Lézard

Et cette lézarde intérieure répond à une lézarde extérieure, sans doute parce que les maisons-témoins sont ainsi construites un peu vite pour ne pas durer aussi longtemps que la promesse vendue, et dans cette lézarde extérieure vit un lézard qui sort quand il le désire au soleil, sur un pan de mur lézardé inaccessible aux visiteurs, parce qu’il y a le grillage qui sépare du lot d’à-côté qui appartient au vendeur de piscines qui dresse ses piscines bleues et vides ouvertes vers le ciel et la rocade. Les visiteurs poseront sur leur terrain hypothétique ce mur-là un peu mieux qu’ici, ce mur lézardé là ils le poseront non-lézardé au même endroit qu’ici par rapport à la maison, puisqu’il est la maison, mais orienté autrement et en un lieu bien différent, bien loin d’ici, et sans lézard. Le lézard, lui reste là, caché derrière le grillage, les yeux plissés vers le bleu sec des piscines du voisin.

Lézarde

Dans le placard à balais, une lézarde est dissimulée par un balai. Un balai-témoin pas utilisé pour le ménage-témoin parce que les visiteurs visitent une maison propre de toute éternité, dans l’idée d’un bonheur parfait arrêté comme sur une photographie souvenir d’un souvenir permanent où le ménage vit sans faire le ménage ; et surtout parce que le ménage-réel est sous-traité par une société qui vient avec ses propres balais-non-témoins. Et quelqu’un fait donc un véritable ménage ici, sans doute la seule action véritable qui a lieu ici, sans faux discours persuasif, sans fausse moue dépréciative, pas de rêve projeté ni de souvenirs d’un futur souriant, rien qu’un vrai ménage de vraie poussière et de vraies traces de pas. Lors de ce moment de vérité qu’est le ménage-réel, pour ne garder que ce qui doit témoigner, le temps qui passe et les traces des visiteurs sont effacés pour de bon, il ne s’est jamais rien déjà passé ici avant que quelqu’un n’entre visiter encore.

Magazines sur la table basse

Il y a des magazines sur la table basse du salon et bien qu’il s’agisse d’authentiques magazines, exemplaires gratuits ou anciens numéros récupérés, leur contenu parait soudain tout aussi creux que les livres en carton des étagères, vides que les paquets de céréales et la brique de lait du réfrigérateur qui s’allume quand on l’ouvre mais ne refroidit pas. Les titres, les actualités, les faits importants, majeurs, de politique intérieure et internationale, les faits de guerre, les annonces et les démentis, tout devient faux ici, actualités d’un monde-témoin qui s’évaporera dès la sortie de la visite, donnant l’illusion de retrouver un monde meilleur, débarrassé de ses intrigues politiciennes, de ses massacres, de ses impasses.