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Comment j’ai fait pour ne pas le voir avant ?
Tout cet espace.
« En mode public »
Cela fait un an que j’ai repris en main la fiche établissement sur le célèbre moteur de recherches, histoire de vérifier et de corriger les erreurs les plus grossières afin de perdre moins de temps avec les questions du genre : « il y a des plats pour les végétariens ? vous fermez à quelle heure ? on est 12, c’est possible ? ». Bon, ayant corrigé ces infos sur la dite page internetique, je n’ai plus eu à répondre qu’à une dizaine d’instances de chaque cette saison, c’est déjà ça.
Il m’aura fallu quelques semaines pour « oser » répondre aux commentaires. Après tout, je ne suis que « la serveuse ». Mais ça a fini par m’amuser, un peu. Un peu d’anglais, un tout petit peu d’espagnol, et la cruelle désillusion du rapport inverse entre années passées à apprendre l’allemand et restes de vocabulaire. « Entschuldigüng ! »
C’est marrant parce que cette saison, on n’avait pas eu de commentaires négatifs. Jusqu’à il y a deux semaines. Sommes-nous victimes de notre succès ? Cette année, pour parler de succès il faudra repasser. Et victime, merci mais non merci. 48 ans passées à tenter d’endosser un costume qui ne m’allait pas, donc je laisse aux autres.
Les deux premiers j’ai tenté d’expliquer, limite de justifier. Pour quoi ? Pour qui ? Par peur que d’autres passent sur cette fiche et se détournent de notre établissement devant la grandiloquence de certains ? Fort probablement. La plupart du temps, j’arrive à me secouer assez les restes de connexions neuronales pour me rendre compte que ceulles et cels qui s’arrêtent à ce genre de commentaires pour ne pas venir chez nous, bah vaut p’t’être mieux en fait. C’est mal écrit, mais le fonds de la pensée l’est moins.
L’établissement dans lequel je travaille, et que Blanche a créé il y a 15 ans dans la maison de ses parents, ne s’accommode pas de n’importe quels « clients ». Quelques, heureusement rares, fois où le casting fut mal organisé, personne n’y avait trouvé son compte, c’est comme ça. « pourquoi vous ne faites pas de pommes de terre ??? ». Ben justement, parce que. C’est un contrat préliminaire qui permet de poser des bases concrètes entre « nous » et « eux ». Etes-vous prêts à découvrir quelque chose ou êtes-vous venus avec vos idées à placarder vaille que vaille sur quoi que ce soit ? Il y a plein d’autres restaurants dans le village, Monsieur, Madame, n’hésitez pas à faire le tour.
Il y a plein de restaurant qui ne font pas de pommes de terre à l’année, parce que figurez-vous qu’il y a même une saison pour la patate. Mais rare sont ceux qui l’affichent fièrement, en étendard. Je suis pour la « no patate pride » ! ca me donne même l’envie d’en faire un char et de défiler le long des bords de Loire, seule avec mes pommes d’arbre, mes carottes, mes poivrons, mes courgettes, mes champignons, mes aubergines, etc. selon la saison…nue et bleue pour femmage.
Avec un damart peut être quand même, frileuse la bestiole.
Où en étais-je ?
