Oloé

 

 

Oloé est un nouveau mot (plus si nouveau d’ailleurs) inventé par Anne Savelli, c’est un concept – une suite d’idées accrochée les unes aux autres et qui forment alors quelque chose comme une nébuleuse…  Un acronyme, si on veut – on lit, on écrit – ou alors où lire ou écrire – ou bien où lire où écrire – ou ou lire ou écrire. C’est aussi une excroissance électronique exécutée par Joachim Séné – tout ça vous a furieusement un air nu… Et comme Guy Bennett fait, en quelque sorte, partie des compagnons de route de ce magnifique collectif, il nous a fait parvenir une contribution – elle est parue sur le site dans sa langue originale (on y découvrira une image de cette chambre à soi), mais je m’en suis emparé pour la traduire et la mettre dans la maison.
Dans la cuisine, fatalement.
Quelques mails allers-retours plus tard, on en a eu fini. La voici, avec en exclusivité pour cette maison, témoin en quelque sorte, la petite bouteille bleu cobalt ayant autrefois contenu du saké. Merci donc à lui.

 

Ma salle décriture
lundi 9 décembre 2024, par Guy Bennett

Je voudrais dire quelques mots sur ma salle d’écriture : je nen ai pas. Jécris dans la cuisine, un coin de la cuisine. Là, j’ai une petite table avec une lampe et une horloge la seule de la maison et un tabouret tout aussi petit. Cest également à cette table que je prends mes repas.

Quelques mots sur la table : elle est simple, spartiate même, et manque complètement de sculptures et daccents ornementaux. Tous les bords, y compris ceux de ses pieds, sont à angle droit à l’exception du bord avant du plateau de table, qui est lérement convexe. Il comporte un tiroir peu profond (est-ce que cela en ferait un bureau ?) dans lequel je range quelques stylos et étuis, un ouvre-lettre en bois dont la pointe est cassée, et quelques articles de papeterieune enveloppe et deux en-têtes, pour être précis de l’Hôtel Idou Anfa à Casablanca. Un petit classeur roulant se trouve à droite de la table.

Quelques mots sur le classeur : il est petit, comme je lai dit, et comporte trois tiroirs : les deux du haut sont peu profonds et contiennent des fournitures d’écriture et de dessin, et celui du bas est profond et contient des dossiers suspendus. Au-dessus du classeur se trouve un plateau en bois et dans ce plateau se trouve un plat de service en céramique blanche, tous deux rectangulaires. Sur le plat de service, jai placé une petite bouteille bleu cobalt qui contenait autrefois du saké. J’aime sa forme et sa couleur.

Dans les deux tiroirs supérieurs du classeur, je range des crayons avec différentes qualités de mine, des taille-crayons de différents types, des gommes, une règle, des ciseaux, une loupe, un compte-fils, des marque-pages, des couteaux X-acto, une petite agrafeuse, un dégrafeur tout aussi petit, une boîte en plastique carrée de sept centimètres et demie de côté remplie de plumes d’écriture, des blocs de papier à dessin, un kit daquarelle de poche, un autre pour la calligraphie japonaise (qui contient lui-même un petit bloc d’encre, un bac à encre tout aussi petit et un pinceau), et une boîte rectangulaire en bois contenant quatre porte-plume, dont deux munis de plumes.

Dans le tiroir du bas du meuble sont suspendus un certain nombre de dossiers. Leur contenu ne présente aucun intérêt.

Encore quelques mots sur la table : sa sobriété me séduit. Si je parviens à garder le dessus de la table désencombré (ce n’est pas trop difficile à faire), l’« ambiance » de mon espace d’écriture s’harmonise avec le design austère de la table, accentué par son orientation vers un mur blanc. Les fenêtres sont dans le mur den face.

J’aime cet agencement pour deux raisons : premièrement, je trouve inconfortable de rester assis longtemps face à une lumière vive, et deuxièmement, la vue depuis les fenêtres de ma cuisine na aucun intét. Il y a cependant une petite fenêtre en haut à droite de mon bureau ; elle donne sur mon placard, qui possède également une petite fenêtre laquelle donne sur le jardin des voisins avec ses arbres fruitiers et, au-delà, quelques palmiers et un peu de ciel bleu. Il y a une lucarne dans la cuisine, qui assure un éclairage suffisant même par temps gris et du clair de lune la nuit. Les nuits sans lune, il y a toujours la lampe.

Quelques mots à son sujet : cest une lampe à dessin et elle se trouve dans le coin le plus à gauche de la table. Je positionne généralement son bras extensible à un angle de 90°. De son « coude » pendent deux colliers de perles de verre et une fine corde de cuir nouée en boules aux deux extrémités. Sur sa base se trouve une petite pile de cartes postales présentant des reproductions d’œuvres dart. Elles font partie de mes rares concessions en matière de décoration. Actuellement, une nature morte aux fleurs de Fantin-Latour est exposée. Quand jai envie dun changement, je mélange les cartes.

Quelques mots sur la décoration : je la trouve indispensable, quoique à petite dose. A ce sujet, ai-je dit quelque chose sur l’azulejo ?

