Le décor, ou le lieu prépondérant de cette histoire, est la cour d’une ferme où se trouve une petite maison faite de parpaings, petite fenêtre, tôle ondulée, une porte, tout en un, refuge prêté par la directrice du lieu à une jeune femme seule (dit-elle) et accompagnée de deux enfants en bas âge. Ainsi ici on ira dans la cuisine, laquelle fait office de tout dans cet asile ou retraite : la maison(s)témoin, ce sera ce petit havre. La voici ici , y entrent la mère et la soeur (sans doute) de Maria, l’intruse.
On dispose d’un matériel spécial pour ce film puisqu’il a été présenté au festival de Cannes quinzaine des réalisateurs cette année dix sept (les photos en noir et blanc proviennent de cette manifestation) (promotion ou pas, parfois, on s’en fout) Et donc à l’image l’intruse qui fait le titre du film (Valentina Vannino souriante et heureuse, semble-t-il).
Sans doute, enfin on ne sait pas exactement bien, tout au long de la narration (serrée) qui, d’elle ou de sa fille, est l’intruse.
Ici l’équipe réduite du film (sans doute celles et celui qui firent le déplacement de Cannes en mai : à gauche, la jeune fille (Martina Abbate) qui joue le rôle de Rita , la fille de la jeune femme ici plutôt blonde qui joue sa mère, Maria – femme d’un mafieux qui a tué par mégarde (on sait comment ils sont, oublieux, sans trop de respect pour la vie d’autrui) un passant dans la rue – lequel était le père d’une des enfants qui jouent dans le film, dans une centre d’aide social nommé « La ferme » (en français, en italien « La Masseria ») lequel centre est dirigé par Giovanna (interprétée par Raffaella Giordano, à droite de l’image). Ca se passe à Naples (la mafia de là-bas, s’intitule la camorra).
Le réalisateur Leonardo di Costanzo, napolitain lui-même mais qui vit aussi en France, le type qui sourit avec ses cheveux blancs, nous avait déjà donné un film « L’intervallo » (2012) dans le même esprit disons (Naples, la camorra, les banlieues et les jeunes gens qui tentent de s’en tirer). Rien à faire, j’aime le cinéma italien, sinistré comme l’anglais peut-être, mais tant pis. Ici interrogé à Cannes
(un peu de couleurs ne nuit pas généralement), on pense aussi au « A Ciambra » (Jonas Carpignano, 2017), vu récemment aussi (je pensais en avoir parlé ici, mais non) qui se passe en Calabre, mais avec toujours aussi cette présence à peine entrevue de la mafia. Et c’est cette présence qui travaille : ici les protagonistes (très nombreuses sont les femmes, ce sont les premiers rôles) ont à vivre avec cette force, ou ce pouvoir. Occulte en effet.
L’intruse, c’est aussi sans doute la mafia : cette jeune femme qui a deux enfants (sept ans peut-être pour Rita, quelques mois pour son frère) ne montre rien de la reconnaissance qu’on pourrait attendre du fait qu’elle a été recueillie. Giovanna s’en arrange parce qu’elle comprend, sans doute avec beaucoup de grâce et d’humanité, qu’elle a en face d’elle quelqu’un de blessé, très gravement et, si elle n’y prend garde, de perdu.
Sans doute aussi, cette blessure ne se guérirait que par la compréhension, la mise à l’écart des meurtres du mari. Sans doute, s’il se pouvait, passerait-on l’éponge…
Ici Giovanna, qui toujours, comprend les choses plus simplement que par l’émotion, qui toujours attend pour répondre, toujours comprend avant de condamner. Pas facile : rôle en or, sans doute, mais tout le monde cependant se retrouvera sans doute non pas vraiment contre elle, mais contre l’intruse.
Pour ma part, j’ai vraiment apprécié (d’abord les premiers, certes, mais aussi) les deuxièmes rôles, ceux des médiateurs disons : ici un garçon tellement empathique avec les enfants (je ne retrouve pas son nom)là Sabina (magnifique Anna Patierno)ici une autre éducatrice probablement (je ne retrouve pas non plus son nom)mais des seconds rôles tellement attachants (le jardinier aussi bien, le directeur ou le policier; les mères des enfants tout autant). Une direction d’acteurs d’acier, et un travail avec les enfants qui oublient la présence de la caméra, une espèce de documentaire mais non, une espèce de fiction formidablement interprétée, dirigée, écrite.
Le thème donc, que faire de ceux qui côtoient la mafia, les enfants, les épouses, se résout malgré les efforts de Giovanna : il est certain qu’il faut faire un pas vers la clarté, mais à qui de le faire, au monde de l’Etat, de la vie, de la société ou plutôt aux meurtriers et à ceux qui les voisinent ? Magnifique scène où l’intruse se maquille pour aller (probablement – c’est hors-champ ) rendre visite à son mari incarcéré, bijoux, coiffure, rouge à lèvres, qu’elle ôte avec quelque chose de la rage… Mais comment faire si le reste du monde demeure sur ses positions, refuse d’accueillir et d’aider (au fond, il s’agit d’aider et de recueillir) ces malheureux enfants de malfrats ? En sont-ils aussi, eux, des meurtriers ?
Alors, évidemment, si les efforts ne restent que d’un seul côté (de celui de la loi), ça ne peut pas se résoudre : lorsque la jeune Rita a quelques mots avec un de ses camarades (des mots qu’ont toujours les enfants entre eux (ainsi que les adultes d’ailleurs), sans qu’il soit nécessaire que cela se termine dans le sang…) et que sa mère tente d’imposer (par pure courbure de l’habitude, de ce qui lui a été enseigné) sa propre loi, ça ne peut pas marcher… Elle le sait, l’intruse écoute les conversations qu’on ne peut cacher
comprend, et s’en va… La fête aura lieu sans elle (si elle était restée, elle n’aurait pas eu lieu non plus…), sans ses enfants, sans Rita : elles s’en iront, sans qu’on sache très bien pour où, mais ce qui est certain, c’est qu’on ne les aura pas aidées à rester, et à vivre…
Terrible constat, mais qui peut être assez fort, sinon l’Etat lui-même, pour imposer cette espèce de pardon ? Et d’ailleurs, en veut-on seulement, nous autres qui ne sommes pas proches de ces meurtriers, de ce pardon de ces actions terribles qui ont été commises contre notre monde ? Pas si sûr…
« L’Intrusa » un film de Leonardo Di Costanzo.