177/365 (série II), collage d’André Jaune sur son site : Découpures, décalages
Catégorie : Hors les murs
Prémices
Un pré en bordure d’un bois. Identique à lui-même sauf les variations de couleurs en traversant les saisons. La neige qui lisse les contours. La pluie qui s’accumule à former flaques et mares. Décor sans drame. Un ligne de pas de part en part. Un cadavre de corneille. Les cônes de terre remuée d’une taupe. Un ruban de nombres, jaune, déroulé. Des bras tendus dans plusieurs directions avec des mouvements de balayage. Une pelleteuse.
Chapitre I
Oui, cela pourrait commencer ainsi, ici, comme ça, d’une manière un peu lourde et lente, dans cet endroit neutre qui n’est plus tout à fait la rue mais pas encore la maison. Oui cela commence ainsi devant le cinquième pavillon du lotissement des platanes. Une femme est en train d’allonger le bras vers le portail. L’autre bras, le long du corps, est prolongé par une feuille de papier dépliée, sur laquelle est inscrite la liste des visiteurs présumés pour les prochains jours. Dans presque deux ans W.M mourra ici. La femme qui se tient devant l’entrée de la maison témoin est une employée qui s’occupe des visites. Elle récitera tout à l’heure son compliment et répondra sans réfléchir aux questions qui lui seront posées. W.M n’est pas encore entré dans ces pièces où il passera les deux dernières années de sa vie, il n’a pas encore accroché dans l’entrée, face à un miroir, ce tableau dont il ne dira rien à quiconque et qui représente trois corbeaux sur un paysage sombre. Nul n’a lu le titre du tableau: quatre corbeaux. W.M n’est pas encore mort, et la vengeance qui l’emportera, patiemment et minutieusement ourdie, n’a pas encore été ourdie.