Au début, ils étaient dix neuf (les photos, on les trouvera) puis ils ne furent que dix à être « entendus » par cette commission (les enfants, tu sais comme ils sont adorables et pertinents surtout, appelleraient certainement ça la grosse commission) (les guillemets à « entendus » parce que personne ne risque d’entendre ou d’écouter ce que ces gens ont à dire : le juge John Parnel Thomas fait taire, point). Et les dix, les voici avec deux de leurs avocats
(je me demande si c’est joli joli de poser une photo comme ça de chez truc en copyright : si c’est pas beau je la recadre, y’a trop d’air gauche cadre, t’inquiète) en tout cas, on les voit là, ils ont tiré un film de cette aventure (si on peut appeler ça une aventure, une descente aux enfers intitule cet épisode l’auteur du livre en référence) réalisé par John Berry (visible ici), en 1950, dix (la plupart scénaristes) à ne pas vouloir répondre à la question de savoir s’ils sont, ont été, ou seront communistes. Ne pas répondre, c’est une insulte au tribunal : sanction, la prison – une année. Et en sortant, être certain de ne pas retrouver de travail (et donc prête nom, embrouilles et départs souvent soit vers la côte est soit ailleurs, en Europe – Londres ou ailleurs). Charlot n’en est pas revenu (merci, les états).
On sait qu’ils ont été dénoncés par le FBI (en ouverture de ce billet, l’image bonhomme de son chef : Hoover, 48 ans de maison) lequel avait aussi la possibilité de se renseigner ailleurs, dans une certaine presse, par exemple le Hollywood Reporter, en la personne d’un certain Billy Wilkinson (ici à l’image avec Norma Jean Baker (en spéciale dédicace à Anne Savelli) alias Marylin Monroe (fin des années 50 je suppose) et avec Cary Grant -en 34, date de son portrait).
Délation, mensonges, suspicion, un tas d’ordures, deux ans après la fin de la guerre et les bombes atomiques, l’extrême droite au pouvoir, et la haine des communistes en action. On n’a pas à juger, certes. Seulement des centaines de vies ont été, de ce fait et dans les années qui vont venir, gâchées, brisées, foutues en l’air par ces gens. On ne juge pas, mais que reste-t-il aujourd’hui du maccarthysme ? (le sénateur qui mettra tout son zèle au service de cette chasse, et qui finira alcoolique en 58, mort dans sa haine) eh bien, voilà tout. Les états unis, le sud raciste, un mur contre le Mexique qu’on construit à nouveau, encore et toujours, et encore, le peroxydé facho aux commandes (et écrire ces mots blesse, on espère dans un sursaut, quelque chose mais quoi ? l’élection est légitime, même s’ils sont moins nombreux à avoir voté pour lui…)
Ils étaient dix neuf à être convoqués par cette commission qui n’en écoutât que dix. Puis, des centaines de types et de femmes furent interdits de travail dans le cinéma c’est aussi simple, stupide et ignoble que ça. Demain, l’administration de la pourriture sortie des urnes censitaires des US déclarera que la population devra se déclarer musulmane ou non, sous peine d’amende, ou plus encore. Demain, au pilori, jettera-t-on d’autres humains, seront -ils lapidés comme dans les pires dictatures (on pense à « Timbuktu » (Abdherramane Sissako, 2014), on pense à Pierre Fresnay dans « Le corbeau » (Henri-Georges Clouzot, 1943), on pense à Joseph Losey et à tant et tant d’autres…) ?
Episode frappé au coin de l’actualité (aujourd’hui, on nous assomme de « résultats » d’une consultation où l’emporte, dit-on, la plus obtuse et fermée des opinions – anti-avortement, pro-abolition de l’impôt sur la fortune, anti-code du travail, pro-entreprises décomplexées, laquelle vit en château et se goinfre – de rillettes, probablement). Et probablement aussi, dernier épisode de cette série témoin de la bêtise et de l’obscurantisme.
Vive le cinéma.
merci pour le lien