Ma mère est ma maison.
Ma mère est faite de texte.
De textes.
C’est de plus en plus visible. C’est ce qui arrive avec les paysages en grands dangers, brossés par le vent, réduits à l’essentiel. Il ne reste plus que la ligne d’horizon et l’armature d’un tronc, un peu d’herbe, le bleu de la mer, c’est tout. Ce qui faisait foisonnement, la végétation dense, les ruelles, les fontaines de Trévise, les habitants et leurs déambulations, les points de vue panoramiques avec la rose des vents gravée sur une table d’orientation, les fêtes folkloriques, les processions de la fête de Saint Bernard, tout ce qui perdait le regard, les cigales la nuit, les nappes sur les tables dehors, froissées, éclairées par les lampadaires, les craintes d’orage et d’inondations, tout s’est enfui, recroquevillé, a disparu.
Il ne reste que quelques histoires droites, réduites au plus simple déclencheur. Ce sont toujours les mêmes. Il ne reste à ma mère que du texte. Elle écrit de moins en moins, et puis plus du tout. Des cartes de vœux, et je ne sais plus la dernière fois qu’elle a rempli un chèque. Ses lettres sont de plus en plus tremblantes, maintenant ce sont des chiffres qu’elle trace, elle fait ses comptes qui sont des contes, car elle ne s’appuie pas sur des données mathématiques. Je veille bien à ce qu’elle ait toujours des stylos à portée de main. Je lui ai acheté un cahier, c’est elle qui me l’a demandé, elle devrait y poser des additions, en tout cas c’est ce qu’elle désire, c’est l’outil de repérage auquel elle se raccroche.
J’ai longtemps cru que rien n’était plus éloigné de ma mère que le texte. Je disais :
elle parle pour ne rien dire
ce qu’elle dit n’a pas de sens
elle dit une chose et son contraire
elle parle pour parler
elle fait de l’air avec sa bouche et ses cordes vocales, c’est ce que j’ai longtemps cru.
En fait, elle est au-delà du texte, ce qu’on peut qualifier de prouesse.
Ou elle se trouve bien au-dessus du texte. Tout en haut. C’est lui qui la porte. Ce sont ses fictions qui la tiennent, soutiennent. Dans le paysage réduit à l’essentiel qu’elle est devenue, sa ligne d’horizon et son tronc sont ses fictions.
Elle me les répète sans arrêt.
On pourrait penser à un problème cognitif, à une maladie dégénérative, à une baisse des capacités logiques, à une perte de raisonnement, oui, beaucoup pourraient le penser, mais elle s’en fout. Elle répète. Elle ne se sent pas malade. Je vais bien, elle dit, et puis j’ai toute ma tête.
C’est le plus important.
Tu ne crois pas ?
Heureusement que j’ai toute ma tête.
C’est bien, je suis contente.
J’ai vendu la maison, je me suis bien débrouillée. J’ai été futée, heureusement.
(la maison a été vendue par obligation, ce n’est pas elle qui l’a voulu ou s’en est occupée, elle me montre le papier du notaire et m’explique qu’il vient d’arriver au courrier, c’est moi qui lui ai donné il y a six mois, nos histoires se chevauchent, parallèles qui ne se rencontreront pas, mais je veille bien à ce qu’elle ait toujours des stylos à sa disposition)
Plus son paysage se minimalise, plus j’augmente le mien, factice. J’ajoute et j’ajoute des pots sur la terrasse de cailloux cernée de murs.
Chaque matin je vais voir si le pied de houblon trouve une nouvelle direction avec sa tête de serpent. J’ai soif de lianes. Les clématites, les chèvrefeuilles et les tiges de cobée s’enroulent ensemble, selon la même chorégraphie indistincte. Les feuilles des capucines de Canaries s’élèvent, larges près du sol, réduites dans l’ascension. Le schisandra croule de fleurs discrètes qui se confondent avec des cerises, et son feuillage de soie cache un peu le géranium menthe dressé, debout. L’akébia n’en finit pas de faire de nouvelles volutes dans sa course avec les haricots géants d’Espagne. En Espagne, lorsque ma mère était enceinte de moi, elle a assisté aux processions, capuchons sombres, deux trous noirs pour les yeux, torches levées dans l’obscur, chants funèbres, et elle a eu peur. Ma mère est ma maison.
Catégorie : entrée
dispersion 18
cette série à l’existence mitigée, se place dans des conditions sociales de production que l’agent ne maîtrise pas – elle vient, passe, s’arrête et recommence comme une espèce de chanson lente, saudade morna blues ce que tu veux – un moment passe, les choses à faire attendent, les financières comme les autres, la santé comme la cuisine, vaguement quelque chose d’une certaine terreur vis à vis de ce monde-là, qu’elle essaye (en pure perte) de comprendre, discerner, distinguer – la mémoire, les sentiments
en gros, me disais-je montant la rue, tout toujours a déjà été fait – j’avais à l’idée quelque chose qui se serait tenu entre une originalité exceptionnelle et une habitude dérisoire (ou l’inverse, je ne sais plus) – mais il y a là un dossier (machin avec un dos je suppose ?) dans lequel sont conservés (jusque quand ?) des documents (une information augmentée d’un support) au nombre de 60
dont je ne garde que quelques unes mais cette première d’abord
que je comprends comme une suite d’atelier (ma main serre celle de ma tante, ma montre, son petit léopard en peluche) – je crois qu’elle était de février – seize du siècle précédent – un dessin de Delphine
magnifique – comme ce souvenir de résidence seinémarnaise
quelque nombrilisme peut-être – c’est le blanc du ciel gris qui m’impressionne – (l’image est de Mathilde Roux, qu’on salue) – je ne voulais pas construire quoi que ce soit – une originalité illusoire – cette maison abrite des fantômes : celui-ci
(les gens absents) ou celui-là
plus personnel, celui-là
on ne la présente plus – le noir et blanc, et la relation qu’entretient la photographie avec le reste du monde (hors de la réalité)

