Un tableau à déménager

Juste avant de déménager, j’ai pensé qu’il ne fallait pas que j’oublie de décrocher du mur de ma chambre ce tableau de Magritte (reproduction avec le titre lui-même « Not to be reproduced », 1937) afin qu’il puisse continuer à m’accompagner dans la nouvelle résidence.

Le jeu de miroir que cette image déroule m’a toujours fasciné. J’imagine qu’on en ferait maintenant un « selfie » de dos.

Ce qui est étrange, c’est que la même œuvre de Magritte peut être repérée dans le film intemporel de Georges Perec et Bernard Queysanne, Un homme qui dort (1974), quand le héros, joué par Jacques Spiesser, se réveille (séquences 1:36 puis 1:59).

J’avais oublié ce point du décor mais j’ai pu revoir récemment le film mis à nouveau en ligne par François Bon à l’occasion de son « atelier d’été 2015 ».

Dans la maison-témoin, je pense que Magritte a quelque chose à nous chuchoter sur l’envers et l’endroit des choses, leur surface et leur profondeur, la toile qui s’évade de son cadre.

Fumeur ou non fumeur ?

Fumeur M!ca Popovic_DH

(cliquer pour agrandir la photo)

Je m’étais posé la question en arrivant : pourra-t-on fumer dans la maison ? J’y pensais en regardant mardi soir les pipes d’André Breton posées sur son bureau au Centre Pompidou.

Il fut une époque où je fumais des cigarettes (avec ou sans marque américaine), je possédais même une petite boîte métallique pour rouler automatiquement celles qui étaient hors commerce, et puis du tabac Amsterdamer (je revois les pochettes bleu sombre), surtout à cause de son parfum, dans une pipe hollandaise en écume de mer avec un embout jaune.

Ici, va-t-on installer un coin « fumeurs » (La philosophie dans le fumoir, cela me plairait !), pratiquer une sorte de ségrégation comme elle s’est répandue partout maintenant, dans les cafés, les restaurants, les bibliothèques, les lieux publics – ne plus pouvoir allumer une cigarette dans une gare en attendant sa bien-aimée, quelle régression ! – les trains, les bus, les métros, bientôt la rue elle-même, et tout lieu dans la nature ?

J’ai donc décidé d’installer le tableau ci-dessus dans l’entrée (mais il pourra être enlevé après un vote en assemblée générale s’il pose un problème), il s’agit de l’œuvre d’un artiste serbe, Mića Popović, qui est exposé en ce moment juste en face du temple de la culture à Beaubourg.

Sinon, je verrais bien à sa place, pour calmer les opposants éventuels à cette idée fumeuse, une reproduction du Magritte sur lequel ce cher Michel Foucault écrivit une très belle analyse (Fata Morgana, 1973) :  Ceci n’est pas une pipe.