Une chambre à soi

 

Comment faire pour n’y pas penser ? On est là, on va, on vaque, le cinéma les courses le travail le blog les amis les anniversaires, les meubles les cadeaux, le pain marcher dans les rues, le soleil, et puis voilà, un cinglé, un fou une ordure qui ose donner sa vie pour une cause et prendre celle de vingt-deux autres la leur ôter briser ce qui ne tient à rien, ici à Manchester sur le boulevard Voltaire à Paris ou rue Bichat, pour des idées – mais sont-ce vraiment des idées ? – pour qu’on entende comme si on était sourd, on est sourd oui, on continue quand même, donner tort raison faire comme si de rien n’était, des morts partout, sur la promenade des Anglais, ailleurs tellement ailleurs tous les jours, tous les jours, tous les jours. On ne va pas cesser, on ne va pas céder, on va plutôt continuer à tenter de décrire la beauté des choses et du monde, et de ces films qu’on aime. On prie, peut-être, on essaye d’invoquer quelque puissance, le hasard la chance, on devient superstitieux, on jette en pensée derrière ceux qui partent un peu d’eau d’un verre dans lequel on a fait glisser une pièce, on tente de s’essayer à demander sans y croire que les choses se distinguent, qu’il soit enfin fait une place à la paix… Mais souvent, souvent, souvent il fait un froid de tombeau

 

La maison(s)témoin c’est exactement ce vers quoi veut aller Manana (Ia Shughliashvili, formidable) : elle s’en va. Sa famille reste sa famille mais elle, elle s’en va. Personne ne sait pourquoi, mais c’est juste parce que c’est devenu insupportable. Elle loue un petit appartement deux pièces banlieue de Tbilissi (c’est en Géorgie, une république de l’union soviétique socialiste -1917-1989, 72 ans d’union : morte enterrée oubliée – située entre la mer Noire et la mer Caspienne, au nord de la Turquie, ce n’est plus l’Europe sans doute, mais est-ce déjà l’Asie, on se perd en conjectures ou peut-être pas, enfin, moi ici, oui), elle s’en va et laisse mari enfants parents vivre dans l’appartement qu’elle aussi occupait, mais c’est fini, trois générations et bientôt quatre sous le même toit : insupportable. Personne n’est sûr de savoir ce qu’elle fait, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle le fait

Elle continue son métier (elle enseigne, sans doute les lettres, elle s’occupe de ses élèves

qui d’ailleurs le lui rendent bien) elle s’en va, s’installe, et continue de vivre (marché, courses, correction des copies cahiers

Il y a probablement quelque chose de la religion en Géorgie et il s’agit de chanter : alors on chante (des merveilles, par quatre fois dans le film, des merveilles, des pures merveilles).

Servie par un scénario en acier du plus bel alliage (une merveille aussi), une mise en scène qui ne trouble pas (ici, on pose l’image

des deux réalisateurs, Nana  – Ekvtmishvili – et Simon -Gross, c’est un s tzette en allemand, il doit être quelque chose comme pas loin de l’allemand, j’imagine – on accepte ce genre d’image pour mettre au point quelque chose – le chapeau, la montre, l’épaule nue les regards… la lumière : tout cela censé décrire probablement la réalité des actes et des métiers…) (on ne demande rien à la mise en scène, sinon de ne pas (trop) se montrer), une histoire de famille comme on aime (ici une espèce de conseil…

qui tente de faire revenir Manana sur sa décision…) des moeurs sans doute légèrement différentes mais la réalité de la vérité, la place des femmes au monde, la force du désir et celle du destin (un film formidable).

Je voudrais seulement revenir sur un trait transversal du cinéma : on peut, par exemple, s’interroger sur la place des portes, des raccords, sur les scènes de lit ou de disputes, sur celles qui montrent des acteurs en train de procéder à leur toilette, à leurs besoins, les ablutions ou les lavages de dents ou d’autres parties du corps, toutes catégories qui permettent d’envisager les choses d’une distance féconde à l’interprétation ou à la compréhension de ce que désiraient montrer (ou faire passer) les réalisateurs, producteurs et autres collaborateurs de création (j’adore ça, moi, les collaborateurs de création : c’est pas complètement nouveau, mais ça sent bon son technicien de surface son agent de production ou sa force de vente – la nausée technocratique, voilà tout). Ce sont des topiques, sans doute, ou des tropismes (j’adore ça aussi, la topologie, c’est un de mes sports favoris) et l’une de celles que j’adopte en regardant les films, c’est celle du repas. Alors je conseille de s’attarder sur cet aspect particulier de la mise en images (ou scène, si on préfère) : elle apporte, ici comme ailleurs, de très nombreuses voies de compréhension. Lorsqu’on attend la petite amie du fils cadet, on regarde les biscuits sur la table

(elle arrive, gaie pimpante enceinte…), ou lorsqu’on se retrouve vingt ou trente ans plus tard lors d’une réunion d’amis de fac

ou lors du repas normal, quotidien, semblable à tous les autres (la place de Manana est vide, au premier plan)

mais tout le monde (tout son monde) est là.

 

Une famille heureuse (My happy famyli) de Nana et Simon, 2016.

