sur l’écran

Sur l’écran la pianiste s’agite, mais le son est coupé.
C’est une allégorie. Elle s’agite en silence pour dire toutes les femmes effacées, inconnues, oubliées.
« J’ai un mauvais pressentiment mais qu’importe » dit le héros sur une autre chaîne.
« Fais ce que tu as à faire quoi qu’il advienne », lui conseille-t-on.
_ Je ne te promets rien. » répond-t-il.
Moi non plus j’ajoute à voix basse (et donc pour moi-même). Le héros frappe à une porte. Il est question de sorcières, comme d’habitude. Les femmes effacées, inconnues, oubliées, nocives, ça fait très longtemps que ça dure, que ça se propage dans les esprits, les fictions et les réalités en rendent compte chacune nourrissant l’autre et l’inverse.
« Crache le morceau! » dit le héros.
Très bien.
Ma question est – que cette maison[s]témoin soit le témoin de ce questionnement – en a-t-il toujours été ainsi ? Pendant les deux cent-cinquante mille ans où nous étions chasseurs-cueilleurs (deux cent-cinquante millénaires, c’est-à-dire peu ou prou une durée d’environ cent vingt-cinq civilisations cul à cul), pendant ce temps où nous étions tapis autour des foyers, réunis, effrayés par les prédateurs, effrayants pour nos proies, en a-t-il toujours été ainsi ? Et les vénus callipyges ? Quelles mémoires racontent-elles silencieusement ?
Il y a plusieurs niveaux de connaissance, plusieurs niveaux au sens propre : dans la cave d’une maison témoin, les fossiles et les questionnements ; au rez-de-chaussée salon salle à manger cuisine, le théâtre, l’agent immobilier qui organise la visite (c’est un homme, ou bien c’est une femme avec le lexique et les automatismes d’un homme) pour les clients, un couple (sans doute qu’elle demande où pourra se brancher la machine à laver) ; à l’étage, la salle de bain aux miroirs kaléidoscopiques qui nous traquent, nous définissent ou que nous nous évertuons à tromper, rigoureusement peints à la main quand nous en avons l’énergie et/ou l’occasion, et puis les chambres où s’agitent des rêves. Et passent des allégories de pianistes travaillant leur instrument en robe de soirée sans que personne n’entende.

allez allez

en fait l’idée c’est de faire ce que l’on fait
avec plus ou moins de bonheur
plus ou moins de chance
plus ou moins de sérénité et de ténacité
plus ou moins de questionnements
sans oublier que nous ne sommes pas des îlots ou des gardiens de phare, faire c’est aussi regarder ce que font les autres avec plus ou moins de hardiesse, plus ou moins de vilenie, plus ou moins d’âpreté, plus ou moins de courage et/ou de cohérence
le faire des autres vient heurter s’engouffrer s’insinuer saupoudrer pénétrer notre faire à nous
et c’est ce qu’on garde de ces poudres de ces poteaux ou ces tenailles qui compte
par exemple j’ai lu cet homme qui dénonce ceux qui sont fiers de leur hideur
j’ai vu ces sit-in
ces armes maniées à la cow-boys
ces pelleteuses que des bras sans force repoussent, bras accablés
ces têtes hautes qui refusent de s’asseoir au fond du bus, qui refusent que les noyés se noient
faire, ce n’est pas difficile
faire, c’est impossible
c’est entre ces deux plateaux de la balance que son propre visage se sculpte en trois dimensions
et dans ce faire il y a aussi l’insu
ce qui survient et n’était pas prévu
parler de cinéma, ce n’est pas parler de cinéma, c’est parler des gens de comment ils vivent de comment ils sont vus de comment ils se voient de ce qui est proposé dans le faire
on peut se placer en vigie
on regarde ou on tourne les yeux
on fait comme ça nous chante
et parce qu’on fait ce qui nous chante ça sonnera toujours assez juste
(l’idée)
parce que les idées, ce ne sont pas des concepts, ce sont des corps
les rêves de piscines vides n’existent pas
ou bien c’est que les boutiquiers ont gagné ?
les boutiquiers à cols blancs dont les suv possèdent un pare-chocs anti rhinocéros en centre-ville ?
non les rêves de piscines vides n’existent pas
hop
inutiles
et déjà envolés
allez allez, ne traîne pas dit la voix, tout va bien

Radio cinéma

 

 

 

(il me semble bien que je l’ai déjà fait, ce plan avec Blow up) (c’est une émission que je regarde parfois sur youtube) (c’est que j’ai pas la télé) (c’est quand même dans le salon que ça se pose ce genre de truc – quoi que la radio, c’est plutôt un peu n’importe où) (partout en réalité) ( et surtout ça laisse un peu les mains et l’esprit libre) (on peut faire autre chose avec les yeux je veux dire) (ça n’engage à rien) (c’est la radio) (bon ça va comme ça) cette émission parle de la radio au cinéma – j’ai pris quelques unes des images (y’en a 9, mais ça ne fait que 8 films) (il s’agit d’une émission de montage un peu comme ce que fait le Président Pierre Ménard Liminaire tous les quinze jours, si j’ai bien compris) parce que j’aime les films qu’elles me remémorent – on fait ce qu’on peut – et que j’aime bien parler de cinéma – c’est ce que je fais ici, de temps à autre, le mercredi, ça nous change un peu – peu importe, c’est le printemps – ce n’est pas que je sois désespéré tu comprends bien, mais enfin quand je vois et j’entends que les plus grosses fortunes du monde donnent un peu de monnaie pour reconstruire un bâtiment brûlé, je trouve ça merveilleux, certes, mais fiscalement très avantageux pour elles – ce qui fait que j’étais déjà assez malheureux comme ça, mais que ça continue et que j’en ai ma claque de cette façon de faire des grandes fortunes sur le dos de qui, je te/me le demande) laisse, et commence (l’image d’entrée : Sacrifice Andreï Tarkovski, 1986)  ici c’est un film de Costa Gavras, « L’aveu » (1970) (il y a Yves Montand aussi) (les guillemets pour les titres des films, c’est une habitude ou une obligation, me demandé-je fréquemment)

c’est Simone Signoret (nostalgie mais je me suis trompé, en réalité, je me disais c’est « l’Armée des Ombres » (Jean-Pierre Melville, 1969) – mais non, je ne crois pas – c’est difficile à dire – là une image de ce film merveilleux (je le croyais en noir et blanc, mais non) (sans compter les majuscules aux titres, alors là)

