On dira peut-être qu’il s’agit toujours de la même vieille histoire (always the same old story) puisqu’une jeune fille épouse contre son gré un homme riche mais qu’elle en aime un pauvre. La jeune fille (Mama Sané tient le rôle d’Ada)
et le jeune homme pauvre ( Souleiman, interprété par Ibrahim Traore)
Cependant (outre qu’on se demande qui peut bien être ce « on » qui ouvre ce billet, sinon un gardien de quelque originalité triviale), il y a plus qu’une histoire d’amour dans ce film (primé à Cannes cette année, avec le Grand prix – tourné avec des acteurs non professionnels (mais qui le sont devenus, de fait) – doté d’une grande force et d’un grand courage quand même).
Il s’agit de donner une forme à un moment de la vie du pays et, particulièrement de sa jeunesse.
Une tour pyramidale et noire qui symbolise le devenir d’une certaine Afrique (et qui ne verra jamais le jour…) et d’un certain pays.
C’est cette tour le véritable fantôme du film – même si elle ne compte que peu dans la narration. C’est par elle que les jeunes hommes se révoltent
et qu’ils s’en vont (vers l’Europe) : leur voyage se solde par leur mort. Alors les filles se retrouvent seules
Sans qu’on sache très bien dans quelle circonstances, la nuit, les filles se lèvent et marchent.
Il y a quelque chose de merveilleux dans cette nuit – mais quelque chose de la terreur aussi, ou de la mort qui revient hanter les vivants. Il y aura un grand vent
Puis lors du mariage d’Ada (c’est elle sous le voile noir)
un feu prend dans la maison des nouveaux épousés sans qu’on puisse savoir pourquoi. Plus tard, un autre feu détruira la maison du promoteur de la tour. Un jeune commissaire sera nommé pour résoudre l’affaire (Issa, interprété par Amadou Mbow)
mais lui aussi sera pris
Une espèce de sort s’est emparé des êtres et des rêves
et c’est aussi pour qu’il existe que vient ce billet (*).
Mais surtout, toujours proche, toujours présent
l’océan qui donne son titre au film mais qui a pris la vie des êtres aimés.
S’il manque peut-être une dimension magique à l’image, le film tient bon et nous emmène avec charme et grâce vers un dénouement fin et élégant (on pense à Cocteau et son Orphée, les miroirs ici aussi mentent, les ombres portées et les musiques suggèrent, les acteurs – notamment les seconds rôles – nous emportent). Une réussite très prometteuse (il s’agit du premier long métrage de Mati Diop).
Atlantique, un film de Mati Diop
(*) il faut lire à ce propos le magnifique ouvrage de Jeanne Favret-Saada, Les mots, la mort, les sorts.
Beau, oui oui oui
(je note le titre du livre pour aller le commander dans la librairie de chez moi ce matin au fait)
oui… désir de voir, sentir, il faut ou il faudrait que j’y cède
il y a tout de même les morts, dans les filles aux yeux aveugles et dans les crises de l’inspecteur, dans les djins que veulent conjurer les marabouts
@brigetoun :mais oui,les sorts sont lancés jetés efficaces… (alors vous y avez été ? bravo !)