Carte postale d’ailleurs d’ici de ci de là

 

 

 

 

il y a dans cette maison[] quelques vues d’ailleurs parce que l’atmosphère à Babylone est assez irrespirable – ouvrir les yeux, fermer la télé, la radio, l’ordinateur – débrancher le zoum – oublier les accidents, les Birman.es et le reste du monde (les phynances étant ce qu’elles sont, on a cessé d’acheter le journal on n’a pas renouvelé l’abonnement on est dans un sale état mais ça reste confiant en l’avenir – on attend de pied ferme (comme on dit) le client – il n’y a cependant personne sur le rond-point, personne sur la pelouse légèrement pelée et personne à l’agène-da)

ce sont images du bout du monde (enfin de quel monde, je ne sais pas – du côté de Fairbanks, Alaska) ici il fait encore assez paisible – là c’est le même endroit (pratiquement) mais à une autre époque de l’année

il faut bien que je m’éloigne un peu – c’est que la vie n’est jamais simple – je ne me plains pas je constate – ici une espèce de contre champ en plein jour

ça nous change un peu – il fait beau comme ici – il fait froid semble-t-il – les millions et les millions d’individus qui œuvrent, actent, vont viennent – empêchés par cette saloperie de virus – je lisais des  articles sur l’Inde (l’abject personnage qui s’y complaît), sur la Turquie (même constat) – je vais avoir du mal mais tant pis, j’essaye : outre la promenade (j’y suis l’obligé de Olivier Hodasava, pour son Dreamland), quelque atelier où on va se souvenir de la naissance du grand Charles (pas celui-là, enfin comme disait l’un de mes oncles « je me comprends ») c’était au temps où on mangeait au resto U (Mabillon, ou Albert Châtelet) – désargentés (un soir de Noël nous y trouva) et on passait par la rue Jacob sur cette petite placette (innommée encore crois-je)

(cette image d’Atget Eugène date de la fin du siècle dix-neuf de cette ère il me semble) à peu près du même angle, celle-ci de l’année vingt de celui-ci, de siècle

sans doute a-t-on détruit quelque construction, gauche cadre – on y a planté des arbres – l’hôtel du Maroc où séjourna Baudelaire un moment, c’est la porte bleue – on passait par là (le palmier, premier plan, les deux peupliers)

(le tout petit troisième, à gauche) on allait à la table d’Italie (elle n’existe plus, un peu plus haut dans la rue)  (au six neuf) qui se tenait dans cette officine

poissonnerie (le cadre de la vitrine a été conservé) – ça a toujours été un endroit pour friqués même si on y croisait Albert Cossery sapé comme un prince – ce carrefour

où croissent trois ou quatre arbres

et cette rue de galeristes – il y a celle-ci, dans les noirs (dont on parlait ici)

il s’y trouve toujours ce souvenir

un jour, j’avais la mission de céder une reproduction originale (j’aime beaucoup cet oxymore) (signée, numérotée, sous cadre « dans son jus » m’avait dit un expert d’Artcurial, une galerie assez huppée du bas des Champs-Elysées, installée dans l’immeuble du canard appartenant à l’avionneur ami des chefs d’état (son petit-fils, je crois, vient de décéder dans un accident d’hélicoptère – celui qui a pêché par les armes…) quelque part, en bas de la rue, je crois bien que c’était là

(gauche cadre, avec un chapeau, elle passe) je tenais cette œuvre de mon oncle italiano-lybien qui produisait vins et huiles d’olives (le tableau était-il dans le salon au miroir vénitien, je ne saurais te le dire) en Tunisie – puis il en fut plus ou moins chassé, s’installa donc en Italie – le tableau était-il au mur du salon, là où, sous le miroir en forme de soleil, on s’asseyait dans des canapés de cuir blanc, je ne sais pas le dire non plus – mais regardant cette rue (elle est de Seine) est apparue dans une vitrine cette représentation

laquelle est, pour moi, récompense

 

billet en dédicace à CE., pour marquer (or donc) le bicentenaire de la naissance de Charles Baudelaire (et à l’atelier d’écriture initié par François Bon)