Toi qui entres en cette maison(s)témoin, abandonne toute idée de vitesse, rapidité ou performance et prends ton temps, celui de regarder cette foule d’images et de personnes – cette maison est le témoin de mes errements mais pas seulement heureusement : j’aime le cinéma (ce qu’on nomme la fiction n’est que la vie réelle tout autant que celle du documentaire) et j’y vais (j’aime les salles de cinéma – moins les affamés ou les gourmands avec leurs papiers sonores comme leurs déglutitions – , celles de Pantin (le ciné 104) ou du coin Magenta Villette – Louxor – bien que la nouvelle idée de ce cinéma municipal soit de donner à voir des publicités quand même elles seraient du coin – ou de l’avenue de Clichy – celui dit « des cinéastes ») (et d’autres évidemment, tant d’autres…). Il me souvient de la fin des années soixante dix, où je tenais pour cette radio-libre une émission du mardi soir (j’allais aux projections de presse sans carte, on me laissait entrer souvent, et je m’en allais en parler ou pas), ici donc j’imagine faire le même travail (je ne suis rémunéré par rien, je paye même ma place, c’est pour dire l’abnégation). Et donc ce film-ci, dans le jardin d’ici, bien que documentaire (je ne goûte guère ce « genre » – mais c’est un principe idiot, et comme on sait c’est en s’appuyant sur les principes qu’ils finissent par céder). Je m’appuie, donc… avec l’aide de nombre d’images fixes (et de deux ou trois chansons).
On excusera les cadrages légèrement approximatifs (liserés noirs parfois), je suis trahi par la technique…
C’est une affaire (qu’il m’est) difficile à comprendre parce qu’il s’agit surtout d’une espèce de pratique sportive (c’est peut-être le « surtout » qui grince, mais je ne sais pas exactement). La danse.
Il s’agit en tous les cas d’un film documentaire : une (ou deux) semaine(s) par an semble-t-il, on se réunit dans l’Allier afin de la pratiquer, cette danse, à deux, trois, cinq ou cent et plus (« C’était à Gennetines, faubourg de Moulins« ). Disant danse on dit musique et corps, il me semble. Il me semble aussi (mais je n’y suis pas tellement sensible) qu’il s’y joue une esthétique. Passons. Il s’y joue surtout, il me semble encore, quand on parle de bal, un avenir proche et connexe à la sexualité. Si on y tient vraiment, tels étaient mes présupposés.
Cela se passe la nuit, mais dans la journée on apprend avec des artistes qui savent ce qu’ils vous enseignent. « Raconter comment et combien c’est différent quand on ose enfin se toucher ». Ici un Italien
un autre ici (disons catalan, hein – espagnole, ibérique, quelque chose on s’en fout)
une autre là
on apprend dans la journée (la polka, la mazurka, la valse, d’autres tant d’autres sans doute), le soir on danse
on s’invite sans se connaître (parfois) paraît-il mais je crois qu’on y vient surtout se connaissant déjà (ici le trio qui se repose m’a fait penser à ce « Jules et Jim » (François Truffaut, 1962 – pas d’empathie cependant)
on danse tant qu’on se repose aussi (ces sourires sont contrefaits, mais n’importe)
je te dis il s’agit d’un sport (comment ne pas perdre la tête)
où l’on s’embrasse (serré.e par des bras audacieux)
on s’embrasse (car on croit toujours)
et l’on s’aime (aux doux mots d’amour)
et encore (quand ils sont dits avec les yeux)
on se sourit, on se serre
on s’adore
et on danse
pour moi surtout, vraiment surtout, la musique
(attention série) la musique (ils peuvent aussi danser)
celles et ceux qui la jouent
je crois jamais seul
en effet
mais toujours cette grâce : la musique
encore elle
(la chanson de Léo « Le piano du pauvre » j’y pense, il est là), je l’entends encore
(ce moment-là du film, repris sur cette photo-là, la magie de l’ensemble, les humains, c’est quoi ? ça danse au son de la musique et quand elle s’arrête, ça danse encore et ça chante… une merveille) la chance de le capter, de le revoir, alors la musique chantée (« vous chantiez ? j’en suis fort aise, eh bien dansez maintenant » tu te rappelles)
et puis la musique (pour changer)
la musique
et encore la musique
alors on danse de nuit
et puis encore de jour
et puis à nouveau de nuit
sept jours huit nuits, on danse à perdre la raison ou à la trouver
pour l’amour des autres comme pour l’amour de soi (je ne me souviens pas de lui, mais le voilà seul qui marque le tempo)
et puis la musique et la danse dont on parle
mais peut-être surtout qu’on fait
on tourne encore
et encore et encore
et encore
et encore
… Il fait beau, c’est l’été, on danse, la musique nous charme, il fait beau il fait doux – allez dansez encore
et encore et encore… (on oublie, on laisse la musette à Nogent, on se souvient que l’autre, c’est en sept jours qu’il a fait, bâti créé réalisé construit dit-on ce monde-là, on se souvient de cette chanson qui faisait « et puis y’a l’bal qui vous flanque des frissons partout/y’a les étoiles qui sont plus belles que les bijoux/y’a les beaux mâles qui vous embrassent dans le cou/l’reste après tout/jm’en fous« )
Le Grand bal, un film de Laetitia Carton.