© TAP/AFP
le type au prénom signifiant « heureux » – en son petit pays, le prix du pain – l’avenue, le cinéma, la cathédrale – et puis en continuant magnifiquement
(collage de Christine Jeanney) explorer et se souvenir (l’image suivante de Denis Pasquier)
c’est égal, marchons si tu veux bien – avançons et pour le reste, nous verrons (ou pas) –
ici Daniela Carrasco (blessée mutilée violée tuée étranglée exposée – sommes-nous vraiment une espèce ? ) (notre cruauté – nos guerres et notre planète)
merveilleuse
sensible tu disais
on avance, oui, on avance – que ces jours vous soient beaux
les billets de la maison[s]témoin de la série dispersion.
dispersion 17
c’est cette façon de ne rien faire tout en faisant trop – faire vivre le site, avancer et ne pas (trop) penser à ces choses qui arrivent, qui vont bien finir par arriver – ne pas attendre, ne pas se laisser entraîner au fond, vivre enfin
Un jour, tu verras, je mettrai au point l’index des articles – « un jour tu verras » c’est une si belle chanson – il ne faut pas se laisser aller, il faut se tenir
Peu de choses, l’agent fait son travail. Il se trouve dans l’entrée, puis passe au bureau. Il a des choses à faire,réviser ses mots son langage ses appréciations son argumentaire ses questions –
un article qui date de 2011 mais OSEF – il ne relate que le crachat dont aurait été victime Mankiewicz de la part d’une Katharine Hepburn ce qui ne ressemble pas tellement à la bestiole (c’est d’un vulgaire), mais après tout peut-être (n’est-ce pas l’un de ses plus grands rôles – avec celui tenu dans African Queen (John Huston, 1951) – je (me) rappelle qu’elle était de 7, Jo était de 9, et Huston de 6) (c’est juste pour fixer les idées – le temps passe et court)
un emplacement dans un cimetière – Stéphane Audran (aka Colette Dacheville dixit wiki) – dans ce cimetière (Tolla, Corse-du-Sud) dominant un lac que ses restes (s’il se peut) aperçoivent de l’intérieur d’une tombe de marbre rose – ici on prépare, on répare, on bosse
espèce d’indiscrétion – personnage public – le contraire de privé, est-ce public ? ou professionnel versus privé ? – on tient à sa biographie (je l’aimais beaucoup, surtout dans ce film, Le festin de Babette (Gabriel Axel, 1987)
et deux images glanées dans le magazine aux mots croisés duquel on s’amuse – ici une image des deux premiers rôles du dernier film de Tony Gatlif, Tom Medina (2021) -lui, il est de 48, à Alger) (vraiment bien) – ici, on a posé quelques images de Josef Koudelka, je me souviens –
Slimane Dazy et David Murgia dans les rôles
puis ici un peu de catastrophisme c’est important pour faire passer le temps (il n’y a pas le point désolé) (il est assez inutile, j’édulcore (il y aura une légende) et tout le monde l’a reconnue)
la cathédrale Notre-Dame de Paris en flammes, le 15 avril 2019
enfin une photo d’archive (au premier plan, j’ai l’impression le croisement rue du Renard rue Rambuteau) (début 70 je suppose aussi)
dispersion quinze
des images il y en a partout – je veux dire dans cette maison (19 opérations) plus les dispersions (une bonne quinzaine) mais ça ne fait rien je les ai trouvées, je les pose – l’agent ne m’en voudra pas mais il y en aura partout
ici une écrivaine traductrice mais je n’ai jamais rien lu d’elle (ça viendra sûrement), elle m’est apparue

