soixante-huit

 

 

je ne sais trop par où m’est arrivée cette livraison – des images que j’ai trouvées importantes parce qu’elles me font souvenir de la jeunesse – le temps en est passé – mais rien ne nous empêchera d’y penser, d’en rêver et de vouloir y adhérer, recommencer, continuer et prendre appui sur la rue… ce sont encore des images qu’il ne faudrait pas divulguer (ce sont des captures d’écran, et je ne vais pas m’amuser à demander ici là ou ailleurs les imprematurs des ayants-droit – je ferais comme pour l’autre, là (non, y’a pas de lien, non) pour les années quatre-vingt d’or de Chantal Akerman : si ça ennuie j’ôte je laisse en brouillon – et ça restera tranquillement un moment – osef pas mal – je ne voudrais pas non plus que cette maison subisse et encourt quelque péril que ce soit) – mais ce sont des moments où je me souviens du poste transistor dans la chambre, le soir sur une radio périphérique (qui s’est abîmée sous la botte de l’abject fascistoïde – pourriture boulonnaise mise au monde un premier avril, tu parles d’une blague…) – je me souviens je n’avais pas quinze ans – cette image-là pour commencer peut-être

rue Claude Bernard je suppose – Gay-Lussac peut-être – de stock (noir et blanc : apaisé) (dans le dossier images du bureau) (je ne sais à qui l’adresser) il y avait des remugles parce que la plupart des gens installés étaient gaullistes – et les autres se battaient un peu – je ne sais plus bien – penser à autre chose certainement (les motos les filles l’amour sans doute, quelque chose de cet ordre) – rien de politique (encore que…) – puis ces images : d’un côté

de l’autre

la bataille

le feu

encore le feu

qui continue

ce sont des images d’un photographe  (Claude Dityvon – je ne le mets pas en étiquette)

décédé il y a plus de quinze ans – couvrait les événements (les événements, hum)

ce n’était pas papon l’ordure en préfecture parisienne – mais un Maurice Grimaud qui lui succède et tient ses forces dans une espèce de respect de la vie humaine – six morts, plus trois un à Flins le 10, deux à Sochaux, le 11 juin : ce n’est pas rien mais c’est autant que celles et ceux de la seule manifestation de Charonne, en 1962 sous l’immonde justement –

des centaines de blessés

des images qui témoignent (un peu)

et puis des lendemains difficiles(ici devant le musée Cluny)

je ne tiens pas à oublier; je ne tiens pas non plus à ce que ça se reproduise (mais l’ambiance le mériterait grandement) (tu sais quoi ? l’espoir n’est jamais perdu)

 

Photos de famille (2)

 

 

 

si ça se trouve je vais encore me faire admonester « non c’est pas bien »
vous n’avez aucun droit sur ces images
dans cette maison[s]témoin en plus qui n’appartient à personne
et donc à tout le monde justement
je suis simplement allé au musée et j’y ai pris quelques clichés

allons, il y a ici bien d’autres images de cette exposition – j’y ai retrouvé quelque chose de mon enfance voilà tout, je vous les livre elles m’ont plu – elles datent de 1958 à 1961 – la guerre (pardon,la pacification) a commencé en novembre 1957…

ici une échoppe d’un marchand ambulant

là un môme (ce pourrait être moi, comme la plupart des  mômes qu’on verra) devant une autre de ces échoppes

je remarque la qualité de la lumière (le soleil qui frappe je le ressens) et les chaussettes du type, là

toute (enfin, quelque peu, un bon peu) une ambiance, mon enfance sans doute (dauphine, 4 chevaux, 403…)

vendeur ou acheteur ? 

barbapapa (le sourire, les sourires…)

hexis vestimentaire

porteur

les deux amis

les sourires oui

je pensais au voleur de bicyclette (Vittorio De Sica, 1948) – la lumière, les bâches aux fenêtres

ce sourire, un peu comme quand on passe à la télé ou à la radio, on se sent quelqu’un d’important, on est dans de « bonnes dispositions » – hexis vestimentaire encore

il devait y avoir certainement des explications plus poussées,plus précises,mais je n’ai pas retenu (des textes il me semble bien)

quelque chose d’haussmannien…

quotidien

ici ce sont beaucoup des hommes – on verra plus loin, un peu plus de femmes

le sourire, le soleil et l’ombre –

à peine, le sourire… difficilement – ici une femme donc

beaucoup d’images (l’Algérie et ses quatre départements français…) : hexis féminines

ma préférée (on le croirait au nino…)

et pour finir, ce cinéma

Marina Vlady (épouse du réalisateur), Odile Versois (sœurs à la ville, ainsi que Olga Poliakoff, assistante à la réalisation) , Robert Hossein (qui réalise…), au Midi-Minuit (sortie outremer : 1959), dans Toi le venin (d’après le roman de Frédéric Dard) – une histoire de famille…

 

Sur les pas du voyage virtuel au pays des rêves

 

 

 

en réalité (?) ça m’est assez égal : le fait que les billets d’ici se taisent depuis le 16 décembre – je fais revivre cette affaire – en réalité (encore ?) je (me) dois de poser un billet par semaine – le verbe de la phrase précédente est à expliciter (la parenthèse en éprouve le sens) (je regarde en arrière : position le 17 mai 2015 – premier article (est-ce bien un nom, un attribut, une dénomination ?) 13 mai 2015 – bientôt dix ans : continuons – sans doute cela ne sera-t-il pas publié ailleurs (nous verrons) (cette parenthèse pour l’éventualité du lien – il semble que ce soit par ces liens que se construise quelque chose de la culture contemporaine – de son existence même puisque harassée torturée vandalisée de toutes parts et notamment du côté de celle des institutions qui nous (nous autres contribuables) appartiennent cependant (car, au fond qui a élu la du machin sinon 37% des un peu moins des 70% des légitimes votant.es –  soit 19% du corps électoral – pays de Loire, quand vous nous tenez… – lequel ne constitue certes un corps qu’aux yeux d’une comptabilité insigne je reconnais – mais je regarde : un sur cinq : ah bon  c’est suffisant ?  eh ben mon colon – je ne veux pas aller voir chez le type (obscène,  indigne, abject) de Rhône-Alpes aux mêmes fonctions) (je ne nomme pas l’immonde)
mais un.e sur cinq putain réveillez-vous !!!

