feues

 

 

ce collage de bleus (dû à Christine Jeanney, qu’on remercie) dédié à cette femme magnifique qui disparut hier, 28 décembre 2023

le trouble c’est qu’elle n’en fait jamais, cette garce, de trêve – je ne la nomme même pas – il y a quelque chose avec elle qui fait qu’elle est tellement usitée, utilisée, usée par des hommes que ce devrait en devenir un mot masculin (ils ont pour elle quelque chose de l’adoration) – ça doit exister en certains dialectes (outre-Rhin, je crois bien) – ça ne veut rien dire non plus, mais un petit peu quand même – ôtée à notre affection par la grâce du temps qui passe ou par quelque imbécile trop imbu de lui-même (un type crie dans la rue, sort un schlasse ou un surin c’est comme il veut, comme il peut, un marteau, des cris des gestes – elle, elle est là et lui est fou – cinglé tordu endolori mais toujours en vie – il regarde passer le monde, il est déclaré fou, il n’est pas responsable) : je m’égare, je ne voulais parler que de la disparition des êtres chers – ce n’est pas que je l’aie tellement connue, d’ailleurs, deux fois vue, deux fois simplement – tu sais ça n’a pas d’importance, les gens sont un peu comme les choses, ils s’en vont (il n’y a pas de féminin à gens – non plus que de singulier) (un jour, je n’ai pas osé, je n’ose guère ces choses-là – un jour avec l’Employée aux écritures nous étions au pub Gay-Lussac, le café normal, il n’y a pas deux ans, et elle, Catherine, elle elle était là avec quelques autres, un critique de cinéma je me souviens, et non, je n’ai pas osé aller la saluer) (que lui aurais-je dit ? « vous vous souvenez de mélico ? »…) (non, je n’ai pas osé) –  je garde au souvenir son rire formidable, un peu comme celui de Marceline (que j’ai manquée, d’ailleurs, lors de sa venue pour la présentation des films de son mari – je l’ai manquée – pourquoi, dirait Bashung, tu la visais ?) – il s’agit de deux êtres que j’aime toujours car, comme disait (et dit toujours) le poète, le temps ne fait rien à l’affaire (la suite de cette chanson est dédiée au prince de la pertinence qui, dans son infinie prescience, a décidé de la disparition du support grâce auquel (justice en est ici rendue : merci pour tout) l’occasion m’a été donnée (ainsi qu’à mon amie, Hélène Clémente) de rencontrer ces personnes qui sont gens du livre).

Une quinzaine (il en manque dans l’image), quelques années de travail quand même – je me souviens de ce qu’on disait (le « on » restera indéfini) : « ça va rester dans un tiroir » – croupir ? je ne sais pas – on dit ça aussi des études « elles vont rester sous une armoire » – les conditions sociales de production de ces entretiens (dont je garde toujours les sons, quelles qu’elles soient) font qu’on ne peut guère les diffuser – je suppose, je n’ai pas de juriste sous la main, non plus que de contrat ou quoi que ce soit d’autre de ce genre – je ne dispose que de ma mémoire

et du disque dur qui a réchappé de l’incendie d’il y a huit ans – tu vois, ça se passait en avril 2008 – montage son/retranscription – quinze ans – mise en place, rendez-vous, comment tu fais ? – je me souviens d’avoir manqué ce rendez-vous coin esplanade des Invalides/boulevard Latour-Mauboug – je ne me souviens plus du train, mais de la librairie, oui – la salle du haut, celle du sous-sol – c’est égal, les temps (eussent-ils été « modernes ») sont passés (mais ils sont toujours modernes), et aux orties ces paroles, ces mots, ces idées qui devaient (qui doivent et devront) durer – blessante était la manière d’affirmer que ces travaux ne méritaient pas d’être poursuivis; idiot était le ressort de ces actes; ça n’a rien changé au bonheur de faire exister ces paroles – la rencontre, si audacieuse – lire oui – une librairie est un comptoir, mais ce n’est pas simplement un tiroir-caisse – feue mélico – alors pour encore, et malgré tout garder au cœur la réalité des choses et des êtres, salut à vous