(la chanson de Barbara, plutôt libidinale d’ailleurs, m’a toujours fait penser à Yvonne la femme du général – il n’y en a qu’un – mais c’était un autre temps, on y coupait les têtes) (si la photo est bonne)Françoise Dolto
la maman de Carlos – je l’adore – elle; lui moins mais pas mal quand même (je me souviens de lui dans le studio des Buttes Chaumont)Laurence de Monoghan et Jean-Claude Brialy
l’important, dans celle-ci, c’est le genou (pas vu le film, je reconnais,pourtant j’aime assez l’élégance du réalisateur – il portait un pseudonyme et nous enseignait l’art du raccord, s’il sort à droite, il entre à gauche etc.)Sophia et Marcello
c’est de nos jours, ces temps-ci à cause de cette peste brune qui envahit tout (à Nice par exemple ces jours-ci) (mais le dire n’est-ce pas le faire exister plus ?) enfin ce couple-là, et cette espèce d’amour-là (mère fils sans doute, quelque chose) –

on y est presque (en voyant cette image, avoue qu’on ne peut que croire qu’il prend des trucs) (que la paix soit sur son âme) – ici c’est son prénom que j’aime, cette chanson aussi (Johnny et le fils Hamburger)
la fille de son père (sa profession, son apparition dans le dvd des producteurs,j’apprends qu’il a épousé Simone Renant, celle (formidable) du Quai des Orfèvres (Henri-Georges Clouzot,1947) (celle : je veux dire photographe) (je l’aimais tant tu sais) une femme formidable, Ariane
trois du même (comme Aznavour)

plus une
continuons, veux-tu
on s’en fout, c’est vrai, mais tout ça vient quand même d’un journal (le recours aux images) sa chemise, son pull, sa façon d’être rue de Verneuil, je me souviens (je ne cherche pas, je suis pressé) (par quoi, c’est bien autre chose) – ces gens-là

surtout pour ses rôles dans les films de Douglas Sirk – l’un de mes favoris, mais j’en ai plein – et l’image est belle il me semble- il ne se ressemble d’ailleurs pas – que des portraits

