dispersion #22

 

 

attends on en est où ?
qui en a quelque chose à faire ? non mais nulle part – il y a des initiatives, ici on ne parle qu’avec des images – parfois j’ai l’impression de me tromper moi-même, de ne parler qu’à des murs vides, alors il me faut les orner, rendre un peu plus gaie cette maison standard – mainstream – d’ailleurs je crois que la fortune de la première fortune du monde (tu vois qui ? fucking mercipatron) s’est bâtie sur ce genre de construction périssable en vingt ans invendable mais qu’est-ce que ça peut faire ? la nouveauté de ce monde doit être mobile, flexible, performante et nomade – quand même, quelle belle définition de notre genre, espèce, sorte catégorie – notre humanité (c’est tout oui ?) – en vrai tout va bien, les stocks commencent à s’épuiser, il va falloir les renouveler, et donc les affaires sont comme à leur habitude, ce qu’elles sont, il y a le marché et sa main invisible, les armées et leurs serviteurs (moins serviteuses, certes sans doute peut-être) et pour le reste – pains/jeux – c’est aux canons que sert notre chair (il y a un truc qui m’échappe : le moment, le présent, ici, maintenant, la planète le gulf stream les arbres et l’autoroute 69 – je me souviens du 61 (c’est un ou une autoroute – une auto plus une route donnerait un ? ) Non, rien. Pardon, je me disperse

Ca commence un peu durement – mais comme on est le 18 octobre et que cette date suit, comme d’habitude c’est vrai, celle du 17, c’est une espèce d’hommage : Vincent Lacoste qui interprète Fernand Iveton (dans De nos frères blessés, Hélier Cisterne, 2020)

c’est que c’est quand même la guerre – celle menée par et contre – cataclysme mais tellement normale (qu’est-ce que la norme hein) – j’avance, je mets mes pas dans les pas de celles et ceux qui me précèdent – 

le cinéma, l’écran l’oubli – j’ai tant aimé le cinéma – non mais toujours oui

ce sourire d’Anna (Mamma Roma, Pier Paolo Pasolini, 1962) (à soixante ans d’ici…) et l’air décidé de celui qui joue le rôle de son fils (Ettore Garofalo) (non, ça n’a rien de tellement drôle…) et puis nœud pap’ et cibiche (John Cassavetes)

peut-être dans le film de Roman Polanski – peut-être Rosemary’s baby  (1968) – ou peut-être est-il trop âgé ? – pas certain – continûment la ronde

des images (La Ronde, Max Ophüls, 1950) cette Danielle Darrieux et ce Daniel Gélin (ces années-là, Maria Schneider je me souviens) et puis encore tout pour la musique

Michel Legrand à l’époque de Cléo – les claviers aux verres – tout pour la musique

le cabaret, les nuits – la vie ? ah bah (Suzy Solidor…) – et les rires aussi

Toto l’idole de Naples (avec Maradona, certes) (mais en vrai la comédie me plaît moins que le drame – sans doute quelque chose de personnel) et cette auteure majestueuse

Toni Morrison – et ces autres, là

(de gauche à droite, dit la légende, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Claude Mauriac, Jérôme Lindon, Robert Pinget, Samuel Bekett, Nathalie Sarraute et Caude Ollier) (la légende…) (huit garçon, une fille… – tout un nouveau roman, pratiquement) je continue mais la mélancolie tu sais comme une espèce de maladie, quand même et puis

la militance 
et puis, juste là maintenant, Fariba libérée

alors le cinéma… non, écoute ça ne fait rien, des images encore par exemple celle-ci – formidablement

ces gens-là, seulement eux – peuple sans doute – communications – publicité – je ne sais pas, parfois juste une image…

chapeau noir, c’st Maigret (Pierre Renoir), à gauche Else (Winna Winfried), à droite Lucas (Georges Térof) (La nuit du carrefour, Jean Renoir, 1932) (près d’un siècle…) et pour finir

debout gauche cadre, Peter Bogdanovitch au mégaphone, à droite assis, Orson Welles. Au milieu, cinq techniciens

Pour faire valoir ce que de droit ?

Continuer.