sur ce, je continue donc : ici quelques images en hommage à Olivier Hodasava qui demandait qu’on lui fête Noël – ce jour-là le Chasse-Clou publiait une image d’un immeuble qui aurait pu être l’illustration (disons) d’une espèce de fantasme de celui servant d’appui à G org s P r c ( dans la réalité – mais ma sœur vivait alors rue de Chazelles, mon ami AT m’avait averti « ce livre est formidable, lis-le !  » m’exhortait-il – plus tard, quelques mois je crois, j’avais refusé d’être le parrain de sa fille – pourquoi ? je ne me sentais pas capable de la secourir par mauvais temps – ça n’aurait rien changé, vu d’ici sinon qu’à eux, j’aurais été lié et q’à présent je ne le regretterai sans doute pas – les regrets sont toujours inutiles cependant – j’avais, et j’ai toujours, partie liée avec cet écrivain – peu importe sa notoriété) – j’ai regardé cette image

et elle me disait quelque chose (un flirt de ces années-là 73-74 style y vivait – une fête – la nuit la danse la joie l’alcool le reste tout est possible – le matin tout est accompli) cet immeuble même (ou alors un autre de cette même rue) (mais celui-là oui) et regardant posément cette image, j’y vis

le voilà de jour: droite cadre, en bas

une boite aux lettres (on se dépêche : bientôt ce type d’équipement urbain et public aura corps et âme disparu): ici l’image date de 2010, la voici en 12

un papier sur le dessus;plus haut une décoration d’art de la rue – on ne voit pas bien, c’est noir, ça brille – ça a un peu de couleurs – art est un mot assez lourd en l’occurrence – mais ne soyons bégueule, disons qu’il s’agit d’un tableau de rue – en 14, il a disparu

le pékin pose bras croisés; le jeune garçon va à l’école; on voit du tableau la colle qui l’assujettissait – plus tard (16)

ah oui – rose- augmenté d’une petite enjolivure (on ne voit pas bien même de près 

la voiture a manqué le depôt d’article d’art (probablement B2TS: c’est son format – de plus la boite aux lettres est un de ses tropismes), et il fut vandalisé rapidement supposons – plu tard revint le jaune (16) et les graffitis nettoyés

voilà tout (18) – ici étude en jaune sans doute (20 : on reconnaît un des masques dont on n’avait pourtant pas eu la possibilité de se munir lors de la première des confination covid 19)

plus tard encore (22)

nettoyée (24) puis re-rédigée

encore à nouveau

 

et pour finir ces magnifiques plaques corporatistes

la psychothérapie AUSSOLEIL comme un F A R donnant toutes assurances – que la vie serait belle s’il suffisait seulement de se fier à ce que nous conte la rue (serait-elle de Lancry) dans la nuit de nos  imaginaires

 

Direct Action

 

 

 

un film documentaire – et un film document.Ici posé en maison[s]témoin pour tenter de ne pas l’oublier.

Trois types (Guilaume Cailleau, le réalisateur

Ben Russell l’opérateur 16mm (du film pellicule argentique donc)

Bruno Auzet ingénieur du son son direct (désolé, on ne dispose pas de sa biographie) – l’équipe la plus réduite du tournage. Pratiquement (parfois une seule personne). Mais ici,on nous dira que le tournage a duré quatorze mois : pas tout le temps, mais par quelques semaines ici, là, ailleurs. Venir, travailler avec les habitants, prêter sa force de travail, se nourrir, chanter danser, la nature – continuer à faire vivre les lieux, par le travail et le sérieux

ici la fête d’anniversaire – le film se déroule en une quarantaine de plans -séquences plutôt fixes – des jeunes gens et de plus âgés, sans voix off, le son des chansons, alors j’ai conçu de vous le présenter comme ce qu’en dit le réalisateur dans l’émission de radio.  Sans trop de phrases, mais les images ensuite, qui parlent, ainsi que les divers plans dont je me souviens (il en manque certainement mais l’ambiance y est). Deux cent douze minutes : une merveille.
L’émission de radio est consacrée, pour sa première partie, à l’interview du réalisateur (on peut l’écouter ici)

Je pose mes notes, mes souvenirs, j’illustre : ça ne donne qu’une idée floue de ce qu’est cette manière de vivre pleine d’espoirs, de joies et de consciences. Parfois, en réalité, en regardant ce film,on se demande ce qu’on fait encore là, dans une salle de cinéma, alors qu’on pourrait tout autant être dans ces conditions de vie et de travail et en être parfaitement heureux…

Notes d’écoute :
14 mois
vie sur place – première une semaine : un seul plan
on reviendra

retour une dizaine de fois
16 mm 3 personnes image son
action individuelle au service du collectif : les gens sont spécialisés dans certaines activités
son direct caméra plan fixe un plan par jour
son en post production très travaillé
12 heures de rush, film : un quart…
une quarantaine de plans-séquences assez fixes

Souvenirs :
archiver ce qui se passe et ce qui s’est passé
monter en haut d’un mirador


lire le manuel du guerillero à un cochon
scier du bois (machine industrielle)
le fendre (machine industrielle)
un concert d’anniversaire


une partie d’échecs


faire du pain (merveille)
faire des crêpes (re-merveille)
aiguiser la chaîne d’une tronçonneuse (et encore à nouveau)
détruire un mur à la masse

reconstruire
le plan des voitures qui empêchent (qui ont empêché du temps de la lutte) les camions de police de passer (intermission)
chanter du rap en arabe (formidable)
prendre son petit déjeuner


participer à la manifestation contre les bassines de Sainte-Soline (désespérant)


faire voler un drone
agriculture : semer
agriculture : labourer


agriculture : désherber
s’occuper des chevaux
s’expliquer auprès des journalistes

dernier plan : dans la nuit (la nôtre sans doute) une lumière, un phare un espoir

 

Direct Action , un film (documentaire) (Guillaume Cailleau et Ben Russell, 2024) sur la vie à Notre-Dame-des-Landes – ailleurs existe. Et bravo.

 

 

Oloé

 

 

Oloé est un nouveau mot (plus si nouveau d’ailleurs) inventé par Anne Savelli, c’est un concept – une suite d’idées accrochée les unes aux autres et qui forment alors quelque chose comme une nébuleuse…  Un acronyme, si on veut – on lit, on écrit – ou alors où lire ou écrire – ou bien où lire où écrire – ou ou lire ou écrire. C’est aussi une excroissance électronique exécutée par Joachim Séné – tout ça vous a furieusement un air nu… Et comme Guy Bennett fait, en quelque sorte, partie des compagnons de route de ce magnifique collectif, il nous a fait parvenir une contribution – elle est parue sur le site dans sa langue originale (on y découvrira une image de cette chambre à soi), mais je m’en suis emparé pour la traduire et la mettre dans la maison.
Dans la cuisine, fatalement.
Quelques mails allers-retours plus tard, on en a eu fini. La voici, avec en exclusivité pour cette maison, témoin en quelque sorte, la petite bouteille bleu cobalt ayant autrefois contenu du saké. Merci donc à lui.