JiPé jl’aime aussi beaucoup – non c’est égal, je pensais qu’elle aurait dû refuser, mais pourquoi faire ? Venger sa race disait-elle – femme, blanche, française. On salue, profondément
Vie privée
il s’agit d’une photo de tournage : elle montre l’évacuation d’une actrice qui s’est trouvée mal lors de la projection d’un de ses films (probablement la première) (je ne sais plus, je n’ai pas revu le film il me semble l’avoir vu il y a quarante ans, un film de Louis Malle qui date des années 60, 1962 précisément), je l’ai trouvée dans le canard un jour de ces vacances –
intitulé « Vie privée » il raconte l’histoire de la star BB vaguement romancée – j’ai trouvé cette image parfaitement illustrative du cinéma
je l’ai découpée en plusieurs parts – toute cette mise en scène
cette foule rassemblée (il se peut que les agents de police ne soient pas tous d’artifice)
les instructions données à tous ces gens : les trois femmes au centre dont l’une sourit, l’autre compatit peut-être
celle en chemise à carreau droite cadre – et tous les autres
les projecteurs dans le champ – mais je pense à tous ces contrats, ces papiers, toutes ces assurances souscrites, ces fiches de paye – les vêtements, les gardes républicains empruntés
il n’y jamais qu’une centaine de personnes, d’ailleurs – ça ne va pas se faire en trois heures tu comprends bien – ni avec trois ou quatre euros – après on peut regarder par exemple la production : film italo-français (comme on faisait alors pas mal, les co-productions) (n’anticipons cependant pas)
tu y trouves Christine Gouze-Rénal mais aussi Jacques Bar (qui produisait les films avec Fernandel – on pourrait dire les « fernandel » en terme générique) ce qui indique une certaine continuité (la nouvelle vague qui crachait sur tout ce qui bougeait de l’ancien temps, tu te rappelles : eh bien, pour produire, il fallait quand même, parfois, malgré tout…) – j’ai pris des clichés rapprochés
les bruits disaient que le film racontait la vie de la star (la publicité, tu sais, comme un chien traître et lâche) il s’agissait d’une chronique défrayée (le suicide des stars avait quelque chose qui faisait vendre alors) il y avait aussi à l’affiche (comme on dit) Marcello dans le rôle du mari adultérin (les années 60 et leur puritanisme aggravé, comme de nos jours aux US)
l’image a quelque chose, j’ai cherché à savoir quoi
ah revoilà le trio des femmes plus une quatrième, une espèce de joie, de compassion, de questionnement – elles jouent à regarder passer une star évanouie
le sourire du jeune type avec sa pochette de veste sa cravate, ce contentement – il ne fait à peu près aucun doute qu’ont été captées des personnes de la régie – à cette époque, elle était scandaleuse par sa sexualité libérée (elle avait cette présence, comme Elvis Presley (surnommé élégamment Elvis the pelvis parce qu’il parvenait à faire ondoyer cette partie de son corps, ainsi que la star évanouie dans un film précédent (et Dieu… créa la femme (Roger Vadim, 1956) : il y a six ans de ça, infiniment désirable disaient les affiches… et depuis, sur le seul nom de la ravissante idiote se montait n’importe quelle production – idiote ou peut-être moins)
le type regard caméra juste à côté de celui qui porte un nœud papillon – je me suis renseigné, je lisais et je ne m’en souvenais pas mais le film était évidemment
(ici quand elle arrive à la projection) en couleurs
et assez américain… (on évite cependant le fait que la star (qui a vraiment très mal tourné) chante dans le film – et c’est, à mon humble avis, tant mieux)
Vie privée, un film réalisé par Louis Malle en 1962
et puis aussi cette dernière image (on ne sait jamais qui prend les photos – j’ai cherché dans le générique (IMDB) s’il y avait un (ou une) photographe de plateau : pas trouvé alors seulement (ça doit faire un lot, j’imagine) ceci donné par le canard (je n’ai pas pris l’image de gauche à bord du Dracula…)
(à l’occasion je la poserai tiens – la voilà
elle ne va pas être étouffée par la modestie mais en réalité la star pose
(c’est l’un des hommes qui a enlevé le haut) (l’éclairage de l’image est du à monseigneur l’astre solaire brillant sur la Normandie)
Exposition
Parfois quelque fois de temps en temps je laisse mes doigts agir pendant que ma tête digère