L’ARMÉE DES OMBRES

ça ne fait rien, je continue mon exploration (exploitation) de cette émission, et je tombe sur ce DJ aveugle nommé Super Soul qui guide Kowalski tout au long du film – Kowalski, ex-pilote de course, qui doit convoyer une voiture traverse du nord au sud les Etats Unis (« Vanishing Point », Point limite zéro en français, Richard C. Sarafian, 1971) (un de mes films favoris quand j’avais 20 ans) (après ça s’est tassé) (mais je ne l’ai pas revu depuis – ça veut dire « Point de fuite » si tu traduis le titre d’anglais en français)

je me souviens (j’aime me souvenir) de Robin Williams (il s’est tiré, lui) (Simone et Yves aussi, tu me diras) (pour Clivon Little qui joue le DJ, on me dit aussi) Robin Williams donc qui crie « Gooooood Mooooornig Vietnam !!! » ce que j’ai adoré cette façon de dire merde à l’uniforme, l’armée, l’imbécilité, tu te souviens ?

avec ce sourire, cette joie de vivre – et la guerre… – ce sont des films qui restent, ils sont là, un peu comme les images dont on rêve, moi j’ai cette impression, un peu aussi comme certaines musiques, certaines chansons tout autant, des choses qui sont là, qu’on entend, qu’on écoute et qu’on regarde (là, c’est Shock corridor  Samuel Fuller, 1963) c’est pas dans l’émission, mais tant pis

) c’est là, un pli une lettre une enveloppe, c’est à l’intérieur de nous – ça nous accompagne, ça nous rassure et ça nous aide parce que le monde réel est si présent aussi, on veut s’en détacher un peu – je me souviens de cette image de Michel Piccoli dans « Habemus papam » (Nanni Moretti, 2011)

ou celle-ci

ce pape qui refuse l’uniforme – se battre, peut-être – à nos âges ? – j’aime ces histoires-là – ici j’ai pris cette image

pour me souvenir que Georges Perec faisait du cinéma, ça me réconforte – je me souviens aussi de Robert Bober, et de son film (Récits d’Ellis Island, 1979) et aussi de son « En remontant la Villin » (1992) dix ans après la mort du Georges – adaptation et dialogue

« Série noire » (Alain Corneau, 1979) non pas que l’artiste (je ne sais pas les comédiens, les acteurs sont-ils des artistes ? je ne sais pas) Patrick Dewaere me soit quelque chose pourtant, mais dans ce film-ci, oui, c’était l’année du début des études de cinéma – oublier, reconnaître, le monde tourne – sans doute quelques regrets – mais ils ne me sont de rien – ici un vieil homme

« Umberto D » (Vittorio de Sica, 1952) déchirant (Carlo Battisti…), je ne sais plus ce que fait ici cette image, peut-être vient-elle d’ailleurs, mais c’est l’Italie qui revient de tellement loin – l’Italie, oui – ces temps-ci elle semble retourner vers ces démons – je préfère aller au cinéma, c’est vrai –

cette image-là, où Charlie Chaplin se rend compte que la dictature et la démocratie empruntent les mêmes voies (les mêmes voix : celles de la radio) et ce désespoir qui se lit sur ses rides (Le Dictateur, Charlie Chaplin, 1939) – la conscience ne suffit pas, il nous faut l’action aussi : alors faire, et encore et continuer…

Pour finir comme il faut, cette image de Christopher Walken (un des acteurs fétiches du chroniqueur) qui danse dans ce clip d’un DJ (clip réalisé par Spike Jonze – ici à regarder – réalisé en 2000)

il dort, puis se réveille en rêve puis danse et se rendort… Et il se réveille parce que bien sûr et d’abord, sans doute peut-être, je ne sais pas bien, mais la radio diffuse de la musique  (première à éclairer la nuit…)…

 

C’est ça l’amour

 

 

On avait aimé Party Girl où Catherine Burger travaillait avec une de ses acolytes femissiens (Marie Amachoukeli) et Samuel Theis (qui tenait un rôle à l’écran aussi). Ici aussi, nous serons à Forbach (ville du nord est de notre beau pays), et nous suivrons une histoire de famille (le cinéma français a ses thèmes ou ses genres : ici, l’un d’eux donc). A l’image, on trouvera Julien Poupard aussi : une espèce de groupe (l’union fait, aussi, la force). Dans l’image, on croisera la directrice de production (elle interprète la mère), la décoratrice (elle est la supérieure hiérarchique du père, lequel bosse en préfecture), la directrice de distribution (dans le rôle d’une camionneuse en short) (je n’aime pas le mot « casting »). L’amour des acteurs (une direction amoureuse, oui) et un scénario comme on aime : l’éveil la recherche la vraie vie un petit peu (je dis ça parce qu’il y a de l’autobiographie dans l’histoire : je me demandai de qui – la plus jeune, Frida ou l’aînée Niki – j’ai pensé Frida… (quelqu’un pour répondre dans la maison ?) il paraît que la maison est celle du père de la réalisatrice, lequel ressemble au sien comme je lui ressemble moi-même – une même histoire, un même amour des enfants, une joie de vivre et de partager)