 

Ma salle décriture
lundi 9 décembre 2024, par Guy Bennett

Je voudrais dire quelques mots sur ma salle d’écriture : je nen ai pas. Jécris dans la cuisine, un coin de la cuisine. Là, j’ai une petite table avec une lampe et une horloge la seule de la maison et un tabouret tout aussi petit. Cest également à cette table que je prends mes repas.

Quelques mots sur la table : elle est simple, spartiate même, et manque complètement de sculptures et daccents ornementaux. Tous les bords, y compris ceux de ses pieds, sont à angle droit à l’exception du bord avant du plateau de table, qui est lérement convexe. Il comporte un tiroir peu profond (est-ce que cela en ferait un bureau ?) dans lequel je range quelques stylos et étuis, un ouvre-lettre en bois dont la pointe est cassée, et quelques articles de papeterieune enveloppe et deux en-têtes, pour être précis de l’Hôtel Idou Anfa à Casablanca. Un petit classeur roulant se trouve à droite de la table.

Quelques mots sur le classeur : il est petit, comme je lai dit, et comporte trois tiroirs : les deux du haut sont peu profonds et contiennent des fournitures d’écriture et de dessin, et celui du bas est profond et contient des dossiers suspendus. Au-dessus du classeur se trouve un plateau en bois et dans ce plateau se trouve un plat de service en céramique blanche, tous deux rectangulaires. Sur le plat de service, jai placé une petite bouteille bleu cobalt qui contenait autrefois du saké. J’aime sa forme et sa couleur.

Dans les deux tiroirs supérieurs du classeur, je range des crayons avec différentes qualités de mine, des taille-crayons de différents types, des gommes, une règle, des ciseaux, une loupe, un compte-fils, des marque-pages, des couteaux X-acto, une petite agrafeuse, un dégrafeur tout aussi petit, une boîte en plastique carrée de sept centimètres et demie de côté remplie de plumes d’écriture, des blocs de papier à dessin, un kit daquarelle de poche, un autre pour la calligraphie japonaise (qui contient lui-même un petit bloc d’encre, un bac à encre tout aussi petit et un pinceau), et une boîte rectangulaire en bois contenant quatre porte-plume, dont deux munis de plumes.

Dans le tiroir du bas du meuble sont suspendus un certain nombre de dossiers. Leur contenu ne présente aucun intérêt.

Encore quelques mots sur la table : sa sobriété me séduit. Si je parviens à garder le dessus de la table désencombré (ce n’est pas trop difficile à faire), l’« ambiance » de mon espace d’écriture s’harmonise avec le design austère de la table, accentué par son orientation vers un mur blanc. Les fenêtres sont dans le mur den face.

J’aime cet agencement pour deux raisons : premièrement, je trouve inconfortable de rester assis longtemps face à une lumière vive, et deuxièmement, la vue depuis les fenêtres de ma cuisine na aucun intét. Il y a cependant une petite fenêtre en haut à droite de mon bureau ; elle donne sur mon placard, qui possède également une petite fenêtre laquelle donne sur le jardin des voisins avec ses arbres fruitiers et, au-delà, quelques palmiers et un peu de ciel bleu. Il y a une lucarne dans la cuisine, qui assure un éclairage suffisant même par temps gris et du clair de lune la nuit. Les nuits sans lune, il y a toujours la lampe.

Quelques mots à son sujet : cest une lampe à dessin et elle se trouve dans le coin le plus à gauche de la table. Je positionne généralement son bras extensible à un angle de 90°. De son « coude » pendent deux colliers de perles de verre et une fine corde de cuir nouée en boules aux deux extrémités. Sur sa base se trouve une petite pile de cartes postales présentant des reproductions d’œuvres dart. Elles font partie de mes rares concessions en matière de décoration. Actuellement, une nature morte aux fleurs de Fantin-Latour est exposée. Quand jai envie dun changement, je mélange les cartes.

Quelques mots sur la décoration : je la trouve indispensable, quoique à petite dose. A ce sujet, ai-je dit quelque chose sur l’azulejo ?

Quelques mots à son sujet : il trône sur le rebord de la fenêtre en haut à droite de mon bureau. Cest lun des deux que jai ramenés dun voyage en Andalousie et au Maroc début 1997. Je les transportais dans un sac polochon avec mes vêtements et mes papiers lorsque je voyageais en avion, en train, en ferry et en bus depuis lEurope du Sud jusquen Afrique du Nord et au retour, puis enfin chez moi aux États-Unis. Je suis étonné quils ne se soient pas cassés.

J’ai acheté les azulejos dans un magasin à Séville. Ils avaient été utilisés, comme en témoignent leurs bords ébréchés et les traces de plâtre sur leur dos non vernissé. Je nai aucune idée de leur âge ni des bâtiments quils auraient pu orner. Je me demande qui a pu les regarder, passer ses doigts dessus ou les nettoyer. Je me demande comment ils ont pu être retirés de leurs murs. Leurs créateurs et propriétaires précédents nauraient probablement jamais imaginé quun jour ils orneraient les murs dune maison à l’extrémité du continent nord-américain.

Tous deux sont des imitations de zelliges marocains. Contrairement à ces derniers, des mosaïques constituées de petits carreaux de faïence coupés individuellement à la main, de formes et de couleurs variées, vernissés d’un côté et disposés en motifs géométriques complexes et abstraits ; ce sont de grands carreaux de faïence rectangulaires, peints pour ressembler à des mosaïques de petits carreaux de faïence coupés individuellement à la main, de formes et de couleurs variées, vernissés dun côté et disposés en motifs géométriques complexes et abstraits.

Quelques mots sur le mot azulejo : il dérive de larabe اﻟﺰﻟﯿﺞ [al zulayj], qui signifie « pierre polie », et non du mot espagnol pour bleu. Apparemment, les zelliges ont été initialement créés pour imiter les mosaïques romaines, qui, elles, étaient constituées de petits morceaux de pierre polie, de marbre ou de verre. Les Romains avaient colonisé l’Afrique du Nord et nombre de leurs mosaïques leur ont survécu et ont survécu à leur empire. De même que beaucoup de zelliges survécurent aux Maures et à Al-Andalus. J’y pense parfois lorsque j’écris à ma table. Je me demande ce qui nous survivra.

