C’est l’histoire d’une soeur et d’un frère (elle est là qui sourit, il est là qui sourit aussi)
Tous deux perdent leur mère (la vie, c’est comme ça, elle s’enfuit parfois rapidement, parfois sans qu’on le sache, elle s’enfuit et quand elle est partie, nous sommes là, à l’avoir regardée, aimée, perdue et nous ne serons plus jamais comme avant)
Le frère cesse de travailler (il sourit, il sait, il arrête : pourquoi ? c’est une des (nombreuses) énigmes du film). La soeur, elle, continue, continue à tourner (elle réalise un film, l’histoire d’un type qui fout à la porte les trois quarts des salariés d’une entreprise de papier à ce qu’il m’a semblé), c’est un film magnifique sur l’histoire du cinéma, sur comment on fait du cinéma (un peu comme dans « La Nuit américaine » (François Truffaut, 1973) avec un amour du cinéma en plus : la nuit ici est vraie, vraie comme au cinéma…)
(le patron, incarné par John Turturo, qui fait semblant de conduire ici, burlesque et excessif, sans mémoire de son texte mais tellement affectueux) ; on est embarqué, on avance sur ce chemin (on connaît la fin, on connaît toutes et tous la fin), c’est Rome, Nanni Moretti, Margherita Buy, ce sont ces acteurs-là dans ce décor-là (il fait froid, il fait tellement froid, parfois, dans cette maison) la mère était professeure de latin, mais professeure aussi de savoir vivre (deux de ses élèves, à la fin, s’en souviennent), trois générations, moi je serai plutôt de celle du milieu (je pense à ces mères qui se trouvent au lit, établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, leurs maisons désormais vides, les objets et les photographies -qu’est ce qu’on va en faire, des photographies, dis ? et que faisons-nous de ces vieilles gens, nos propres parents, relégués dans ces non-lieux ?), une autre merveille du cinéma bien sûr, de la drôlerie, au titre (« Ma mère« – on ne traduit plus, non, c’est inutile) italien (enfin l’Italie qui donne un euro à la culture à chacun des euros dépensés pour lutter contre le terrorisme : vous je ne sais pas, mais moi je me demande ce que font Fleur, François et Manuel pour la culture mais je sais très bien, aussi, ce que ferait l’ignoble – je dis ça parce que c’est dimanche, qu’il est tôt et qu’on a des choses à faire), les pleurs pour ceux qu’on a perdus, partis, on ne les oubliera pas, non, mais enfin ils ne seront plus là, on n’aura plus à la paume la chaleur de la leur… Margherita et sa mère, quelques pleurs, rejoindre une gare d’autobus, parler avec son ex-amant
nuit noire, mais y aller quand même. Y aller et rire.
J’approuve à 100 %… film merveilleux qui nous balade constamment entre ce rire et ces larmes… avec l’autre personnage encore de ce film, Livia, la jeune fille de 14 ou 15 ans, ado normale (donc casse-pieds) mais si gentille avec sa grand-mère, il faudrait tout noter, Nanni Moretti dans le rôle du frère, en retrait mais présent, recadrant sa sœur quand elle perd pied, on est tous ceux-là, la vieille dame qui ne veut pas aller à l’hôpital puis pas rentrer à la maison, le frère et la sœur paumés avec leurs problèmes de travail et leur solitude, Livia avec son chagrin d’amour, et les ouvriers de l’usine qui scandent « Du travail pour tous », et tous ceux qui bossent pour le film, the show must go on, etc.
Je me demande si un homme aussi parfait que ce frère peut exister quelque part sur la terre et je me suis aussi demandée si ce frère dans le film n’incarnait pas seulement le désir de la réalisatrice, qu’elle peine tellement à faire comprendre, de voir ses acteurs à côtés de ses personnages. Le frère et la réalisatrice ne feraient qu’un… lui n’existant pas dans l’histoire (je ne sais pas si je suis claire – mais j’aime le film).