À LA FOLIE (2)

 

pour tout te dire, je ne sais pas exactement d’où me viennent ces images – je les ai gardées de quelque part ça ne fait aucun doute – probablement  d’une connaissance inconnue parce que virtuelle – je crois bien (il y en avait aussi d’autres de Rome ville ouverte que je ne pose pas ici – c’est une topique qui m’incite un peu à continuer mon glossaire – cette maison est hantée par de magnifiques personnages comme Anna Magnani, Gene Tierney et autres Bette Davis – c’est que ce cinéma-là – celui (à la louche) des années 40 à 80 du siècle dernier – le parlant à ses débuts même et le reste ensuite, aussi – sans parler du muet – a bercé mon appréhension de cette vie-là – je me souviens d’avoir vu ce film à l’action LaFayette qui est à présent un super-marché je crois (genre de l’ordure qui prend un milliard de cicr et débauche deux mille ou trois mille personnes sans le moindre problème ou la moindre vergogne) (qu’est-ce que c’est un salaud ? voilà) – ce n’est rien : je pose les images, le film en lui-même existe toujours (Sam Fuller nous a quitté il y a bien vingt ans -vingt huit ans…) ça ne fait rien je l’aime toujours –

Johnny Barrett se fait passer pour fou pour dénouer un crime – il entre dans un hôpital psychiatrique (le film date de 1963) où il côtoie par exemple un type noir

qui à ses moments perdus se transforme en suppôt Ku Klux Klan –

ce même triple K (souviens-toi de ce fruit étrange…) qui aujourd’hui sert de morale au peroxydé DT47 – l’histoire continue, les ordures restent – alors bien sûr on trouvera un coupable – ça ne fait pas de doute, pas le moindre – mais Johnny y perdra son âme…

le film est formidable – en noir et blanc, certes.

 

Shock Corridor, un film réalisé par Samuel Fuller (1963)

 

 

 

 

A la folie

 

Il faut bien, sans doute, qu’on pose ici un système de chauffage (je vois bien que le travail d’installation est en cours, je propose seulement). Il y a là un élément important : le radiateur. La réalité des choses veut que ce couloir (« Corridor » dans le titre) soit infini : il y aura là

shock corridor

un type, journaliste, qui voudrait confondre quelqu’un, lequel aurait probablement par accident mis fin aux jours d’un ou d’une autre sans vraiment en avertir sa hiérarchie. Ou alors intentionnellement. Plus probablement. (J’avais pensé aussi à « Soudain, l’été dernier », (Joseph Manckiewicz, 1959) mais finalement, c’est le radiateur qui l’a emporté). C’est que de peupler ainsi cette maison de héros plus ou moins inconnus de la cinématographie mondiale (ou tout au moins celle à laquelle je suis, disons, perméable) avait créé chez moi une attention plus grande, un désir aussi de rendre présentes des choses qui font que le monde est tel qu’il est. La folie, c’est une chose qui le fait avancer (tu vois, par exemple, il n’y a pas si longtemps, sur l’allée verte, à Paris, dans cette zone industrielle en Isère, ou sur cette plage du côté de Sousse).

Ou alors stagner.

Ou plus précisément, reculer, oui voilà.

Reculer. Comme dans celui dit de la mort : la folie du monde, c’est un peu ça.

Cela n’avait aucune importance : cette maison-là était une maison de fous (marabout de ficelle de cheval de ferme ta boite à clous d’acier toit de maison de fous comme toi) mais cela ne se dit plus. Cela. Le type a été servi  : ah bien sûr évidemment il a démasqué le coupable (la belle affaire), il a même je crois reçu le prix qu’il convoitait tant, ça n’a rien empêché : catatonie, pétrifié comme dans un rêve où l’eau directement descendue de son propre esprit désincarné, l’inonde et et puis ensuite plus rien

schock corridor 2

camisole chimique ou pas, laisser reposer l’être, assis sur ce radiateur qu’on installera bientôt, dans l’un des couloirs de cette maison qui témoigne de l’existence indicible mais réelle de la folie pourtant car, dans la fiction,  comme on sait, tout est, toujours,  vrai

 

Shock Corridor, un film réalisé par Samuel Fuller (1963)