épisode 10, la première de ce côté-ci de la mer

 

 

 

Il s’agissait certainement d’une maison de rapport conçue par un architecte de style (c’est le cas de le dire) rapport qualité-prix, elle comportait deux étages et ces deux étages étaient dédiés chacun à un appartement indépendant – l’histoire ne m’a pas dit la raison de la réunion en un seul lot, mais peut expliquer le doublon de garages ainsi que celui des cabinets (une chose trouble cependant (on aime assez le  » trouble » ces temps-ci, dans le monde, tu as remarqué ? je crois qu’il fait une part à « l’inquiétude » aussi – il est des impondérables que les plus subtils des technocrates que porte la planète ne peuvent parvenir à maîtriser expliquer ou comprendre)  : si tel était le cas, où pouvait bien se trouver la salle de bain du premier étage ?)

 

 

il y a quelques images qui traînent depuis un moment (on aurait pu les mettre en camemberts comme on faisait à cette époque-là, dans un certain monde) (des diapositives, comme chez Y.) – un peu comme les différentes séries mises en place, photographiées collectées rangées taillées archivées – si tu veux je peux aussi déployer par exemple reconnues cadrées éclairées jour ou nuit plein de trucs qui font que l’image fait son petit – ou son gros d’ailleurs, tout aussi bien – effet mais là elles ne sont pas d’un opérateur humain, industrielles probablement les qualifient mieux, une image

je la cadre différemment : ici pour pour poser un peu de couleur – j’aime les couleurs (il n’y a que de la lumière, mais j’aime la lumière tout autant) – à ce moment-là de l’histoire, il y a ce mur de briques contre lequel rebondissent mes balles blanches donnay ou quelque chose (une marque quelconque de ce genre d’objet – raquettes chaussettes basketts) (souvent en y repensant – j’avais dans les treize ou quatorze j’imagine, je faisais comme les gars du coin*, du tennis à quelques rues de là – attends je te montre où

encore qu’il y manque les chaises d’arbitre – mais je m’égare) – non, mais en y repensant, le tennis, pour un type comme moi ? je veux dire asthmatique – parce que pour le reste, classe sociale par exemple, ou paiement des cotisations, bien qu’ils ne roulassent pas sur l’or, mes parents y pourvoyaient et donc y appartenaient (ou voulaient, par là, le signifier) – si ma mère ne travaillait pas comme le voulait alors cette domination, mon père avançait en promotion hiérarchique dans le bazar (il devint cad-sup fin des années soixante, en dix ans le brave homme partant de celui d’employé-gratte-papier début soixante (poste qu’occupât l’aîné de ses fils durant un mois de juillet, une année) – une histoire à raconter), et donc il vivait (tout comme sa famille du reste) dans cette maison-là (c’est-à-dire avec sa femme et leurs quatre enfants)

(j’aime le format carré) (j’aime moins le blanc de ce ciel, qui peut virer au gris pour toute la journée semaine quinzaine…) (la similitude des tons est faite du pilonnage de la brique pour en faire cette terre battue des cours de tennis) trois étages plus un sous-sol dit complet (j’en sais rien) de l’autre bord elle avait à peu près cette allure

les quatre fenêtres rectangulaires qui encadrent la gouttière et marquent le coin indiquent la cage d’escalier; plus loin vers l’arrière, les deux petites du premier et du deuxième étage éclairent deux cabinets de toilette (aka d’aisance, ou chiottards, ou chiottes enfin relatifs à certains besoins nécessaires et triviaux comme on dit); au premier étage, la première porte fenêtre donne sur le salon dit vert (petit, on ne fait qu’y passer, on y installera plus tard le téléphone – noir à cadran), la seconde sur la cuisine; au second, la petite fenêtre qui jouxte celle du cabinet donne dans la salle de bain (tu suis, hein) et la fenêtre à peu prés normale, dans ma chambre (dite elle aussi verte au début : sans doute de la couleur du papier peint); au troisième le chien assis de grand empattement dans l’une des chambres des filles – mes sœurs, certes) – on recommence de l’autre côté ?

