Ça l’amuse les faux livres des étagères quand il s’installe dans le coin du canapé Manstad, jambes allongées sur la longueur, pour lire son vrai livre. Ce jour-là c’est Ils désertent de Thierry Beinstingel, et ça l’amuse encore plus de voir les personnages du roman rouler, d’une ville à l’autre, quand lui est arrivé en avance et attend tranquillement que le client sonne, ou entre deux clients quand il a pris soin d’espacer le plus possible les rendez-vous. Le type du roman, avec son gros cahier relié d’échantillons de papiers peints, ça le passionne, ça. Il voudrait le même, ce serait un cahier de maisons, avec lequel ouvrir une page serait comme visiter la maison, la toucher, la sentir, comme ces livres pour enfants qui déplient une maquette faite des pages du livre, ce serait comme ça avec des vrais matériaux, tissu, carrelage, verre, moquette, bois, pierre… Il y aurait quelque chose de fantastique, magique, mystérieux, une expérience que les clients auraient peine à croire, se souviendrait confusément… « Oui, nous avons bien visité la maison… mais il y avait ce… ce livre… et nous sommes rentrés… » — « Vous êtes rentrés… ? » — « Enfin, oui, la maison est très bien. Il faut que tu viennes la voir. Ce sera sans doute notre maison, bientôt. »
Il suffirait d’inventer l’écran-origami… mais rien d’impossible, je crois, pour un informaticien assez doué !
j’aime bien que mon co-faisant-visiter ait cette faculté de voir et d’imaginer, parce que nous ne sommes pas que fonction… moi j’ai tendance à voir la mer ou un grand pré dans le vent sur les murs en attendant (parfois aussi pendant qu’ils échangent avec juste ce qu’il faut d’attention pour orienter la reprise de parole)