l’arbre – épisode 20

 

 

 

parti, et revenu – dans ce laps de temps, la guerre elle est advenue – je me souviens de ce type (du même ordre que l’ignoble au poil court, ex-services secrets GPU, qu’iels ont à leur tête) aviné au plus au degré (c’est le cas de le dire) qui, entre deux hoquets et un rot, en appelait à la dissuasion (il s’appelait Elstine – pourquoi tant de catastrophes dans ce monde, tant de guerres de morts et de flots de sang ?) il en est ainsi (alors que nous avons la musique et bien d’autres arts) – nous sommes à la merci de n’importe quel autocrate (il serait plutôt mâle, certes)  (nous ne sommes rien,  civils peut-être, mais rien) (une bombe est vite lancée, vite arrivée, vite explosée) (on a peur ? oui…) 

 

il s’agit d’une maison, elle appartenait à R. ainsi que ces arbres

des aménagements sont prévus, on y travaille malgré tout parce que la vie continue

c’est tranquillement reparti car, au fond, que sait faire l’humanité, sinon des enfants afin qu’ils aillent (pour les mâles) à la guerre ? Se battre. Ici, nous sommes le quatrième ou cinquième producteur d’armes au monde – qu’est-ce qu’on attend ?

Le chômage ? Le corona virus ? L’élection présidentielle ? Le réchauffement climatique ? Les eaux qui montent ? j’ai attendu un moment – tous les matins, la première des choses (avant même les autres nécessaires) une image de l’arbre (la suivante est prise cinq secondes après la précédente)

(non, le point non) (il est encore tôt – trop sans doute – je dors mal – un propriétaire a des problèmes locatifs : le type à qui il louait le studio* l’a prêté à un de ses amis (on mettra des guillemets où on voudra) lequel a déménagé une machine à laver (une histoire à peine croyable)

et a laissé de son passage et sur une moquette neuve (zeugme) une traînée noire d’eau usée – la moquette était bleu de France avec de petites étoiles peut-être bien noires – on n’a plus de nouvelles de l’ami – on sait qu’il recevait des respectueuses peut-être

– le syndic de copropriété a décidé de changer ladite moquette neuve (elle était souillée sur les 20 mètres qui vont du studio* à l’ascenseur) de tout l’étage – à cet étage de l’immeuble, les couloirs ont une longueur de 120 mètres linéaires – le syndic a changé la moquette (il s’est trompé de couleur puis en a fait poser une autre) et réclame au propriétaire quelque chose comme 3600 euros – décadré certes – deux de ses congénères

lequel n’a pas la queue d’un demi-euro – alors attaquer, car la meilleure défense est l’attaque – regarder le monde bruire –

le locataire est un homme malade – il est rentré chez lui fin 20, enfin chez lui, il vit en Arménie aujourd’hui – c’est un type bien (il a de mauvaises fréquentations, peut-être) et tu sais ce qui se passe aujourd’hui ?

son mail ne fonctionne plus – c’est l’irruption de la réalité dans le monde virtuel – (le sapin qu’on voit à gauche a été de Noël fin des années soixante) (à côté de lui, un frêne centenaire) – comment veux-tu qu’on ne soit pas fatigué ? – on n’en dort plus que mal – on a des difficultés – il fait encore froid – sur le balcon, le forsythia déploie son or –

ici c’est un cognassier du Japon, qui de son rouge remémore R. qui l’a planté il y a peut-être quarante ans – je me souviens d’elle, appuyée à sa commode, qui priait dieu sait bien qui, afin qu’on lui épargne ces douleurs – elle est partie, une nuit calme et douce – ça ne fait rien c’est vrai nous ne faisons que passer – passons – passons –

une maison, dans la campagne qu’on aménage – on serre des vis, on cloue on nettoie on brosse enduit ponce réduit repose visse et encore et encore – s’occuper du jardin, tondre rafraîchir

le magnolia de R.

 

* : voilà un demi-siècle, elle regardait le Figaro (en ce temps-là, on le lui apportait avec le plateau de son petit déjeuner) et trouva cette occasion – le lieu était un peu bas de plafond – il correspondait sans doute à une certaine surface financière de sa sœur – il est dénommé remise – elle et sa sœur le visitèrent et furent toutes les deux séduites par l’entrée l’immeuble, majestueuse ors et bois rares stucs mosaïques miroirs – l’argent venait de l’assurance vie contractée par l’homme qui venait de mourir – sa sœur vivait sur ce continent depuis douze ans, et voilà qu’on lui avait ôté son amour – nous avions beaucoup pleuré son départ (nous étions six) – le truc est là, aujourd’hui habité par une jeune femme adorable – il fait encore un peu froid, tu sais