je commence ici une exploration du film (fleuve : 337 minutes, 6 époques) de Marco Bellochio (qui a été programmé sur arte depuis le 8 mars – et je crois en deux épisodes depuis hier – enfin depuis quelques jours) Esterno Notte – je les regarde, prends des images – ici un peu du générique où le »R » de Rosse peut-être est employé pour le titre
je les repose ici – afin que cette maison témoigne de l’évidence de ces moments-là (j’avais 25 ans, la vie bifurquait, mon monde et mon univers changeaient eux aussi – je ne m’en rendais pas compte) – il s’agit d’une vieille histoire, racontée (par un idiot, sans doute) des milliers de fois en Italie , qui a marqué ce monde-là – cinq morts ici, puis un sixième dans cinquante-cinq jours (pleine de cris de bruits, de fureurs et de sang) – les 6 époques évoquées sont centrées chacune sur les protagonistes de la narration, ce ne sont pas exactement des personnages mais ils sont cependant incarnés : la première met en scène Aldo Moro professeur et pieux elle se termine par son enlèvement (on pourra lire ici une espèce de compte rebours écrit par votre serviteur pour la revue DIRE, à paraître,dont le thème était ROUGE) ; la seconde plus centrée le gouvernement de l’époque (notamment Francesco Cossiga ministre de l’intérieur); la troisième le pape et les allées du pouvoir; la quatrième l’autre côté du miroir (côté brigades rouges) soit le couple formé par Adriana Farranda (du livre de laquelle (non traduit en français) le scénario s’inspire, pour partie donc) et Valerio Morucci; la cinquième centrée sur Eleonora Moro et sa famille; la sixième enfin comme épilogue de la tragédie. Ce découpage est une illusion : partout sourd l’enlèvement, les suites, les tractations, les mesures prises (ou plutôt abandonnées) pour retrouver et sauver Aldo Moro : on sait ce qu’il en a été…
Ce sont donc images prises dans le cours de l’exposition
plans de coupe (l’Italie, ses trois couleurs et le vent)
(zoom arrière)
la « machine à écrire » monument romain érigé en l’honneur de Victor Emmanuel le deux (roi (très moustachu – mais c’était à l’époque (1860 et quelques) la mode) d’Italie qui en permit la réunification), dit Il Vittoriano (en 1871, Rome en est devenue capitale) – musée de la réunification et tombeau du soldat inconnu…
Peut-être me faut-il présenter les divers protagonistes de cette histoire trouble. Du policier en charge de l’enquête
qui accompagne ici Eleonora Moro, la femme du président (il vient d’être enlevé et bientôt jugé par le tribunal du peuple)
Elle ira voir le pape (Paul six)
afin qu’il intervienne (elle est, comme son mari, pieuse et croyante). À ce pape donc qu’a connu Aldo quand il avait vingt ans et qu’il fréquentait les jeunesses catholiques de la ville où il étudia (Bari) – un ami presque d’enfance que ce Giovanni Battista Montini (il a vingt ans de plus qu’Aldo, c’est comme un père pour lui) : les voici tous les deux à l’image quelques semaines avant l’enlèvement
mais quelque chose ne va pas : Aldo veut, pour gouverner ce monde incontrôlable, faire alliance avec le diable en personne – lui-même – le communisme – « ce n’est que façade » essaye de plaider Aldo – Paul sixième (numéro 262 de la série qui aujourd’hui n’en compte que 266) ne l’entend pas et n’y croit que peu et voilà qu’on tue en pleine rue
l’escorte d’Aldo (cinq hommes,militaires ou policiers aguerris mais peu protégés eux-mêmes) et qu’on enlève Aldo – sans doute le pape alors se punit-il d’avoir tant demandé à son dieu et probablement même plus : ici une image du cilice qu’il s’inflige le saint père, sa sainteté ou comme on voudra le nommer
le ventre du souverain pontife, ensanglanté – punition antérieure à sa position dans les semaines qui vont suivre – trahir un ami (quand même cette action serait fréquente dans le monde réel) ne va jamais sans regret – pourtant le pape s’adressera au peuple (et aux brigades rouges quand même)
contrechamp à la cour vide
c’est que l’église catholique apostolique romaine donc tient une grande place dans l’imaginaire italien – français aussi, puisque ce pays en est la fille aînée – c’est un lieu, une disposition, un symbolisme, un univers auquel on croit dur comme fer – une institution riche financièrement aussi, tout autant que religieusement ou historiquement – Paul six porte la foi jusqu’à (faire) réunir une somme formidable en échange du séquestré de Rome (car Aldo est emprisonné à Rome : de cela on ne sait encore rien) : rien n’y fera, comme on sait…
Il est plus simple de voir les choses avec discernement quand on s’en éloigne, bien sûr et surtout, dans le temps. Aujourd’hui, les agissements des autres pays du monde sont plus connus : on sait que le ministre de l’intérieur Francesco Cossiga
dépeint ici plus comme sujet de quelque obsession
a été conseillé, pour ne pas dire influencé par un envoyé du président Carter (US, Central Intelligence Agency) qu’on voit, ressemblant à ce qu’il était alors (Steve Pieczenik, lequel a assuré (dans un livre non traduit en français) de son rôle et de son influence, disons)
Cossiga le reçoit fréquemment (on ne parle que peu du cabinet plus ou moins noir que le ministre de l’intérieur mit en place mais ça n’a pas d’importance) – dans le courant du mois d’avril Aldo fait passer à ceux qu’il croit être (encore) ses alliés des lettres leur enjoignant de pactiser, de négocier, d’échanger ne serait-ce qu’un des brigadistes emprisonnés contre lui : de cela le parti communiste ne veut à aucun prix. Ici celui qui incarne Enrico Berlinguer (secrétaire général du PC italien d’alors, cheville avec Aldo du « compromis historique » pourtant)
On parle beaucoup mais on n’agit que peu… Cette négociation demandée par Aldo Moro n’aura jamais lieu : la demande aura beau être envoyée aux journaux, on tentera de faire passer le prisonnier pour fou (ici, le film donne la thèse de l’influence de la CIA sur cette façon de procéder – l’envoyé de la CIA a, comme on l’a dit, abondé).
À ce point de la tragédie, Aldo se sait presque perdu : la Démocratie Chrétienne le lâche, le parti communiste le lâche et bientôt le pape le lâchera – il ne reste rien de la puissance symbolique acquis par des dizaines d’années de pouvoir. Aldo Moro promis à la présidence de la République n’est plus qu’un encombrant otage…
MERCI
OK, mais alors tu vas raconter la série en détail, de A à Z (que j’ai vue et beaucoup appréciée, même si je trouve que le film « Buongiorno Notte » avait au final – si j’ose dire – plus d’impact) ?… 🙂