les jardins de Carthage

Le réalisteur, Youssef Chebbi.

 

Le film dont on parle ici était projeté dans une salle l’Espace Saint-Michel dont le directeur-gérant-exploitant vient de disparaître : Claude Gérard, à qui ce billet sera dédié, parce que c’est un homme qui a travaillé pour que le cinéma vive,dans toute sa diversité et notamment sa qualité politique. Qu’il en soit ici remercié.  

 

 

c’est ainsi qu’à l’habitude – les documents disponibles sont mis à contribution et profit – ils dépeignent ce que la distribution veut montrer du film –  pour ma part, comme c’est un endroit qui m’est assez cher, je suis plutôt content d’en parler – il ne fait aucun doute que le décor (Tunis, un de ses quartiers neufs – ses habitants son parler ses couleurs tout autant) est l’un des personnages principaux et participe de beaucoup à mon statut de spectateur. Nul doute non plus que ce qui est dépeint ici fait partie de toute l’Afrique du Nord, et sans doute du continent entier, et de l’emprise qui y règne de la religion sur les hommes et les femmes qui y vivent. Le titre du film Ashkal elliptique certainement peut se traduire par « formes ». 

 

 

Il ne s’agit pas d’une production exceptionnelle (quoique le pays soit assez petit et qu’il y règne pourtant une activité cinématographique assez importante ) mais d’un film noir comme on en connaît des centaines (c’est un genre que l’on aime) – un couple de policiers

une femme, Fatma et un homme, Batal

qui  enquêtent sur des faits

qui ne cessent de se reproduire : des gens s’immolent – le décor important est situé dans la banlieue de la capitale

Tunis, sur les bords de la lagune, nommé les Jardins de Carthage, un nouveau quartier voulu par la dictature précédente (incarnée par Ben Ali foutu dehors en 2011, je crois bien qu’il est mort en Arabie Saoudite) pour y loger ses ouailles – las, tout fut arrêté – ce ne sont pas ruines mais chantiers

parfaitement graphiques – les hommes s’immolent et le pouvoir fait semblant de ne rien voir – le pouvoir masculin : l’enquête se clive

Fatma veut comprendre, Batal se protège – et protège par là l’état des choses – il faut aussi dire que le père de Fatma revêt l’aspect du pestiféré : il œuvre dans une organisation »Vérité et Réhabilitation », inspirée de celle de la réalité du pays, « Vérité et Dignité » (laquelle s’est embourbée et n’a pas réussi à restaurer la confiance qu’on pouvait avoir en la volonté de faire du pays une vraie démocratie)  – de ce fait, la policière Fatma, qui travaille dans et pour un état (policier mais qu’elle voudrait de droit), est une renégate et le pouvoir l’agonit – il faut noter ce parti-pris dans le film de poser une certaine normalité : il n’est cependant pas douteux que les femmes sont très minoritaires dans les forces de police tunisiennes. Pendant que Batal souscrit à la tradition et à sa religion, à sa famille tout autant, Fatma elle travaille à élucider le mystère

Les gens brûlent.

Allégorie d’une religion qui se nourrit de ceux (et celles, mais on les voit moins) qui y croient, cette narration nerveuse se termine en un hapax apocalyptique… Une réussite sans espoir cependant

 

 

Ashkal un film (tunisien) réalisé par Youssef Chebbi