 

 

 

 

Alimentaire

 

 

Il s’agit juste d’une sorte d’épicerie – si j’ai bien compris, je ne suis pas complètement certain, je n’ai pas posé de questions (je n’en pose jamais dans ce genre de réunion, en même temps) – réservée aux coopérateurs : ils ont le droit d’acheter des légumes, des produits type fromages etc. et entretien aussi semble-t-il dans la mesure où ils donnent quelques heures de leur temps tous les mois (un peu moins de trois heures je crois bien) (et aussi une centaine de dollars d’inscription, il m’a semblé).

le magasin, capturé par le robot, juin 2009 (devant l’entrée le bénévole -gilet jaune fluo –  qui aide à porter les sacs) 

Ca se passe à New-York, quartier Brooklyn, sous quartier Park Slope entre la 4° avenue et Union street. Apparemment, d’après le film (vu au cent quatre à Pantin- je crois que la maison(s)témoin devient une succursale de ce cinéma-là- entrée libre, salle assez emplie, notamment du fait du début de la « semaine du développement durable » qui commençait hier), le quartier est en phase d’embourgeoisement avancé (on entend ici des gens qui nous donnent des explications sur ce changement dans ce quartier – moi j’y ai vu Belleville et Oberkampf, mais chacun voit midi à sa porte à ce qu’on dit). On fait attention à ce qu’on mange, et aussi à combien on paye pour ces produits de bonne qualité. On a, preuve à l’appui, comparaison faite avec les mêmes produits vendus sous d’autres enseignes, l’évaluation des gains en argent réalisés.

l’épicerie en mai 2011 (apparemment fermée, on attend l’ouverture; sur le banc, assis, deux bénévoles qui attendent aussi de pouvoir raccompagner les clients au besoin : il s’agit d’une des possibilités pour parvenir à devenir client du lieu)

Le film (documentaire d’assez bon aloi) intitulé « Park Slope Food Coop«  est réalisé en 2016 par une personne qui a réalisé le même type de produit, d’épicerie, de lieu dans le dix huitième de Paris, association nommée « La Louve » (supermarché autogéré, ici) (ouverture automne 2016 dit wikipédia bizarrement mais il me semblait connaître le lieu avant). Il s’agit (sans doute) de quelque chose comme du prosélytisme : une réalité sociale de notre monde moderne.

l’épicerie en octobre 2013 (à droite cadre sans doute la remise sous la marquise verte) (l’adresse est 782 Union street donc)

Comme d’habitude, ce type de dispositif n’a pas non plus tellement besoin d’écho : il semble que la situation de ce commerce se tienne assez bien (celui de Brooklyn est installé là depuis 1973 : on entend les précurseurs raconter leur histoire, sympathique et donc, édifiante – la photo d’entrée de billet, c’est eux). De nos jours, il s’agit de notre santé donc. Dans ces temps où les végétaux semblent prendre une certaine importance dans l’alimentation des jeunes gens (je n’en suis plus mais des vieux aussi) (j’en suis, ça va aller) : on fait attention donc, à son (petit) intérieur.

en septembre 2014

(la bénévole qui raccompagne les clients pour les aider a repéré le robot) les enfants sont là, le monde US donc, il fait assez beau (dans le film il pleut, c’est Noël, il neige même). L’important est sans doute plus dans le fait que les flux de produits sont réalisés avec des producteurs locaux et que ces produits peuvent profiter à des personnes dont les ressources sont moindres – produits non nécessairement bio (organic in english) mais achetés avec l’aval des divers coopérateurs – du fait des coûts réduits de la main d’oeuvre, et de la mise en place d’une marge de 20 pour cent unique sur tous les produits.

en novembre 2016

Franchement, les documentaires et moi, nous ne sommes pas très amis (que ce mot a perdu de son sens…) : cette chronique pour signaler ce film, mais surtout pour indiquer ce quelque chose de la mode (peut-être est-ce  cette mode du documentaire qui me fait un peu ne pas goûter le genre ? je me souviens de « Nanook l’esquimau » (Robert Flaherty, 1922) ou des « Trois soeurs du Yunan » (Wang Bing, 2012), ou même de ce « Camion » (Marguerite Duras, 1978) qui peuvent expliquer aussi mon peu de goût pour ce mode narratif)  indiquer ce quelque chose donc qui se passe aujourd’hui dans la haine qui monte (ça commence quand même à faire vingt ans…) pour la grande distribution, la consommation à outrance suremballée et tout le kit qui nous vient de ce merchandising d’outre-atlantique.

On résiste, alors ? (ici, nous autres avons pour nous, cependant, encore, l’appétence pour la gastronomie…)

Food coop, un film de Tom Boothe, 2016.

Photos: courtesy of GSV.

Tunnel

 

Le film est réalisé par Kim Seong-hoon, réalisateur sud-coréen de quarante cinq ans(je dépose ici cette image – lunettes chapeau certes, derrière lui un dessin de New-York quelques poissons en forme de décoration… – mais je pense que, croisant cet homme dans la rue demain, je ne le reconnaîtrais pas : fixons les idées cependant). Il a intitulé son film « Tunnel » (sortie en 2016).

Doucement, l’objet de ces billets s’est fondu dans une chronique des films plus ou moins appréciés : il était question de les écrire et déposer en des endroits sûrs d’un lieu hypothétique, où des êtres différents mais semblables avaient pour ambition de résider, et même d’habiter pour tout dire, encore que ces créatures plutôt imaginaires (disons) n’avaient rien de spécialement humains (elles étaient réalisées pour représenter cette catégories d’êtres vivants sur cette planète, mais rien de plus – Fabrizio Corbera de Salina est une exception : il est « quelque chose » de plus). Du cinéma : projeté sur un écran une image animée par un flux de vingt quatre par secondes aussitôt vu aussitôt échappé – ça se passe dans le noir, le plus souvent, une salle parfois plusieurs centaines de fauteuils très toujours rouges, on en sort ébêté/abruti parfois heureux on parle de ce qu’on vient de voir qui n’a plus aucune existence sinon dans la mémoire (il arrive qu’on n’ait pas vu ou regardé ou compris ou interprété les mêmes choses, on peut en venir aux fâcheries ou aux jugements comminatoires, se séparer haïssant le reste du monde pour son ignorance ou son amour béotien pour des imbécilités…). On propose, depuis de très nombreuses années, sur les bords de la Riviera française, des réceptions, des réunions, des pince-fesse, des jurés des jugements, des prix qui vont jusqu’au Phallus d’or (car ce qu’on appelle le septième art n’est pas avare de ce genre de rigolade bien franchouillarde – au vrai, ce type d’amusement grossier est assez mondial), décernant palmes et autres distinctions (oscars césars lions – eh oui –  ours j’en passe de moins connus) dans des ambiances de plus en plus conquises par le mercantilisme qui est à la base de ces manifestations (la soixante dixième édition de ce qui est nommé « festival » (ce sont des fêtes que ces panégyriques de l’entre-soi) ouvre ses portes comme on dit demain ou quelque chose – nul doute qu’on y notera la présence du nouvel élu…). Tout ça pour dire que ce qui se joue ici pour le rédacteur a changé ( une sorte d’écoeurement vis à vis de ce qu’il faut bien nommer un spectacle a fait son  apparition – au vrai, il y a longtemps que je l’aime, et que je le déteste tout autant…). La manifeste solitude dont ces billets sont des preuves n’entame pas, pourtant, l’entêtement à les produire.   

