Sur le carreau

 

 

 

c’est un thème normalement récurrent – c’est obligatoire et se battre pour l’est tout autant – je pense aussi à l’ami Beinstingel – le travail,voilà – c’est ici (En guerre, Stéphane Brizé, 2018), ou ou encore – surtout ce dernier lien (vers l’Usine de rien – magnifique aussi) , je pense – on pense aussi aux Lip des années soixante dix – on pense que le monde d’aujourd’hui est tout aussi pourri que celui d’il y a deux siècles, celui de Germinal et son carreau, ou quelque chose d’approchant – c’est le travail et c’est la grève, la lutte, l’entente et la sympathie qu’on éprouve pour ces hommes (on ne voit, pratiquement, que des hommes)

une bataille âpre et déloyale, qui finit assez mal – mais l’espoir quand même –

des hommes donc qui se battent pour leur emploi – une usine de sous-traitance automobile : les donneurs d’ordre (comme on dit finement) sont Peugeot et Renault, et les ordres ne viennent pas (on a trouvé moins cher ailleurs, évidemment comme d’habitude – d’ailleurs, on doit à la vérité de dire que ce « moins cher »-là est étudié depuis longtemps, et qu’on implante plutôt des usines ailleurs afin de moins payer et les gens (les esclaves aussi bien) et les biens – et faire tourner un peu plus la machine – on se bat

pour être entendus et écoutés, pour sauver ce qui reste encore de fraternité entre humains, sans doute car qu’en est-il de la protection sociale en Chine, ou au Viêt-Nam ? La politique des Ghosn ou Tavarès, appuyée par l’État depuis des décennies, à quoi rime-t-elle, sinon à réaliser comme ils disent des « économies d’échelle » sur le dos des salariés qui sont pris comme des « variables d’ajustement » des coûts ?

Alors, on se bat et on s’épaule – le film est réalisé à la manière d’un suspense, les hommes vont, attendent, laissent venir, négocient : on ne veut rien savoir – on a droit à la venue de celui-là

osant dire « je ne suis pas le père noël » – parce que, sans doute il y croit encore ou aimerait nous y faire croire – se moquant du monde, des souffrances, des blessures –

que reste-t-il sinon la promesse de tout détruire ?

L’usine date d’une cinquantaine d’années, les hommes ont cet âge-là aussi, on veut les foutre dehors – deux cent soixante dix sept personnes –

faire venir les télévisions, les radios, faire parler de la lutte, est-ce suffisant ?

il y a la force du syndicat – il y a les blocages des entrées des usines Peugeot ou Renault, les tentatives du moins, il y a les discours, les appels, les demandes – les sourdes oreilles, les atermoiements du ministre – l’État actionnaire dans les deux cas, très minoritaire dans les deux cas, mais l’appel aux forces de son ordre pour empêcher les ouvriers de s’exprimer est patent (même si on comprend bien que ces forces de l’ordre-là sont en quelque sorte sur un même bateau, parfois)

une lutte comme il y en a cent, mille – elle n’est pas perdue, un repreneur s’annonce, cent vingt postes seront « préservés » mais l’usine tourne depuis au ralenti, les commandes sont au plus bas – mais qu’on ne s’inquiète pas trop pour les salaires des chefs d’entreprise (près de 7 millions d’euros par an quand le SMIC pour la plupart de ces gens n’est pas à 18 mille euros par an, soit un ratio comme ils aiment à dire, de 390…) (pour un Ghosn, qui doublait  ce chiffre, qui s’offrait résidences repas d’anniversaire et autres joyeusetés aux frais de l’entreprise…) (comment veux-tu qu’on oublie ?) – on se bat donc, les visages parfois fermés

sans violence pourtant

les lettres de licenciement tombent, on pleure – mais la lutte n’est pas terminée, elle continue encore et encore – dans la dignité et l’équité.

 

ON va tout péter, un film d’action de Lech Kowalski.