Je le sentais depuis longtemps qu’elle n’avait pas beaucoup d’atomes crochus avec son beau-frère mais, à ce point-là, je n’imaginais pas. Mon frère jumeau, elle pourrait tout de même essayer de lui faire meilleure figure. Une période d’essai de deux mois dans le coin, on n’allait pas l’obliger à payer l’hôtel ou à louer un gîte mal chauffé alors que notre chambre d’amis lui tendait les bras. Déjà que son divorce lui coûte cher. Et c’est bien qu’il essaie de redémarrer un nouveau boulot ailleurs, de refaire sa vie sur de nouvelles bases, plus près de nous. Mais faut la voir lui tirer la gueule ! J’en suis gêné. Le frérot, c’est la moitié de moi. Jalouse mon autre moitié ? Trois moitiés sous le même toit c’est trop. Deux mois c’est pourtant pas la mer à boire, et puis avec les heures qu’il se tape au boulot il ne fait vraiment qu’y dîner et dormir chez nous, et en semaine encore. Mais plus les semaines passent plus les dîners sont pénibles. Je fais la conversation à moi tout seul : elle le nez piqué dans son assiette qui lâche pas une parole, lui crevé, qui pense tout le temps à son môme. Et quand il le rejoint, le week-end, toutes les réflexions qu’elle balance : « ton frère est encore parti en laissant la télé de la chambre d’amis en veille », ton frère ceci, ton frère cela… Plein le dos. Au point que je me demande si c’était une si bonne idée finalement de lui proposer cette chambre. Et je ne sais plus trop quoi lui souhaiter au frangin : parce que s’il le décroche le job, il lui faudra bien un ou deux mois pour dégoter un logement dans ses prix et s’y installer. Moi je ne le mettrai jamais à la porte mais j’en connais une qui n’a pas fini de faire la gueule. Mais si au bout de sa période d’essai le boulot c’est niet il ne sera pas beau non plus à voir le frérot.