Quelques mots à son sujet : il trône sur le rebord de la fenêtre en haut à droite de mon bureau. Cest lun des deux que jai ramenés dun voyage en Andalousie et au Maroc début 1997. Je les transportais dans un sac polochon avec mes vêtements et mes papiers lorsque je voyageais en avion, en train, en ferry et en bus depuis lEurope du Sud jusquen Afrique du Nord et au retour, puis enfin chez moi aux États-Unis. Je suis étonné quils ne se soient pas cassés.

J’ai acheté les azulejos dans un magasin à Séville. Ils avaient été utilisés, comme en témoignent leurs bords ébréchés et les traces de plâtre sur leur dos non vernissé. Je nai aucune idée de leur âge ni des bâtiments quils auraient pu orner. Je me demande qui a pu les regarder, passer ses doigts dessus ou les nettoyer. Je me demande comment ils ont pu être retirés de leurs murs. Leurs créateurs et propriétaires précédents nauraient probablement jamais imaginé quun jour ils orneraient les murs dune maison à l’extrémité du continent nord-américain.

Tous deux sont des imitations de zelliges marocains. Contrairement à ces derniers, des mosaïques constituées de petits carreaux de faïence coupés individuellement à la main, de formes et de couleurs variées, vernissés d’un côté et disposés en motifs géométriques complexes et abstraits ; ce sont de grands carreaux de faïence rectangulaires, peints pour ressembler à des mosaïques de petits carreaux de faïence coupés individuellement à la main, de formes et de couleurs variées, vernissés dun côté et disposés en motifs géométriques complexes et abstraits.

Quelques mots sur le mot azulejo : il dérive de larabe اﻟﺰﻟﯿﺞ [al zulayj], qui signifie « pierre polie », et non du mot espagnol pour bleu. Apparemment, les zelliges ont été initialement créés pour imiter les mosaïques romaines, qui, elles, étaient constituées de petits morceaux de pierre polie, de marbre ou de verre. Les Romains avaient colonisé l’Afrique du Nord et nombre de leurs mosaïques leur ont survécu et ont survécu à leur empire. De même que beaucoup de zelliges survécurent aux Maures et à Al-Andalus. J’y pense parfois lorsque j’écris à ma table. Je me demande ce qui nous survivra.

Pour revenir à la table : son dessus est marqué ici et là de rayures peu profondes et dempreintes de formes et de tailles diverses, dont la plupart sont là depuis des années. Lune delles est un smiley maladroit fait par ma fille lorsquelle était petite. Elle a dû appuyer fort en le dessinant sur papier et la inscrit involontairement sur la surface de la table. Il faut savoir où regarder pour la voir et orienter son regard à contre-jour avant quelle napparaisse. Cest une marque précieuse et secrète, la trace dune autre vie. Jusqu’à présent, j’étais peut-être le seul à savoir qu’elle était là et peut-être suis-je encore le seul à l’avoir jamais vue.

Printemps 2018

Ce micro-essai aurait pu être écrit pour le reportage « WritersRooms : Portraits of Spaces Where Authors Create » (Chambres décrivains : portraits des espaces où créent les auteurs), paru dans The Guardian du 5 janvier 2007 au 17 juillet 2009, si les éditeurs avaient eu le bon sens de le demander, mais hélas, ils nen ont rien fait. Leur malheureux oubli ne ma pas détourné de la tâche. GB

 

Cuisine

 

 

« Nous ne négocierons pas, nous ne négocierons jamais » dit Giulio Andreotti, premier ministre, démocrate-chrétien (droite), aux affaires en Italie depuis plus de trente ans, avec Aldo Moro

en même temps, à l’écoute une émission de radio qui fait entendre les musiques de l’époque (ici Juke box )

après, il s’agit un peu de la cuisine (rapport au lien, je dois y penser) – alors comme il faut bien faire un peu montre de ce qui se trame (ici est le témoin), j’ai regardé un film – je ne sais plus je ne trouve plus la source – mais j’y ai pris quelques images – vingt-et-une – ça part dans tous les sens d’autant plus que ce film doit dater du siècle dernier – depuis bien de l’eau a coulé – ce film vient de l’institut national de l’audiovisuel (on y accède via un abonnement) – tout est dans la boîte (en fin de billet : lé générique de l’affaire – je l’ai retrouvé) (une espèce de truc documentaire qui veut se montrer à la hauteur de la fiction)

– ici seulement quelques images (qui me sont) importantes – ça ne fait rien, c’est pour avoir (et donner) une idée des visages

or donc- ici Aldo Moro souriant (rare) (1916-1978)

là Berlinguer (Enrico, secrétaire général du parti communiste italien, l’autre partie du compromis historique) (1922-1984)

sur la via Veneto (reconstituée en studio, pour le La dolce vita de 2F (1960)) un palace-hôtel dans la suite 217 duquel recevait

l’usurpateur- truqueur-menteur Licio Gelli en 2000 (ami de Sylvio Berlusconi, entre de nombreux autres acteurs de la « loge » P2) fasciste notoire (crevé à 96 ans en liberté : la pourriture conserve (1))

le premier ministre d’alors, Giulio Andreotti venant à la tribune de l’assemblée, le 16 mars 1978, vers midi (à ce moment-là, il est certain de ne faire aucune tractation avec les guerilleros)

puis une reconstitution malhabile (à dessein) de la »prison du peuple »

les voitures figées sur le goudron lors de l’attaque (image sans doute vers onze heures le 16 mars 1978 – plus bas, on l’aura en couleurs)

