on se disperse (2)

 

 

on continue ici l’exploration d’un tas de journaux hebdomadaires – on les feuillette et on les regarde et lorsqu’une image dit quelque chose, on la prend. C’est un flagrant délit, je reconnais. C’est égal, ce sont les vacances en un sens – j’aurais aimé partir mais non – il y a la maison à garder, au loin sur le rond-point, il n’y a plus ni voiture ni camion – le lotissement est désert – même l’herbe des pelouses a décidé de s’en aller, l’hiver est là – le redoux – plus qu’un mois et ce sera le printemps calendrier – une vingtaine de visages, de poses, d’images pour qu’on reste sage sans doute (à l’intérieur, je t’assure que ça bout de colère et de détresse aussi, mais je reste sans crainte : à l’hôpital on continue de fermer des lits).  

 

il y aura trois numéros de ce genre de dispersion – « je sème à tous vents » proclamait le slogan dictionnarial, tandis que sur la couverture de la librairie qui était sise rue Médicis, entourant une espèce de rose des vents, les mots « rien de commun » édifiait une sorte d’élite nécrosée dont le gérant se vantait dans des mémoires à peu près écœurantes – passons, ne polémiquons point – ici ce ne sont qu’images – le temps se prête aux rangements et le printemps arrive ainsi qu’à sa suite son grand nettoyage – ici aussi nettoyer devrait être de mise (il n’y a toujours personne, l’agent patiente devant sa baie – ou derrière c’est selon) or donc

un danseur (William Forsythe) en survêtement (un peu comme une certaine mode qu’on voit dans la rue – j’ai vaguement adopté ces jours-ci la détestation de ceux (et celles) qui aux pieds portent des basketts) (non, j’arrête) (que de détestables sentiments produits par la détention) qui d’autre ?

un écrivain (serait-il) hongrois (je le connaissais un peu puis un article de MF Emery en son « pour le meilleur et pour le lire » me l’a remémoré – il y a de ça peut-être dix ans – en son Pausilippe napolitain, le vent les îles, les bougainvilliers…) (Sandor Marai)

couple formidable – on adore les galures, les manteaux, le clopo tige de 8, les voies de chemin de fer (Pierre Boileau et Pierre Ayraud – dits Boileau-Narcejac) –

(je l’aime beaucoup – me fait penser aussi à Michel Bouquet) c’est Michel Aumont (arraché à notre affection en août dernier…) (ceux qu’on appelle les seconds rôles) (je les aime beaucoup)

ah bah je ne les déteste pas (Marlène (Dietrich) et Gary (Cooper) dans Morocco) (Josef von Sterberg, à peine parlant – 1930)

une chanteuse (Jessie Norman) formidable

une actrice qui ne l’est pas moins (avec Claude Mann, dans la Baie des anges – Jeanne Moreau) (c’est ainsi, oui, je me souviens, qu’elle m’est revenue ce matin dans le commentaire du poème express de Lulu deuch’ nord) (quantième 830 -on va à mille)-la même (en châtain) avec Belmondo

dans le Moderato Cantabile (Peter Brook, 1962) (et Marguerite aussi, mais elle n’est pas là) galerie numéro deux – distribution – générique – à nouveau deuxièmes rôles

Jean Bouise et Paul Le Person dans le Coup de tête de Jean-Jacques Annaud (il yavait aussi Michel Aumont d’ailleurs) (1979) (Bouise dans les Choses de la vie aussi)

type magnifique que Fred Wiseman – sans doute merveille magnifique –

et cet homme de Rio (Bébel) et Françoise Dorléac – j’adore aussi les premiers rôles jte dis – oui les actrices les acteurs – ah Delphine…(ici avec Maria Schneider qu’on reconnaît à peine)et Carole Roussopoulos, et l’une des premières camera vidéo (la deuxième paraît-il en France, la première à Jean-Luc Godard) (toute ma jeunesse – leur film magnifique « Sois belle et tais-toi » (1975) – aimer le cinéma, c’est pour ça) et

Daphné Patakia, premier rôle de Djam (Tony Gatlife, formidable metteur en scène –  je me demande s’il ne serait pas dans cette maison, ce film – 2017) (si, il est là) (avec Simon Abkarian, qu’on entendait révolté aussi, contre le monde d’aujourd’hui, reclus, frileux, exigu – faut vivre disait Marcel Mouloudji, tu te souviens ?)

ah Bibi Anderson, cette merveille aussi (non mais c’est normal, il n’y a que ça ici…)