Il y a une sorte d’hystérie en ce moment avec ce qui se passe, je dis ‘en ce moment’ mais ça commence à faire, je dis ‘ce qui se passe’ au sens large, ce n’est pas réservé à une sphère particulière spéciale spécifique etc., vu que ce qui se passe au sens large te dit des choses au sens large qui t’atteignent au réveil chez toi, comment sortir comment ne pas tomber malade, où aller et est-ce que c’est autorisé d’aller acheter les chaussettes pour le petit dernier, bref le mot que je cherche est quotidien, ça touche au quotidien
Je passe sur le fait que la parole n’est pas égale et que, de loin, à vue de nez, à ouïr d’oreille, on a l’impression que ce statut est partagé (rester chez soi en se posant des questions existentielles sur le sens de la vie tout en relisant Proust et en faisant soi-même son pain serait une pratique commune), ce statut serait significatif symbolique, à se demander quels petits corps magiques aux mains magiques et transparentes te donnent ton ticket de caisse
Ce qui se passe en ce moment a une couleur et surtout une rapidité et une texture papier de verre incontestable
La couleur je ne sais pas, si je demande autour de moi elle est plutôt très moche
La rapidité c’est que tout s’enchaîne s’escalade brinquebale breloque palpite en ribambelles de dominos jetés à travers la pièce, si je prends deux minutes pour regarder ça me fascine
Parfois c’est une tragédie grecque ou du Labiche ou un chapitre du Prince de Machiavel, il y a du mensonge des postures et des sous-entendus des tractations internes des négations intempestives des réactions épidermiques enfantines – de gens qui sont plus vieux que moi parfois, comme quoi
Il y a beaucoup de violence beaucoup beaucoup de violence les rézos les rézosocios c’est sûr mais est-ce que c’est certain, je veux dire est-ce qu’ils ne sont pas le symptôme de la maladie ou comme on dit la pointe de l’iceberg (iceberg, banquise fondue, à ce propos dans ma ville les branches de sapins coupés couvertes d’une mousse blanche chimique polystyrène décorent les rues, c’est une camionnette de la mairie frappée d’un logo écoresponsable qui les décharge)
Je crois qu’il y a beaucoup de violence parce qu’il y a une contradiction géante quelque part qui flotte là-haut
Par exemple donner la parole à de plus en plus de gens mais ce sont toujours les mêmes qu’on entend
Oui je ne dis pas « donner la parole à de plus en plus de gens et en même temps ce sont toujours les mêmes qu’on entend », je ne dis pas en même temps, je dis mais, ça me semble plus factuel

Par exemple ces idées qui parlent d’un mythe superbe la Fronce ce grand pays mais Calais ce qui se passe à Calais (quand ça se passe idem éclairé par la tour Eiffel, l’effroi soudain, la découverte parce que des phares s’allument)
et par exemple les femmes qui accouchent sur la route de la maternité parce qu’elle est loin, qui accouchent sur le bas-côté (c’est un exemple)
et par exemple des bureaux de poste fermés mais tu peux demander au facteur à la factrice de passer pendant sa tournée sonner chez ta grand-mère pour voir si elle va bien si ça t’inquiète (service payant)

Aussi le mais de la contradiction, cet homme jeune, bien mis, qui semble tout à fait civilisé, libéral au sens de liberté, mais c’est un vieux monsieur, très vieux, un contemporain de Victor Hugo si tu vois ce que je veux-napoléon-trois-dire

un vieux monsieur qui donne des ordres pour qu’on rajoute des dorures sur les murs du salon de son versailles mais il y a par exemple des étudiants qui meurent littéralement de faim qui font la queue à la croix rouge je dis pas en même temps tu vois je dis mais parce que ce qui flotte en très grand est un Mais gigantesque
les dorures mais les crève-la-faim

Je crois que ce mais qui clignote et puis qui disparaît et puis réapparaît, arbitrairement, violent, c’est violent, c’est violent de voir la parole inversée et pour le coup la parole inversée touche à cœur à l’essentiel du centre, touche à Proust et aux mains des caissières tout pareil à la même altitude
(des lits d’hôpitaux fermés mais pour soigner, des usines qui fabriquent des raquettes de tennis mais on ne peut pas jouer au tennis, des restaurants qui ouvrent mais pas les universités)