L’histoire d’un père (Bouli Lanners, adorable)

et de ses deux filles (la blonde Frida (ici doublée), la brune Niki) (Justine Lacroix, vraie; Sarah Henochsberg, en acier – magique sûre et loyale)

dont l’épouse (la mère) (Cécile Rémy-Boutang, vibrante et lumineuse) est partie vivre sa vie (comme disait JLG)

Un éclairage de cette difficile passe

pour les filles

comme pour leurs parents, mais puisque c’est ça, l’amour (sans interrogation)

sans doute parviendront-ils (ensemble) à maîtriser l’incendie

Amours, tendresses, désirs, joie de vivre et confiance aussi – danser chanter et croire en notre humanité.

 

C’est ça l’amour, un film de Claire Burger

Sir

 

 

 

(normalement, on ne fait rien, ce jour, on attend juste qu’il passe) (je ne vois pas trop bien ce que veut dire – ou voudrait dire – ce « normalement ») (on prend des bonnes résolutions? on finit les restes ? on va au cinéma ?) (ces temps-ci, je voudrais bien que les choses avancent, mais non, c’est là et ça stagne – quoique ayant fait changer les pneus de l’auto) (cette maison(s)témoin m’est familière – elle s’est cependant vidée, nous étions plus nombreux, mais les temps passent) (il y a des choses à faire : j’ai pensé en voyant ce film magnifique à cette Nuit des forains d’Ingmar Bergman qui, un jour des années soixante dix m’a fait aimer le cinéma) (un certain cinéma, peut-être, mais le cinéma quand même) (j’apprends le décès Mrinal Sen et je sens le souffle de la camarde : ici une image de lui, pour se souvenir de son cinéma magnifique – c’est une image qui date de quarante ans, et toujours ces mêmes carreaux

  depuis tant d’années – billet qui lui sera dédié)

 

c’est une jeune femme, Ratna, elle est veuve depuis peu, elle va en ville (Bombay Mumbay enfin c’est en Inde, on y construit des tours à n’en plus finir, un peu comme à Londres) (Londres et les Indes, et « les 3 Lanciers du Bengale » (Henry Hataway, 1935) , et la reine Victoria et son valet (« Confident royal », Stephen Frears, 2017 – Judi Dench en reine…) beaucoup de choses de ce monde, beaucoup de monde que ce pays, un milliard et demi d’êtres humains, et un cinéma foisonnant, magnifique dansant et éperdu) c’est en car

et ce qu’on voit dans l’image, ce sont les bracelets bleus – les symboles de la vie libre, de la liberté, de la vraie vie – elle est domestique (c’est une histoire de classes sociales qui, comme on sait, forment en Inde un carcan d’acier), lui est maître d’oeuvre et comme son père construit des tours

joue au sqash, sort en boite, amours de passage – tout le kit, la trentaine riche – très – bien logé et servi

alors l’histoire serait qu’elle tombe amoureuse de lui (et vice-versa) et c’est bien ce qui se passe

sauf qu’elle ne tombe pas (ce n’est pas qu’elle puisse tomber, remarque bien, mais elle ne tombe pas) elle a sa vie – elle ne sait pas ce que veut dire « brave » elle tient sa force de sa passion peut-être et de son amitié, sans doute, avec une autre de sa condition : elle sort

ici on ne le voit pas mais c’est son amie qui conduit la mobylette (regarde ses bracelets, là) et ici elle est de dos mais en premier plan, cette amie

avec qui elle fait ses courses (sa passion, c’est coudre et devenir créatrice de mode), elle sourit et c’est la vie

elle aide sa soeur à faire des études, elle gagne sa vie, elle se bat et se bat encore

femme (tout à fait) dominée (socialement) mais sûre d’elle malgré tout, avançant et continuant, souriante et vivante (incarnée magnifiquement par Tillotama Shome, un charisme d’exception…)

deux femmes formidables.

 

Sir, un film (magnifique de justesse, d’élégance et de distinction) de Rohena Gera

Les Genove

 

(imagine-toi qu’il s’agit du billet 300, lequel s’intéresse à un livre porté sous le signe du 3 à la puissance quatre et au carré : c’est beau comme de l’antique) (j’en suis fort aise, mangeons maintenant) (y’a pas que le cinéma dans la vie, tu sais bien) (cet article est en WIP) (tu connais, travail en cours ?) (cet article est en TEC) 

Tout allant par neuf dans l’ouvroir, il se trouvera une neuvaine d’établissements recensés ici. On commence sans doute par l’un des plus petits en surface et grand en renommée (il faut dire que la cuisine qu’on y goûte est délicieuse : l’endroit est pris d’assaut dès onze heures, les fritures dévastées vers quatorze, fermé vers seize dans mon souvenir). Ici la spécialité de poulpe bouilli ((c) Daniele Pectini)

l’endroit se trouve sous les arcades du vieux port (via di Sottoripa, établissement Carega) « Pizze calde Farinate »

Une autre officine de cet ordre – vente à emporter, à manger sur place immédiatement et vite – on pense à Francis Lemarque qui vivait à la Varennes Saint-Hilaire, et venait à Paris par les quais de la Marne en mangeant des frites – se trouve du côté du marché oriental (manqué lors des visites) via San Vincenzo

ou de plus près

qui semble mieux (à vendre : tourtes aux légumes etc…) (torte, farinate).

