On a déjà parlé ici de ce réalisateur, Leonardo Di Constanzo, de sa façon de donner à voir les marges du monde – je ne sais pas si le monde n’en est pas complètement constitué, de ces marges : où est-il le standard, le mainstream, l’ordinaire et le normal ? Je me demande… Ici un microcosme
Le film commence autour d’un feu (au vrai il y a eu trois ou quatre plans (au générique de début) de la montagne environnante, en journée) : il fait nuit, des hommes, une demi-douzaine, boivent de la bière et rient aux souvenirs des jours de pêche – ça se passe en Sardaigne semble-t-il – ça pourrait se passer n’importe où – des hommes qui vont s’en aller, le lendemain ferme la prison dans laquelle ils travaillent tous.
Mais non.
Ils vont y rester encore un peu : on ne trouve pas d’endroit où enfermer une douzaine de (re)pris de justice. On dira au plus aguerri d’entre les matons (interprété par Toni Servillo) de garder la boutique – il est aussi le plus patient – le merveilleux dans le film c’est qu’il n’est pas tellement fait pour le rôle (je veux dire : pas l’acteur mais le personnage) mais que, petit à petit, il l’endosse sans trop de gêne ni de difficultés. Plus merveilleux encore, peut-être, c’est que le film parvient à nous faire comprendre que la prison est une fiction, une erreur grossière de l’humanité pour tenter de faire quelque chose des profondes tendances de ceux qui la constituent – la haine, peut-être, l’amour aussi sans doute, la présence des autres, la solitude, la paix – enfin chacun.e verra, à son propre avis.
En tout cas, à voir, sans aucun doute.
Ici les matons sur le plateau
l’administration pénitentiaire a des défauts : ici par exemple, la cuisine a très mauvais goût : les prisonniers font grève, voilà qui risquerait de mal tourner. L’un d’entre eux, pourtant, l’un des plus respectés aussi, se propose de faire la cuisine (des pâtes essentiellement, avec des polpettes, de la viande, du veau comme on veut) (le rôle du cuisinier est tenu par Silvio Orlando)
et ce qu’il y a c’est qu’on ne le lui refuse pas…
Un autre coup du sort, peut-être, est la venue d’un orage : plus de lumière – que faire ? On se réunit
on discute, on négocie entre gardiens, on cherchera des lampes tempête on éclairera la scène, on mangera tous ensemble…
Sans colère ni violence, sans effusion de sang ni coups – quelque chose comme de la bonne volonté
de la volonté d’être digne – une histoire simple si on veut
À la fin, on apprend des choses, des relations, des éclaircissements, des faits simples et directs, qui nous entraînent jusqu’à nous faire comprendre que les rôles sont peut-être, est-ce destin, est-ce hasard, on ne sait
les rôles tendent vers l’égalité
Ariaferma un (très beau) film de Leornado Di Constanzo