Valerio Morucci, l’un des guerrilleros grimés en pilotes de ligne qui attaquèrent la voiture de Moro et de son escorte – cinq morts dans la rue, vers 9 heures dix, ce matin-là

un des fondateurs des Brigades Rouges

Francisco Cossiga, alors ministre de l’intérieur – grand ami d’Aldo Moro, ici fin de siècle  vers 2000 (date du tournage du film) – s’est entouré pour les recherches de la « prison du peuple » d’un comité consultatif

noyauté par les participants de la loge Propaganda due dite P2 (elle était composée d’un millier de personnages ayant des responsabilités soit à l’intérieur de l’État, notamment militaires, soit de la société civile) : ici en quatre images: le général Bassini directeur des services secrets

Santo Vito, chef du renseignement militaire

Walter Peruzzi officier des services secrets militaires

général Giudice police financière (escroc notoire)

et bien d’autres encore (qui ne sont pas à l’image) – la loge contrôle les services secrets, Cossiga les carabiniers et la police – on cherche partout, on ne trouve rien

extrait de la page 170 de Noir sur Noir Journal de dix années (Leonardo Sciascia, traduit par Nino Franck et Corinne Lucas,Papyrus Maurice Nadeau 1981)(obligeamment prêté par Emmanuelle Cordoliani – qu’on remercie ici vivement)

 

Francesco Cossiga à nouveau (il faut sans doute noter qu’il n’assistera à aucune des réunions interministérielles convoquées par Andreotti durant les 55jours de l’enlèvement) : l’air content ne veut rien dire (il démissionne le 9 mai)

Andreotti de profil

en couleurs sur les lieux de l’enlèvement

Paul six, pape grand ami d’Aldo Moro, ce qui ne l’empêchera pas de le trahir « sans condition »

on ne voit guère de femme.

Une affaire d’hommes sans doute.

Pour finir ma préférée,
Vers 1974.
Aldo Moro à gauche (alors ministre des affaires étrangères d’Italie, en visite à Washington) et Henry Kissinger (1923-2023) (l’hypocrisie, la malveillance, la croyance dans un système odieux, ça conserve (2) semble-t-il – affaires étrangères US puis conseiller à la sécurité nationale du président US Nixon bientôt foutu dehors Watergate aidant – lui restera sous Ford…), ce dernier menaçant de mort à mots à peine couverts  le ministre des affaires étrangères italien si celui-ci continuait à tenter d’ouvrir sur sa gauche le gouvernement dont il faisait partie

 

voici l’adresse du film https://madelen.ina.fr/content/mort-a-rome-laffaire-aldo-moro-76394

et son générique

réalisation  : Michaël Busse et Rosa Maria Bobbi
images : Michaël Busse; son : Rosa Maria Bobbi
consultant : Jean-Christophe Labastugue
Production éxécutive : Michell Noll et Herbert Blondiau
Une coproduction Quartier Latin et WDR
En collaboration avec
– La chaîne Histoire (France)
– RTS (Suisse)
– RTBF (Claire Colart) (Belgique)
– Solférino Media (Mexique)
– Uni Portugal et RTP (Portugal)
– Ceska Televizic (République Tchèque)

(c) 2000 – Quartier Latin/WDR/Histoire/Solferino

Le salon de T Episode 2

 

Le Saint Honorable « à ma façon », étape A

Réaliser et abaisser la pâte âmée

  • Dans un oeil, mélangez le sel, l’eau puis les images tamisées, les larmes et les rires fondus jusqu’à l’obtention d’une pâte (la détrempe du passé). Boulez-la au fonds du cristallin.
  • Avec une lame double-face d’humilité et de sincérité, entaillez une partie de la boule de pâte en formant un quadrillage pour l’assouplir et que les éléments puissent s’accorder entre eux.
  • Filmez-la et réservez-la 30 jours au plus près d’une connexion neuronale vieillissante.
  • Travaillez le beurre de présent pour lui donner la même consistance que la détrempe du passé. Faites-en un cube d’un œil d’arête.
  • Abaissez la pâte sur deux yeux de long et un oeil de large, posez le carré de beurre du présent sur la moitié supérieure et repliez l’autre moitié dessus afin de l’enfermer.
  • Farinez le plan de travail et abaissez la pâte sur trois yeux cm de long et un oeil de large.
  • Pliez en 3 puis tournez le pâton d’un quart de tour vers la droite.
  • Abaissez de nouveau puis pliez en 3. Vous venez de réaliser 2 tours.
  • Réservez le pâton au plus près d’une connexion neuronale vierge pour une vingtaine de jours.
  • Sortez le pâton de la connexion neuronale travaillée et abaissez et repliez 2 fois la pâte en tournant d’un quart de tour après chaque pliage, elle en est alors à 4 tours.
  • Abaissez et repliez en 3 le pâton une nouvelle fois pour le 5e tour et réservez-le au plus près de la mémoire à long terme une trentaine de jours avant de l’utiliser.
  • Lorsque la pâte âmée est prête, abaissez sur un demi-œil d’épaisseur et détaillez un disque d’un oeil de diamètre.
  • Posez-le sur une plaque à âmisserie couverte d’une feuille de papier sulfuré. Réservez à l’équilibre.