Ah oui, le troisième commentaire d’octobre. Sur le prix. La valeur considérée pour le troisième fois comme surévaluée par rapport à l’expérience dite client. Par deux fois j’ai expliqué que, tout en remerciant pour « ce commentaire qui se veut constructif, nous en aurions discuter avec plaisir de vive voix si vous nous en aviez fait part, car le parti pris de notre endroit est bien celui que vous désignez comme notre point faible, mais pas de la façon dont vous le percevez. La cuisine intuitive de la cheffe a été apprise non pas « sur la tas » comme vous l’avancez, mais en famille à l’aide de livres anciens sur la cuisine ancienne, et ceci fait l’identité de ce lieu, désolée qu’il ne vous ait pas plu, mais cela ne mérite certainement pas votre mépris. Les prix quant à eux sont fixés en fonction de la quantité de travail fourni et des prix des produits achetés pour préparés les plats, l’intuition est offerte, elle est d’ailleurs partout, pas que dans les plats, dans le mémoire de Master 2 présent dans la salle qui parle de Denton Welch, dans les peintures de Blanche Breton qui est, notamment, bijoutière joallière de diplôme, et simplement dans l’ambiance de la maison des parents qui vous ont acceuillis chez eux. J’espère que vous trouverez un endroit qui vous conviendra mieux que chez nous, et que vous aurez l’obligeance de faire part de vos jugements en premier lieu en direct aux premiers concernés, Alexia, la serveuse, chercheuse en littérature anglaise du 20eme siècle, par diplôme également. » ou ici : « je suis la serveuse qui s’est occupée de vous et je me souviens bien de vous, vous êtes malheureusement arrivés au moment du « coup de feu » et je n’ai pas pu échanger avec vous comme j’aurais voulu. On peut dire beaucoup de choses sur la cuisine de Blanche, la cuisinère, mais pas qu’elle n’est pas assaisonnée. Cela étant, je veux bien reconnaître que vous avez attendu un certain temps à ce service-là. L’assaisonnement est fait pour un palet français, c’est-à-dire qu’il ne peut pas forcément répondre à tous les palets, mais je me souviens aussi qu’à ce même service j’ai eu de très beaux compliments sur les légumes préparés, or vous avez eu les mêmes légumes. Une faute de choix de restaurant peut être? cela arrive et je vous souhaite de trouver celui qui saura répondre à vos attentes, et j’insiste également sur le fait que tout ce que vous avez eu a été préparé sur place à base de produits frais, c’est aussi pour cela que l’assaisonnement laisse la place aux gôut des aliments qui varient selon les saisons. Bref, je vous souhaite un bon voyage et de belles rencontres gustatives ailleurs, Alexia, la serveuse. »
Mal écrit ? moui, forcément écrit quand pu écrire, c’est-à-dire vers les 5 heures du matin, en m’appliquant de la pommade sur la moitié du corps afin de pouvoir retourner faire des pains perdus sans les perdre eux, les bras je veux écrire.
Alors la troisième fois, comment l’écrire ? Un essoufflement ? oui, c’est un peu ça, un essoufflement. Mais en bonne ancienne sportive de presque haut niveau, entendez par là que je n’ai jamais fait l’effort de profiter du corps que la nature a généreusement mis à ma disposition pour en profiter et aller glaner plus d’une médaille départementale, je sais bien que c’est là, précisément, que « ça » se passe.
Et »ça » s’est passé.
Au moment de répondre, comme les deux premières fois, justifiant avec ce qu’il faut d’arrogance puisée au fonds d’un manque de confiance en soi enveloppé dans un manque de diplôme référent à l’activité, j’ai vrillé. J’ai même mis, comme dans le bon vieux temps, une chanson en boucle pour me motiver à aller plus loin dans le cynisme le plus, le moins, toussa.
Puis. Dans un faible éclair de lucidité, « et si je lui mettais le texte que personne ne lit plus ? ». Et hop, je lui colle le lien « Space and Time ».
A ce moment-là, Edith en boucle dans les oreilles, et après m’être fait plaisir avec une demi-heure de recherches sur Savonarole, je sais. Je sais que je ne sais pas. Mais je ne peux pas ne pas. Alors je laisse tel quel et je retourne me coucher. Parce qu’il n’est pas encore 8 heures et que je peux grapiller encore quelques dizaines de minutes de « repos ». Mais en me levant, je sais. Je sais que je sais.
Je retourne sur ledit commentaire, j’efface et je copie/colle uniquement le texte.
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Comment j’ai fait pour ne pas le voir avant ?
4000 caractères. C’est largement suffisant. Je sens que je vais m’amuser l’année prochaine…