étude préparatoire incomplète aux conclusions approximatives

En creusant les fondations de la maison[s]témoin, les vestiges de trois occupations pré et protohistoriques ont été mis en évidence, matérialisés par un fossé palissadé à multiples interruptions décrivant un tracé curviligne. Cette construction s’oriente est-sud-est. Dans le trou de poteau marquant l’angle nord-est a été déposé le crâne d’un ovi-capriné, sans doute un acte rituel.

Le mobilier céramique découvert, bien conservé, montre un élément orné d’une ligne d’impression réalisée à l’ongle. L’argile est noire, rehaussée de chevrons blancs sur un pourtour en forme de cloche inversée, typique des poteries de cette période.

À ce jour, aucune tombe, ni tumulus abritant un enterrement en position fœtale, n’ont été découverts. Les décrets et autorisations permettant la construction de la maison[s]témoin sur ce site ont donc été dûment signés et paraphés par les organismes idoines. On n’en saura pas davantage sur ce qui s’est passé sous la cuisine, la terrasse, le garage, mais on peut néanmoins conclure qu’il n’y a ni terrain vierge, ni page blanche, car elle se couvre de fils en réseau serré : des morceaux de céramique identiques (argile noire, traces d’ongle, chevrons blancs) ont été exhumés au sud du Portugal (Zambujal), sur les berges de la Vistule (Cracovie) et dans les îles Britanniques (Cornouailles).

note : les ossements d’un chien domestique, ainsi qu’une boîte contenant les restes d’un hérisson, trouvés sous quatre pierres plates, trop récents, ne seront pas mentionnés dans cet article. Leur description complète et non pertinente restera donc non rédigée.

Chantier

Genre de maison que nous n’aurions jamais, où nous ne pourrions jamais habiter, que nous construisions à la chaîne sans plus savoir au bout où nous étions, dans quelle région, dans quelle ville, le pourquoi nous savions, l’enveloppe blanche tachée de doigts à la fin de chaque mois donnée en échange d’une signature sur un bordereau tout froissé, nous débarquions à l’aube, étions comme des ombres, certains de nous vraiment des ombres, on sentait bien à les voir glisser hors des poches de la nuit qu’ils étaient clandestins, embauchés à poignées, aucun avec papiers, ils étaient de tous ceux qui n’ont pour biens qu’eux seuls, nous ne savions même pas leurs traits qui passaient avec chaque chantier, c’était une sorte de puzzle sans cesse recommencé, cela ne variait pas, nous regardions sur plans ce que seraient les vies qui dans ces murs montés allaient se dérouler, nous vivions du dehors, c’était toujours pareil, parpaing après parpaing, construire la vie des autres et tout faire tenir à partir d’un seul fil à plomb, nous faisions le dehors, leur laissions le dedans.

 

Daniel Bourrion