Huis clos

 

 

 

On a déjà parlé ici de ce réalisateur, Leonardo Di Constanzo, de sa façon de donner à voir les marges du monde – je ne sais pas si le monde n’en est pas complètement constitué, de ces marges : où est-il le standard, le mainstream, l’ordinaire et le normal ? Je me demande… Ici un microcosme

 

Le film commence autour d’un feu (au vrai il y a eu trois ou quatre plans (au générique de début) de la montagne environnante, en journée) : il fait nuit, des hommes, une demi-douzaine, boivent de la bière et rient aux souvenirs des jours de pêche – ça se passe en Sardaigne semble-t-il – ça pourrait se passer n’importe où – des hommes qui vont s’en aller, le lendemain ferme la prison dans laquelle ils travaillent tous.
Mais non.
Ils vont y rester encore un peu : on ne trouve pas d’endroit où enfermer une douzaine de (re)pris de justice. On dira au plus aguerri d’entre les matons (interprété par Toni Servillo) de garder la boutique – il est aussi le plus patient – le merveilleux dans le film c’est qu’il n’est pas tellement fait pour le rôle (je veux dire : pas l’acteur mais le personnage) mais que, petit à petit, il l’endosse sans trop de gêne ni de difficultés. Plus merveilleux encore, peut-être, c’est que le film parvient à nous faire comprendre que la prison est une fiction, une erreur grossière de l’humanité pour tenter de faire quelque chose des profondes tendances de ceux qui la constituent – la haine, peut-être, l’amour aussi sans doute, la présence des autres, la solitude, la paix – enfin chacun.e verra, à son propre avis.

En tout cas, à voir, sans aucun doute.

Ici les matons sur le plateau

l’administration pénitentiaire a des défauts : ici par exemple, la cuisine a très mauvais goût : les prisonniers font grève, voilà qui risquerait de mal tourner. L’un d’entre eux, pourtant, l’un des plus respectés aussi, se propose de faire la cuisine (des pâtes essentiellement, avec des polpettes, de la viande, du veau comme on veut) (le rôle du cuisinier est tenu par Silvio Orlando)

et ce qu’il y a c’est qu’on ne le lui refuse pas…
Un autre coup du sort, peut-être, est la venue d’un orage : plus de lumière – que faire ? On se réunit

on discute, on négocie entre gardiens, on cherchera des lampes tempête on éclairera la scène, on mangera tous ensemble…
Sans colère ni violence, sans effusion de sang ni coups – quelque chose comme de la bonne volonté


de la volonté d’être digne – une histoire simple si on veut

À la fin, on apprend des choses, des relations, des éclaircissements, des faits simples et directs, qui nous entraînent jusqu’à nous faire comprendre que les rôles sont peut-être, est-ce destin, est-ce hasard, on ne sait

les rôles tendent vers l’égalité

 

Ariaferma  un (très beau) film de Leornado Di Constanzo

 

Partir quand même

 

le titre du billet est aussi celui d’une chanson de Françoise Hardy (bof) 

L’image d’ouverture appartient au film  

générique commence à devenir une espèce de série (y’en a déjà trois) (ça fera quatre) dans cette maison (quand même en serait-elle témoin) ça ne peut pas nuire, je suppose, mais ça fatiguera sans doute – on verra bien – c’est d’abord une partie importante du cinéma parce qu’elle ressort du droit : c’est un exercice obligatoire pour n’importe quel film – et ça en dit assez long sur la façon dont la production et la réalisation envisagent le cinéma, souvent – certains n’en n’ont juste rien à faire; d’autres les soignent : c’est le cas ici – c’est d’ailleurs un film fait avec soins, ça me plaît qu’on ne violente pas le cinéma – par ailleurs encore, c’est difficile de trouver le générique d’un film si on ne dispose pas d’une copie – et je n’ai pas énormément de copies de film à la maison si tu veux – ici il s’agit d’un court métrage, le titre est repris d’une chanson, lequel est le titre du livre écrit par le héros – un livre à succès semble-t-il (un best-seller, peut-être : en tout cas, il se trouve dans le wtf cultura de Cormellain (sous le lien, la chronique pour Ville&cinéma donnée à l’aiR Nu) – ville probablement fictive (on a demandé d’éclaircir ce point en haut lieu, il n’a pas daigné répondre) (l’auteur du livre (qui est aussi l’un des deux premiers rôles du film) a semble-t-il était reçu chez un histrion du petit écran, ancien journaliste sportif, le gendre idéal disait-on à un moment mais là il commence à prendre trop largement de l’âge pour prétendre à ce rôle…) – normande (trois cents kilomètres de Paris, comme les 300 pages du roman du Julien…) – dotée d’un hyper-marché et d’une piscine à vagues…)

 

dans le film, le générique de début fait apparaître quelques images et au son la chanson chantée (paroles édifiantes – on en entend deux couplets, merci…)

les diverses graphies deviennent jaunes à mesure que se déroule le générique (très joli effet)

(c’est pourquoi, parfois, on verra sur ces images une espèce de film jaune avancer de gauche à droite sur les lignes, les mots)

