Voilà un moment qu’on n’est pas entré dans cette maison (« entre ici Jean Moulin », tsais) c’est que les ennuis techniques alliés des contretemps et des obligations ont posé des barrages difficilement surmontables (apparemment) mais ça n’empêche pas d’aller au cinéma. De un. Et puis une espèce de lassitude vis à vis des choses courantes aussi, la maladie quelque peu, le travail pour une part (Henry Miller » qu’il aille au diable celui pour qui le travail n’est pas un plaisir »), la relecture, le journal, la perte de quelques objets (retrouvés pour la plupart) toutes sortes de choses qui arrivent, n’empêchent plus de dormir, mais affectent l’allant du rédacteur. En vrai,la fatigue. Mais les histoires aussi parfois peuvent aider à surmonter cet état de l’âme. De deux. Peut-être (écriture qui continue, photographies qui essayent), un brin de défaitisme pour la résidence de la Marsa, la vie continue et les voyages reprendront, je ne m’inquiète plus, juste quelque peines et nostalgies, une espèce d’impression d’un joug si lourd pour tracter de si lourdes charges – cela changera. Trois. Ici donc à nouveau, une merveille – il en faut – et qui vient d’une femme – et c’est tant mieux – trop choqué des événements de Toronto : cent mille lieues de comprendre le chemin de certains, quelle honte…
Les précédents chevaux étaient géorgiens, imbus peut-être d’une sorte de spiritualité qui allait légèrement en biais (ah voilà, il y avait cette chanson texte Louis Aragon, musique et chant Jean Ferrat : « ce qu’on fait de vous hommes femmes… ») (« J’entends j’entends ») (c’est un peu loin, je reconnais) (je m’y perds à peine) (il s’agit plus de l’amble, et des coeurs qui battent ensemble dans cette configuration, il me semble) : avec les animaux (foin des spécistes, et autres végans à la mode), autres habitants du monde, cette sensation d’appartenir aussi au même. Ici aussi : les plus belle images sont celles de ce héros (Brady Jandreau, dans son propre rôle, comme tous les personnages de ce conte si réel) qui parle avec un cheval sauvage, l’apaise, mais le dresse… Au même monde, certes, mais la plus noble conquête de nous.
Hors champ, lorsque dans l’histoire cette bête se blesse, pour garder sa liberté, il faudra l’achever. Et c’est cette mort même qui a servi de point de départ au film (The Rider, Chloé Zhao, 2017, présenté à Cannes en 2017 à la quinzaine des réalisateurs) et de moteur : l’allégorie qu’emploie le jeune cow-boy, cette plume qu’il porte sur son chapeau, sa vie elle-même qui ne vaut plus d’être vécue s’il ne peut plus jouer sa partie au rodéo.
Un accident de rodéo, un de ses amis qui lui aussi s’est trouvé sous les sabots de celui qu’on voulait entraver – le rodéo, que je comprends aussi mal que le base ball, a cette caractéristique – à moins que ce ne soit une qualité – ou un défaut je ne sais pas bien – de faire surgir des affects puissants, un peu comme la boxe, en une mise en scène tragique du couple dominé/dominant que cherche à cacher, voiler, dissimuler la politesse, la société, la vie en société – une visite à l’hôpital où il se trouve, cet ami, et puis des tatouages, et puis des animaux qui vivent ainsi que des hommes et des femmes dans ces grandes étendues étazuniennes (Dakota je crois bien, je suis allé voir avec GSW mais j’ai des difficultés avec les machines, aujourd’hui : un autre jour, peut-être, je trouverai les lieux de tournages).
Mais surtout les liens de fraternité qui existent entre le héros, déchu soigné (la trentaines d’agrafes qui resserrent le cuir de son crâne…) rétabli mais non, incomplet, et sa soeur et son père : cette intimité qu’on voyait aussi dans le film précédent, la réalité de cet humanité, juste magnifiquement suggérée mais montrée. Un bonheur, un plaisir, une joie.
A ne pas manquer (ainsi que le précédent).
Chloé Zhao (déjà croisée ici pour son précédent, magnifique tout autant)
et Brady Jandreau (le bras de l’opérateur, Joshua James Richard; derrière l’ingénieur du son Wolf Synder – ici en lien, le dossier de presse du film – les films du Losange)