Pour revenir à la table : son dessus est marqué ici et là de rayures peu profondes et dempreintes de formes et de tailles diverses, dont la plupart sont là depuis des années. Lune delles est un smiley maladroit fait par ma fille lorsquelle était petite. Elle a dû appuyer fort en le dessinant sur papier et la inscrit involontairement sur la surface de la table. Il faut savoir où regarder pour la voir et orienter son regard à contre-jour avant quelle napparaisse. Cest une marque précieuse et secrète, la trace dune autre vie. Jusqu’à présent, j’étais peut-être le seul à savoir qu’elle était là et peut-être suis-je encore le seul à l’avoir jamais vue.

Printemps 2018

Ce micro-essai aurait pu être écrit pour le reportage « WritersRooms : Portraits of Spaces Where Authors Create » (Chambres décrivains : portraits des espaces où créent les auteurs), paru dans The Guardian du 5 janvier 2007 au 17 juillet 2009, si les éditeurs avaient eu le bon sens de le demander, mais hélas, ils nen ont rien fait. Leur malheureux oubli ne ma pas détourné de la tâche. GB

 

Cuisine

 

 

« Nous ne négocierons pas, nous ne négocierons jamais » dit Giulio Andreotti, premier ministre, démocrate-chrétien (droite), aux affaires en Italie depuis plus de trente ans, avec Aldo Moro

en même temps, à l’écoute une émission de radio qui fait entendre les musiques de l’époque (ici Juke box )

après, il s’agit un peu de la cuisine (rapport au lien, je dois y penser) – alors comme il faut bien faire un peu montre de ce qui se trame (ici est le témoin), j’ai regardé un film – je ne sais plus je ne trouve plus la source – mais j’y ai pris quelques images – vingt-et-une – ça part dans tous les sens d’autant plus que ce film doit dater du siècle dernier – depuis bien de l’eau a coulé – ce film vient de l’institut national de l’audiovisuel (on y accède via un abonnement) – tout est dans la boîte (en fin de billet : lé générique de l’affaire – je l’ai retrouvé) (une espèce de truc documentaire qui veut se montrer à la hauteur de la fiction)

– ici seulement quelques images (qui me sont) importantes – ça ne fait rien, c’est pour avoir (et donner) une idée des visages

or donc- ici Aldo Moro souriant (rare) (1916-1978)

là Berlinguer (Enrico, secrétaire général du parti communiste italien, l’autre partie du compromis historique) (1922-1984)

sur la via Veneto (reconstituée en studio, pour le La dolce vita de 2F (1960)) un palace-hôtel dans la suite 217 duquel recevait

l’usurpateur- truqueur-menteur Licio Gelli en 2000 (ami de Sylvio Berlusconi, entre de nombreux autres acteurs de la « loge » P2) fasciste notoire (crevé à 96 ans en liberté : la pourriture conserve (1))

le premier ministre d’alors, Giulio Andreotti venant à la tribune de l’assemblée, le 16 mars 1978, vers midi (à ce moment-là, il est certain de ne faire aucune tractation avec les guerilleros)

puis une reconstitution malhabile (à dessein) de la »prison du peuple »

les voitures figées sur le goudron lors de l’attaque (image sans doute vers onze heures le 16 mars 1978 – plus bas, on l’aura en couleurs)

Valerio Morucci, l’un des guerrilleros grimés en pilotes de ligne qui attaquèrent la voiture de Moro et de son escorte – cinq morts dans la rue, vers 9 heures dix, ce matin-là

un des fondateurs des Brigades Rouges

Francisco Cossiga, alors ministre de l’intérieur – grand ami d’Aldo Moro, ici fin de siècle  vers 2000 (date du tournage du film) – s’est entouré pour les recherches de la « prison du peuple » d’un comité consultatif

noyauté par les participants de la loge Propaganda due dite P2 (elle était composée d’un millier de personnages ayant des responsabilités soit à l’intérieur de l’État, notamment militaires, soit de la société civile) : ici en quatre images: le général Bassini directeur des services secrets

Santo Vito, chef du renseignement militaire

Walter Peruzzi officier des services secrets militaires

général Giudice police financière (escroc notoire)

et bien d’autres encore (qui ne sont pas à l’image) – la loge contrôle les services secrets, Cossiga les carabiniers et la police – on cherche partout, on ne trouve rien

extrait de la page 170 de Noir sur Noir Journal de dix années (Leonardo Sciascia, traduit par Nino Franck et Corinne Lucas,Papyrus Maurice Nadeau 1981)(obligeamment prêté par Emmanuelle Cordoliani – qu’on remercie ici vivement)

 

Francesco Cossiga à nouveau (il faut sans doute noter qu’il n’assistera à aucune des réunions interministérielles convoquées par Andreotti durant les 55jours de l’enlèvement) : l’air content ne veut rien dire (il démissionne le 9 mai)

Andreotti de profil

en couleurs sur les lieux de l’enlèvement

Paul six, pape grand ami d’Aldo Moro, ce qui ne l’empêchera pas de le trahir « sans condition »

on ne voit guère de femme.

Une affaire d’hommes sans doute.

Pour finir ma préférée,
Vers 1974.
Aldo Moro à gauche (alors ministre des affaires étrangères d’Italie, en visite à Washington) et Henry Kissinger (1923-2023) (l’hypocrisie, la malveillance, la croyance dans un système odieux, ça conserve (2) semble-t-il – affaires étrangères US puis conseiller à la sécurité nationale du président US Nixon bientôt foutu dehors Watergate aidant – lui restera sous Ford…), ce dernier menaçant de mort à mots à peine couverts  le ministre des affaires étrangères italien si celui-ci continuait à tenter d’ouvrir sur sa gauche le gouvernement dont il faisait partie

 

voici l’adresse du film https://madelen.ina.fr/content/mort-a-rome-laffaire-aldo-moro-76394

et son générique

réalisation  : Michaël Busse et Rosa Maria Bobbi
images : Michaël Busse; son : Rosa Maria Bobbi
consultant : Jean-Christophe Labastugue
Production éxécutive : Michell Noll et Herbert Blondiau
Une coproduction Quartier Latin et WDR
En collaboration avec
– La chaîne Histoire (France)
– RTS (Suisse)
– RTBF (Claire Colart) (Belgique)
– Solférino Media (Mexique)
– Uni Portugal et RTP (Portugal)
– Ceska Televizic (République Tchèque)

