre -par exemple, j’en aurais bien d’autres à donner- disons madame (Nina) Simone, madame (Simone) Signoret (bien qu’elle ne chantait point) et Cesaria Evora (et, donc Ava Gardner, cette Comtesse aux pieds Nus (Joseph Mankiewicz, 1954) fatalement…) (la prochaine fois, je le fais pour les types).

Cesaria 6

Je lis ce livre, une biographie, dont je pose ici un extrait, et dans les diverses pièces de cette maison on entendra la morna, on entendra peut-être une autre fois d’autres merveilles…

Femme libre, fille-mère, chanteuse, whisky cognac et plus rien du jour au lendemain, clope au bec et toujours fidèle à son île, sa maison, son fauteuil de skaï, toujours généreuse, riche de sa voix magnifique et de ses amitiés qui durent une vie…

Cesaria 7

Les bijoux qu’elle porte et les chaussures qu’elle délaisse, moi, j’adore… Elle, en entier, moi, je l’adore.

Cesaria 2

Tu sais quoi ? je suis né au bord de la mer, pas de l’océan, et ça change tout : cette musique-là, comme celle qu’on entend à Lisbonne, cette musique qui, comme le vent, les vagues, le ciel et le soleil est inépuisable, cette musique-là, ces chansons, pour les gens de peu, qui rient, qui dansent, qui boivent pour oublier, ou pour se souvenir c’est selon, il faut bien qu’elle nous attendrisse. Ou à Rio…

Les lignes qui suivent, je les partage même si je ne suis qu’un homme. Mais je chante…

Cesaria 4

« A ceux qui pensent qu’une femme qui boit est une fille perdue, une honte pour la ville, mais s’en servent le moment voulu, qu’une mère célibataire est une femme de mauvaise vie, et que la pauvreté est l’état naturel des abrutis, il faut toujours prouver quelque chose. Il faut porter ses plaies comme des étendards. Ses pieds comme des symboles. »  (in Cesaria Evora, la voix du Cap-Vert, Véronique Mortaigne, Babel 2014, p 57)

 

 

Sur la réserve

 

 

 

(après tout, il n’y a pas que le cinéma dans la vie) (cependant on tient à indiquer que la palme d’or cannoise a été attribuée cette année à Ken Loach –qu’on aime– lequel laisse libres les droits sur ses films, qu’on peut donc regarder, voir et visionner comme et autant qu’on veut ici par exemple) (il faudra accepter avant d’être suivi à la trace par les wtf algorithmes gafa mais comme on n’en a -ainsi que l’Edith Cresson première ministre nous le faisait savoir- rien à cirer -elle c’était de la bourse-, on verra) (il y a aussi la littérature et la peinture) (jte parle même pas de la musique)

 

la grande réserve

« Il existe un tableau de Caspar David Friedrich nommé La grande réserve qui représente une partie de la réserve d’Ostra, au nord ouest de Dresde, sur la rive sud de l’Elbe, en 1832. Le fleuve est bordé d’arbres agglutinés sur la gauche en orée, tachant à droite l’arrière plan au flanc d’une longue colline lointaine, ensuite vient l’horizon, enfin le ciel, un énorme volume de ciel froid qui envahit la moitié du tableau jusqu’à paraître émaner de lui, s’interposer entre l’oeil et lui.

A première vue, depuis la maison de Bernard Calvert, le paysage que surplombait Georges ne ressemblait en rien à celui d’Ostra. »

Il s’agit ici des premières phrases du chapitre vingt cinq, reproduites du livre – qui en compte trente deux – (des chapitres, pas des phrases) « Cherokee » (1983) de Jean Echenoz, lu dans sa version de poche (2003), exemplaire achevé d’imprimer le dix décembre deux mille quinze dans les ateliers  de Normandie Roto Impressions à Lonrai (61 250) (France) (suit un numéro d’éditeur, 5902, et un autre d’imprimeur, 1505485). Elles ne rendent que très peu compte de la parfaite et magnifique prose joyeuse et simple qu’il emploie.

On a reproduit ici aussi le tableau en question où la description n’a pas tenu la péniche pour sensible -il s’agit d’un bateau à voile, qu’on aperçoit voguer sur l’Elbe (donc).

S’il se pouvait, autant que de faux livres, que sur les murs d’ici figurent aussi quelques reliques fantomatiques et hâves de peinture, ce me serait (peut-être) agréable (on les mettrait aux couloirs)

 

 

Les vibrisses

Là, campée dans ses pantoufles, le tablier gras qui dessine ses seins ancestraux, les naseaux gonflés par tant de haine que quelques vibrisses tentent d’en sortir, avec sa bouche pleine de crocs vomissant chacun de nous, avec ses courtes pattes avant tenant des côtes que jamais personne n’a caressées, son corps et son être déshumanisés par un enfermement volontaire, elle me dit : « faudrait voir à enlever la trottinette de votre fille du couloir, pasque le couloir, c’est commun, et dans les communs, y faut rien d’personnel, alors faut la monter la trottinette!! J’ai appelé le propriétaire, il est d’accord!! ». J’acquiesce en lui répondant: « mais je l’ai acheté pour tout le monde vous savez, vous pouvez l’utilisez si vous voulez, n’hésitez pas, elle est commune! ».
Elle fulmine, se tape les hanches, puis finit par s’en rentrer chez elle. Tandis que je monte chez moi, je l’entends s’enfermer à quintuple tour.

Et en buvant mon café, je l’imagine sur la trottinette tandis qu’elle m’imagine étranglé de ses mains en se torturant de ne pouvoir le faire.

 

Jean-Claude Goiri