Ensuite, on passe à table.

Dans le monument à Gênes dédié par Benoît Vincent intitulé GEnove ou GE9 comme on veut, composé de quatre vingt et un billets (l’intitulé des chapitres, c’est aussi comme on veut) on a gardé le 29, non parce qu’il débute en page 100 et finit en cent cinq, non plus à cause de la qualité de premier du quantième, mais parce qu’il traite de la cuisine de ce pays-là, Gênes, cette république maritime, cette ville magnifique, qu’on aime (on va y aller, ne t’en fais pas, on y va)

(ici le port et sa lanterne, au zoom pris de l’hôtel où on passait une première nuit, au dessus des voies de chemin de fer, mais bref) Ligurie quand tu nous tiens, le golfe, cette sauce à base de basilic, de pignon et de parmesan, mêlée aux trofie ou aux linguine (dont on apprend qu’elles peuvent s’intituler trenette ou bavette) dite pesto, on a recherché dans les images proposées par le robot les néons ou les façades des officines où l’auteur aime à se sustenter. Tout seigneur a ses premiers honneurs, je crois qu’il faut commencer par là

non loin de la pension où nous logions (Caffaro sixième étage et sa suite Napoléon), pour continuer par celle-ci, non moins célèbre

(peut-être assez surfaite), puis d’autres plus obscures

(d’autant que close au passage du robot) les trois fenêtres qui donne sur le port antique probablement, cette autre (magique je crois)

(je veux dire l’image)  (encore que pasto completo 10 euros non seulement ça rime mais en plus ce n’est pas trop onéreux) on mettra des italiques plus tard, on continue notre mise en ligne, toutes celles-ci sont en ville

(ici da Ugo) et dans la rue parallèle, plus au sud ce galion

défendu d’un carabinier (sans doute en faut-il ?) (encore que cette évocation dans cette ville-ci a quelque chose de tragiquement dégradant, tu sais, ni pardon ni oubli, non) mais se tient dans l’arrière-pays (on prend le train, en cette gare – je suppose

– Principe) et stop à Acquasanta pour trouver, non loin de l’église environnée de quelque court de tennis

le da Dria (la jolie résonance avec mon patronyme n’est pas pour rien dans la recherche obstinée menée pour la trouver jte dirai) dont la devise (« arborée fièrement » dixit BV) est ici reprise

(comme elle l’est dans les notes de colonnes de l’ouvrage qui nous a renseignés) ne peut qu’être de bon augure… Il me reste cette image (il m’en reste des centaines, mais elles me sont intérieures aussi) du palais blanc je crois de la rue Garibaldi pour me souvenir encore, et encore de cette merveilleuse étape

 Avec nos compliments pour ce merveilleux ouvrage (bon appétit, surtout).

 

« GEnove GE9 Villes épuisées » autoGEographie par Benoît Vincent, Le Nouvel Attila collection Othello, 2017

 

Les Intrus

 

Le décor, ou le lieu prépondérant de cette histoire, est la cour d’une ferme où se trouve une petite maison faite de parpaings, petite fenêtre, tôle ondulée, une porte, tout en un, refuge prêté par la directrice du lieu à une jeune femme seule (dit-elle) et accompagnée de deux enfants en bas âge. Ainsi ici on ira dans la cuisine, laquelle fait office de tout dans cet asile ou retraite :  la maison(s)témoin, ce sera ce petit havre. La voici ici , y entrent la mère et la soeur (sans doute) de Maria, l’intruse.

On dispose d’un matériel spécial pour ce film puisqu’il a été présenté au festival de Cannes quinzaine des réalisateurs cette année dix sept (les photos en noir et blanc proviennent de cette manifestation) (promotion ou pas, parfois, on s’en fout) Et donc à l’image l’intruse qui fait le titre du film (Valentina Vannino souriante et heureuse, semble-t-il).

Sans doute, enfin on ne sait pas exactement bien, tout au long de la narration (serrée) qui, d’elle ou de sa fille, est l’intruse.

Ici l’équipe réduite du film (sans doute celles et celui qui firent le déplacement de Cannes en mai : à gauche, la jeune fille (Martina Abbate) qui joue le rôle de Rita , la fille de la jeune femme ici plutôt blonde qui joue sa mère, Maria – femme d’un mafieux qui a tué par mégarde (on sait comment ils sont, oublieux, sans trop de respect pour la vie d’autrui) un passant dans la rue – lequel était le père d’une des enfants qui jouent dans le film, dans une centre d’aide social nommé « La ferme » (en français, en italien « La Masseria ») lequel centre est dirigé par Giovanna (interprétée par Raffaella Giordano, à droite de l’image). Ca se passe à Naples (la mafia de là-bas, s’intitule la camorra).

Le réalisateur Leonardo di Costanzo, napolitain lui-même mais qui vit aussi en France, le type qui sourit avec ses cheveux blancs, nous avait déjà donné un film « L’intervallo » (2012) dans le même esprit disons (Naples, la camorra, les banlieues et les jeunes gens qui tentent de s’en tirer). Rien à faire, j’aime le cinéma italien, sinistré comme l’anglais peut-être, mais tant pis. Ici interrogé à Cannes

(un peu de couleurs ne nuit pas généralement), on pense aussi au « A Ciambra » (Jonas Carpignano, 2017), vu récemment aussi (je pensais en avoir parlé ici, mais non) qui se passe en Calabre, mais avec toujours aussi cette présence à peine entrevue de la mafia. Et c’est cette présence qui travaille : ici les protagonistes (très nombreuses sont les femmes, ce sont les premiers rôles) ont à vivre avec cette force, ou ce pouvoir. Occulte en effet.