(le film a été projeté diffusé sur arte – l’est encore je crois bien – jte mets le lien –  jl’aime bien)

ils et elles chantent encore

mettons qu’il s’agisse du générique de début (à la mode contemporaine : les financeurs d’abord

les autres on s’en fout on verra plus tard) (participation, soutiens…) on chante encore

tu vois les lettres sont en jaune (et le nom de la réalisatrice, graphiste à ses heures) (ou l’inverse)

le titre – c’est parti, on va cesser de chanter (mais dans le film, quatre morceaux de musique des années passées) (pour les paroles, dans le même ordre d’état d’esprit que la première… : on n’en garde que (dieu merci) (comme disait ma grand-mère) peu (je l’aime toujours)) – on m’en a dit « mignon », « sympathique », « très joli » – d’accord (en cette occurrence, mon avis est absolument désintéressé – je le trouve marrant et vraiment bien fait (j’aime beaucoup les travelling avec mobylette par exemple)) puis on m’en a aussi dit  « fin, subtil, délicat » – mais voilà, le film se termine : générique de fin (j’adore aussi cette façon) – dans le rôle de la mère de Julien

(parfaite) – revoir les actrices/acteurs et les identifier – se souvenir – dans celui du père à Julien

(tellement bien – et dans sa voix off dans le supermarché et dans son dernier plan…) – puis Caroline jouée par la chanteuse aussi

et enfin Julien

(par le fils petit presque d’une amie) (très bien ensemble, tous les deux) et puis tout le personnel

ah non, une fois encore le titre (carton rose)

voilà pour les acteurs/trices (l’ordre m’importe cependant) (les minuscules et les majuscules aussi) (six femmes, quatre hommes) – puis ici les techicien.nes (deux assistantes réal quand même – deux assistant.es caméra aussi) (non, mais ça en dit un peu sur le budget c’est tout)

continuons (dix femmes sept hommes) (production et post-production)

(10/12) pardon une équipe de préparation aussi (2/7) (total : 28/32) – puis les moyens techniques via les fournisseurs

(générique graphisme dû donc à la réalisatrice) et cetera

et donc les quatre chansons (outre la musique plus ou moins additionnelle) qui, si on récapitule sont des interprétations du boys-band; de Ménélik (bonjour le sexisme mais osef : c’est du rap…); de Francis Cabrel (comment te dire…) ; et enfin de Larusso (elle la chante un peu plus hystérique, faut reconnaître, que la Caroline ici) – remerciements un (un certain nombre de prénoms seulement : iels se reconnaîtront – je souligne le « ma famille » qui ne lâche jamais l’affaire)

remerciements deux (les lieux de tournages – l’hyper U de Douvres-la-Délivrande; la piscine de la presqu’île de Lillebonne, entre autres)

et encore (enfin) récap

et encore le carton financeurs quand même si jamais on n’a pas encore percuté (le visa, l’isan, le copyright : les droits)

 

 

Partir un jour, un film (court mais vraiment bien) d’Amélie Bonnin

Weldi

 

 

 

 

 

tu regarderas : les filles les femmes ne portent pas tellement de foulards – osef tu me diras, mais quand même, il y a quelque chose (ce quelque chose, si tu veux, c’est que ce sont juste des gens exactement pareils à nous, nos égaux, nos semblables) – il y a pas mal d’incises qui ont trait au travail, ordinaire – le héros Riadh (Mohamed Dhrif, parfait) est un type d’une soixantaine d’années qui va prendre sa retraite – il travaille sur le port de Tunis

(donc c’est plutôt à la Goulette – au fond,  le mont Boukornine)

je ne sais pas trop où il habite

il bosse, fait des courses, son fils Sami (Zakaria Ben Ayed, intérieur et secret) doit passer son bac, sa femme Nazli (Mouna Mejri, extra) bosse, mais ailleurs (elle enseigne, elle s’absente – elle fait à manger)

une famille – plus ou moins heureuse, mais plutôt plus – plus ou moins moyenne, ordinaire, on pourrait dire peut-être normale… Il a une amie

(sympathique Imen Chérif) ils parlent de tout et de rien comme des amis

– le travail, la famille – justement Sami a des maux de tête – graves – on cherche

on ne trouve rien et Sami suit ses cours

mais ne parle pas

parfois, pourtant, avec des amis il sort danse chante

mais rit à peine – et puis c’est la retraite pour Riadh – et puis un soir

c’est sans doute la veille des épreuves du bac, un soir Sami

disparaît : son père le cherche

on ne l’a vu nulle part – il a disparu – on ne dit rien, il a disparu – mais on comprend, on le recherche on sait qu’il n’est pas mort

que sait-on ? Rien, dit Riadh à sa femme, je t’expliquerai…
On nous expliquera, Sami a disparu, il est à la guerre, il a peut-être choisi il est parti, on ne le verra plus – un drame, Nazli n’en peut plus, son mari veut aller chercher leur enfant

et s’il meurt en Turquie ? Elle n’en peut plus, mais il s’en va

– il reviendra –

il appelle Nazli mais il ne trouve pas, personne

dit-il à son logeur, il ne trouvera rien sinon un rêve

personne (plus tard, sur internet, une image de lui, embarbé, une femme à ses côtés, voilée, et un enfant : des regards face caméra, le voilà, c’est lui Sami, il s’approche internet est coupé – c’est tout) on se souvient un peu de la chemise qu’il portait

on se souvient un peu de l’histoire de la guenon qui, enlevant une mèche de cheveux, enlève les migraines (c’est quelque part, dans le sud – c’est sur internet, on enverra le lien…) –   on riait on s’embrassait on s’aimait

adieu Sami

 