Catherine Martin-Zay

Happé

 

 

 

il y aura toujours les chansons
j’espère
je lisais le journal, attablé, œuf mayo salade verte
la salade verte, avec l’œuf et sa mayo c’est tout un
j’écoute dans le poste cette petite merveille
je me prépare à assister aux leçons de Claudine Tiercelin
Métaphysique et philosophie de la connaissance
ce sera pour février si jamais il arrive
tu sais toi, de quoi ce sera fait
demain ?
parfois je me dis « tiens je vais en parler à… »
ou alors « il faudra que je le dise à quand je le verrai… »
il n’est plus
non, des fois la vie est con
des fois, belle
ce matin par exemple

il y a cette chanson qui tourne

Tu vois ce convoiQui s’ébranleNon tu vois pasTu n’es pas dans l’anglePas dans le triangle
Comme quand tu faisais du zèleComme quand j’te volais dans les plumesEntre les dunes
Par la porte entrebâilléeJe te vois rêverA des ébats qui me blessentA des ébats qui ne cessent
Peu à peu tout me happeJe me dérobe je me détacheSans laisser d’auréoleLes cymbales les symbolesCollentOn se rappelleOn se racolePeu à peu tout me happe
Les vents de l’orgueilPeu apaisésPeu apaisésUne poussière dans l’œilEt le monde entier soudain se trouble
Comme quand tu faisais du zèleComme quand j’te volais dans les plumesEntre les dunes
Par la porte entre-bailléeJe te vois pleurerDes romans-fleuves asséchésOù jadis on nageait
Peu à peu tout me happeJe me dérobe je me détacheSans laisser d’auréoleLes cymbales les symbolesCollentOn se rappelleOn se racolePeu à peu tout me happe

j’aime beaucoup ce
où jadis on nageait

je me trouve dans l’angle
dans le triangle
il faut bien tenir le cap
faire avancer le truc
La Maison
tu te souviens sa femme l’appelait la grande maison
elle va fermer
cinq ans durant
seras-tu là
qui saura jamais de quoi demain
sera fait

 

la chanson merveilleuse, Happe Alain Bashung avec Jean-Marie Fauque (ou l’inverse)

les images sont (c)MdBC – croquées plus que « rognées » par PdB

Radio cinéma

 

 

 

(il me semble bien que je l’ai déjà fait, ce plan avec Blow up) (c’est une émission que je regarde parfois sur youtube) (c’est que j’ai pas la télé) (c’est quand même dans le salon que ça se pose ce genre de truc – quoi que la radio, c’est plutôt un peu n’importe où) (partout en réalité) ( et surtout ça laisse un peu les mains et l’esprit libre) (on peut faire autre chose avec les yeux je veux dire) (ça n’engage à rien) (c’est la radio) (bon ça va comme ça) cette émission parle de la radio au cinéma – j’ai pris quelques unes des images (y’en a 9, mais ça ne fait que 8 films) (il s’agit d’une émission de montage un peu comme ce que fait le Président Pierre Ménard Liminaire tous les quinze jours, si j’ai bien compris) parce que j’aime les films qu’elles me remémorent – on fait ce qu’on peut – et que j’aime bien parler de cinéma – c’est ce que je fais ici, de temps à autre, le mercredi, ça nous change un peu – peu importe, c’est le printemps – ce n’est pas que je sois désespéré tu comprends bien, mais enfin quand je vois et j’entends que les plus grosses fortunes du monde donnent un peu de monnaie pour reconstruire un bâtiment brûlé, je trouve ça merveilleux, certes, mais fiscalement très avantageux pour elles – ce qui fait que j’étais déjà assez malheureux comme ça, mais que ça continue et que j’en ai ma claque de cette façon de faire des grandes fortunes sur le dos de qui, je te/me le demande) laisse, et commence (l’image d’entrée : Sacrifice Andreï Tarkovski, 1986)  ici c’est un film de Costa Gavras, « L’aveu » (1970) (il y a Yves Montand aussi) (les guillemets pour les titres des films, c’est une habitude ou une obligation, me demandé-je fréquemment)

c’est Simone Signoret (nostalgie mais je me suis trompé, en réalité, je me disais c’est « l’Armée des Ombres » (Jean-Pierre Melville, 1969) – mais non, je ne crois pas – c’est difficile à dire – là une image de ce film merveilleux (je le croyais en noir et blanc, mais non) (sans compter les majuscules aux titres, alors là)