L’action se déroule dans la proximité d’un tunnel qui vient de s’effondrer,un type se trouve dans sa voiture et le tunnel (zeugme) (une autre automobiliste y est aussi (accompagnée d’un chien), il la retrouve, mais elle meurt…) il se retrouve seul avec le chien. Les recherches sont entreprises à l’extérieur (ici l’une des affiches du film, en coréen)ce sont ces secours qui sont les principaux personnages du film (les humains sont des personnages importants, mais ce sont et la société et ce qu’elle va mettre en oeuvre pour sauver ces vies qui sont examinés). Le type (interprété par Ha Jong-woo) est marié (il a une petite fille aussi : il lui parlera au téléphone), sa femme vient sur les lieux de l’accident, des jours entiers passent, des nuits tout autant, des recherches sont entreprises, on travaille avec pas mal d’acharnement mais aussi pas mal d’à-peu-près, on cherche, le type survit (à l’image, il mange le gâteau d’anniversaire de sa fille, il allait le fêter quand, empruntant le tunnel, il s’y est retrouvé coincé)et même si (pour beaucoup) le film souffre d’invraisemblances (ainsi que, sans doute d’une trop longue durée) on y tient à la vie : le sauveteur en chefaussi (Oh Dal-soo), qui pense qu’une vie humaine vaut plus que le percement d’un tunnel : on doit, en effet poursuivre les travaux, malgré l’accident, et percer d’un autre, tunnel parallèle sans doute, la vie d’un homme vaut-elle qu’on arrête ces travaux d’ampleur peut-être nationale ? La plupart des personnes présentes lors d’une sorte de conseil général peut-être extraordinaire, ou d’une conférence de presse, ne le pense pas. On arrêtera les recherches au bout d’une vingtaine de jours, on persuadera la femme du type (Doona Bae, qu’on avait déjà vu dans « A girl at my door » (July Jung, 2014)) la femme du type, donc enseveli, sera persuadée qu’il est mort, elle signera l’acte par lequel elle accepte qu’on arrête les recherches (ici, la neige tombe et les recherches cessent : la femme du présumé enseveli et donc décédé regarde les explosions qui ont repris et qui signent comme une mort certaine de son mari (si ce n’était déjà fait)). Tout au long du film, les médias (et leurs représentants, les journalistes avides, lâches, bêtes), le gouvernement (en la personne d’une ministre des transports -avide, lâche, bête…), les hommes d’affaires les bâtisseurs les proches du pouvoir, tous permettent la mort de cet homme enseveli. Les sauveteurs dont une bonne part d’incapables (comme pas mal de journalistes tout autant) ne font qu’obéir servilement aux ordres qui leur viennent de la hiérarchie. On obéit, c’est terrible (l’autre automobliste, coincée sous un énorme bloc de rocher, peu avant de s’éteindre, parle à sa mère et lui demande de l’excuser auprès de son employeur : elle ne viendra pas travailler…) (non,en effet…), terriblement contraint, poli, conditionné, soumis et dominé discipliné, veule tant parfois qu’on se regarde en se demandant si vraiment, nous aussi, dans de telles circonstances… Non, sans doute pas, non. Non…

Ni film catastrophe (genre bon enfant prolifique profitable et très rentable) ni comédie de moeurs, parfois cocasse (mais ce n’est pas tellement le lieu ni le contexte : choc culturel sans doute) parfois tellement différent de nos préoccupations culturelles (de petits mausolées montés sur les défécations du chien, des développements sur la nécessité de boire son urine…), deux heures de huis presque clos qui se terminent en coups de théâtre (ici de cinéma) assez bienvenus.

 

 

Tzanko

 

Rien n’oblige non plus à tout aimer, d’un bout  l’autre, d’un film : quelques parties, quelques autres, ici ceci – une actrice – là, celà – un acteur, un décor, une lumière, un plan – parfois on tombe en accord complet avec ce qu’on nous montre, parfois, en désaccord assez total et tout prend cette couleur (le film « L’homme aux mille visages » – Alberto Rodriguez, 2015 – par exemple sera jugé à cette aune – une voix off d’un bout à l’autre à vous faire regretter de n’être pas sourd, des acteurs qui en font des kilos (mais pas des tonnes non plus), une histoire tirée d’une « vraie » comme si chacun savait ce que ça pouvait bien vouloir dire, un Paris de wtf cartes postales nulles, enfin non définitivement même s’il peut, parfois, s’y trouver quelque chose). Un film est aussi, pourtant, tout un (c’est un prototype, réalisé durant quelques années de la vie de personnes, une image une histoire une idée et surtout peut-être une musique, celle qu’on entend, celle qu’on nous suggère, celle qu’on nous inflige). La maison(s)témoin n’a plus guère que cette vision-là du monde : des films. On tente, ici, de ne pas trop en faire dans la gross-ièr-e artillerie lourde US – d’autant moins qu’à présent, le coeur d’Hollywood va se mettre à battre pour le peroxydé (souviens-toi de mac carthy sans majuscules pour l’immonde, et résiste) : aujourd’hui, un film produit en Bulgarie, deux maisons de production, l’une du cru, Abraxas Film, l’autre grecque Graal Film, ce qui interroge un peu (une production grecque et les noms des maisons…), qui se base aussi sur une historie réellement arrivée à quelqu’un paraît-il : le Mac Guffin (ah Sir Alfred…) est tombé du ciel sur une voie de chemin de fer, et voilà toute une vie malmenée, traînée dans la boue, dépecée, réduite à peu… Il se posera dans la salle à manger (je ne sais pas bien s’il y en a une ici) : c’est un coin-repas, mais aussi dans la cuisine – qui n’est pas américaine, donc. 