(c) 2000 – Quartier Latin/WDR/Histoire/Solferino

Impressions

 

 

idéal-type ou stéréotype : ce sont ces lieux qu’on fréquente par images interposées – un peu comme ces chansons qu’on entend un peu de loin, de la musique qui rappelle des souvenirs qui reviennent changés, différents, flous floutés – loin comme à travers une vitre derrière laquelle tombe la pluie, un tulle, ou alors des larmes qui troublent la vue, pas nécessairement tristes d’ailleurs, le vent (je l’aime tant), quelque chose – loin de tout – ayant tout oublié, mais que serions-nous sans mémoire ? – alors tout en haut de cette mer qui lui appartint de nombreux siècles – si appartenir veut dire être sous le joug, la coupe, la loi – elle est là sur ses pilotis – il ne s’agit pas d’un golfe comme à Trieste, juste une lagune comme à Marano – mille ans et plus de lieux communs – depuis un moment, elle m’accompagne, à moins que ce ne soit moi qui elle je ne sais – il y a bien dû y avoir un moment où j’ai eu entendu parler d’elle – je marche dans la rue il y a là la bibliothèque (Fessart), j’entre – je ne pense pas à elle spécialement (mais toujours ce goût, vers onze heures du matin pour un sandwiche et un verre de vin blanc spumante (champagnisé) comme chez elle – ils disent (elles aussi je suppose) pour le rouge un ombra – il se peut qu’ils (et elles) fument dehors, sur le quai, en bas du pont –

c’est vrai aussi qu’il y pleut souvent) – il y a sur un présentoir un exemplaire de Brunetti entre les lignes  (c’est traduit comme d’habitude par Gabriella Zimmermann, mais non de l’italien, de l’étazunien – l’auteure ne veut pas qu’on traduise ses textes en italien – quel drôle de pli a-t-elle pris ? je ne sais) – les notes de bas de page m’ont happé (il y a une belle chanson de ce titre – Bashung)  je les reporte, je les relie – l’une d’entre elles parle d’un opuscule qui recense les rues, places et canaux, sans doute les numéros des maisons palais bouges ou casinos – ville épaisse des vices et des turpitudes du monde – je les relis – la peste, le cholera, la République, la religion… – depuis tant et tant de temps – carnavals vaporetti (bateaux-autobus) gondoles palaces cocktails masques joailleries – des présupposés, des acquis, des images et des spécialités  – j’ai pris ces images quelque part mais je ne sais plus exactement où – on verra hein – ici donc, pour que ces mois soient moins lourds peut-être (en souvenir d’un de ces hivers sous la neige aussi), c’est aussi que c’est que pour une part très superficielle mais pourtant assez juste il me semble, de cette ville-là

bacino : le bassin qui s’étend face à la place Saint-Marc
ACTV : L’ACTV (Azienda del Consorzio Trasporti Veneziano : agence de consortium des transports vénitiens) est l’agence municipale assurant les transports publics à Venise depuis le 1er octobre 1978 (au forfait, 3 jours : 45 euros)*
Il Gazzetino : L’un des deux quotidiens de Venise, l’autre étant La Nuova
acqua alta : Hautes eaux qui inondent Venise entre l’automne et le début du printemps, lors de marées exceptionnelles
Archivo Storico : Les Archives d’État de Venise, situées sur le campo dei Frari, conservent le témoignage de plus de mille ans d’histoire de la ville

Le Rédempteur : L’Église du Rédempteur est un célèbre édifice situé sur l’île de la Giudecca, conçu et commencé en 1577 par l’architecte Andrea Palladio et terminé par Antonio da Ponte en 1592 (le bien nommé architecte du Rialto, en pierre)*
Il Giornale : Quotidien national fondé en 1974 à Milan par Indro Montanelli, propriété de la famille Berlusconi depuis 1979
La Fenice : Le célèbre opéra de Venise datant du XVIII°siècle, reconstruit à l’identique après son incendie de 1996 et inauguré en 2003, et qu’il est de bon ton (ndr : clcdld)** de fréquenter
suspension volontaire de l’ncrédulité : concept formulé par Coleridge
son ordinateur « dispersait son odeur suave dans la brise du désert » : Citation extraite de Elegy Writen in a Country Yard  de Thomas Gray
les arbitres du Lord’s : Célèbre stade de cricket
Gianni paga i damni  : « Gianni paye les pots cassé » (gros titre de la presse (à scandales) parlant du fils d’une comtesse, protagoniste du roman)*
Nobile ignobile : « Noble Ignoble » (toujours à propos du fils de la comtesse)*
No account Count : « Le comte sans compte » (idem)*

San Gennaro : Saint Janvier, évêque de Bénévent, le plus célèbre des saints patrons de la ville de Naples (tous les ans (ou plusieurs fois l’an), le sang de cet évêque possiblement conservé dans une espèce d’ampoule, se liquéfie et donne lieu à une espèce de fête processionnaire)*
L’Espresso : Hebdomadaire italien de politique, culture et économie, de sensibilité de gauche
La Reggia di Caserta : Le Palais Royal de Caserte, la résidence (napolitaine) de la famille royale des Bourbons de Naples, symbolisant la magnificence
le viale Garibaldi : Allée ombragée qui traverse le parc s’étendant à proximité de la via Garibaldi (anciennement Eugénie, percée aux ordres de Napoléon un –  pour cette Eugénie-là donc)*
tramezzini : Petits sandwiches en  forme de triangle, obtenus en coupant une tranche de pain de mie en deux (cette petite collation avec de la mayonnaise, le plus souvent, mais sans croûte)*
MOSE : Acronyme dérivant de Modulo sperimentale elettromeccanico (Module expérimental électromécanique); jeu de mots avec Mosè désignant Moïseen italien (lequel ouvrit la mer en deux, comme on sait, pour sa fuite et celle de son peuple d’Égypte – ouvrage d’art donc condamnant les passes de la lagune lors de l’acqua alta – dans le livre,le barrage ne fonctionnait toujours pas mais avait quand coûté la bagatelle de 10 milliards d’euros – construction accompagnée de très nombreux actes de concussion corruption et autres joliesses municipalo-administratives)*
spritz 
: Apéritif local typique, à base de prosecco, d’eau de seltz et de campari ou d’aperol.
la riva : Riva degli Schiavoni (le quai des esclaves, l’une des fortunes de la République de Venise)*, l’ample quai qui longe la lagune de la place Saint-Marc à Castello (vers l’est et la via Garibaldi – à gauche après la colonne du lion)*.