deux garages, au dessus les trois fenêtres ouvrent dans le salon et salle-à-manger – laquelle communique avec la cuisine (le salon avec le petit salon vert – double porte) – au dessus les deux premières, la chambre de mon frère qui fait angle (on la partageait lui et moi au début puis on a cessé) – la fenêtre du fond, la chambre des parents – au dessus l’autre chien assis chambre de mon autre sœur – (de petites lucarnes donnaient dans des greniers qui ont sans doute été aménagés depuis ) (la maison ne reposait pas sur cet orange assez minable) – les petits carreaux (trois rangées  de huit, plus la petite bouche grillagée d’aération, marquaient un piécette de rangement quelconque (on s’en servait au tout début comme d’une espèce de garde-manger dans lequel ma mère avait l’ambition de conserver quelques bouteilles de coca (immédiatement vidées) ou fanta (même punition/motif) d’autres choses rapidement consommées) (il y eut à un moment une velléité de faire livrer des trucs mais elle a arrêté assez vite)

sans souvenir de cette armoire devant la bouche (mais au dessus, sur le mur dans la fin des années soixante un graph marqué « crapule bourgeoise » sur les briques indiquait une présence des fachos d’ordre nouveau dans le sillage de certains agissements plutôt anarchistes de ce côté-ci de l’histoire)

–  nous n’avions accès qu’au seul premier garage (l’autre est indépendant), lequel débouchait dans la cave où était entreposé le charbon qui venait par sacs et boulets qui arrivaient, fin soixante et peut-être un an ou deux encore, sur une charrette tirée par un cheval boulonnais magnifique – il y faisait en hiver un froid de terreur – puis on installa dans le salon un poêle à gaz – puis la chaudière fut changée en une qui marchait au fuel (fin des années soixante) – aucun souvenir de cette bouche de boite aux lettres (elle était en bas de la porte d’entrée, en effet

) – une image où elle n’est pas encore à cette place

fausse puisque les cinq vantaux formant les portes (articulées, on les tirait vers la gauche pour ouvrir le garage) sont de même dimension…

 

* : parfois le sentiment de ne pas savoir ce qui s’écrit – il y a tellement longtemps tu sais – un demi-siècle – comme si c’était hier – quelque chose de l’empreinte, ou de l’emprise, qui resterait là, têtu comme une bourrique – suivre pas à pas – le premier vélo, puis le demi-course puis la mobylette (bleu et banc) dont le désir dispose d’une date : mai 68 – d’autres choses, moins importantes, se déroulaient au monde – il y aurait aussi à mentionner les lieux où vivaient les amis (les gars du coin, donc), la maison où on m’a volé la montre que je tenais de mon père (que je regrette encore de l’avoir laissée sans surveillance, ou oubliée (lors d’une de mes premières nuits découchées – on disait ça « découché » pour ne pas avoir dormi dans son (petit) lit (blanc) sans en prévenir les parents – mais c’était plus tard et les contraintes et les disciplines étaient plus lâches) – celles des amoureuses d’alors, ou d’autres encore – ne pas savoir ce qui s’écrit et oublier d’y penser

 

 

une version un peu différente de celle-ci, qui sera dite de la maison[s]témoin est consultable en atelier d’écriture – cette première version a été titrée « faire la cuisine » et se rapproche d’une autre qui prend un peu place (de loin en loin, les choses changent) dans le projet « vivre » non encore publié ni ici, ni là.

 

 

3 réflexions au sujet de « épisode 10, la première de ce côté-ci de la mer »

  1. pourquoi dans tout cela qui me parle (même si n’avons jamais eu maison pareille) me parlent la vision des gars portant les sacs de charbon sur l’espèce de serpillière/sac de pomme de terre ou charbon posé sur leur épaule pour protéger tant bien que mal leur chemise, et le fracas des boulets qui se versaient sur le tas (ça c’était rue du Printemps à Paris)

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