 

C’est un homme simple et bègue, son prénom est Tzanko, il élève des lapins, travaille pour la société nationale locale de chemin de fer (c’est Stephan Denolyubov qui l’incarne).

Son père lui a offert une montre (la marque de cet objet

donne son titre au film – Glory) sur laquelle est gravée son prénom.

L’homme travaille et voilà qu’un jour, il trouve sur son chemin de fer (son travail consiste à vérifier le bon état des voies, dans une commune sans doute assez éloignée de la capitale, Sofia, qu’on ne verra guère – c’est bien dommage) un tas de billets de banque. Un très très gros tas (en un mois, l’homme gagne, dira-t-il, 350 lev; le tas de billets – de cent et de cinq cents lev – doit représenter probablement une vingtaine d’années de salaire, au bas mot). Mais l’homme est honnête et rend à l’Etat ce qu’il pense qu’il lui appartient : cela fait de lui un héros.

L’Etat en l’occurrence, ce sera le ministère des transports, lequel dispose comme il se doit d’une cellule de communication, kornaquée par une femme sûre d’elle (Julia) et très au faîte de son pouvoir – interprétée par Margita Gosheva, déjà croisée dans le précédent film des deux réalisateurs (tout comme Stephan Denolyubov), Kristina Grozeva et Petar Valchanov, intitulé « La leçon », 2014 : il semble qu’il s’agisse là des deux premiers numéros d’une trilogie; ils sont aussi les coproducteurs du film.

L’homme, Tzanko, s’en va à la capitale recevoir le prix de son honnêteté (une montre – digitale – qui ne fonctionne pas…). Car le ministère veut récompenser cet acte valeureux (ici, Tzanko et le ministre)

(d’autant plus que ledit ministère est englué dans une histoire, semble-t-il assez banale, de pots de vin, concussions et autres prises illégales d’intérêt – vols, achats reventes, trafics…).

C’est le début de l’engrenage : tous se servent de Tzanko, sans exception, et lui sera proche d’y perdre la vie. Discours lénifiant du ministre

Tzanko qui cherche sa montre (Julia la lui a perdue)

en fait part à un journaliste qui l’utilisera : le ministre se fâchera, excuses, prisons, battu à mort…

On ne dévoilera pas la fin (par habitude idiote, sans doute, et puis un film se doit aussi d’être vu, peut-être) mais elle ne nous plaît pas.

Du tout. pourtant le reste est d’une assez belle facture : mais une esthétique assez télévisuelle (emprunte de gros voir de très gros plans, suivis caméra à l’épaule…moderne ?) mais le milieu de la communication comme on dit est dépeint avec des réalités sans doute assez proches de celles qui ont lieu (l’image d’entrée de billet montre la cellule de communication du ministère qui rit du bégaiement de Tsanko). On ne sait pas d’où vient l’argent – mais on sait où il retourne et ceux qu’il fait marcher… A voir, probablement.

 

Glory, 2015, Bulgarie-Grèce, 2016, Kristina Grozeva et Petar Valchanov

Charles Horman

 

C’est compliqué à mettre quelque part, mais étant données les vicissitudes de ce pays, ces temps-ci, avec le matraquage auquel nous sommes exposés sur les deux probables personnes qui deux semaines plus tard auront à tenter de faire comprendre leurs programmes (qui sont-ils ? comment faire pour qualifier l’un, l’autre un autre encore ? et l’argent dans tout ça ? etc etc…), étant donné aussi ce qui se passe en Turquie, en Russie, en Corée, aux Etats, le film chroniqué ici donne une idée de la cruauté d’une certaine humanité, celle qui s’octroie le droit de vie et mort sur quiconque, cette humanité-là dont on connait, ici, les émules et ceux qui aident à la faire advenir au pouvoir. Les faits mis en narration ici sont tirés d’un livre écrit par un journaliste du New-York Times « L’éxécution de Charles Horman, le sacrifice d’un américain« , porté à l’écran (comme on dit) par Constantin Costa-Gavras, « Missing, porté disparu« , (1982) produit par la firme étazunienne Universal. Je le mets dans un couloir.

 

 lls ont rejoint le Chili d’Allende, étazuniens mais probablement socialistes (ça peut exister), en tout cas de gauche (ça existe aussi), elle c’est Beth Horman (elle est incarnée par Sissi Spacek)

lui c’est Charlie (John Shea)

il aura beau faire attention, et y croire aussi

ici ce sera la dernière fois que nous le verrons vivant. Son tort, sans doute, se trouve dans ses idées politiques et son métier dans un journal (de gauche).  Le film se passe durant les journées du coup d’état mené par l’ordure Pinochet contre son propre pays, mené grâce à l’agence centrale d’espionnage étazunienne (cet inqualifiable tortionnaire a été recueilli en 2000, sous la protection du gouvernement de sa très gracieuse majesté, en sa Grande-Bretagne, et a fini par mourir au Chili, un terme à cette vie abjecte, sans avoir été jugé pour ses actes en décembre 2006 – qu’il ne repose pas en paix).

