Carte postale sans titre (jeudi)

 

 

 

non mais il n’y a pas de cinéma (je lis une chronique d’un des participants du CLAN qui suggère d’inventer le mot « sousvivre » pour la période actuelle) (c’est assez exagéré – ça m’inspire un peu sous-homme de mémoire obscène et pourtant seulement du siècle dernier) il y a bien des écrans, ça ne convient pas et manquent les autres – alors des images (ici, on est sage : le titre du film documentaire de David Dufresnes, « Un pays qui se tient sage » qui reprend les mots immondes d’un fonctionnaire à Mantes-la-Jolie (pas inquiété du tout, ledit fonctionnaire, car l’inspection générale veille et c’est beau comme notre régime) ce titre donc nous va comme un gant huit à une main standard) images que je ne choisis pas (j’avais l’ambition – souvent remise au dessus des autres – de ne pas utiliser (je suis assez ambitieux, je reconnais) plusieurs fois la même image (j’en ai perdu un certain nombre, et elles me manquent, donc je réutilise) (désolé) (je continue, je ne suis pas bien sûr du terme, mais il me semble  faire office de bousier – un insecte qui devant lui pousse une boule – Sisyphe quand tu nous tiens, si tu préfères)

(sortie de Besses, indique le nom de fichier – en montagne sans doute) carte postale du front (maladie toujours en place, dix mois plus tard, les mots d’un salo-mon sur les masques alors, les personnels médicaux soignants : tu crois qu’on va oublier ?)

(environ de) Trieste porte du château de Miramare : il est des lieux où (c’est à peu près certain) on n’ira jamais – d’autres où (c’est presque sûr) nous nous rendrons: celui-là est de la seconde catégorie)

Les mariés de la tour Eiffel (Chagall qui mangeait un midi dans un bistrot (disons) refaisant le plafond de l’opéra disait qu’il était peintre en bâtiment) (amateur, professionnel ? l’idée de la passion et la fonction – je pratique mon métier en amateur, j’y mets de l’art) (je ne travaille plus qu’ici – je continue comme tu vois)

je ne me lasse pas (gauche cadre, la Salute) (crois-tu que, lorsque cette maladie sera passée, nous édifierons quelque tours pour saluer le dieu qui nous en aura débarrassé (pasteur sanofi astrazeneca motorola bezos comme un mantra)

on nomme ce type de photo un « fond d’écran » (l’écran a besoin de fond) quand on sort de la salle, il ne nous reste rien de tangible du film – on val’oublier,on allume une cigarette, « qu’est-ce qu’on fait ? » on marche « c’était bien, hein » – attend que je regarde, je ne sais plus – il y a chez nous, en notre temps, des êtres qui indiquent en parlant de quelqu’un qu’ils abhorrent « non mais lui il sert à rien » (on dit ça aussi, de nos jours, des personnes à la retraite – c’est l’idéologie qui sourd, qui transpire, que vomit jour après jour, phrases après phrases, ceux qui nous gouvernent) j’en suis assez blessé

ah une automobile étazunienne – hello Guy ! – (c’était une parenthèse, je disais) et je me dis, pansant un peu ces écorchures de mes contemporains « servir ? » et je vois le personnel des domestiques, après six heures du soir, sur des vélos sacs disproportionnés sur le dos, aller livrer quelque paresseux ou trop pris par un télétravail de merde (lapalissade) – quelque fois, la honte me prend

(composition du Modern jazz Quartet) (on l’entend presque, cette composition) je pose une galette sur la platine (métaphore) et j’entends des paroles qui me calment (« tellement peu, presque rien » par exemple)

(place Félix Éboué Paris 12) (un des lieux du tournage) bientôt je cesse,il est tard, j’ai rendez-vous

(Aliano, Basilicate) je me souviens de Gian-Maria, je me souviens de Carlo Levi – avance,medis-je, avance et surtout, ne te retourne pas – je m’arrête, à mes poches sont mes mains, je tiens des clés, un billet nommé pass qui porte une puce électronique, sur le boulevard, il y a peut-être un peu de vent, je traverse et vers l’est

j’aime assez Paris (au mois de mai, sans doute, oui) (à bientôt) – tenir.

Hein.

(add. du soir) ici en passant ce matin sur le boulevard (février -bientôt le printemps, allez)

 

 

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