Un peu comme dans les livres de Philip Roth (qu’il repose en paix), il arrive qu’au cinéma (un peu aussi comme dans les Mille et une nuits) ce soit quelqu’un qui prenne la parole (et du même coup l’image) et nous raconte une histoire. Ici, il s’agit d’un jeune type réalisant – plus ou moins seul, apparemment : c’est une des failles du film – un portrait (documentaire ? fiction ? les acteurs jouent-ils ? les acteurs ne jouent-ils pas toujours quand ils sont à l’image ? comme nous tous ?) (que de questions, hein…) de son père – celui-ci ne sait pas être le père du jeune barbu mais ce sera caché, et ce sera l’une des grandes qualités du film ( qui n’en manque pas d’ailleurs). Il s’agit d’un vieil homme (dans les soixante quinze piges) (ça ne fait jamais que dix de plus que le rédacteur qui se sent dans la même position) un chanteur (on pourrait se souvenir « jme présente je m’appelle Henri (ici Guy)/ j’aimerai bien réussir ma vie être aimé é/é/é / être beau gagner de l’argent/puis surtout être intelligent « – stop !)
Années soixante dix : on a souvent droit à quelques flash-back au temps où le type était une star (il y avait cette chanson, qui était-ce j’ai oublié mais ça va revenir « n’avoue jamais/jamais/jamais/jamais ») (le sarcasme sur la profondeur des paroles entonnées par les chanteurs de charme a bon dos) (Guy Mardel – bizarrement, le réalisateur qui tient le rôle principal ne le cite pas – c’est pas gentil – mais est-ce que citer quelqu’un ressort de la gentillesse ? je ne sais) ici Guy et son attachée de presse sont au bar (elle, interprétée par Nicole Calfan, adorable : quarante ans de complicité)Des chansons (textes un peu idiots, mais l’amour ne l’est-ce pas aussi ?) (parfois ?) et ce type aux cheveux blancs qui montent des chevaux, en dépit de toute prudence vu son âge et son contrat, qui boit qui fume, qui vit : peu importe. Il chante et les gens sont heureux (les femmes aussi).
Des apparitions, des silhouettes peut-être: chanteuses (Dani), ou pas (Elodie Bouchez) chanteur (Julien Clerc splendide) présentateur (Michel Drucker) ou acteur dans un rôle (Nicole Ferroni parfaite) : on a l’impression de quelque chose d’artificiel, et ça l’est mais c’est aussi affectueux . Très (en entrée de billet : la photo de la mère du réalisateur, incarnée par Brigitte Roüan, magique). Il n’y a pas à geindre sur le passage des ans, mais « deux heures, paf » dit le chanteur, le temps d’un concert et évidemment, à nos âges, ça cogne.
Il fait bon ça se passe en partie dans le sud de la France (le type possède un mas, un cabanon amélioré – très amélioré), il y vit avec femme (Pascale Arbillot qui se défend : très juste) et chiens et chevaux, petite piscine, grands espaces… La tournée qu’on suit, les concerts qu’on traverse, la relation qui unit le père au fils (et bien sûr qu’on sait qu’il sait être le père de l’olibrius : et bien sûr que l’olibrius sait que son père finit par savoir), les repas, les loges, et puis le « tu étais très bien » du fils, vers la fin et le regard du père qui demande : « c’est vrai ? »…
Vraiment réussi.
Guy, un film de Alex Lutz (2018)
envie comme toujours (me gendarmerai pour vaincre le léger agacement devant le parisien vivant si simplement dans ce territoire un peu colonisé – peut en parler suis entourée dans ma famille de « colons » à Grignan et ailleurs – alors ayant chassé ça je serais toute propre pour goûter le principal)