Il s’agit d’un autre onze septembre (c’est en soixante treize).

Son père (Ed – c’est Jack Lemmon, prix d’interprétation masculine à Cannes en 1982) le recherche aussi

mais jamais ne le retrouvera. Tout juste s’il parviendra à savoir le sort qui a été infligé à son fils comme à certains de ses amis. Morts, assassinés après avoir été torturés : les militaires fascistes parquaient leurs opposants dans les stades (une scène montre Ed et Beth demander si Charlie se trouve là, si quelqu’un l’a vu : un prisonnier vient vers eux et leur demande une glace au chocolat

ou à la vanille, je ne sais plus, car personne ne viendra lui demander de ses nouvelles, à lui, et qu’il sait qu’il finira comme tant de milliers d’autres : morts, pour ses idées).

Le film réalisé près de dix ans plus tard révèle ces agissements (l’ambassadeur, ou le consul, des Etats Unis au Chili, tentera d’attaquer en justice la production du film, sans succès et sera débouté : le film a obtenu, à égalité avec « Yol, la permission » de Yilmaz Güney, cette année-là, la palme d’or au festival de Cannes – président Giorgio Strehler) : le père et la femme de Charlie, promenés par les consuls et autres attachés d’ambassade étazunien, honnis et haïs par les nouveaux maîtres du Chili et d’autres aussi

ils ne retrouveront jamais le corps de Charlie (même si une mascarade tentera de lui trouver une réalité).

Pense-t-on à la chanson de Georges Brassens « Mourir pour des idées »  ? Au onze septembre deux mille un ? Pense-t-on à la vengeance, à l’horreur subie, à la terreur dont on ne cesse de nous seriner qu’elle se tient à nos portes ?

 

Tu sais quoi, je me souviens de l’année 2012, un peu, ce film par exemple (82 minutes quand même, hein), et cinq ans plus tard nous avons devant nous, en nos mains, des bulletins de vote. Pour que n’advienne pas cette horreur ici, faisons-en bon usage.

Z cité perdue

 

Le film nous épargne le « tiré d’une histoire vraie » frelaté qui nous échoit, la plupart du temps, pour faire reluire un scénario bancale. Ici, non, et c’est tant mieux (on remercie de cet égard pour les spectateurs). James Gray, qui en est le réalisateur, n’est pas, dit-on, tellement aimé à Hollywood ni aux Etats (comme disent nos cousins) mais il est tenace (mis en chantier en 2009, produit pour une part par Brad Pitt – qui devait, dit-on encore, tenir le rôle principal – on ne bénéficie de cette aventure qu’à présent, soit 7 ans plus tard) et a de la suite dans les idées (c’est peut-être mal vu : je plains ce pays, qui a élu à sa tête une baudruche terriblement nuisible au reste du monde – je crains pour le mien, de pays,qui se trouve dans l’alternative avec le libéralisme le plus éhonté – j’ai nommé micron et son passage éclair dans un gouvernement, aux finances, où ses notes de frais nous ont épatés – et l’ignominie de l’ordure – la fille du borgne dont on juge ces temps-ci quelques uns des laudateurs (leur chef a pris neuf ans ferme). Ce ne sont que bruits de canalisations d’eaux usées, soit des sondages, mais tout de même, l’état de cette société… On peut aussi voir, en Guyane, les ravages de ces politiques – on peut aussi les voir ici même, à Paris, où la police tue sans sommation des gens – seraient-ils d’une autre contrée…- chez eux sous prétexte qu’ils portent un ciseau à poisson, ou en manifestation, frappe avec violence la jeunesse, éborgne, sodomise : cette société où les contre-pouvoirs sont réduits à n’être que des chambres d’échos de ces paroles ignobles (il y avait ce matin à france culture des émanations nauséabondes et des rires odieux : j’ai tourné le bouton). Alors certes on tente de se réfugier dans la fiction.

On y parvient. C’est un bien beau film : la photo de Darius Khondji n’y est pas pour rien, non plus que la musique  due (pour une part je crois) à Christopher Spelman (qui est à Gray un peu ce que Bernard Hermann était Sir Alfred). Il y a une scène de bal, magnifique; quelques repas et quelques explications devant des parterres de scientifiques géographes, quelques descentes de fleuves, des piranhas et des flèches; des peintures de guerre

ou de paix; quelques sorties en forêt, des « Indiens », des sauvages ou des civilisés (mais ce ne sont pas tous ceux qu’on croie) , on parle de vivre ailleurs, de s’en aller, puis la guerre (la première, les gaz et les tranchées, la boue la mort), on survit, on essaye de passer outre et de se cacher, mais l’aventure reparaît…

Le héros Percy Fawcett (Charlie Hunnam), son ami, Henry Costin (Robert Pattinson), et Arthur Manley, son second ami (Edward Ashley)

Rebondissements, coups de théâtre, courage, loyauté et trahison, féminisme (la femme du héros – interprétée par Sienna Miller – touchante et majestueuse – l’aide, porte ses enfants, et les élève…), avancées dans l’espace et le temps,un film à voir. Pour oublier, peut-être…

avant d’entrer au cinéma, le ciel, au dessus de Pantin

Bon film, hein…

 

 

Ma mère (il faut quand même que j’en parle de temps à autre) avait coutume de schtrater pour aller au cinéma – elle aimait beaucoup Errol Flinn si je ne m’abuse, et j’ai toujours cette vision de lui dans « Les aventures de Robin des bois » (Michaël Curtiz et William Keighley, 1938) en train de manger du poulet (le pilon, bien sûr), dans la forêt de Sherwood) (y’avait aussi Olivia de Haviland, mais bon, bref) (schtrater c’est son mot (à ma mère, pas à Olivia, entendons-nous bien) pour sécher, n’y pas aller, envoyer chier l’emploi du temps, comme tu veux – et pour ma part, j’ai suivi des études de cinéma – je n’avais pas à m’emmerder la vie avec de fausses raisons, j’allais au cinéma pour l’étudier – jusque quatre fois par jour, tu imagines la détresse…)

