Quand je vais les voir, j’aime encore mieux me payer l’hôtel. Au moins je dors en centre ville – enfin tout est relatif, c’est un trou. Evidemment, il faut qu’ils m’y conduisent et ça ne les réjouit pas de ressortir une voiture. Les trois-quarts du temps leur porte automatique de garage déconne : je ne sais pas comment ils supportent toutes les malfaçons de leur maison. Je vois bien que derrière leur souriant « mais bien sûr Tantine, quand tu voudras te coucher, tu nous le dis, on t’emmène » ils se font des signes (pas si discrets) pour savoir qui s’y colle, elle ou lui ? Le bus qui passe toutes les heures dans le lotissement s’arrête à 20 heures et j’ai beau avoir l’âge que j’ai, je ne me couche pas comme une poule. La première fois, j’ai dû trouver une excuse : mes neveux ne voyaient pas pourquoi leur chambre d’amis ne me convenait pas « idéale pour une célibataire, juste à ta taille, fais comme chez toi ». Ils insistaient lourdement. Je leur ai dit que je me levais quatre fois par nuit et que je réveillerais toute la maisonnée. Les bruits d’eau, la lumière pour atteindre les toilettes à l’autre bout du couloir. Des mètres carrés, ils en voulaient, ils en ont, mais une chambre d’amis sans sa salle d’eau, c’est mesquin. J’en ai rajouté : ma vessie tient encore très bien le coup, merci. Ce que je ne supporte pas du tout chez eux c’est qu’au bout du couloir, là où est relégué l’ami au singulier, leur wifi n’arrive pas. Pas comme dans les chambres de l’hôtel, qui n’a pourtant rien d’un palace, où la wifi fonctionne cinq sur cinq. Je commence à y avoir mes habitudes : mes neveux m’invitent régulièrement, des invitations à crédit différé escompté, si vous voyez ce que je veux dire. Quand j’aurai cassé ma pipe j’espère au moins qu’ils arriveront à revendre leur baraque et à se payer un appartement digne de ce nom dans le vrai centre d’une vraie ville. C’est tout le mal que je leur souhaite.
Catégorie : chambre d’amis
Chambre d’amis mais
S’ils veulent garder leurs amis ceux qui vivront là n’ont pas intérêt à leur proposer de rester dormir. Je leur donne un seul conseil : servir avec modération, que tout le monde ait les yeux en face des trous pour reprendre le volant après le dîner. Et se tirer d’ici, rentrer à Paris. Vraiment trop nulle, leur « chambre d’amis ». L’architecte n’a jamais dû voir la couleur d’un prix de camaraderie quand il était petit. Un prix de dessin, pas dit non plus. Même pas sûr que la pièce fasse 6 m2 – carré façon de parler, elle tire sur le losange – va la meubler. A la rigueur recevoir les amis un par un mais bonjour l’ambiance. Enfin, tout seul dans un lit de 120, ça va encore. Le lit de 120 pour donner l’illusion qu’il est double : vieux truc des maisons témoins aux chambres trop petites. On me la fait plus celle-là, j’en ai trop vu. Chambre d’ami au singulier : je leur biffe le S sur la porte en sortant. Encore un samedi après-midi de foutu.