L’aviateur

 

Voilà un film qui va se retrouver dans le garage (mais il le faudra assez grand pour y entreposer l’Hercules conçu par HH). On y parle surtout d’aviation (c’est un genre dans le cinéma, parce que Pan american airways multiplié par Trans world airways, et aller toujours plus vite et toujours plus loin, leur tropisme maniaque de la frontière, et l’argent et le cinéma). On aura tout (il n’est pas très étonnant non plus de trouver dans cette posture un Martin Scorcese, avec ses trois heures moins le quart de durée).

Voici les fantômes.

J’aime bien savoir que Katarine Hepburn se trouve incarnée par Cate Blanchett (formidable comme d’habitude : une vraie star – elle lui a volé son coeur, t’as qu’à voir-, une vraie si on en cherche une contemporaine)la voir implique immédiatement son rôle dans « Soudain l’été dernier » (Joseph Mankiewicz, 1959), on revoit Montgomery Clift ( et cette façon d’être avec Elisabeth Taylor  :  tout le kit)) (on revoit un peu « Fury » (Fritz Lang, 1936) parce que Spencer Tracy). Ici, on a droit à la réplique magnifique  » tu n’es qu’une star de cinéma ! » comme une gifle, et on revoit aussi cette Katarine Hepburn dans « The African Queen » (John Huston, 1951). Et donc Léonardo DiCaprio en Howard Hughes perclus de troubles obsessionnels. Comme il s’agit de la vie d’un producteur de cinéma qui était surtout un fabricant d’avions et un  milliardaire du pétrole (et puisque je n’ai pas encore vu la fin au moment de ces mots), il y aussi encore ici une évocation de Ava Gardner -la passion à laquelle il n’a pu résister… quelle affaire ! –incarnée donc par Kate Beckinsale (première fois que je vois cette actrice) (le rôle est magnifique, il n’y avait aucune raison qu’elle ne soit pas à la hauteur) (encore que les sommets atteints par Ava Gardner (notamment dans « Pandora » (Albert Lewin, 1951) (c’est à cause de ce film évoqué en commentaire  de Métronomiques que ce billet est rédigé) ou dans « La Comtesse aux pieds nus » (Joseph Mankiewicz, 1954) indiquent suffisamment qu’on fait dans le lourd américain indépassable (pratiquement)). Dans ma candeur naïve, j’ai toujours cru qu’il mourait dans un accident d’avion, en pleine guerre etc. Mais non. Il finit à Acapulco, seul et désespéré vivant nu au fin fond d’un hôtel, ayant cessé de se faire couper les cheveux, la barbe et les ongles… dans les années soixante dix : on ne peut pas tellement dire non plus qu’on ressente pour lui une quelconque sympathie – bien qu’il soit ici incarné par Leonardo DiCaprio, qui a trente ans lors du tournage (il en a aujourd’hui quarante deux, et c’est le deuxième qu’il interprète avec Martin Scorcese comme réalisateur, le premier, « Gangs of New York » date de 2002).  « Celui qui devint une légende » dit l’affiche (peur de rien hein) (il faut dire qu’il en fait quelques tonnes, mais le modèle avait l’air d’en avoir aussi pas mal à montrer). Du blé et des gonzesses. Hum. Et des avions (ça me fait penser à cette image de Tintin devant un magasin de jouet, tiens…c’est juste la suivante, mais je ne l’ai pas sous la main…). Il y a dans cet amour de l’aviation quelque chose de l’enfance, disons (je ne suis pas certain de cette disposition chez Scorcese mais pourquoi pas, l’âge venant…?).

Je ne suis pas sûr qu’on appréhende, à la vision de ce film, les liens qu’entretenait HH. avec , disons, un type (assez ordurier aussi) comme John Edgar Hoover (qu’a interprété aussi Léonardo DiCaprio (sous la direction Clint Eastwood, 2011)) lequel a connu la bagatelle de six présidents des US durant ses divers mandats à la tête du FBI – de 1924 à 1972 quand même… Et puis ce sont des films à clé, et il n’est pas complètement avéré que les réalisateurs ou leurs scénaristes soient des historiens si scrupuleux non plus. On romance, on échafaude, on fait jouer la fiction comme un degré supplémentaire de liberté. Et aussi, l’histoire n’est jamais écrite que du côté des vainqueurs comme on sait. Alors il se trouve qu’on a loué le dvd pour parfaire notre anglais – on le regarde sans sous titre, on essaye de comprendre l’argot et les tournures raccourcies de l’américain, tout autant.

