Tunnel

 

Le film est réalisé par Kim Seong-hoon, réalisateur sud-coréen de quarante cinq ans(je dépose ici cette image – lunettes chapeau certes, derrière lui un dessin de New-York quelques poissons en forme de décoration… – mais je pense que, croisant cet homme dans la rue demain, je ne le reconnaîtrais pas : fixons les idées cependant). Il a intitulé son film « Tunnel » (sortie en 2016).

Doucement, l’objet de ces billets s’est fondu dans une chronique des films plus ou moins appréciés : il était question de les écrire et déposer en des endroits sûrs d’un lieu hypothétique, où des êtres différents mais semblables avaient pour ambition de résider, et même d’habiter pour tout dire, encore que ces créatures plutôt imaginaires (disons) n’avaient rien de spécialement humains (elles étaient réalisées pour représenter cette catégories d’êtres vivants sur cette planète, mais rien de plus – Fabrizio Corbera de Salina est une exception : il est « quelque chose » de plus). Du cinéma : projeté sur un écran une image animée par un flux de vingt quatre par secondes aussitôt vu aussitôt échappé – ça se passe dans le noir, le plus souvent, une salle parfois plusieurs centaines de fauteuils très toujours rouges, on en sort ébêté/abruti parfois heureux on parle de ce qu’on vient de voir qui n’a plus aucune existence sinon dans la mémoire (il arrive qu’on n’ait pas vu ou regardé ou compris ou interprété les mêmes choses, on peut en venir aux fâcheries ou aux jugements comminatoires, se séparer haïssant le reste du monde pour son ignorance ou son amour béotien pour des imbécilités…). On propose, depuis de très nombreuses années, sur les bords de la Riviera française, des réceptions, des réunions, des pince-fesse, des jurés des jugements, des prix qui vont jusqu’au Phallus d’or (car ce qu’on appelle le septième art n’est pas avare de ce genre de rigolade bien franchouillarde – au vrai, ce type d’amusement grossier est assez mondial), décernant palmes et autres distinctions (oscars césars lions – eh oui –  ours j’en passe de moins connus) dans des ambiances de plus en plus conquises par le mercantilisme qui est à la base de ces manifestations (la soixante dixième édition de ce qui est nommé « festival » (ce sont des fêtes que ces panégyriques de l’entre-soi) ouvre ses portes comme on dit demain ou quelque chose – nul doute qu’on y notera la présence du nouvel élu…). Tout ça pour dire que ce qui se joue ici pour le rédacteur a changé ( une sorte d’écoeurement vis à vis de ce qu’il faut bien nommer un spectacle a fait son  apparition – au vrai, il y a longtemps que je l’aime, et que je le déteste tout autant…). La manifeste solitude dont ces billets sont des preuves n’entame pas, pourtant, l’entêtement à les produire.   

L’action se déroule dans la proximité d’un tunnel qui vient de s’effondrer,un type se trouve dans sa voiture et le tunnel (zeugme) (une autre automobiliste y est aussi (accompagnée d’un chien), il la retrouve, mais elle meurt…) il se retrouve seul avec le chien. Les recherches sont entreprises à l’extérieur (ici l’une des affiches du film, en coréen)ce sont ces secours qui sont les principaux personnages du film (les humains sont des personnages importants, mais ce sont et la société et ce qu’elle va mettre en oeuvre pour sauver ces vies qui sont examinés). Le type (interprété par Ha Jong-woo) est marié (il a une petite fille aussi : il lui parlera au téléphone), sa femme vient sur les lieux de l’accident, des jours entiers passent, des nuits tout autant, des recherches sont entreprises, on travaille avec pas mal d’acharnement mais aussi pas mal d’à-peu-près, on cherche, le type survit (à l’image, il mange le gâteau d’anniversaire de sa fille, il allait le fêter quand, empruntant le tunnel, il s’y est retrouvé coincé)et même si (pour beaucoup) le film souffre d’invraisemblances (ainsi que, sans doute d’une trop longue durée) on y tient à la vie : le sauveteur en chefaussi (Oh Dal-soo), qui pense qu’une vie humaine vaut plus que le percement d’un tunnel : on doit, en effet poursuivre les travaux, malgré l’accident, et percer d’un autre, tunnel parallèle sans doute, la vie d’un homme vaut-elle qu’on arrête ces travaux d’ampleur peut-être nationale ? La plupart des personnes présentes lors d’une sorte de conseil général peut-être extraordinaire, ou d’une conférence de presse, ne le pense pas. On arrêtera les recherches au bout d’une vingtaine de jours, on persuadera la femme du type (Doona Bae, qu’on avait déjà vu dans « A girl at my door » (July Jung, 2014)) la femme du type, donc enseveli, sera persuadée qu’il est mort, elle signera l’acte par lequel elle accepte qu’on arrête les recherches (ici, la neige tombe et les recherches cessent : la femme du présumé enseveli et donc décédé regarde les explosions qui ont repris et qui signent comme une mort certaine de son mari (si ce n’était déjà fait)). Tout au long du film, les médias (et leurs représentants, les journalistes avides, lâches, bêtes), le gouvernement (en la personne d’une ministre des transports -avide, lâche, bête…), les hommes d’affaires les bâtisseurs les proches du pouvoir, tous permettent la mort de cet homme enseveli. Les sauveteurs dont une bonne part d’incapables (comme pas mal de journalistes tout autant) ne font qu’obéir servilement aux ordres qui leur viennent de la hiérarchie. On obéit, c’est terrible (l’autre automobliste, coincée sous un énorme bloc de rocher, peu avant de s’éteindre, parle à sa mère et lui demande de l’excuser auprès de son employeur : elle ne viendra pas travailler…) (non,en effet…), terriblement contraint, poli, conditionné, soumis et dominé discipliné, veule tant parfois qu’on se regarde en se demandant si vraiment, nous aussi, dans de telles circonstances… Non, sans doute pas, non. Non…

Ni film catastrophe (genre bon enfant prolifique profitable et très rentable) ni comédie de moeurs, parfois cocasse (mais ce n’est pas tellement le lieu ni le contexte : choc culturel sans doute) parfois tellement différent de nos préoccupations culturelles (de petits mausolées montés sur les défécations du chien, des développements sur la nécessité de boire son urine…), deux heures de huis presque clos qui se terminent en coups de théâtre (ici de cinéma) assez bienvenus.