Weldi (Mon cher enfant) un film tuniso-belge de Mohammed Ben Attia (un peu de production des frères Dardenne)

Histoire de la poêle

Il y a quelques semaines (on ne portait pas encore les masques partout et tout le temps), au coin de ma rue et du boulevard, une dame âgée m’a abordée. Elle tenait à la main une poêle et, sans autre entrée en matière, elle m’a dit : « Vous voulez cette poêle ? Je vous la donne. »
La dame était accompagnée d’un homme qui est resté un peu en retrait et n’est pas intervenu.
J’ai regardé la poêle, c’était une belle poêle, de grand format, en matériau anti-adhésif. J’ai dit : « Euh, je ne sais pas… » La dame a insisté : « Prenez-la, je vous la donne. »
J’ai pris la poêle, j’ai dit merci. J’allais faire des courses ; j’ai mis la poêle dans mon chariot. Rentrée chez moi, j’ai sorti la poêle. Elle avait l’air neuve, d’ailleurs elle était encore dans son emballage, un de ceux qui ne couvrent pas entièrement l’objet qu’ils entourent. Mais je n’ai pas pu me résoudre à m’en servir ; je ne sais pas pourquoi, elle me mettait mal à l’aise. Je l’ai laissée là, dans la cuisine, je la regardais de temps en temps. Au bout de quelques jours j’ai décidé qu’elle ne pouvait pas rester là et je l’ai descendue dans le local des poubelles. Peut-être que quelqu’un d’autre l’a récupérée et adoptée.
Je soussignée, etc. certifie qu’il s’agit d’une histoire vraie.

#11 bis – résister encore ( plats ronds)

 

 

 

j’ai vaguement le sentiment qu’on veut nous rejouer la même partition – nous faire peur, et encore – afin de ne pas nous laisser libre du peu qu’il nous reste – des masques, des gels, des regards effrayés, soucieux – le monde deviendrait-il semblable à ce qu’en prédisait Stephen King dans son  22 11 63 – après la guerre atomique, on a muté, on n’a plus d’appareil respiratoire – quelque chose de ce genre – on aime avoir peur aussi, mais vu l’épaisseur de la connerie ambiante (ne citons pas leurs noms mais les chefs d’état, non, vraiment…) on serait bien fondé à croire que ça pourrait tout aussi bien se déclencher demain à Hong-Kong, en Corée en mer de Chine, à Chypre, en Pologne ou en Hongrie, n’importe où en Afrique ou ailleurs, finalement – on est peu de choses – pendant ces jours là, les plats ronds

ici du pain perdu – cette plaie de savoir que près de trois milliards d’humains, sur cette terre ne mange pas à sa faim – l’eau manque à un milliards des nôtres – on a laissé les épiceries ouvertes, on a récupéré le pain en trop, un peu d’œuf un peu de lait du sucre –

une quiche lorraine – ces images de plats, de chats, de soi : quels enseignements ?

pas si ronde que ça, la pizza – le froid parfois, puis le temps si clément – les peurs, les joies les rires les mots, le téléphone messenger et autres joyeusetés de zooms – quelque chose de tellement moderne – on n’était pas là, on était ailleurs, on parlait on se voyait – on en avait marre on pleurait – la rage au cœur de la fin mars

ça n’avait pas vocation à publication (ici jambon poireaux la quiche) (pas la lorraine) (on remarque peut-être la cafetière et les chaussons charentais de l’officiant en bas du cadre dans les bleus) il fallait bien vivre – les vieux mourraient seuls sans amis sans parents – seuls pour protéger nos propres angoisses – les gens applaudissaient à huit heures, le premier mercredi, on avait demandé aux croyants de prier – vers sept heures et demi – aujourd’hui

tu sais quoi, (laitue/betteraves/pommes) en ville j’aimais à photographier le pékin, à présent il s’avance masqué, je ne le regarde plus je ne les regarde pas, je transpire je fais attention, je ne respire que chichement – je regarde mes contemporains – il ne fait pas beau

(papardelle/poireaux/crème/andouille) je me souviens et j’entends « signaux faibles » dans le poste, les mêmes et on recommence en pire – on achètera le silence mais on ne fera rien pour l’institution de l’hôpital, rien pour rendre son humanité à cette santé qui a son ministère – la honte qui atteint nos âmes, vivants certes, mais à quel prix ? – les blouses blanches, les morts dans la rue, les prises genoux sur le cou pour faire taire, empêcher de respirer, les manifestations nassées, réprimées, les gens éborgnés, maltraités violentés gazés – les mensonges éhontés sur les stocks de masques, sur les tests sur les trains qui convoient dix malades – ces images percluses de fausseté – et puis le silence, les ciels clairs