L’hystérique du mais qui ne dit pas son nom doit se sentir très seul, il ne parle à personne, écoute des militaires et puis fait au jugé comme ça vient, coup par coup, avec une confiance en ses capacités à rebondir démesurée, il est capable d’affirmer que s’il rebondit à coté c’est un test pour voir si tout le monde suit

Il fait au coup par coup comme ça vient en s’inventant des personnages j’aimerais bien être solennel se dit-il j’aimerais bien être princier se dit il j’aimerais bien être inventif disruptif se dit-il mais mais mais tous les mais qui ne sont pas des en même temps claquent comme cymbales, il faut dire que son emploi n’étant pas au départ destiné uniquement à l’art dramatique et les caméras étant partout, réellement partout, on peut filmer les cafouillages de l’acte deux scène un, un peu comme ces fans qui débusquent la rallonge électrique sous le corps du noble Boromir ou la montre à quartz au poignet d’un barbare dans Braveheart

Il a monté les échelons avec un « en même temps » mais c’est un mais qu’il faut entendre, et comme c’est psychologiquement maladif, c’est contagieux, ça fabrique ces éruptions volcaniques qu’on représente par du coca-cola qu’on a secoué, c’est contagieux parce qu’il organise autour de lui ceux et celles qu’il embauche selon ce dogme
Par exemple, et de façon simpliste, Premier flic de Fronce mais faveurs sexuelles, ce mais qui ne peut pas être civilisé génère des retombées
Premier ministre de Fronce chantre de ce grand pays à l’histoire admirable grand H mais qui dit « peuh il faudrait s’excuser pour la colonisation et que sais-je encore ? » et hop d’un petit coup de talon gomme le passé
Un homme noir sous les coups répétés appelle à l’aide, il dit Appelez la police ! mais c’est la police qui frappe, ça en fait un grand MAIS, le symptôme ravageur d’une maladie de vieux monsieur
Il y a aussi maintenant j’y pense ces experts convoqués pour s’intéresser / conseiller / améliorer l’éducation (grand é) qui sont dans le civil vendeurs de flamands roses au mieux, au pire membre du GIGN, ce mais là est spectaculaire
Quand l’hystérique tout en haut joue avec ses névroses comme le saltimbanque lance ses quilles, et comme il lui prend l’envie de les enflammer parce qu’il aime les couleurs chatoyantes, ça brûle
Garant de la liberté de la presse mais le dit sur sur facebook, car ne sait pas se servir des symboles, sauf quand il s’agit de jouer l’empereur marchant devant une pyramide (du haut de laquelle des siècles nous contemplent voilà)
On devrait vivre en paix dans un monde civilisé puisqu’on a l’électricité, de quoi nourrir, de quoi loger tout le monde mais mais mais symboliquement a-t-on vu dernièrement un symbole de paix quelque part ?
C’est que les mots sont mélangés, paix égal sécurité égal contrôle égal consignes et châtiments, ça jongle des paillettes nocives
Après comme disent les sages il n’y a pas de hasard, peut-être que sa venue était logique, qu’il est arrivé à point nommé au moment où il le fallait, une longue montétrumpization, d’accord, mais très honnêtement, va falloir qu’il reparte
Je ne sais pas ce que diront les futurs et futures historiennes historiens de cette période que nous vivons dans deux cents ans, quand nous devrons nous endetter pour acheter nos bouteilles d’oxygène portatives (je ne suis pas pessimiste, juste un chouilla, c’est juste que parfois quelquefois de temps en temps mes doigts s’activent et ma tête digère)

