Dans la boite aux lettres

 

 

 

« Une femme dans chaque port » pourrait tout aussi bien convenir comme titre à ce film (1983, Alain Tanner) mais ici le port est  la ville, blanche dit-il, une sorte de personnage.

(Moi ce que je préfère, ce sont justement ses couleurs-passées, pastelles- les céramiques de ses façades, l’eau un peu éparse mais si présente. C’est elle, mon personnage, mais elle n’est pas ici exactement comme je la connais).

L’homme est arrivé en bateau

cassinca

sur le Tage vers la ville, il passera sous le pont du 25 avril (les oeillets de 1974, tu sais bien), l’homme s’arrêtera dans un bar, qui fait aussi pension/hôtel, non loin des tramways

vous êtes fou aussi ?

une salle où les aiguilles de l’horloge tournent en sens inverse : l’histoire, la jeune femme (elle sert au bar, elle nettoie les chambres, elle ne couche pas avec des inconnus), le lieu, le balcon qui donne sur l’estuaire (chambre trois cent quatre), la gentillesse des autochtones, la ville qui se laisse approcher, prendre par les rires, la joie, ses escaliers et ses descentes, au loin les linges aux fenêtres, au loin les marchés aux poissons, le pont

vers le port

on voit bien, on s’aime on se prend on se laisse on se termine on s’oublie, une histoire comme dans chaque port mais un rythme heureux peut-être est-ce ce Paul (Bruno Ganz)

sur les quais

qui tout à l’heure, à la nuit, pour quelques dollars, prendra un coup de couteau, s’en remettra (ici il suffit de passer le pont, c’est avant, c’est tout se suite l’aventure)

sur le pont

qui comme à une étape ici s’arrête, écrit au loin à sa femme probablement (sa? qui peut savoir connaître accepter ce possessif ?) (femme ? épouse ? compagne ? dans quel port du Rhin vit-elle ? où est-ce à Hambourg, ni gris ni vert comme à Oostende et comme partout ?) à qui il écrit, à qui (voilà trente deux ans) il envoie des selfies animés, vers qui (sans doute probablement qui sait ?) il retourne par la gare, la gare de Lisbonne qui de l’intérieur ressemble à n’importe quelle autre gare

la gare de Lisbonne

et elle, à sa fenêtre longtemps avant la fin de ce film lent beau lourd contemporain mais déjà démodé, elle qu’on ne reverra plus (« elle s’est envolée » dira son patron), elle Rosa qui dit « non »

à la fenêtre

sa maison, est-ce sa maison (« c’est tout petit chez moi » dit-elle – Teresa Madruga), on ne sait, une sorte d’arrêt, une manière de pause, une attente, une vie à filmer, à écouter, à entendre et pour le reste, une ville, serait-elle blanche, dont l’âme, à tous les plans, bat

 

 

« Dans la ville blanche » est une production helvetico-britannico-portugaise – Paulo Branco/Alain Tanner en producteurs exécutifs.