Un film de cinéma ayant plusieurs objets, dont le cinéma lui-même qui reste une sorte de danseuse, c’est ainsi qu’on entend « The Aviator » .

 

Addenda : j’ai fini par voir la fin, l’accident (Léonardo n’a peur de rien et Scorcese non plus) (c’est pour ça aussi qu’on les aime, remarque, aussi) et le reste, le secours d’Ava Gardner et sa gentillesse comme ses colères qu’on connaissait déjà un peu,  et la scène magnifique du procès, audition au sénat si j’ai bien compris, le FBI n’est pas loin et les affaires étant ce qu’elles sont, elles le restent… Une mention spéciale à Alec Baldwin qui interprète Juan Trippe le pédégé de la Panam, formidable – formidable aussi, ces temps-ci sa caricature, plus vraie que nature, de l’ignoble locataire de la maison blanche, ces temps-ci…

Sous la fenêtre de la chambre du haut

 

 

Sous l’une des fenêtres d’une des chambres (imagine qu’elle soit louée à une étrangère de passage, un/e jeune étudiant/e ou quelqu’un des nôtres, un/e ami/e, une connaissance de la maison, depuis longtemps imagine depuis longtemps cette maison une famille l’habite les enfants sont partis les grands parents sont morts, depuis tant de temps, peut-être est-elle habitée par le veuf, la veuve, qui cherche une compagnie plutôt qu’un loyer faible dérisoire, imagine un peu), sous la fenêtre de la chambre à louer, on a installé une planche de bois dur, et lourd, on a posé des tasseaux (c’est une fenêtre dans un chien assis), on les a fixés de grosses vis et de grosses chevilles, en plastique gris les chevilles, la perceuse et le bruit, la vrille, le bruit, ce sera comme un bureau, on l’a louée et puis le temps est passé, la planche est restée là, c’est une planche de bois dur et elle servira à reconnaître que l’écriture de ce type a été tracée dessus…

lohmann m le maudit

Le type, le locataire, un chapeau, un manteau, des bonbons et le silence de l’escalier, Allemagne années trente, à l’image la loi et la force de l’ordre, l’inspecteur Lohmann, il pense, et finit par trouver, oui, sur cette planche, les empreintes du crayon rouge, oui, on pense, cet homme, est-ce qu’on se souvient de lui ? Ah, Peter Lorre : « pourquoi moi ? » dit-il, « cette ombre je ne suis pas seul, je ne suis jamais seul quelqu’un me suit, je ne suis jamais seul, il est là, il me suit, c’est moi... », il sifflote un moment cet air de Grieg (trente et un, le son au cinéma commence, le son comme une antienne, comme un apport, comme une ouverture sur quelque chose qui évoque, le son comme à la radio (j’ai mis un lien un peu de commerce, mais ça ne fait rien, c’est pour Savannah) lui il le siffle, « un aveugle en gémissant« , disait Jean Roger Caussimon, « sans le savoir a marché dans le sang/ puis dans la nuit a disparu/ c’était peut-être le destin/qui marchait dans les rues« , oui, la force du destin), est-ce qu’il est responsable, tuer une enfant, responsable, une ville cherche son meurtrier, cette lettre tracée dans son dos, sur son manteau, quand il se retourne elle disparaît il lui faut un miroir, les mendiants, la pègre, la loi, ce n’est pas discours que de ne porter à l’image que l’inspecteur Lohmann, non, pas seulement, Allemagne année trente, j’ai peur de reconnaître les actes avant-coureurs, Fritz Lang qui vient après Samuel Fuller, un panthéon, une vraie furie… Sous la fenêtre, une planche et les traces du crayon, rouge il me semble me souvenir