L’intruse, c’est aussi sans doute la mafia : cette jeune femme qui a deux enfants (sept ans peut-être pour Rita, quelques mois pour son frère) ne montre rien de la reconnaissance qu’on pourrait attendre du fait qu’elle a été recueillie. Giovanna s’en arrange parce qu’elle comprend, sans doute avec beaucoup de grâce et d’humanité, qu’elle a en face d’elle quelqu’un de blessé, très gravement et, si elle n’y prend garde, de perdu.

Sans doute aussi, cette blessure ne se guérirait que par la compréhension, la mise à l’écart des meurtres du mari. Sans doute, s’il se pouvait, passerait-on l’éponge…

Ici Giovanna, qui toujours, comprend les choses plus simplement que par l’émotion, qui toujours attend pour répondre, toujours comprend avant de condamner. Pas facile : rôle en or, sans doute, mais tout le monde cependant se retrouvera  sans doute non pas vraiment contre elle, mais contre l’intruse.

Pour ma part, j’ai vraiment apprécié (d’abord les premiers, certes, mais aussi) les deuxièmes rôles, ceux des médiateurs disons : ici un garçon tellement empathique avec les enfants (je ne retrouve pas son nom)là Sabina (magnifique Anna Patierno)ici une autre éducatrice probablement (je ne retrouve pas non plus son nom)mais des seconds rôles tellement attachants (le jardinier aussi bien, le directeur ou le policier; les mères des enfants tout autant). Une direction d’acteurs d’acier, et un travail avec les enfants qui oublient la présence de la caméra, une espèce de documentaire mais non, une espèce de fiction formidablement interprétée, dirigée, écrite.

Le thème donc, que faire de ceux qui côtoient la mafia, les enfants, les épouses, se résout malgré les efforts de Giovanna : il est certain qu’il faut faire un pas vers la clarté, mais à qui de le faire, au monde de l’Etat, de la vie, de la société ou plutôt aux meurtriers et à ceux qui les voisinent ? Magnifique scène où l’intruse se maquille pour aller (probablement – c’est hors-champ ) rendre visite à son mari incarcéré, bijoux, coiffure, rouge à lèvres, qu’elle ôte avec quelque chose de la rage… Mais comment faire si le reste du monde demeure sur ses positions, refuse d’accueillir et d’aider (au fond, il s’agit d’aider et de recueillir) ces malheureux enfants de malfrats ? En sont-ils aussi, eux, des meurtriers ?

Alors, évidemment, si les efforts ne restent que d’un seul côté (de celui de la loi), ça ne peut pas se résoudre : lorsque la jeune Rita a quelques mots avec un de ses camarades (des mots qu’ont toujours les enfants entre eux (ainsi que les adultes d’ailleurs), sans qu’il soit nécessaire que cela se termine dans le sang…) et que sa mère tente d’imposer (par pure courbure de l’habitude, de ce qui lui a été enseigné) sa propre loi, ça ne peut pas marcher… Elle le sait, l’intruse écoute les conversations qu’on ne peut cacher

comprend, et s’en va… La fête aura lieu sans elle (si elle était restée, elle n’aurait pas eu lieu non plus…), sans ses enfants, sans Rita : elles s’en iront, sans qu’on sache très bien pour où, mais ce qui est certain, c’est qu’on ne les aura pas aidées à rester, et à vivre…

Terrible constat, mais qui peut être assez fort, sinon l’Etat lui-même, pour imposer cette espèce de pardon ? Et d’ailleurs, en veut-on seulement, nous autres qui ne sommes pas proches de ces meurtriers, de ce pardon de ces actions terribles qui ont été commises contre notre monde ? Pas si sûr…

 

« L’Intrusa » un film de Leonardo Di Costanzo.

 

Hans

 

Tous les plans n’y seront pas, mais n’importe : voilà qu’on revient à une espèce de table de montage (celle où (à laquelle) on passait des heures entières sans les voir passer – comme si on écrivait, et on écrivait d’ailleurs – dans le sous-sol de l’institut d’art et archéo pour disséquer, détailler, répertorier, agencer les plans d’un film ou d’un autre  – le monde a bougé, Claude Beylie est décédé, il se peut que la table ait été ôtée de cet endroit, je ne sais ce qu’il est advenu de la cinémathèque universitaire) (je me renseigne, t’inquiète) (je fais quoi, là ? je ne sais, ça n’importe pas vraiment). Dans le cadre des ateliers d’écriture proposés par François Bon, ici l’hiver 2017-18, on a une espèce de cap à tenir (durant ces mêmes ateliers – mais d’une autre année – les précis d’atelier se tiennent dans une rubrique, on peut lire pendant le week end si on veut les contributions, on peut lire les autres sur le tiers livre) : on a déjà donné, sur ce film-là mais toujours pareil, RAF ou OSEF c’est comme on veut : l’important est le travail. Tous les plans n’y sont pas, mais j’en ai pris onze – probablement en hommage à Pierre Michon, vu que j’ai fait semblant de l’être une fois, puis deux. OSEF et RAF encore : voici venir le moment du travail; il se verra tenir ici illustré (sans doute parce que cette maison(s)témoin a déjà quelques images de ce héros (Peter Lorre alias Hans Beckert, en 1931 -ces images sont en mots, on ne voit que Lohmann). La séquence d’ouverture, l’une des plus tendues que sache présenter le cinéma, toutes époques confondues (ces trucs-là sont extrêmement subjectifs, et d’ailleurs, étant humain nous n’avons que cette objectivité-là à proposer, comme on sait). On la prend, on l’arrête : elle ne dure que quelques minutes (un peu moins de 7 minutes). On travaille…

 