Calli, Campielli e Canalli 
: (rues, places et canaux) Répertoire de toutes les rues,places et canaux de Venise (avec les numéros des immeubles afférants)*
La Boccini 
: Université privée de Milan très prisée, spécialisée dans l’économie, la finance, le management, l’administration publique et le droit.
piano nobile : Étage noble (premier étage, au dessus de l’androne – voir plus bas)*, qui était l’étage d’apparat dans les palais des familles aristocratiques.
Carampane :le quartier des carampane, nom donné aux prostituées d’autrefois.
androne : Ample vestibule situé au rez-de-chaussée des palais (au ras de l’eau des canaux)*.
style (d’orfèvrerie) dit Manin : Très fine chaîne d’or, dont le nom provient de la riche famille  Manin, d’où était issu le dernier doge de la Sérénissime, Ludovico Manin .

Les Lei formels : La forme de politesse se fait en italien parle pronom personnel de la troisième personne du féminin singulier, lei, « elle » correspondant à « Sa Seigneurie »
gratta e vinci : littéralement « Gratte et gagne », l’équivalent des grilles-flash au loto
roba da donne : une affaire de femmes (dans la narration il est dit « les jeux de hasard, c’est pour les diots, roba da donne » – pour fixer les idées et dépeindre l’étendue du machisme du locuteur – par ailleurs meurtrier)*
Punta della Dogana :
La pointe de la Douane (désormais propriété du french miliardaire  arnaud b)*
Sestiere
: nom des six quartiers composant la ville de Venise (lesquels se nomment Castello, Dorsoduro, San Polo, San Marco, Canareggio et Santa Croce)*.
castraure 
: Petits artichauts violets (plus petits que les poivrades d’ici)*. Spécialité locale très prisée, cultivée sur l’île de Sant’Erasmo, l’île maraîchère de Venise.
Coin : Grand magasin de Venise. Version vénitienne du nom de famille Cohen (ah)*
macchiatone : grand café crème (chez Florian (café très prisé de la place Saint-Marc), la spécialité serait plutôt le chocolat au lait, pas moins de quinze e –  ici Brunetti paye 20 euros pour un café (pour lui) et un macchiatone pour celle qu’il interroge – le livre (et les prix sans doute) date de 2014)*
fidanzato : fiancé
numero civico : le numéro de la maison. Chaque sestiere se compose de ces numero civici  qui partent de la première porte du quartier et vont jusqu’à la dernière de ce même quartier, ce qui explique les chiffres si élevés dans les adresses vénitiennes,comme par exemple San Marco 4939.
la Guarda Medica : le médecin de garde

 

 

 

 

 

* : les notes de notes, en italiques dans les notes, sont du rédacteur

** : c’est le cas de le dire

 

 

Vladjé

 

 

j’ai ouvert le dossier composé de fichiers pour travailler dans la maison (je suis assez ritualisé, les jours m’importent, les dates aussi – assez difficile, assez compliqué, et poser de plus de la complexité, et encore et encore continuer : pour que ce ne soit pas vain) ça se présente comme ça

et il se trouve (« on n’y voit rien » comme disait Arasse – mais n’importe, c’est juste pour l’image) il se trouve donc qu’il y a deux ans, on était de sortie vers Montmartre et son pont bleu

un lieu que j’affectionne disons (j’y retrouve parfois les miens – ou ce qu’il en reste, certes) et voilà que les documents sélectionnés à part concernent l’amie Maryse Hache. On en parle ici, par exemple : Florence Trocmé (ailleurs aussi)

Il y a celui que j’ai lu pour Christine (je ne me permets pas de le poser ici, mais je vais lui demander avant), et il y a le mien que je reproduis – pour une pensée à elle dédiée

 

Elle a inventé ou alors elle l’a pris quelque part, je ne sais pas, mais un mot, vladjé (dès que je l’ai lu je l’ai aimé) – ça ne se commande pas, c’est comme ça, c’est arrivé – vladjé ce sera mon prénom, mon pseudonyme quelque chose de moi, accepté, adopté, gardé – en moi-même – je fais souvent ça, ne t’inquiète pas – je le dis ici pour l’informer un peu, pour qu’elle sache – je ne l’ai croisée que trois fois, dont deux aux ateliers d’écriture de Pierre Ménard, c’était rue du Château-Landon, mais d’autres fois plus nombreuses au cours des vases communicants et à d’autres occasions (nous nous entrelisions par nos blogs). Une autre fois, je ne sais plus exactement qui m’a dit ça, elle lui avait dit qu’il fallait lire ce que j’écrivais parce que « c’est bien ce qu’il écrit ce type-là » : c’est ce genre de bruits qui aide à faire en sorte que les choses continuent. Plus tard, je crois bien que c’était un été, elle avait invité les participants peut-être bien à la rejoindre chez elle, j’ai toujours cru que c’était à Gif-sur-Yvette j’avais trouvé l’invitation sympathique je m’y préparais mais ça n’a pas pu se faire je n’y suis pas allé – j’avais pourtant déjà à l’idée de préparer une salade de pâtes avec des cornichons en fines tranches ou en dés, du jambon un talon en dès aussi et de la mayonnaise, quelque chose qui me venait, qui me vient toujours, du Brésil et d’une de ces amies lointaines qui se prénommait Véra dont j’adorais le rire. Ainsi que de Maryse jte dirai… Je ne sais pas ses goûts, je ne la connais que de loin, je n’ai pas d’informations ou de savoirs particuliers sur par exemple les objets qu’elle aimait, ses habitudes (je le regrette parce que j’aime bien les habitudes, à condition de s’en détacher), je n’en sais que peu sur ses habits, ses lectures ou ses goûts de cinéma – mais ça ne me gêne pas et ça ne m’étonnera pas spécialement de les connaître à présent. À un moment, j’ai su et je me suis dit il faut du courage… Cette femme-là, je savais sa taille ses cheveux et son sourire, son rire et sa force, sa poésie bien sûr et ses mots qui étaient aussi parfaitement miens surtout quand elle les inventait et nous les donnait. Je me disais je le savais aussi, je me disais qu’elle devait bien aimer les fleurs, j’avais une image d’une maison dans cette petite ville, avec à l’entrée des rosiers, il y avait là de son parfum. J’ai ensuite aussi découvert son penchant pour le burlesque disons et ça m’a été juste complètement et parfaitement normal. En un sens, j’étais avec elle parce que j’aime rire et faire rire les enfants d’abord les autres aussi, j’aime l’humour qui décale, change le point de vue, ce n’est pas que je regrette parce que je les laisse de côté, les regrets, non, mais elle est là, et elle m’aide à continuer. Je m’accroche parce qu’elle est là, à mes côtés comme aux vôtres. Non mais ça va, j’avance.
À toi Maryse. Et c’est signé Vladjé

