la moisson

 

 

 

 

plus d’un mois sans maison[s]témoin c’est que j’ai un journal et un carnet à tenir
des choses à écrire
et des choses à faire
des courses des leçons à apprendre
des repas à cuisiner des ménages des lessives
comme tout le monde
fait beau je marche
fait beau je bois
au séminaire j’apprends des trucs et aux leçons d’arabe je me souviens des mots que j’entendais les matarchemch’ – les schnouwa ? – les rkaka kbira
l’arabe pour un juif tu avoueras
je ne suis qu’arabe pour les sémites et juif pour les antisémites
je me souviens de Maurice Halbwachs et Jorge Semprun
j’ai soixante dix ans en fin de semaine
depuis pas si longtemps je suis devenu grand-père ainsi que ma fille est devenue mère tandis que ma nièce le sera bientôt
sur la platine j’ai mis une musique que j’aimais assez au début des années soixante dix – elle tournait sur le petit magnétophone qu’on avait emmené avec nous dans la deux chevaux – une belle musique pour écrire – une de ces chansons, Alabama raconte le racisme étazunien

il y eut une étape dans l’image (la plage de Sousse)

je n’ai plus envie d’écrire pour le cinéma – ce n’est pas seulement parce que j’ai trouvé abject le fait d’ouvrir  » le plus grand festival de cinéma du monde » avec un film hors compétition mettant en scène un type convaincu d’avoir battu et humilié sa femme – quand même il aurait mis en scène par une femme (laquelle se complaît dans l’immonde)  – pas seulement
j’ai beaucoup aimé pourtant le discours de la nouvellement honorée d’une palme d’or, Justine Triet
j’ai lu les deux lettres, l’une d’Adèle (Haenel) (il n’y a pas un mois de ça) l’autre de Virginie (Despentes) (en 2020) – pas seulement – je pourrais aussi bien les reproduire ici, je pourrais aussi retrouver ce qu’a dit Azéma Sabine dimanche dernier, non seulement sociale traître mais en plus complètement imbécile ou alors seulement sénile – je pourrais mais non, je n’écris plus pour le cinéma – je suis allé voir L’île rouge hier (Robin Campillo, 2023) (au Louxor) et je me suis souvenu d’un de mes héros qui après avoir sévi à Madgascar était parti servir son pays en Algérie – afin de pacifier un peu – un type normal dans un monde normal – je me souviens mais cette histoire-là je ne l’ai pas finie, le manuscrit a brûlé – j’ai tout perdu – je ne sais plus
c’est peut-être ce syndrome, ne pas finir mais entamer oui
alors je remets sur l’ouvroir et je regarde Norma
je relis je me confonds en excuses je ne sais plus
keep me searchnig for a heart of gold/and I’mgetting old dit la chanson – le type cherche un cœur d’or voilà tout
sur mon bureau il doit y avoir une quinzaine de livres, ceux d’histoire, ceux de cinéma, le Rivière de Lucien, le GeNova de Benoit la soppra-eleveta qu’ils ont intitulée Aldo Moro – comme si on donnait le nom de Sadi Carnot au périphérique – pourquoi pas ? – il est mort poignardé par un anarchiste, son père l’avait appelé Geronimo, en visite et en pleine rue, à Lyon fin dix neuvième – j’ai regardé passer dehors les grosses voitures sportives et utilitaires des tonnes de ferraille et d’électronique mais non plus, pas plus que le cinéma, je n’aime plus les voitures
plus le temps de lire autre chose que les livres nécessaires à rien – un état d’hébétude mais tant pis, je marche j’avance je continue – je ne publie pas en vrai je ne publie qu’en virtuel – j’avance à pas comptés parfois j’attends un mail qui n’arrive pas
je suis là le disque tourne (c’est une façon de parler – ça n’existe plus, c’est à l’ancienne hein – on aime à savoir que les choses anciennes sont percluses et forcloses, c’est ainsi que le temps aussi s’écoule) je suis là et la musique chante
la dernière chanson est titrée Words

 

4 réflexions au sujet de « la moisson »

  1. depuis mon état d’hébétude je considère avec admiration la relative existence du vôtre ( et je récolte les éclats qu’il laisse passer)

  2. (moi itou pour la récolte d’éclats)
    (je n’ai pas vu « dehors les grosses voitures sportives et utilitaires des tonnes de ferraille et d’électronique », mais le convoi de véhicules de gendarmerie toutes voiles dehors, en mission importante qu’ils étaient à repousser les tas de sable avec des pelles — le vent sur la route vers asnelles joue à faire des congères — pour permettre au grandecemonde de passer, de tirer l’oreille des grognards, de saluer militairement les bérets alignés, enfin, on s’est poussés sur le côté, nous on allait voir un jardin avec des rosiers grimpants)

  3. « il y eut une étape dans l’image (la plage de Sousse) »
    phrase qui a déclenché un pop-up dans ma tête
    Alain Bashung « hier à Sousse »

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