La cour (plongée) d’un l’immeuble, des enfants (une dizaine) jouent  : ils sont en rond, ce ne sont pas que des filles, certains sont déjà sortis de la ronde, l’une d’entre elles, au milieu, fait la plan en chantant une comptine :

attendez juste un instant le vilain homme en noir va revenir

avec son petit hachoir

il fera un hachis de toi !

celle ainsi désignée sort du jeu (« tu sors » lui la chanteuse) , et l’enfant recommence, et chante tandis qu’au premier étage (pano vers le haut) une femme (elle est enceinte) range le linge sec dans un panier qu’elle prend d’un fil à linge tendu sur un balcon – une femme de ménage, qui fait son travail; elle entend les enfants chanter et leur crie :

Les enfants arrêtent, elle s’éloigne, on les entend qui recommencent. (Dans un instant, le vilain homme en noir va revenir…). Elle s’en va

tout le temps cette maudite chanson

Elle se trouve dans l’escalier qu’elle monte difficilement,

elle porte sa charge, lourde, des deux bras, elle s’approche d’une porte, sonne avec son coude, deux fois, attend en soufflant (la caméra est dans le trou de l’escalier). La porte s’ouvre (travelling avant) , une femme apparaît, elle semble un peu âgée, elle prend la panière des mains de sa collègue (sans doute est-elle repasseuse, l’autre est lingère ? des gens, des femmes de peu – elle s’essuie le front) qu’est-ce qu’il y a ? lui demande la femme qui a pris le panier.

En vérité c’est en montage parallèle : pendant que sa mère (on l’identifiera tout de suite après) oeuvre

prépare le repas

(le sourire… ) (il est midi au coucou, puis midi vingt, etc.) met la table le tout avec amour et une espèce de bonheur figé, la petite fille sort de l’école, abandonne ses amies, traverse se fait klaxonner, un flic l’aide à traverser, elle joue au ballon

(derrière elle,

non, devant – des gens passent, lisent le journal, elle fait rebondir son ballon comme une basketteuse, cartable au dos)

puis avance vers une espèce de colonne Morris sur laquelle est collée une affiche – une voix off énonce ce qui est écrit, en caractères gothiques – et précisément c’est ici que commence le film qui m’échoit.

Précisément il n’y a pas de voix off, seulement la traduction en sous-titres en français, le bruit du ballon… Le ballon contre la colonne; le texte en caractère gothique (c’est le carton des films muets) – on lit

« 10 000 marks de RECOMPENSE.

QUI EST LE MEURTRIER ?

Depuis le 11 juin le petit KARL KLAVINSKI et sa soeur CLARA ont disparu. On pense bien sûr que les enfants ont été victimes d’un crime semblable à celui commis l’automne dernier contre les soeurs DOERING »

là, par la droite

l’ombre cache les écritures, c’est un homme en chapeau manteau assez corpulent, ses lèvres remuent quand il dit : «  tu as un bien joli ballon… » il se penche vers elle (hors champ), son ombre couvre toute l’affiche,  » et comment t’appelles-tu donc ? » et (off) la petite fille de répondre « Elsie Beckmann« .

Cut : la mère dans sa cuisine en train de couper une pomme de terre dans la soupe chaude et fumante, puis elle regarde dans la direction coucou – plan de coupe : le coucou marque midi vingt – (sur elle à nouveau, préoccupée) elle entend des bruits dans l’escalier : « ah la voilà » pense-t-elle, elle s’essuie les mains, va vers la porte, non, elle ouvre – cut : deux enfants montent les marches vers l’étage supérieur – (off : la mère) « Elsie n’est pas rentrée avec vous ? » – les enfants se penchant à la rampe de l’escalier : « Non » dit l’une. « Pas avec nous. » dit l’autre. Cut de nouveau sur elle qui regarde vers le haut, les enfants s’en vont, elle regarde dans la cage, scrute à droite et à gauche, rien, elle rentre chez elle, ferme la porte.Cut : (plan large, l’homme de dos fouille dans sa poche, cherche des pièces, Elsie à sa gauche, de trois quarts, le marchand de ballons de face) le marchand de ballon est aveugle (il a des blindismes et porte sans doute une pancarte attachée autour du coup qui indique « aveugle »), il prend un ballon, le tend à Elsie, l’homme est de dos mais on l’entend qui siffle son petit air, « Comme il est beau ! » dit Elsie prenant le ballon, l’homme siffle, l’aveugle entend, puis sent avec ses doigts les pièces que lui a donné l’homme, il doit y avoir le compte, Elsie avec une petite révérence  » Oh merci« , l’aveugle met les pièces dans sa poche, la petite et l’homme sortent par la droite.

Cut – dans la cuisine, la mère pose la soupière dans un bain-marie afin de la garder au chaud, la sonnette, elle se précipite presque « enfin » elle ouvre, un type (« ah mon Dieu non ce n’est pas elle…« )  petites lunettes rondes d’intellectuel, chapeau manteau grosse serviette bourrée de périodiques, lui dit d’une voix fatiguée : » bonjour madame Beckmann, un nouveau chapitre passionnant, palpitant, sensationnel… » elle va chercher un peu d’argent « ah oui, un moment monsieur Gerke… » il sort l’exemplaire qu’il va aller vendre au dessus, elle revient « dites moi, monsieur Gerke… – oui ? fait-il – avez-vous vu mon Elsie ? lui – non, ce n’est pas elle qui montait les escaliers ? elle lui tend de l’argent, dit – Non, elle n’est pas encore rentrée… il prend l’argent, un peu pressé  » Ne vous en faites pas elle va arriver, au revoir madame Beckmann… » il s’en va « au revoir monsieur Gerke » – il s’en va, elle va fermer la porte, se ravise, va vers la cage d’escalier.

