Aider

 

 

 

Le rédacteur est parfois pris d’une espèce de doute et le nihilisme le terrassant, plus rien ne sert à rien – et servir pourquoi faire ? – et peut-être surtout pour qui – c’est une affaire entendue, il aime le cinéma (comme si ça pouvait y changer quelque chose) et le commente encore – et encore – mais le rédacteur, parfois, est fatigué. En doute, cette manière de proposer des images tirées des dossiers de presse (ici celui du jour) afin de relater quelque chose de ces images animées – avez-vous donc une âme ? – qui n’existent plus une fois la lumière revenue dans la salle (le rédacteur voit les films en salle, le plus souvent). Et aussi, certainement plus, le choix – pourquoi ça et pas ça? – tempête sous un crâne… Pourquoi pas ce que la vulgate en cours à la mode du moment énonce comme »block buster » – une superproduction – un truc qui vaut des millions, et qu’iront voir (donc) des millions de spectateurs ? C’est produit par Gaumont (« depuis que le cinéma existe » – on ne va cracher dans la soupe, non) et Vincent Cassel, l’un des deux acteurs phare de l’histoire (« inspirée d’une histoire vraie » sans doute).

 

Deux réalisateurs se partagent donc les « moteurs » et autres « silence » à moins qu’ils ne disposent d’assistants pour cette tâche (le clap, et ça tourne) : Eric Toledano et Olivier Nakache (ou l’inverse, je ne sais pas) – il y a au cinéma, assez souvent, des frères qui officient ensemble (Dardenne) ou séparément (Mankiewicz) – chacun son tour (Taviani) ou autrement (Coen) – d’autres encore mais pas vraiment frères (Loach et Laverty) : les deux qui nous occupent ne sont pas frères non plus, mais presque et cassent la baraque depuis « Intouchables » (2011) : ce sont donc des locomotives du cinéma français (il n’est sans doute pas d’auteur mais est-ce qu’on en a vraiment quelque chose à faire ?) (le cinéma (d’auteur) français, ce peut être deux ou trois personnes dans un appartement qui parlent, et parfois, on se lasse aussi). Le film reste de la qualité française, cependant.

En réalité, le cinéma (n’) est (que) ce qu’il est.

Point à la ligne : deux acteurs donc, Vincent Cassel et Reda Kateb (les deux, d’une présence formidable) – l’un interprète un juif (kipa – sous une casquette estampillée NY le plus souvent – plus tsitsit) l’autre un arabe (plutôt banlieue, en connaissant les codes). Ce sont ces deux hommes qui tiennent le film, deux amis loyaux et sincères, dotés d’une patience d’ange. Tous deux dirigent des associations d’aide aux personnes handicapées (ici, des autistes, adultes ou non).

Ils sont épaulés par deux bandes de jeunes gens, les plus ou moins autistes et leurs aidants (plutôt plus parfois moins – ils les aident à entrer dans la vie disons courante). Une vraiment très belle histoire, enlevée drôle et triste parfois – des coups de cinéma, des téléphones portables, des courses poursuites – beaucoup de plans de ville sont situés dans le dix neuf, on reconnaît les bords du canal, la Philharmonie…

L’essentiel du film est le secours porté à ces jeunes gens et l’abnégation que leurs aidants donnent à voir – les aidants : parfois des jeunes gens, noirs ou pas, arabes ou non, qui s’occupent chacun d’une de ces personnes. On augmente du fait que l’une des associations a la visite d’inspecteurs de la sécurité sociale (disons pour faire vite) et que les subsides vont lui être coupés. Les deux directeurs se tiennent les coudes, c’est réjouissant – les personnes qui les soutiennent, à l’hôpital (Catherine Mouchet, tenace) ou les parents de ces enfants aux handicaps parfois très lourds, eux aussi assez formidables (Hélène Vincent, magnifique) : c’est réjouissant tout autant.

J’ai pensé parfois à ce film, « d’ici là » chroniqué ici qui est d’une autre ampleur (documentaire, sans doute, conditions sociales de production différentes – ici 5 pour cent des profits seront reversés à des associations du genre) – mais les deux heures passent un peu comme un rêve (le monde n’est pas si pire – la tâche, admirable, de ces gens doit être montrée et soutenue (mais l’État, dans tout ça ? est-il occupé à mater les résistances et procurer aux actionnaires les quinze pour cent annuels qu’il leur promet ?) : un moment de beauté.

Parfois, c’est difficile de parler des films (le cinéma, c’est aussi un passe-temps, un  loisir, un moment d’égarement ou de dégrisement), parfois il se peut qu’ils n’en aient nullement besoin (il faut faire preuve de discernement – les temps du cinéma sont durs ces jours-ci…). Pour une fois (mais c’est aussi souvent le cas), les bons sentiments triomphent et on n’en conçoit pas d’aigreur (c’est plus rare…). On pourra bouder ce plaisir mais il y a de la joie, de l’entraide et de la vérité, pour croire un peu en ce que l’humanité peut avoir de meilleur. Ensuite, dehors, en sortant, on retrouve les lumières allumées, et les autos qui foncent sur les boulevards (le 5 décembre, on y pense quand même).

 

« Hors Normes », un film d’Olivier Nakache et Vincent Toledano (ou l’inverse, je ne sais pas).