Mère fils

 

(quel froid) (on ne sait jamais : les choses avancent comme elles vont, ici c’est du cinéma, ailleurs du quotidien, là d’autres choses encore, la réalité s’abolit et pourtant les gens sont là, ils vivent tout autant, respirent, leurs yeux bougent encore, regardent passer le temps, il fait froid à présent, sur le faubourg Saint-Antoine,  un peu plus loin sur la place, les crèmes des crèmes attendent, après avoir entendu et écouté Dieu sait bien quel air – Rameau, Schönberg, Berlioz…- (encore que, pour « la Damnation de Faust » de cet Hector, ce 8 décembre 15, places à 912 euros, cravate et robe de soirée, champagne à l’entr’acte puis dîner en présence des artistes, on se retrouvera entre amis, je pense : ça c’est Paris, oui) en file indienne elles et ils attendent dans leurs habits moirés les taxis soyeux qui, noires et clamant leurs lumières blanches au xénon, petit à petit, les emporteront vers leur 8 ou 16, triangle d’or ou ailleurs encore)

On a attendu un moment et elle est tombée… Une capsule, style Apollo ou Soyouz (la petite chienne Laïca je crois, ou Gagarine je ne sais plus, Youri), aussi bien aurait-elle pu le faire dans le petit jardinet un peu boueux mais allées droites et nettes, plantes malingres et lumières à diodes luminescentes de cette maison, mais non, le titre du film (pour le film-annonce) s’imprime de rouge (« matériau fermé ne comportant pas ou peu de vide » dit la chronique)

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un Etazunien (je me souviens de ce magnifique -magnifique- « Soldat de Papier » (Alexei Guerman Junior, 2008), l’URSS d’alors, soixante et un, une sorte de désespoir dans ce qui s’y déroule aujourd’hui comme hier) un jeune type (John Mc Kenzie, interprété par Michaël Pitt)(ce n’est pas qu’il prenne la place du fils, non, mais enfin dans l’imaginaire…)

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qui déboule chez madame Hamida (Tassidit Mandi, trop mignonne) laquelle visite son fils en prison – la première fois : scène magistrale -plan fixe, rien du tout mais tout le cinéma est là – où jamais on n’aperçoit l’employée pénitenciaire, seulement en voix off, une femme, mais reste à l’image cette mère

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(peut-être aux traits un peu outrés, mais une interprétation douce et vraie, quand même), cette femme qui vit au dixième étage d’un immeuble aux trois quarts déglingué. Un peu plus bas répète une actrice peut-être un peu alcoolique (on entend « quand ton coeur est faiblard » : bah, aujourd’hui près de 4 millions de clics)

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dans le rôle d’Agrippine (dont on sait qu’elle mourut sous la main de Néron son fils disons maudit, vois-tu, à cause de la dispute qui les opposèrent à propos du mariage de l’empereur avec Poppée…), Jeanne Meyer filmée par un jeune type qui se prend d’amitié pour elle

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(Jules, le fils du réalisateur, ou alors Charly ou n’importe-dont on sait par ailleurs, la mort brutale de la mère, dans la « vraie » vie), ils voient ensemble quelques plans (le film en entier mais en ellipse) de la dentellière rebaptisée « la femme sans bras » – moi je ne sais pas mais j’aurais bien vu qu’il ait été le fils  de l’infirmière –

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quoiqu’il en soit, sans doute celle-ci s’éprend-t-elle du type qui vit au premier, et qui fait semblant d’être photographe pour la séduire

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je t’assure que ça ne fait rien, les gens vivent et avancent dans le monde comme il vient, lui a sans doute perdu sa mère comme il a perdu l’usage de ses jambes à un moment, ça ne fait rien, l’hélicoptère (c’est le stéréotype de l’Amérique étazunienne depuis le Vietnam) viendra chercher l’astronaute, et le vent fera s’envoler ailleurs toutes ces bribes de papier

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tu la vois heureuse ? Oui ? Eh bien, écoute, elle l’est

Un film, paraît-il, difficile à produire à réaliser à sortir, mais le voilà. De là à le sélectionner pour Cannes, il y a peut-être, sans doute, un pas qu’il n’était pas nécessaire de franchir (je suppose et je revois Claude Beylie, son studio, les chiffres et les lettres, Cannes, oui, pourquoi pas, finalement ? c’était quoi, déjà, la palme cette année ?)