Mais à présent, ça commence à m’ennuyer sérieusement (je me suis dit je vais faire autre chose dans cette maison-fantôme comme un vaisseau, je suis le Hollandais Volant (je suis James Mason) et le voilier jamais plus n’accostera, ou alors peut-être seulement un soir, tard, à la Vallette… J’ai gagné une place, j’y fus hier – j’écris aujourd’hui, c’est mardi, demain c’est mercredi, on change de film et tout ça tourne encore et toujours… Pour faire autre chose, je repasserai (mais j’ai une chronique sur le feu, avec ce « Une fuite en Egypte » (Philippe de Jonckheere, inculte) bardé de points-virgules : ce sera pour une autre fois, mais bientôt; et je te le flanquerai dans la cuisine; non mais eh; pourquoi pas ? Enfin bref.

Il semble que ce beau pays (où des présidentiables aiment à se faire offrir des costumes à six mille cinq par des amis) (les présidentiables ont les amis qu’ils méritent, hein) (enfin deuzèf) dans ce beau pays, donc, on a produit l’année dernière plus de trois cents longs métrages. Hier, j’en ai vu l’un d’eux, voilà tout.

 

C’est une histoire tragique même si l’héroïne (Claire alias Catherine Frot) fait un métier magnifique – sans doute le plus vieux du monde, s’il s’agit d’un métier – elle est sage-femme, et met au monde (« en vrai mais en Belgique » dira le réalisateur présent à la séance du Louxor) (en France, on n’a pas le droit de filmer ce type d’exercice) des humains, futurs quelque chose espérons, dans des conditions parfois difficiles. Béatrice (Catherine Deneuve) va mourir, je dévoile, c’est égal, et cherche à revoir son amour (il se trouve que c’est le père de Claire, il se trouve que cet homme s’est suicidé et on n’en saura pas vraiment la raison – il flotte dans l’air le fantasme qu’il se serait tué parce que Béatrice l’aurait quitté, mais bof, ça ne tient pas tellement) mais la force du fantasme, c’est que cette éventualité est défendue par Claire qui donc, au début du film, éprouve pour cette Béatrice quelque chose comme de la haine (lorsqu’elle s’en est allée, toutes deux s’entendaient bien, elles riaient etc etc). Elles en rient encore un peu, trente ans plus tard (je mets cette photo-là parce que mes mômes sont nées là-bas, c’est tout).

(c’est laborieux, putain). Tant pis, Béatrice va mourir, elle le sait, tumeur au cerveau elle est condamnée, elle le sait, elle s’en fout, boit du pif, fume des clopes, joue aux cartes. Irruption dans la vie de Claire qui vit plutôt seule avec son fils (Simon, interprété par Quentin Dolmaire – qu’on a vu dans le film d’Arnaud Desplechins, « Trois souvenirs de ma jeunesse » en 2015)

et qui cultive un bout de jardin dans la banlieue de Mantes-la-Jolie, où elle habite. Le voisin du jardin, c’est Paul (Olivier Gourmet) (enfin le fils du voisin)

Paul conduit un poids-lourd jusqu’en Pologne, en Russie peut-être, il rapporte de ses voyages du caviar du vin des trucs, il est sympathique, elle aussi, les voilà ensemble, et Claire qui débarque dans cette vie, pour y mourir.

Des dialogues formidables, surtout pour Béatrice, un rôle en or massif comme ses bijoux, une merveille en réalité qui, si elle est ici expliquée, perd tout son charme. Le merveilleux qui s’établit, c’est dans les baisers qu’on le trouve : il y en aura au moins trois. Le premier, c’est celui qu’échangent Claire et Paul (jusqu’ici, tout va bien). Le deuxième, tellement juste, c’est celui que Béatrice sans y penser donne à Simon (il faut dire que c’est le portrait craché de son grand-père). Le troisième, magnifique, c’est celui que Claire donne à Béatrice. C’est cette forme de relation mère-fille qui est magnifique – et d’autant plus que Béatrice n’est pas la mère de Claire, sinon dans la fiction, celle-là même qu’on voit se dire sous nos yeux. On aime l’appartement de Mantes-la-Jolie, on aime le jardin, la barque, le poids lourd, on aime à peu près tout. On le dit. Voilà tout.

En prime, le réalisateur, Martin Provot, a déjà réalisé « Séraphine » (2008) avec une Yolande Moreau formidable. Donc, ici aussi, deux femmes formidables, et la sage-femme n’est peut-être pas seulement Claire. Bon film, hein…

Joie de vivre

 

 

 

 

Ne pas s’arrêter en si bon chemin – le truc c’est qu’il n’est pas question de laisser cette maison en l’état – c’est une vue de l’esprit mais deux ans en mai quand même, je continue malgré tout, inutilement peut-être pourtant je continue… On (se) convainc de l'(in)utilité de la poursuite en italique des choses (acheter un de ces jours « Les choses » ) (je suis passé jeudi après midi dans cette librairie où ma mère achetait le Gaffiot, dans les années 60, Gibert Joseph – contrepet : Joseph Gibert – coin Racine je crois qu’il me semble, j’ai trouvé le « Caché dans la maison des fous » (Didier Daenincks, folio, 2017) qui reproduit le poème Liberté de Paul Eluard) (Gaffiot se prénommait Félix imagine-toi, on en a trimé des trucs guerre des gaules et carthago delenda est, allez roulez jeunesse…) (tu vois comme ça peut glisser d’ici à là, et voilà tout) aujourd’hui que suis-je devenu ? Il y a dans la rue un crachin monotone je suis allé acheter le « La fuite en Egypte » (Philippe de Jonckheere, inculte 2017), il y autant de point-virgule que d’espaces entre les étoiles de la voie lactée, je ne veux pas me braquer mais il vaut mieux que ça veuille dire quelque chose – c’est sans doute une énigme – j’espère pas la seule du livre – jte dirai, t’inquiète – et alors il y a eu ce film hier soir. Ici donc, comme de juste : une sorte de vertige, une espèce de nausée, une manière de compte-rendu (le jargon, parfois, cette horreur), une solitude, tant pis, mieux que mal accompagné, sans doute, on a besoin de vacances, c’est affreusement nauséabond, ces affaires deuzèf ou l’immonde fille du borgne, le minable micron ou l’autre encore que personne dans son camp ne veut soutenir, on s’en fout, ici, dans la cuisine à nouveau, parce que c’est nécessaire justement pour l’un des héros. Je renouvelle, ce réalisateur là