 

add. de 18 h, ce jour :
et puis celui de Christine  ici (je le pose pour elle, avec son accord)

Dix ans, dix ans, dix ans, je crois qu’elle aurait souri, cette bonne blague dix ans, ça n’a aucun sens, peut-être même un fou rire en répétant dix ans, dix ans, le temps est vraiment une donnée spectaculairement fausse, on serait l’une en face de l’autre et on dirait « 10 ans ? Non !!! » en traînant la voix sur le nooon comme font les enfants, non il n’y a pas dix ans, les étiquettes sur le produit ne sont pas bonnes, Remboursez !

C’est Pierre qui lit ce texte pour moi, et là aussi c’est étonnant que Pierre lise la phrase « c’est Pierre qui lit ce texte pour moi », je crois que Maryse aurait eu sur le visage ce grain de sel et la fossette sur la joue qui font entendre que c’est étrange, l’étrangeté

En ce moment je pense souvent à la baleine posée sur la remorque d’un camion garé sur la place du village, un texte de Maryse, qui produit l’effet d’un caillou, d’un galet rond que l’on ramasse parce qu’ils n’ont pas le même poids que les autres cailloux, galets ronds, on les garde, oui bien sûr qu’on les garde, je garde la baleine étrange et belle de Maryse bien sûr, Maryse spectaculaire, et fine, et drôle, si drôle, qu’est-ce qu’on a ri

Pour écrire ce texte que Pierre lit pour moi, j’ai fait quelque chose que je n’avais jamais osé faire avant : j’ai relu dans l’ordre chronologique tous les mails que Maryse m’a envoyés

Il faut savoir, mais vous le savez déjà, que Maryse n’écrivait pas des mails mais des poèmes

J’ai rassemblé pour vous quelques phrases parmi les mails-poèmes reçus, reçus bénédiction, car il faut le dire, mais vous le savez, recevoir un mail de Maryse en est une (bénédiction) (là elle aurait un grand sourire, elle dirait « Et encore plus maintenant, dix ans après ! » et on s’esclafferait toutes les deux, deux gamines)

Voilà les bouts de mails-poèmes

à partir de maintenant Pierre lit à ma place des fragments de Maryse envoyés et reçus, à vif

à cœur

à cœur vif

dans la réjouissance de l’échange

quelque chose se réveille du côté de l’objet

une litanie de boîte ou ça y ressemble 

bien à vous 

avec roses odorantes au jardin, églantine, aubépine, chèvrefeuille, seringat, campanules, héliotrope, nigelle, escholtzia, ciste, verveine, sauge, hortensia (pas encore en fleurs), camomille, coquelourde, géranium vivaces et odorants, géranium bleu, silène blanc, phlox, pois de senteur, lavande /

avec la gente oiselleuse – aujourd’hui visite d’un geai- et coutumières mésanges : les bleus, les charbonnières, les nonnettes, merles, rouge-queues, troglodytes, accenteurs-mouchets, pic-épeiche, grives, tourterelles, pinsons /

dans la gratitude à la vie qui nous a fait nous rencontrer, à vous qui avez dit oui, en ces liens qui se sont tissés, tellement précieux, et qui font la vie plus douce et plus vivante

oui on pourra se tutoyer

on pourra se téléphoner un autre jour

on pourra bientôt bavarder

on pourra s’embrasser pour de vrai

dans les recoins il y a toujours de l’humour, de quoi prendre de la distance, même si ça semble bizarre pour des recoins / et je les ai à l’œil

alors qu’est-ce qu’on va inventer pour cette soirée ? quel rebond? quels entrelacs ? quel truc à commencer ? 

oh chouette de chouette avec caramel boîte en bois mimosa et nos anges

Pierre cesse ici de lire les bouts de poème-mails de Maryse, je le précise car nous n’avons pas l’image, encore que des images nous en avons, certaines somptueuses

Que Pierre lise la phrase « Pierre cesse de lire » est d’une drôlerie épique

en parlant de drôlerie, qu’est-ce qu’on a ri, et qu’est-ce qu’on s’est aimées, je t’aime tellement Maryse, maintenant, à vif cœur, maintenant, dix ans ne changent rien à l’affaire

Au moment de finir d’écrire ce texte que Pierre lit, une mésange charbonnière vient prendre une graine de tournesol sur le mur en face de moi, puis elle donne des coups de tête pour l’ouvrir, comme un marteau-piqueur petit et magnifique, elle a zinzinulé avant, après, c’est bien, elle travaille comme une cheffe, mais pas dans l’industrie ou le commerce, elle, elle travaille dans le commencement, quoi d’autre, je t’aime Maryse

 

À TOI, MARYSE

(ces textes – et d’autres – ont été dits pour les dix ans de la disparition de Maryse par le collectif L’Air Nu – dès que possible, je pose le lien)

{Ma très chère petite fille} dit-elle

 

je me rends bien compte que je suis agi par quelque chose qui me dépasse – ce recours à l’Akerman pour vanter ses mérites et l’anniversaire des dix ans de son suicide – sale coup qu’elle se et nous fit, le 5 octobre 2015, un an et demi après la mort de sa mère – après Charlie augmenté de l’assassinat de Montrouge et de ceux de l’hypercacher de la porte de Vincennes mais avant le funeste 13 novembre… – dans le livre (je cite de mémoire) elle dit à peu près « je pense au suicide, j’y pense souvent même… mais non, pas tant que ma mère sera vivante… je ne peux pas lui faire ça… » – c’est certainement cette sincérité qui touche juste  

Ces temps-ci, donc, l’agent va mieux – il a relu le

de la Chantal qu’on aime bien par ailleurs d’ailleurs – et repris les mots du billet Quatre-vingts d’or à l’occasion d’une visite au musée du jeu de Paume de l’exposition consacrée donc encore à cette chère madame Akerman. Sans doute étais-je dans de mauvaises dispositions (j’aime cette cinéaste sans détour, quand même elle abuserait des scènes de miction – l’un des plus beaux films du monde est son La Folie Almayer selon moi) – dans la première salle, il y a disposés suivant une ligne courbe, là, dans un presque noir, sept téléviseurs qui répètent inlassablement (semble-t-il) le dernier plan (fixe, plus de 7 minutes – certes il s’agit d’une meurtrière – toute petite fenêtre sur le film donc) de Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1030 Bruxelles (1975)

Pourquoi pas ?

