Lorsqu’on m’a proposé d’habiter dans la maison témoin, j’ai tout de suite accepté. Mais c’est très intéressé. En fait, je ne sais pas encore si je vais vraiment y demeurer, mes colocataires sont tous très sympathiques et ça promet de bonnes soirées en perspective. J’ai surtout sauté sur l’occasion pour ramener des meubles, en l’occurrence un portrait de Rimbaud offert par un ami et une horloge comtoise.
La difficulté, c’est bien sûr l’horloge. Avec ses 2m35 de hauteur, je ne peux pas la glisser dans la voiture, même en rabattant les sièges. Quant à laisser le hayon arrière ouvert pour qu’elle dépasse, c’est vraiment trop risqué pour cette vieille dame en bois de cent trente ans d’âge. J’ai donc loué une camionnette chez Intermarché.
J’ai eu un peu de mal pour trouver l’adresse, le progrès du GPS ne prend jamais en compte les aléas du trajet, déviations, travaux et autres routes coupées pour cause de course cycliste (un lundi de Pentecôte, il y en a qui ont de ces idées, je vous jure!). Enfin bon, me voilà arrivé.
Je ne savais pas trop ou décharger l’horloge, ni où l’installer. Il est vrai que je débarque dans cette maison témoin, certains y ont déjà leurs marques et je ne voudrais pas imposer cette horloge qui risquerait de dénoter avec la décoration en place, sans compter qu’elle fait pas mal de bruit avec son balancier et elle sonne toutes les heures et demi-heures, de jour comme de nuit !
(Quant à la possibilité de la laisser en l’état de non-fonctionnement, je tiens à prévenir mes aimables colocataires qu’il n’en est pas question, c’est un point incontournable pour la réussite de notre cohabitation). Bref, en attendant toute suggestion sur l’endroit où je pourrais l’installer, je l’ai laissée dans un coin du garage, Il est presque vide, il y a juste un cric pour l’instant. Je l’ai placée contre un mur, elle ne gêne pas, on peut rentrer la voiture.
Afin de regrouper toutes mes affaires, j’ai aussi déposé au pied de l’horloge le portrait de Rimbaud. De dimensions modestes (40X50 cm, il sera facile à accrocher sur l’un des murs : là aussi, j’attends les suggestions de mes aimables colocataires. Je suis désolé, je n’ai pas photographié le tableau (ni l’horloge d’ailleurs), aussi il faudra vous fier à ma description pour l’instant : inspiré de la célèbre photographie de Carjat, il représente le poète à l’âge adulte, avec un air maussade. Ceci dit, les couleurs sont vives et chatoyantes et il peut être du plus bel effet dans n’importe quelle pièce.
Bien, il ne me reste plus qu’à prendre congé et à ramener la camionnette chez Intermarché.
Ah, j’oubliais ! Après le garage, il me faut aller à la cuisine…
hé partez pas !
on ne peut pas la laisser là.. même si ça fait habité, mais habité par des gens assez fous pour mettre au rebut une horloge comtoise.. non on ne peut pas
dans le séjour je pense, près de l’entrée, en contrepoint aux meubles modernes copie de copie de créations d’un designer en vue.. oui, je pense que ça irait, et moi ça me plairait, je lui dirais bonjour silencieusement en passant, elle me tiendrait compagnie quand les visiteurs sont impossibles, ça arrive.
Seulement vous voyez bien je suis incapable de la déplacer, à deux nous pourrions, je ferais semblant de vous aider
Ah oui, c’est une bonne idée. Dommage que je sois déjà reparti. Mais je vais revenir. Et puis je préfère la déplacer tout seul. Il y a tout un ordre a respecter pour le démontage, le remontage, retirer le mécanisme, le balancier, décrocher les poids de fonte sans se les ramasser sur les pieds ni abimer le parquet, tout remettre, vérifier l’applomb. Mais promis Brigitte, nous la remonterons pour la première fois ensemble !
Une seule ombre au tableau, l’horloge, de facture rustique tout de même, et provinciale hein, saura-t-elle accompagner de ses battements la lecture de Pascal Quignard ?
oh il faudrait demander à Pascal Quignard, mais à mon avis, ça irait assez bien.. suis moins certaine pour l’ensemble fauteuils table basse