n’est pas encore entré ici (l’homme au chapeau, Dieter Kosslick, est un de ses amis et dirige le festival de cinéma de Berlin, comme il y en a un à Venise, Toronto, Locarno, Arras ou Cannes) (des souvenirs fondent, sans place ici) (ça m’est égal -j’adore cette chanson, à écouter, déjà placée par là, où je ne sais plus, mais je l’adore) (les tronches d’Edith P. valent leur pesant de mélancolie)

 

Il est nommé « L’autre côté de l’espoir » son réalisateur (Aki Kaurismäki) a tapé l’Ours d’argent du meilleur réalisateur (quand le film hongrois Ours d’or sortira, on ira on en parlera ici aussi, OSEF, on verra) on a été voir ça en « avant première » (la ville de la sortie, quelle affaire) (cette façon « happy few » est d’un ringard- c’était au Louxor, il faut reconnaître que c’est un cinéma municipal et que cette municipalité tente tout pour ne pas sembler ce qu’elle est, c’est-à-dire ringarde) (ça me fait penser au tapis rouge qui était déroulé je ne sais plus pour qui devant la cinémathèque, les vigiles – 2 mètres, deux cent soixante livres au bas mot – les robes du soir fourrures smokings, non mon ami, non) (ça fouettait son Hollywood sur Marne  – et c’est pas gentil pour la Marne, je reconnais) enfin le film est ce qu’il est, toujours net, toujours clair, toujours joué avec cette façon, deux héros

l’un qui vendait des chemises se reconvertit dans la restauration

l’autre syrien réfugié demande l’asile à la Finlande, et trouve donc ce travail chez le premier

Oui derrière lui qui passe l’aspirolo, c’est bien Jimi Hendrix, oui, et c’est parce que la musique (comme dans les films indiens qu’on a vus ces derniers temps) joue le rôle magnifique du personnage principale qu’on aime ces films-là. Enfin « on » c’est moi (et mon amie) le film va son chemin drôle et empathique, son humanité, sa grâce rythmée par cette musique

qu’on trouve au détour des histoires racontées. J’adore ça. Ici, lors de la reconversion du premier héros, sa femme dont il se sépare

des images éparses, ici l’une d’entre elles que j’ai volée quelque part

un film finlandais, une histoire contemporaine (que fait-on des réfugiés ? ici en France ? On se pose la question, on a quelque honte), un humour ravageur et une joie de vivre partagée. Une merveille.

Après Dehli, Bombay

 

 

(c’est drôlement désert par ici, depuis un moment) (c’est pas comme en Inde, dans ce pays, où ils commencent – et elles aussi – à pas tarder à être dans le genre d’un milliard cinq cents millions, quand même) (dans la boite aux lettres, c’est juste une carte postale…) (désolé, la version n’est pas sous-titrée…)

On va reprendre la même chose, ou le même plan, les mêmes histoires, ce sont des films d’amour, hier c’était à Delhi, aujourd’hui ici, difficile de parler d’autre chose au cinéma (on n’y va pas pour le film mais pour ce qu’on y fera) (on préfère rêver), un homme

aime une femme

qui le lui rend bien, mais ils sont d’origine, de religion, de classe peut-être – mais pas de caste, je ne pense pas – différente, ici c’est « Bombay » (Mani Ratnam, 1995) et les émeutes qui eurent lieu au début des années 90, lorsque des cinglés commencèrent – et terminèrent complètement – la destruction d’une mosquée, ça se passe à Ayodhia (c’est au nord de l’Inde) et ça se propage ensuite dans tous le pays, notamment à Bombay ( qui s’appellera plus tard – en 1995, l’année où le film a été tourné, Mumbay, jusque de nos jours- la connotation coloniale du premier nom, celle plus hindoue disons du second, enfin on fait comme on veut, l’important, c’est quand même qu’on se comprenne).

Plusieurs centaines de morts.

Ce qui fait que je suis allé voir ce qui se passait dans cette ville-là (j’eusse préféré que l’administratrice-teur du site me permît,  financièrement parlant, d’y aller avec mon amie quelques jours, mais je ne le lui ai même pas demandé, t’as qu’à voir) (le bord de l’océan indien, c’est assez fatal et au fond la ville – enfin une partie : zoom avant

je suppose que ça se passe durant la mousson (il pleut dans le film, aussi, pas mal, et parfois à seaux…), le héros qui aime l’héroïne et va l’épouser (c’était fatal) (ils feront des jumeaux ensemble : lui est hindou, elle est musulmane, les places sont ce qu’elles sont) (ce seront deux garçons) mais avant il se promène sous la pluie. Il parvient à un fort et c’est lui que j’ai cherché, sans le trouver.