Panthéon, Olympe – Audrey Hepburn qu’on a tant aimé dans ce formidable « My Fair Lady » (avec ce Rex Harrison) (Georges Cukor, 1964) (évidemment qu’on l’aime toujours – ils et elles ne vivent plus pour la plupart, cependant – bah que fait-on d’autre, nous autres, que passer – tout comme eux…)

ne voit-on pas un peu la même pose ici que tenait tout à l’heure la Moreau – ici c’est la Girardot (dans Rocco et ses frères où Delon se trouve de dos souvent (c’est peut-être mieux… ? non) ici Anémone

peut-être bien dans « Le grand chemin » (Jean-Loup Hubert, 1987) – pas sûr – tellement drôle et forte et bien – hein… – puis une autre magnifique (dans « Sir »)

Tillotama Shome donc, bouleversante si vraie , sur les terrasses dominant Bombay/Mumbay, tu te souviens (son sourire sur la moto de son amie…) (« Sir » donc, Rohena Gera, 2018 – elles sont ici) – les hommes aussi, Boris et Henri deux fondus de jazz

et pour finir, cette image de Salvador Allende,ceintdeson écharpe, dans cette décapotable (on pense un peu à Kennedy non ?) qui salue qui passe qui sourit à peine

la suite et la fin au prochain numéro… (je le mets au début, tiens)

 

dispersion un feuilleton du salon avec beaucoup d’images dedans (restons sages) – ici le premier épisode

 

 

 

Sir

 

 

 

(normalement, on ne fait rien, ce jour, on attend juste qu’il passe) (je ne vois pas trop bien ce que veut dire – ou voudrait dire – ce « normalement ») (on prend des bonnes résolutions? on finit les restes ? on va au cinéma ?) (ces temps-ci, je voudrais bien que les choses avancent, mais non, c’est là et ça stagne – quoique ayant fait changer les pneus de l’auto) (cette maison(s)témoin m’est familière – elle s’est cependant vidée, nous étions plus nombreux, mais les temps passent) (il y a des choses à faire : j’ai pensé en voyant ce film magnifique à cette Nuit des forains d’Ingmar Bergman qui, un jour des années soixante dix m’a fait aimer le cinéma) (un certain cinéma, peut-être, mais le cinéma quand même) (j’apprends le décès Mrinal Sen et je sens le souffle de la camarde : ici une image de lui, pour se souvenir de son cinéma magnifique – c’est une image qui date de quarante ans, et toujours ces mêmes carreaux

  depuis tant d’années – billet qui lui sera dédié)

 

c’est une jeune femme, Ratna, elle est veuve depuis peu, elle va en ville (Bombay Mumbay enfin c’est en Inde, on y construit des tours à n’en plus finir, un peu comme à Londres) (Londres et les Indes, et « les 3 Lanciers du Bengale » (Henry Hataway, 1935) , et la reine Victoria et son valet (« Confident royal », Stephen Frears, 2017 – Judi Dench en reine…) beaucoup de choses de ce monde, beaucoup de monde que ce pays, un milliard et demi d’êtres humains, et un cinéma foisonnant, magnifique dansant et éperdu) c’est en car

et ce qu’on voit dans l’image, ce sont les bracelets bleus – les symboles de la vie libre, de la liberté, de la vraie vie – elle est domestique (c’est une histoire de classes sociales qui, comme on sait, forment en Inde un carcan d’acier), lui est maître d’oeuvre et comme son père construit des tours

joue au sqash, sort en boite, amours de passage – tout le kit, la trentaine riche – très – bien logé et servi

alors l’histoire serait qu’elle tombe amoureuse de lui (et vice-versa) et c’est bien ce qui se passe

sauf qu’elle ne tombe pas (ce n’est pas qu’elle puisse tomber, remarque bien, mais elle ne tombe pas) elle a sa vie – elle ne sait pas ce que veut dire « brave » elle tient sa force de sa passion peut-être et de son amitié, sans doute, avec une autre de sa condition : elle sort

ici on ne le voit pas mais c’est son amie qui conduit la mobylette (regarde ses bracelets, là) et ici elle est de dos mais en premier plan, cette amie

avec qui elle fait ses courses (sa passion, c’est coudre et devenir créatrice de mode), elle sourit et c’est la vie

elle aide sa soeur à faire des études, elle gagne sa vie, elle se bat et se bat encore

femme (tout à fait) dominée (socialement) mais sûre d’elle malgré tout, avançant et continuant, souriante et vivante (incarnée magnifiquement par Tillotama Shome, un charisme d’exception…)

deux femmes formidables.

 

Sir, un film (magnifique de justesse, d’élégance et de distinction) de Rohena Gera