Je n’ai pas fait attention – dans une autre, en quinconce, quatre ou cinq (et même six) fois trois téléviseurs retransmettant des plans de D’est (1993) . Au noir.

Pas vraiment d’arrêt. Dans la même, encore un film (une femme en culotte debout devant un miroir s’observe et se décrit – L’enfant aimé ou Je joue à être une femme mariée (1971)). Bon.

Mais je passai vite : j’avais en tête la recherche de quelques images de ces Golden Eighties – film projeté dans l’auditorium (qui doit compter cent vingt places tout au plus) en sous-sol (la séance était complète)

Dans la troisième salle, toute de blanc et de lumière vêtue on peut découvrir la graphie de la réalisatrice

comme celle de sa mère

ce qui m’a mis en joie – je reconnais qu’il en faut peu – puis j’ai découvert

ce dossier de presse (le synopsis de La Galerie qui ne s’appelait pas encore Golden Eighties) puis ces images

(j’aurais aimé en voir une de Charles Denner mais non – je ne suis même pas certain de le voir sur l’affiche) (OSEF c’est vrai aussi)

ça a l’air de chanter et de trouver que la vie est belle et c’est tant mieux

oui, enfin pas pour tout le monde hein (ici Jean-François Balmer…) trois lignes sur La Folie Almayer (ce qui représente une faute de goût, un manque de tact et une disposition déplorable) ceci pour situer

(archivage quand tu nous tiens, donc) et puis finalement

Ah non, ce mot encore (à son producteur)

qui me convient aussi.

Bien à vous

 

pour mémoire, je laisse ma glose se rapportant, pour partie, aux images posées lors d’un précédent billet à propos de ce film : Golden eighties c’est une histoire d’amour, des personnes qui s’aiment ou se détestent, se trouvent ou se cherchent, s’évitent ou s’attirent.
On dispose du synopsis mais il est illisible sur l’image (je le tiens à disposition au besoin, je peux le lire et donc le transcrire)
– il y a madame Seyrig et monsieur Denner (L’homme qui aimait les femmes (Truffaut, 1977) ce qui emporte pas mal de choses. Ça a aussi pour cadre un salon de coiffure – (ce qui a été signalé immédiatement à l’Invent’hair évidemment). Je m’aperçois ce faisant disant écrivant que les légendes sont illisibles – il va falloir que je remette sur le métier ce travail (je lis, j’écris, je retranscrit les copyrights – on doit à la vérité de dire que sur le site où sont trouvées ces images le lien qui renvoie à l’auteur des images est merdique – mais on ne s’attend pas vraiment trop à autre chose de cette pseudo-institution dévaluée, comme tout ce qui, à la culture, touche dans notre contemporain).
Voilà qui est fait. On y croise aussi Myriam Boyer et John Berry.

Ici le générique

Là, la filmographie de Charles Denner

 

et un peu de la bande originale de  La folie Almayer

 

 

 

 

 

 

 

 

 

11 novembre vers 10 heures

 

 

 

attendre – ne jamais attendre : les années d’enquête apprennent à ne jamais attendre, ne jamais rien attendre de personne, faire et continuer, voilà tout – une incise de notule (sic)

Malheureusement, mon travail ne leur avait pas semblé éblouissant et avait été retoqué. Ce genre d’expérience, sans être dramatique, n’est jamais agréable mais ce désagrément a vite été oublié

et la parution en début de mois du texte en question m’impose une espèce de réflexion (je n’utilise pas d’images animées, je ne participe pas à quelque zoom que ce soit – excepté dans le collectif mais je déteste j’abhorre et j’agonis – ça me fait penser que sur Com que voz je dois lire quelque chose et le poser en ligne le 12, soit demain – je ne fais pas savoir mais dispose d’un certain savoir faire, je reste devant mon clavier et l’utilise, mes images, celles des autres, samedi dernier au jeu de paume trois ou quatre fois par semaine au cinéma) où le sérieux quand il est mis à distance par une espèce de modestie vraie est tout à fait malvenu – dans ce monde, cet univers littéraire sûrement, en réalité, il faut se la péter sinon c’est mal vu – la vie est difficile quand on est exigeant  disait une de mes profs sur le tard (vers deux mille – Michèle de la Pradelle) – et sans doute n’ai-je jamais cessé d’être plus ou moins proche de l’enseignement – apprendre mais pas attendre – dans ce texte apparaît cette autre incise :

La première fois où je suis venu, on m’a regardé d’un drôle d’air puis, un jour, Roland Brasseur m’a demandé si je m’apprêtais à publier quelque chose. Tout le monde a semblé soulagé par ma réponse négative et c’est à ce moment-là, quand on a su que j’étais totalement inoffensif, que j’ai été pleinement accepté.

je regarde peut-être les mails, les annonces, les recommandations  mais j’oublie et je vais lire – c’est à peu près la même chose qu’écrire – j’oublie les chantiers, je prépare à manger et pour ça je vais faire des courses – lorsque je vois une figure automobile parfois les larmes viennent, je me souviens du film Le Mans et des blousons genre bombers en satin bleu nuit orné dans le dos de la chaussure ailée dorée des seize ans, au dépôt où des pneus de formule un avaient été entreposés (j’avais écrit entreprosés) avant d’être envoyés je ne sais où – c’était en août soixante-neuf – alors j’en suis (vaguement) revenu – la firme, le régime, le système : tout cela m’était alors indifférent (j’aurais dû écrire tout ça mais non) (il y avait bien des amis qui criaient dans les rues Stirner Proudhon Bakounine Kropotkine Volyne mais je n’en étais pas sinon par sympathie inconsciente – plus tard sans doute – ou je me rappelle des Mille Mille qui cessa lorsque 9 personnes moururent de la sortie de route d’une Ferrari peut-être ou Maserati je ne sais plus (Ferrari 355S) – les deux occupants de l’auto aussi – ce qui me fait souvenir de ce livre Les gars du coin (Nicolas Renahy, la découverte 2010) (ces jeunes gens, prolétaires pour la plupart, ruraux tout autant, qui se tuent en auto en rentrant des bals du samedi soir, trop arrosés) et du don de l’auto à utopia, au printemps vingt-quatre – alors attendre ? écrire pour quoi ? pour qui ?