 

 

dispersion, une série illustrée de la maison[s]témoin

Colocation

Je dispose d’un film annonce, plus la vision du film en avant première dans un cinéma municipal rénové de fraîche date – enfin, là, ça commence à faire quelques années maintenant je suppose (en réalité, en fait, finalement voilà quatre ans) – situé dans un quartier – Barbès – où il semble que les choses changent, la Goutte d’Or, il y a ce cinéma puis le bar pour jeunes gens friqués qui a ouvert là où un magasin de tissus bon marché a brûlé, il y a en face Tati mais cette enseigne est, comme on sait, assez menacée, il y a à trois pas le Sacré-Coeur (il s’agit d’une basilique catholique et romaine, il me semble mais s’y adjoint quand même cette réminiscence abjecte de ce wtf monsieur thiers) et ses milliers de touristes quotidiens, alors la programmation du cinéma est ce qu’elle est, cosmopolite et très changeante : tant mieux, c’est ce cinéma-là qu’on aime, et le cinéma est à Paris et à Paris -normalement – ville du cinéma s’il en est- les choses changent et se mixent. Evidemment les phénomènes d’embourgeoisement pèsent, notamment quand la municipalité est ce qu’elle est – c’est-à-dire préoccupée par le rang que la ville doit tenir, vis-à-vis de Londres, Dubaï ou Kuala-Lumpur : en un mot bourgeoise, communicante et moderne (ça en fait trois) (bocomo) (on doit ajouter riche) (pfff). Un film annonce, et une invitation gagnée sur internet, dans un cinéma situé dans un quartier où les choses changent. J’y fus donc, à cette séance de vendredi soir c’était le 31 mars. Ici donc une retransmission (peut-être) partiale (sûrement) de sentiments devant ce film, il y avait du monde, on a ri on a pleuré, comme au cinéma. Le producteur n’était pas là, quoi que annoncé il me semble, mais on s’en fout un peu (je veux dire c’est dommage mais c’est fait). Huit heures du soir.

 

Dans la maison(s)témoin on est en colocation. Entre ici, disait l’autre, tu te souviens, donc entrez ici : trois femmes formidables. (J’ai mon panthéon personnel, et j’ai pensé à Gena Rowlands – dans « Opening night » (1977), un petit peu, mais surtout « Une femme sous influence » (1974) cette merveille (les deux, John Cassavetes,), à Ava Gardner (« La comtesse aux pieds nus« , Jo Mankiewicz, 1954), à Sophia Loren dans « Une journée particulière » (Ettore Scola, 1977) tu vois).

Trois femmes en colocation, l’une Selma (Sana Jammelieh)

la deuxième, Layla (Mouna Hawa)

la troisième Noor (Shaden Kanboura)

Il faudrait que vous alliez voir ce film pour en connaître l’histoire, mais ici, dans l’antre des goules, des monstres et des fantômes, je voudrais expliciter ce qui est diffusé comme une prévention (on trouve ces mots un peu partout dans les diverses communication à propos de ce film – c’est une merveille, vous ne devriez pas le manquer – mais vous ferez ce que vous voudrez) : ça dit « Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs ».

Je pense que cela est posé en référence au viol que subit, de la part de son fiancé, Noor, cet homme-là (à ce niveau, je ne sais pas si « homme » convient, voyez) (et malheureusement, si)Wissam dans le film, à qui on présente Selma et qui refuse de lui serrer la mainau prétexte sans doute que c’est une femme. Cette attitude-là n’augure que mépris (c’est l’illustration de la réponse à la question: « qu’est-ce que c’est qu’un salaud ? »), et à ce titre m’a profondément bouleversé. Après cet acte abject, sa fiancée, Noor donc, violée donc, dans une scène magnifiqueira plonger dans l’eau

et là, je me suis dit – peut-être tout haut, je crois – « la malheureuse » parce que je pensais qu’alors, elle voulait se supprimer (et peut-être le personnage, à ce moment-là, a-t-il cette pensée : en finir) et le suspens se clôt

: non, se battre !

Trois femmes et trois destins liés, pour Layla (on -enfin moi – ne peut pas ne pas penser à cette chanson d’Eric Clapton), les amours sont sérieuses ( d’ailleurs, pour ces trois femmes, les amours sont sérieuses – pour les hommes, ah bah…), elle mène sa vie, aide les autres, refuse d’être maltraitée, une grande intégrité ou probité peut-être qui fait dire à son compagnon qu’elle quitteraNon, seulement elle croit en la liberté et se bat pour : formidable…il faudra qu’il sorte de l’auto – et de la vie de Layla, tout autant.

Selma refuse elle aussi de se plier aux ordres de parler hébreu par exemple dans un restaurant où elle fait la plonge : elle rend son tablier. S’en va, trouve une autre place, serveuse, là rencontre un amourje n’ai que le film annonce, je choisis dans cette minute trente, des images qui veulent montrer la tendresse, la vraie vie qui anime ce film, qui évoque des sentiments si doux (l’amour, y a-t-il ici plus beau ?) et d’autres si horribles (être pieux vaut-il cette sauvagerie ?) et qui pose, entre autres, des questions comme le « qu’en dira-t-on » est-il plus important que notre vérité, notre liberté ?

Il s’agit d’un premier film donc, d’une jeune palestinienne, Maysaloun Hamoud, dont les études de cinéma se sont déroulées à Tel-Aviv où elle était en colocation, dit la chronique. Eh bien, pour un premier film, on n’a qu’un mot : bravo.