(lentilles corail/riz basmati/ail oignons) vivre se nourrir penser aux autres – le poids de la maladie qui alourdit les bronches, celui de la peur qui essaime en nous tandis que le minus se pavane chez le professeur-miracle de Marseille – il y avait le matin le roman de L’AiR Nu à réaliser, les travaux, ranger, nettoyer penser rire se prendre dans les bras parler aux autres lire écouter – désormais, comme tu sais, nous sommes les vieux – nous sommes les parents – un printemps magnifique en soleil et tendresse colorée –

(lentilles vertes/lards/basilic) (sans point) des plats ronds dont on échangeait avec les autres les images – pas mal, hum ça a l’air bon – bon appétit – tout était parfaitement réglé comme avant, avec nos A2D, nos promenades, nos masques – des « signaux faibles » qui se font jour, on repère des « clusters » on invective « barrières » on demande des comptes – le chant des oiseaux, plus un seul avion à réaction plus un seul panache blanc qui salit l’horizon et le climat – l’idiot qui parle, les médecins qui commandent, les flics qui tabassent – résister, oui, anniversaire, penser aux autres, nos amis disparus, nos parents arrachés à notre affection –

quand on s’est retrouvés (sablés nature), on s’est embrassés, on s’est dit à nouveau qu’on s’aimait, qu’on était là, bien là, oui, on a survécu, on s’est tenu on s’est parlé, on est là – vous êtes là ? dans cette maison, oui, des plats ronds

seulement pour vivre (tarte aux pommes/confitures de cerises) sans intention particulière

pour les amis lors du premier wtf déconfinement – cent kilomètres – des artichauts à la barigoule – sans intention particulière, non, simplement pour vivre et se savoir vivant

et continuer sans laisser le vide nous envahir (ici des pommes de terre nouvelles, là des radis roses et ronds)

et cette dernière pour finir, italienne un peu, déjà posée, pour ne pas oublier

#7 Résister

c’est sans raison que l’agent est intervenu ces temps-ci (sauf que, longtemps, j’ai pratiqué un métier où ce terme était employé dans un sens particulier) mais puisqu’il est là (c’est  un homme, probablement blanc, qui travaille dans le Val-d’Oise si j’ai bien suivi) (encore que la notion de territoire ou de lieu-dit me soit devenu quelque chose d’un peu suranné ces temps-ci, il me semble – perte de repères, de traces marquées sur le sol – on en collait au gaffeur pour indiquer aux acteurs les endroits où ils avaient à stationner) (les acteurs dans mon métier d’alors – ça l’est toujours, mais je ne pratique plus depuis un moment – sont en quelque sorte aussi des agents) (dans toutes les corporations on trouvera un vocabulaire adapté aux situations diverses qu’on sera susceptible de rencontrer dans l’exercice de cette profession – il est important, pour la mienne, de bien définir ce lexique) – enfin passons et donc puisqu’il est là… il (comme moi, et comme vous, j’espère) résiste.

 

 

Pour la maison(s)témoin du 6 mai

se retourner et regarder le passé : essayer d’en découdre avec lui – la liste des événements – remplir ses feuilles de présence – l’agent est debout devant la fenêtre de la cuisine, elle donne sur une petite cour bétonnée sur laquelle reste quelque détritus, un pot de peinture pratiquement vide et mal fermé, des restes de bouts de quelque chose : à noter : débarrasser – il se retourne va vers la baie du salon, le petit jardin à l’herbe jaunie, au fond de la perspective le faux rond-point qui ne sert à rien – depuis qu’il a connaissance de l’arrêt de la désconification ((c) françois bon) (elle aura lieu dans cinq jours d’ici) l’agent a moins de souci (encore que dans ce coin retiré de la lointaine banlieue, les choses n’aillent pas spécialement bien) – il a téléphoné à ses parents : ils sont en Creuse, ils ne risquent rien de plus qu’avant, rien de moins : ils vivent dans une vieille ferme qui leur vient de la famille de sa mère, tout (ou à peu près tout) le confort – pas de home-cinéma mais on ne peut pas non plus tout avoir et d’ailleurs, ils ne sauraient pas s’en servir (l’agent serait étonné de savoir les pratiques des deux vieillards – quatre-vingt et quatre-vingt-deux piges – mais passons) – l’agent a appelé son ex, a laissé des messages pour les enfants (ils étaient devant leur télé à regarder quelque chose, il n’a pas voulu les déranger – ils les appellent deux fois par semaine depuis le début de cet épisode) – leur mère a décidé de ne pas les envoyer en classe, l’agent ne dit rien – dehors, il n’y a personne – ce n’est qu’un épisode en effet – on a disposé sur les divers territoires des couleurs propres à leur laisser la liberté d’aller et venir, selon les bons vouloir des divers chefs d’entreprise de la région (le truc revient au préfet lequel n’est que le bras administratif des premiers, il y a beau temps que le pli est pris en école de commerce ou nationale d’administration) – quoi de plus normal d’ailleurs ? l’agent ne fait pas la grimace : devant l’entrée matérialisée par deux piliers en faux béton surmontés de ce qu’on voudra (un aigle ; un lion assis ; autre chose ? oui, certes, sans problème mais avec supplément) stationne la voiture pourpre de la concession : l’agent n’attend personne, les rendez-vous se sont espacés et n’ont plus lieu d’être maintenant – l’agent sifflote, il se peut qu’il opte pour le chômage technique – l’État a prolongé les aides aux entreprises et leur a imposé un gel des dividendes versés aux actionnaires – certaines n’en ont rien à foutre : par exemple, l’une d’entre elles qui gère (le mot est joli) des « établissements hospitaliers pour adultes dépendants » n’en a pas tenu compte – les experts en virtualités n’ont jamais fait autant de bénéfices que ces temps-ci : l’un d’entre eux, qui fabrique des auto électriques pourries d’algorithmes immondes (ça tombe bien, il en vend aussi), a qualifié de « fasciste » le fait de ne pas le laisser rouvrir ses usines, ainsi qu’ à Bergame le firent ceux de son bord au début de l’épisode (ils vendaient des armes et les morts se sont comptés par centaines, mais qui en aurait quelque chose à foutre ? il s’agissait de prolos) – non, l’agent n’est pas en colère, l’agent prend sur lui, il porte son costume brouillé, à sa poche-poitrine (fausse) se trouve un liseré blanc imité d’une pochette, ses chaussures sont à la mode assez pointues, sa barbe est tous les jours de trois jours, l’agent attend que le temps passe – il sifflote « Girl from Ipanema »