Cut – plongée sur la cage d’escalier, vide, vide. Off, la mère qui appelle « Elsie..! » rien.

 

Cut -elle rentre, le périodique palpitant dans la main, elle ferme la porte, entend un crieur dans la rue, va vers la fenêtre, déplace une bouteille, ouvre la fenêtre, crie « Elsie…! » puis à nouveau, presque terrorisée « Elsie…! »

Cut – le plan de la cage d’escalier vide, vide. Off, la mère qui appelle presque en criant « Elsie..! »

Cut – le grenier où sèchent des linges, personne, off la mère qui crie et appelle « Elsie…! » une autre fois plus fort « Elsie… »

Cut – sur la table, les couverts entourent l’assiette vide, la serviette dans son rond, sur le côté, la chaise, en haut du cadre, vide.

Cut – une pelouse mal entretenue, le ballon d’Elsie qui y roule, rouel encore un peu puis s’arrête.

Cut – des fils électriques, s’y coince le ballon acheté à l’aveugle et offert tout à l’heure par l’homme, puis le vent l’emporte

Fondu au noir. Noir de quinze secondes.

 

 

Ce film a déjà ici été l’objet d’un billet (la petite tablette devant la fenêtre sur laquelle Hans Beckert écrit je ne sais plus quoi au crayon rouge – le truc est important, mais voilà bien trente ans que je n’ai pas regardé ce film en entier), ici c’est pour mettre à l’étrier le pied de l’atelier d’écriture, pourquoi ici je n’en sais rien, mais c’est là. En tout cas, il m’importe de déceler ici dans ce « M » une espèce d’intitulé (la scène où le tueur d’enfant dit qu’il est pris par quelque chose qu’il ne peut pas contrôler est, à mon sens, une sorte d’illustration de ma propre condition – il n’est sans doute pas indifférent que je sois né un onze juin). En tout cas et état de cause, ce prénom fait écho à celui du petit homme dans ce magnifique « Freaks » (« La monstrueuse parade », Todd Browning,  1932), presque contemporain (dans une espèce de mémoire rétroactive et ré-interprétative – on a fait la même chose avec « La Chinoise » (1967) de Jean Luc Godard,  en 1968 – on peut dire que ces deux films parlaient sans vraiment le savoir complètement du nazisme). Pour moi, donc, des emblèmes de mes années d’école (j’ai rédigé le découpage plan à plan de « Freaks » pour le magazine l’avant scène cinéma, à l’époque où, étudiant en cinéma de Paris trois j’avais des stages à réaliser – j’avais refusé de faire le nègre (où ce que je considérais ainsi) du directeur de recherche, j’avais cherché ailleurs, trouvé la place d’assistant à la cinémathèque universitaire, travaillé là à monter du quatrième sous-sol jusqu’au rez-de-chaussée les boites de films dans un caddy taxé à la société nationale de chemin de fer, il me semble, mené avec d’autres des actions commando pour chercher des films perdus,oubliés, laissés aux ordures (dans l’ancienne usine Kodak de Vincennes, notamment) afin d’enrichir le fonds de la cinémathèque universitaire et d’autres choses encore). Epoque que j’aime encore, insouciance probable, cheveux peut-être longs, rires et joies, vaches maigres, débuts dans la vie. Le cinéma, que d’histoire(s)…! – et cette dernière sans doute avec ce charmant (il est vraiment charmant) Peter Lorre (soit dans « le Faucon Maltais », John Huston, 1941) soit dans « Casablanca » (Michael Curtiz, 1942), qui montre dans ce dernier film, un Claude Rains jeter à la poubelle une bouteille d’eau de Vichy.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

de la musique et de la danse

 

Une espèce de merveille qui envahit l’écran et la salle, c’est la musique et la danse de ce film : elles parviennent à dire l’humanité qui existe en nous, on l’espère, cette vraie humanité qui a parfois un aspect naïf, mais qui existe quand  même, peut-être plus que la haine. Aujourd’hui, c’est l’horreur : des corps jonchent les ramblas, on les a enlevés, on a dû nettoyer, le truc a été revendiqué et ceux qui ont agi l’étaient eux-mêmes par cette sorte de vantardise humaine qui imagine être le centre de la dignité. Ce qu’on a à leur opposer ? De la musique. Et de la danse.

Une horreur, mais nous sommes en vie. Il y a de la musique, des artistes et de la liberté, elle existe cette liberté même si certains aimeraient la ligoter (l’un des films précédents de Tony Gatlif, était intitulé « Liberté » (2010)) . Elle est là, nous l’avons, nous la défendons. Il y a des jeunes filles, deux : l’une, Avril (interprétée par Maryne Canyon)

 

l’autre, Djam (Daphné Patakia, créditée aussi de la chorégraphie)et la production du film est grecque, et turque et française. Peu importe l’ordre mais réunir ces trois institutions sous un même projet est déjà une preuve de la vérité de l’histoire. On se souvient (voilà seulement dix ans) du sauvetage des banques US (cette ignoble et abjecte façon de donner aux plus riches) , eh bien la Grèce (comme le Portugal) payent à présent (et depuis cinq ans au moins) pour ces errements. L’horreur que subit ce peuple et ce pays (ces pays, les pays pauvres) est à l’image des guerres subies elles aussi dans cette partie du monde, ce Moyen-Orient endeuillé déjà de tant et tant de guerres, de réfugiés, de morts tant, et tant, et tant…

Le beau-père de Djam (incarné par Simon Abkarian) Kakourgos, lui donne pour mission d’aller faire forger une bielle pour le moteur du bateau qu’il possède, défectueux et de toutes façons sans objet – il n’y a pas de touristes pour visiter l’île de Lesbos…

Le film trace une route : les deux jeunes femmes vont de Turquie en Grèce, déroulent une histoire, vont, avancent, rient et dansent, mangent et boivent. L’histoire c’est celle de notre vie à nous. Que nous restera-t-il, sinon nos yeux pour fixer les huissiers ? Scène magnifique de cinéma, Djam qui insulte les vautours, magnifique également celle où le moteur du bateau retourne : du vrai cinéma comme on l’aime.