Fonctionnalités
Je ne peux pas me laver dans le bureau mais je peux manger dans la chambre
Je ne peux pas travailler dans la salle de bains mais je peux dormir dans le salon
Je ne peux pas dormir dans la cuisine mais je peux travailler dans le salon
Je ne peux rien faire dans l’entrée ou alors vraiment très mal
Je ne peux rien faire dans l’entrée sinon entrer ou sortir
Je ne peux rien faire
sur la place
je reviens de vacances – le coeur se serre parce qu’il ne faudrait jamais revenir – on ne pourrait plus alors partir, certes – et comme tous ces voyages d’Italie, celui-là fut (encore une fois) particulièrement réussi (grâce à toi, à vous, aux teintes des maisons, aux douceurs des vents, à la gentillesse des passants, des voisins, des inconnus, grâce à la chance qu’on a eue de trouver ce lieu, mille huit cents kilomètres d’ici, sud-est) ( je regrette, je regrette tant) il y avait une place devant la maison (ici elle est en photo par quelqu’un, je ne sais pas exactement – c’est sur GSW
) il s’agit d’un village à dix kilomètres passent autoroute train, la mer Adriatique, cela se trouve dans les Abruzzes – la maison donne de plain pied sur la place – on entre dans un petit salon, la cuisine, qui donne sur l’arrière sur un jardin en pente dévers et une vallée (c’est la photo d’entrée de billet à la presque nuit), le lieu est magique – la place on s’en sert quand on veut, le soir pour y jouer aux cartes, le midi (vers deux ou trois, c’est l’ombre) pour y boire un café, lire – il ne faudrait jamais que ça finisse – et la place, cette place m’a retenu – tard, tôt, peu importe – des clichés que je pose ici, comme des témoins de cette maison – par ordre d’apparition à la mémoire du téléphone – rien de spécial
c’est à la nuit, le premier soir – ou le deuxième (vingt quatre août)
la petite voiture part vers minuit – le scooter je ne sais pas- ils sont là, ou pas, des gens passent, des gens vont viennent mais n’apparaissent pas – par ordre chronologique, vingt cinq août
cette maison qui porte un numéro 20 (elle porte aussi un 19, puis un 5 – qu’on ne distingue pas trop – plus dans certaines autres) – une photo, qu’est-ce que c’est ?
un quart de seconde de vie – on n’attend rien : vingt six août
dans la journée on s’en va, plage, rires ballons parasol – glaces ou pas – chapeaux et tongues (pas pour moi j’en ai horreur) – on rit des accents qu’on essaye de prendre, des mots qu’on ne comprend pas – on rentre, on fait des pâtes ou de la polenta, une salade des tomates et du fromage – de l’huile d’olive –
ce sont des choses éphémères, on voudrait les garder, on les double encore
qu’elles restent toujours en nous comme une âme pleine et sensible, qu’elle nous soit intestine, qu’elles restent et puis
passent les heures et passent les jours
les pompiers (on voit leur voiture au fond de l’image)
vinrent ce jour-là (vingt huit ou neuf ?) brûler un essaim de guêpes dans la cheminée d’une maison voisine – ici, on voit le 5,puis le 19, puis le 20 de cette maison – on ouvrit un jour cette porte de fer, mais la capture fut impossible – il faisait doux
à la sieste plus personne – très souvent un vent léger caresse les pensées, on s’assoit
deux belvédères donnaient sur la vallée proche où se travaillent oliviers et ceps de vigne – le monde laborieux, nous autres en vacances –
cette semaine-là, c’est un peu pour ne pas l’oublier – je ne l’oublierai pas – un peu pour m’en souvenir – parfois le temps met les choses à l’épreuve, on ne se souvient plus bien, qui était là, qui partit, qui revint – je ne sais plus – il ne me reste que deux images
voilà que ça se brouille – il faisait un temps splendide, on lisait, mots croisés cartes à jouer rires et réminiscences – les enfants, les autres qui crient, qui jouent, le monde entier sur une place
(tu vois ce petit carré en bas de l’image ? qu’est-ce ? un artefact ?) – on dirait que passe une ombre au fond, toutes les demi-heure sonnent, jusque dix et demie – la douceur du monde et la beauté des choses…