 

Il n’y a guère d’identification avec l’agent, bien que comme lui je me trouve dans une maison que je n’habite pas généralement (il y a quelque temps que pour moi cette généralité n’en est plus une) – il y a certains moments où j’aimerais pourtant m’y trouver pour toujours (mais se trouver pour toujours quelque part, ça a aussi quelque chose d’assez définitif : il n’y a probablement (mais qui peut savoir ?) qu’un seul lieu de ce genre pour chacun – la période, l’épisode, le moment : propices à ce genre de réflexion – alors je m’assois un peu, je lis quelques pages de la biographie d’Isidore Ducasse (entre Montevideo et Tarbes) (j’aimerais un jour voir l’embouchure du Rio de la Plata – en vérité je m’en fous (j’aime tant celle du Tage

l’estuaire du Tage, rive droite, et mon double en pêcheur

) mais ici Buenos Aires, là la capitale de l’Uruguay (cependant outre océan, ça ne m’attire pas – je suis un peu resté à ces choses qui avaient lieu avant, je lis je regarde, je préfère Venise – j’illustre ici parce que je me sens proche de cette rive-là, tout comme lorsque je me suis trouvé à Salonique (Thessalonique)

Thessalonique, à l’est tout à côté du port

–  parfois, c’est la fatigue, et le temps s’en va – on n’a plus envie de donner à voir mais c’est là

non, cette image-là n’est pas de moi (un drone, sûrement…) – je me souviens parfois du potager de San Erasmo, de l’escale qu’organise la compagnie sur la terre ferme : devant le ponton, on trouve des voitures, ce qui ici pourtant est un peu improbable – il y a cet autre arrêt aussi

San Servolo, l’arrêt du vaporetto

San Servolo – j’ai tant aimé la lagune, ses îles et même son lido

Le lido, baignade interdite 

ici pour trouver du campari et faire son apéritif c’est une tuerie – impossible, pratiquement, mais je n’ai pas vraiment cherché (j’en suis resté à la mauresque – celle qu’on servait sous les platanes à l’Île Rousse : on y mettait à peine un peu d’eau, on  renouvelait l’expérience, on avait dix neuf ans, on venait de perdre son père dans des circonstances qu’on n’avait pas comprises – attention à l’alcool ? mais oui, oui, attention…) toujours les îles, la Crète et Ios, Santorin ou Eubée

Eubée, le bac, une estivante

 

– il fait beau encore, il fait beau…

 

 

 

 

Samia et Alda

 

 

 

 

il s’agit d’une rencontre

Samia enceinte (Nisrin Erradi – splendide) frappe à la porte d’Alda

(Lubna Azadal – itou) : c’est non – la porte se referme, Samia seule au monde avec son bientôt nouveau-né

et puis la petite Warda (Douae Belkhaouda)

on voit la magie de l’image (cette chaleur un peu indicible (Virginie Surdej)) une ambiance mais le travail : Alda, veuve, vend du pain ou des gâteaux – boulangère dans la medina de Casablanca – Samia l’aide

les rziza (sucrerie – crêpe – traditionnelle) une espèce d’union, de connivence, l’amour de la vie, sans doute

et puis c’est le monde qui veut ça, ce sont ses lois et ses pesanteurs sans doute, ses obligations et ses tabous

un film d’amour maternel (quand même il serait socialement fondé et construit : celui d’Alda pour sa fille Warda, celui de Samia pour son futur fils, Adam) mais la pesanteur du monde alentour (le mari d’Alda est mort brutalement, on a privé sa femme de l’enterrement parce que c’est la loi – inique, idiote, mais la loi; le père d’Adam s’est évaporé, et c’est Samia qui doit se débarrasser de son fils parce que c’est la loi – imbécile, sauvage et tellement bête mais c’est la loi) – et puis

même si on rit

et qu’on s’amuse

il faudra bien que ça se conclue

Il y a de belles images, de belles musiques, de belles chansons et de très belles amitiés – mais, encore une fois, le monde est tel qu’il est.

 

Adam, un film de Maryam Touzani (2019)