Mission menée à bien : confiance, amour, joie et gratitude… Le reste du monde ? Sans doute, une histoire, des histoires… Mais la vraie dignité humaine est là : chanter, danser et rire. Ce sera tout.

Trois plans formidables : lorsque Kakourgos raconte l’histoire de sa vie avec la mère de Djam… Formidable cinéma à nouveau

A voir, magnifiquement.

Alimentaire

 

 

Il s’agit juste d’une sorte d’épicerie – si j’ai bien compris, je ne suis pas complètement certain, je n’ai pas posé de questions (je n’en pose jamais dans ce genre de réunion, en même temps) – réservée aux coopérateurs : ils ont le droit d’acheter des légumes, des produits type fromages etc. et entretien aussi semble-t-il dans la mesure où ils donnent quelques heures de leur temps tous les mois (un peu moins de trois heures je crois bien) (et aussi une centaine de dollars d’inscription, il m’a semblé).

le magasin, capturé par le robot, juin 2009 (devant l’entrée le bénévole -gilet jaune fluo –  qui aide à porter les sacs) 

Ca se passe à New-York, quartier Brooklyn, sous quartier Park Slope entre la 4° avenue et Union street. Apparemment, d’après le film (vu au cent quatre à Pantin- je crois que la maison(s)témoin devient une succursale de ce cinéma-là- entrée libre, salle assez emplie, notamment du fait du début de la « semaine du développement durable » qui commençait hier), le quartier est en phase d’embourgeoisement avancé (on entend ici des gens qui nous donnent des explications sur ce changement dans ce quartier – moi j’y ai vu Belleville et Oberkampf, mais chacun voit midi à sa porte à ce qu’on dit). On fait attention à ce qu’on mange, et aussi à combien on paye pour ces produits de bonne qualité. On a, preuve à l’appui, comparaison faite avec les mêmes produits vendus sous d’autres enseignes, l’évaluation des gains en argent réalisés.

l’épicerie en mai 2011 (apparemment fermée, on attend l’ouverture; sur le banc, assis, deux bénévoles qui attendent aussi de pouvoir raccompagner les clients au besoin : il s’agit d’une des possibilités pour parvenir à devenir client du lieu)

Le film (documentaire d’assez bon aloi) intitulé « Park Slope Food Coop«  est réalisé en 2016 par une personne qui a réalisé le même type de produit, d’épicerie, de lieu dans le dix huitième de Paris, association nommée « La Louve » (supermarché autogéré, ici) (ouverture automne 2016 dit wikipédia bizarrement mais il me semblait connaître le lieu avant). Il s’agit (sans doute) de quelque chose comme du prosélytisme : une réalité sociale de notre monde moderne.

l’épicerie en octobre 2013 (à droite cadre sans doute la remise sous la marquise verte) (l’adresse est 782 Union street donc)

Comme d’habitude, ce type de dispositif n’a pas non plus tellement besoin d’écho : il semble que la situation de ce commerce se tienne assez bien (celui de Brooklyn est installé là depuis 1973 : on entend les précurseurs raconter leur histoire, sympathique et donc, édifiante – la photo d’entrée de billet, c’est eux). De nos jours, il s’agit de notre santé donc. Dans ces temps où les végétaux semblent prendre une certaine importance dans l’alimentation des jeunes gens (je n’en suis plus mais des vieux aussi) (j’en suis, ça va aller) : on fait attention donc, à son (petit) intérieur.

en septembre 2014

(la bénévole qui raccompagne les clients pour les aider a repéré le robot) les enfants sont là, le monde US donc, il fait assez beau (dans le film il pleut, c’est Noël, il neige même). L’important est sans doute plus dans le fait que les flux de produits sont réalisés avec des producteurs locaux et que ces produits peuvent profiter à des personnes dont les ressources sont moindres – produits non nécessairement bio (organic in english) mais achetés avec l’aval des divers coopérateurs – du fait des coûts réduits de la main d’oeuvre, et de la mise en place d’une marge de 20 pour cent unique sur tous les produits.

en novembre 2016

Franchement, les documentaires et moi, nous ne sommes pas très amis (que ce mot a perdu de son sens…) : cette chronique pour signaler ce film, mais surtout pour indiquer ce quelque chose de la mode (peut-être est-ce  cette mode du documentaire qui me fait un peu ne pas goûter le genre ? je me souviens de « Nanook l’esquimau » (Robert Flaherty, 1922) ou des « Trois soeurs du Yunan » (Wang Bing, 2012), ou même de ce « Camion » (Marguerite Duras, 1978) qui peuvent expliquer aussi mon peu de goût pour ce mode narratif)  indiquer ce quelque chose donc qui se passe aujourd’hui dans la haine qui monte (ça commence quand même à faire vingt ans…) pour la grande distribution, la consommation à outrance suremballée et tout le kit qui nous vient de ce merchandising d’outre-atlantique.

On résiste, alors ? (ici, nous autres avons pour nous, cependant, encore, l’appétence pour la gastronomie…)

Food coop, un film de Tom Boothe, 2016.

Photos: courtesy of GSV.