allez allez
en fait l’idée c’est de faire ce que l’on fait
avec plus ou moins de bonheur
plus ou moins de chance
plus ou moins de sérénité et de ténacité
plus ou moins de questionnements
sans oublier que nous ne sommes pas des îlots ou des gardiens de phare, faire c’est aussi regarder ce que font les autres avec plus ou moins de hardiesse, plus ou moins de vilenie, plus ou moins d’âpreté, plus ou moins de courage et/ou de cohérence
le faire des autres vient heurter s’engouffrer s’insinuer saupoudrer pénétrer notre faire à nous
et c’est ce qu’on garde de ces poudres de ces poteaux ou ces tenailles qui compte
par exemple j’ai lu cet homme qui dénonce ceux qui sont fiers de leur hideur
j’ai vu ces sit-in
ces armes maniées à la cow-boys
ces pelleteuses que des bras sans force repoussent, bras accablés
ces têtes hautes qui refusent de s’asseoir au fond du bus, qui refusent que les noyés se noient
faire, ce n’est pas difficile
faire, c’est impossible
c’est entre ces deux plateaux de la balance que son propre visage se sculpte en trois dimensions
et dans ce faire il y a aussi l’insu
ce qui survient et n’était pas prévu
parler de cinéma, ce n’est pas parler de cinéma, c’est parler des gens de comment ils vivent de comment ils sont vus de comment ils se voient de ce qui est proposé dans le faire
on peut se placer en vigie
on regarde ou on tourne les yeux
on fait comme ça nous chante
et parce qu’on fait ce qui nous chante ça sonnera toujours assez juste
(l’idée)
parce que les idées, ce ne sont pas des concepts, ce sont des corps
les rêves de piscines vides n’existent pas
ou bien c’est que les boutiquiers ont gagné ?
les boutiquiers à cols blancs dont les suv possèdent un pare-chocs anti rhinocéros en centre-ville ?
non les rêves de piscines vides n’existent pas
hop
inutiles
et déjà envolés
allez allez, ne traîne pas dit la voix, tout va bien
C’est ça l’amour
On avait aimé Party Girl où Catherine Burger travaillait avec une de ses acolytes femissiens (Marie Amachoukeli) et Samuel Theis (qui tenait un rôle à l’écran aussi). Ici aussi, nous serons à Forbach (ville du nord est de notre beau pays), et nous suivrons une histoire de famille (le cinéma français a ses thèmes ou ses genres : ici, l’un d’eux donc). A l’image, on trouvera Julien Poupard aussi : une espèce de groupe (l’union fait, aussi, la force). Dans l’image, on croisera la directrice de production (elle interprète la mère), la décoratrice (elle est la supérieure hiérarchique du père, lequel bosse en préfecture), la directrice de distribution (dans le rôle d’une camionneuse en short) (je n’aime pas le mot « casting »). L’amour des acteurs (une direction amoureuse, oui) et un scénario comme on aime : l’éveil la recherche la vraie vie un petit peu (je dis ça parce qu’il y a de l’autobiographie dans l’histoire : je me demandai de qui – la plus jeune, Frida ou l’aînée Niki – j’ai pensé Frida… (quelqu’un pour répondre dans la maison ?) il paraît que la maison est celle du père de la réalisatrice, lequel ressemble au sien comme je lui ressemble moi-même – une même histoire, un même amour des enfants, une joie de vivre et de partager)
L’histoire d’un père (Bouli Lanners, adorable)
et de ses deux filles (la blonde Frida (ici doublée), la brune Niki) (Justine Lacroix, vraie; Sarah Henochsberg, en acier – magique sûre et loyale)
dont l’épouse (la mère) (Cécile Rémy-Boutang, vibrante et lumineuse) est partie vivre sa vie (comme disait JLG)
Un éclairage de cette difficile passe
pour les filles
comme pour leurs parents, mais puisque c’est ça, l’amour (sans interrogation)
sans doute parviendront-ils (ensemble) à maîtriser l’incendie
Amours, tendresses, désirs, joie de vivre et confiance aussi – danser chanter et croire en notre humanité.
C’est ça l’amour, un film de Claire Burger