L’ARMÉE DES OMBRES

ça ne fait rien, je continue mon exploration (exploitation) de cette émission, et je tombe sur ce DJ aveugle nommé Super Soul qui guide Kowalski tout au long du film – Kowalski, ex-pilote de course, qui doit convoyer une voiture traverse du nord au sud les Etats Unis (« Vanishing Point », Point limite zéro en français, Richard C. Sarafian, 1971) (un de mes films favoris quand j’avais 20 ans) (après ça s’est tassé) (mais je ne l’ai pas revu depuis – ça veut dire « Point de fuite » si tu traduis le titre d’anglais en français)

je me souviens (j’aime me souvenir) de Robin Williams (il s’est tiré, lui) (Simone et Yves aussi, tu me diras) (pour Clivon Little qui joue le DJ, on me dit aussi) Robin Williams donc qui crie « Gooooood Mooooornig Vietnam !!! » ce que j’ai adoré cette façon de dire merde à l’uniforme, l’armée, l’imbécilité, tu te souviens ?

avec ce sourire, cette joie de vivre – et la guerre… – ce sont des films qui restent, ils sont là, un peu comme les images dont on rêve, moi j’ai cette impression, un peu aussi comme certaines musiques, certaines chansons tout autant, des choses qui sont là, qu’on entend, qu’on écoute et qu’on regarde (là, c’est Shock corridor  Samuel Fuller, 1963) c’est pas dans l’émission, mais tant pis

) c’est là, un pli une lettre une enveloppe, c’est à l’intérieur de nous – ça nous accompagne, ça nous rassure et ça nous aide parce que le monde réel est si présent aussi, on veut s’en détacher un peu – je me souviens de cette image de Michel Piccoli dans « Habemus papam » (Nanni Moretti, 2011)

ou celle-ci

ce pape qui refuse l’uniforme – se battre, peut-être – à nos âges ? – j’aime ces histoires-là – ici j’ai pris cette image

pour me souvenir que Georges Perec faisait du cinéma, ça me réconforte – je me souviens aussi de Robert Bober, et de son film (Récits d’Ellis Island, 1979) et aussi de son « En remontant la Villin » (1992) dix ans après la mort du Georges – adaptation et dialogue

« Série noire » (Alain Corneau, 1979) non pas que l’artiste (je ne sais pas les comédiens, les acteurs sont-ils des artistes ? je ne sais pas) Patrick Dewaere me soit quelque chose pourtant, mais dans ce film-ci, oui, c’était l’année du début des études de cinéma – oublier, reconnaître, le monde tourne – sans doute quelques regrets – mais ils ne me sont de rien – ici un vieil homme

« Umberto D » (Vittorio de Sica, 1952) déchirant (Carlo Battisti…), je ne sais plus ce que fait ici cette image, peut-être vient-elle d’ailleurs, mais c’est l’Italie qui revient de tellement loin – l’Italie, oui – ces temps-ci elle semble retourner vers ces démons – je préfère aller au cinéma, c’est vrai –

cette image-là, où Charlie Chaplin se rend compte que la dictature et la démocratie empruntent les mêmes voies (les mêmes voix : celles de la radio) et ce désespoir qui se lit sur ses rides (Le Dictateur, Charlie Chaplin, 1939) – la conscience ne suffit pas, il nous faut l’action aussi : alors faire, et encore et continuer…

Pour finir comme il faut, cette image de Christopher Walken (un des acteurs fétiches du chroniqueur) qui danse dans ce clip d’un DJ (clip réalisé par Spike Jonze – ici à regarder – réalisé en 2000)

il dort, puis se réveille en rêve puis danse et se rendort… Et il se réveille parce que bien sûr et d’abord, sans doute peut-être, je ne sais pas bien, mais la radio diffuse de la musique  (première à éclairer la nuit…)…