Des ciels et des oiseaux, des vagues, ils s’aiment, mais l’histoire les attrape et les blesse, les deux enfants se perdent durant les rixes, sangs cris meurtres, l’un d’eux est recueilli par une personne affable

déterminée, probablement transsexuelle

les enfants ne mourront pas, je ne dévoile pas tout mais ces histoires sont faites pour finir bien, les chansons sont magnifiques et les danses tellement spontanées

(tu vois ça : une quarantaine de personnes qui dansent ensemble sur une musique au rythme formidable, et toutes sont spontanées : c’est quelque chose de tellement humain, elles dansent , eux aussi, les enfants de même, une merveille et c’est juste du cinéma) ici la porte de l’Inde – la construction gauche cadre –

un cliché je crois d’un opérateur humain, là du robot – on la voit mieux –

quelque chose de la ville, que racontent donc ces histoires , sinon comme une espèce de raccourci de nos passions, au moins comme des contes gais et tragiques sans doute, mais si chaleureux, humaines ces amours, ces danses, ces embrassades, et en contrepoint peut-être ces incompréhensions et ces terreurs…

(Quelques années plus tard, fin novembre 2008, des attentats dans ces quartiers eurent lieu, faisant terriblement penser à ceux de novembre 2015 à Paris – une dizaine de terroristes, tous morts sauf un, ouvrent le feu dans différents points de la ville, ak40 et compagnie… près de deux cents morts et plus de quatre cents blessés… – dont j’avoue n’avoir pas, à l’époque, entendu parler. Ce qui fait froid dans le dos, ce sont les blessures infligées ici ou là à l’humanité, et la mémoire qu’on en tient : les souvenirs qu’on porte, les oublis qu’on laisse… Ce qu’on voit sur ces deux images, le même point de vue et les mêmes bâtiments, ce sont deux hôtels de luxe (à moins que ce ne soit le même) qui furent les cibles de ces attaques meurtrières; la gare centrale a aussi fait partie, entre autres, de ces cibles. Il n’est pas douteux que le choix de ces images tient au fait que je pratique, par ailleurs, des recherches sur divers hôtels et établissements de ce type : je ne m’en rends compte que maintenant, et c’est extrêmement troublant. Ce que raconte ce film-là, ici, dont on fait la chronique, est le signe des ferments de ces erreurs, guerres de religion vengeances avatars troubles de pulsion de mort, dont on ressent encore les effets ici et là-bas – on craint que ces conflits ne soient ni résolus ni terminés dans cette partie du monde, elle aussi tellement meurtrie)

Un monde un peu différent, très semblable, sans prétention mais avec beaucoup d’humour qui rend ce cinéma tellement attachant, une liberté de ton vis à vis de la sexualité, une joie de vivre formidable quand même (quand même parce que personne , non plus, n’est dupe des places, des classes, des castes).

Pour finir (je finis comme j’ai commencé) cette image qui n’est pas du film…

 

Chandni Chowk

 

 

L’affaire se passe d’Etats-Unis aux Indes : un jeune homme (Roshan, incarné par Abhishek Bachchan)

se propose de ramener sa grand-mère (Dadi, Waheeda Rehman, magnifique) en Inde où elle vécut, il y a peut-être vingt ans, notamment le quartier, ou le marché, de Chandny Chowk (probablement assez différent de ce qu’il est, mais qui en donne, cependant une idée assez disons bollywood…) (on peut rappeler que c’est l’Inde qui, au monde, produit le plus grand nombre de films de cinéma, lequel nous est pratiquement inconnu focalisés que nous sommes par celui de nos pays, et de l’occident) :  le type ne connaît pas le pays, le voilà arrivé avec sa grand-mère, elle choisit une urne pour ses cendres

adorable, tout se passe en ville, ils vont ici ou là, connaissent tant de monde : c’est comme si la grand mère n’était pas partie (mais elle le fut : elle revient, les choses ont changé) et les esprits bouillonnent, entre hindous et musulmans, toujours amis et voisins, les choses changent, c’est comme dans le monde, ce monde-ci, les rues de Dehli sont le cadre

l’Inde, une autre mélodie, un autre décor, une merveille… On se battra, le garçon manquera de peu son entrée au Paradis (on y met une majuscule par habitude), le film est entièrement comble d’histoires et de musique, une merveille vraie parce que la narration ne s’embarrasse de rien, peut-être une linéarité mais diffuse, on chante on danse on rit, le drame s’expose, rixes, violences, le singe noir comme un Mac-guffin presque hilarant s’il n’était tragique, et encore une fois, et surtout, une musique qui souligne doucement les traits fins des acteurs

(on voit ici Sonam Kapoor, une autre star de ce cinéma mondial, dans le rôle de Bittu, un tel humour…

) les sentiments (plutôt les bons, certes), les couleurs et presque lesodeurs, les rires aussi bien que les pleurs, c’est une affaire qui palpite de vie, de joie de vivre, d’amitié d’amour de haine, de l’humour sans prétention, on apprend le pays, peut-être différent mais tellement semblable aux autres, les gens, la famille et une sorte de vérité qui passe par une fiction complètement débridée faisant appel aux anciennes légendes comme aux plus contemporaines turpitudes (notamment cette guerre de religion à laquelle nous assistons, ces temps-ci, sur le vieux continent), l’un des plus riches cinémas du monde qu’ici on ne connaît guère… C’est fort dommage

 mais peut peut-être, si on y parvient, se rattraper. Ce sera tout ce qu’on vous souhaitera.

« Dehli 6 » (c’est le nom du quartier), un  film réalisé par Rakeysh Omprakash Mehra.

(une rétrospective pour les Parisien-ne-s et les autres a lieu, ces temps-ci, à la vidéothèque de la ville de Paris – elle ne se nomme plus ainsi, mais OSEF) (en réalité, il s’agit d’un établissement municipal mais la politique menée par cette administration a quelque chose de tellement révoltant qu’on ne parviendra pas à en faire quelque annonce que ce soit, bien qu’ayant voté pour elle… encore, et à nouveau, comme pour 2012 cette déception qui va avec ce pouvoir)