Des histoires (Résister #6 déjà ?)

 

 

 

 

 

j’ai trouvé un journal, il y avait quelques images noir et blanc, j’en ai fait quelques prises – il s’agit d’une affaire déjà datée – le monde continue son mouvement, et nous aussi – ici, dans cette maison, je les pose tout en posant quelques images qui me sont venues, non d’elles, mais de ce temps qui passe, ce monde qui continue, cette vie et cette façon d’être – ce ne sont que des mots de reclus qui tente de garder la tête hors de l’eau (et qui tente de juguler sa colère) (sans doute en pensant à autre chose, le cinéma, la chanson, la musique, l’amitié, l’amour des enfants – ce ne sont, cependant, pas des histoires pour eux) – je pose d’abord celle-ci, prise d’un train qui, il y a quelques années, allait d’Athènes à Salonique.

les couleurs sont pour l’amour – la dernière, toute de bleue vêtue, pour l’espoir

 

 

obituaire : Hélène CHatelain

dès le 22 janvier : et si la partie immergée du virus était sociale ? Émergée : la santé. La nation se confine ainsi que les autres, en sortira-t-on immunisés ? Les mensonges, les approximations, les « tout et son contraire » qui ont la même odeur que le « en même temps » qu’on sert à longueur de propagande radiophonique, les initiales du sauveur qui servent à intituler son propre parti, cette vulgarité et cette suffisance, cette fatuité, c’est bien d’ici ?

obituaire : Luis Sepulveda

dès le 22 janvier, un type (je crois me souvenir qu’il bosse dans un hôpital de Berlin) (médecin, chercheur, scientifique comme on dit) avait mis au jour un test qui détectait la maladie – l’Allemagne compte quatre fois moins de morts par le fait de ce virus que la France – le compte monte normalement ici, merci : dans quelle mesure ce gouvernement qui disposait d’un ministre de la santé (ça existe) est-il criminel ou meurtrier ? Dans quelle mesure ? J’entends un peu le recours d’une classe action contre ces agissements, recours rejeté par le Conseil d’État, j’entends parfois des mots et des paroles – parlons plutôt des décomptes des morts : cinquante mile étazuniens, ce matin j’entends encore, j’entends… (mais cette dame avait Paris en tête, tu comprends on fait comme on peut et la carrière, il faut bien y entrer et faire ce que dit le chef, à reculons peut-être, mais y entrer – c’était loin dans le temps, les histoires de cet homme qui se cousait la bouche devant le Kremlin, qui flanquait des coups de couteau dans les convives fussent-ils des commensaux de cette fête du premier de l’an, ah je ne sais plus, était-ce un producteur de cinéma, ou un artiste de variété qui recevait, au dessus du Flore ou des Deux Magots ? un appartement prêté par des amis ? un avocat ? enfin tu vois le monde  celui qu’on nomme « grand » la belle affaire, le genre, la classe et le faubourg Saint-Germain ? Et cet autre qui envoyait à sa maîtresse, était-ce sa maîtresse ? des images animées de son anatomie à géométrie variable, fatalement (il n’est pas constitué autrement que les autres de son genre) ainsi que le faisaient les héros de ce film de Bob Guédiguian pas si mal – où Ariane Ascaride jouait le rôle d’une femme de ménage assez acariâtre qui ne voulait plus faire grève – « Sic transit gloria mundi » disait le titre (est-ce ainsi que passe la gloire du monde ?) – pas si mal mais tellement vrai, ce film triste à mourir sur notre monde – il y avait aussi une autre histoire, celle de Gérard Lebovici et des douilles de balles qu’on avait retrouvées sur (je ne sais plus mais) la plage arrière de sa voiture – un contrat comme on dit – ce qu’on signe quand on s’engage à subir les ordres du commanditaire et y obéir – oui, voilà, c’est le même mot : le travail, c’est la santé – ou alors posées sur la planche de bord – deux ou trois balles dans la tête, ou la nuque (4 ? 4.)  une R 25 peut-être bien(ou 30? 30.) dans un parking des Champs-Elysées ou d’une avenue quelconque menant à l’Étoile (il n’en est aucune de quelconque mais enfin) (sur celle dédiée à Mac Mahon vivait Aragon, Louis, et sa mère il y a un siècle) – il y avait là aussi un music-hall (ça ne se dit plus) où s’enregistraient les émissions de Jacques Martin, cinquante ans plus tard (l’Empire) – j’aime Paris au mois de Mai disait la chanson, nous y reviendrons à la moitié – il y a de par le monde cette idée figée de lutte des classes – exposées ou moins – aux affres du virus – et pourtant, dès le 22 janvier…

obituaire : Christophe

tout à l’heure (il n’est que deux heures dix je crois – douze) on va nous rappeler que plus rien ne sera jamais comme avant, sauf l’emprise des dominants sur leurs subordonnés – tout à l’heure on a vaguement appris que l’école recevait – dans quelles conditions, je ne sais – les élèves dont les parents sont des soignants (je ne sais non plus où commence la catégorie – privée ? publique ? qui soigne qui ? pour qui ? Que de questions pas vrai…) : les professeurs sont-ils vaccinés ? (le fait d’avoir des parents soignants implique-t-il que leurs enfants soient immunisés ? Porteurs sains ? Malades ? En pleine santé ? Mentale?) – fabriques d’anticorps à usage individuel – parfois le froid aux os, dans le dos, ailleurs, on finit par s’endormir – il ne se passe rien dans la maison – il n’y a aucun bruit – on aurait dû interdire à l’agent de venir s’installer ici – est-il installé seulement ? – dans quelle mesure (ne) fait-il (que) son travail ? Que fait-il ici ? Debout, devant la fenêtre, il regarde la pluie qui ne va pas tarder à tomber sur la pelouse fripée, les fausses fleurs, le rond-point – faux tout autant, sans la moindre utilité – marque l’entrée du lotissement, au bout de cette fausse perspective – y a-t-il un peu de musique dans cette maison ? La fenêtre de la cuisine donne sur une courette cimentée – des images sur le mur, une horloge arrêtée, des fausses casseroles en carton ou je rêve ? Du carton, oui – un frémissement, un pincement : quelque chose, oublier et dormir – il regarde encore, il y a dans le jardin de la maison du fond de l’horizon un enfant qui joue – debout, devant ou derrière la baie vitrée qui donne directement sur le jardin, lui et son costume un peu vieillot, ses chaussures usées, sa voiture mauve mais au reflet gris taupe, tout appartient à la société anonyme

La lune en quartier augmentée de Venus qui brille au loin

Résister. Continuer. Ouvrir les yeux.
Courage. ?

Musique chanson

 

Il s’agit d’une villa, pas d’une maison(s) serait-elle témoin… souvent, à l’évocation du sujet, de l’objet, du développement, je me demande ce que je suis en train de faire – de la promotion quand le film est nouveau, ou quoi quand il est ancien, âgé, vieux, vieilli bien ou mal, je ne sais plus, et dans les rues glacées, je marche. C’est un billet programmé (demain je me tire), et aujourd’hui on a parlé de la bibliothèque, les livres tout ça, très bien, je me suis dit que l’évocation qu’on voit dans le film (un extrait d’un autre du même, « Ki lo sa ? » (Robert Guédiguian, 1985)) avait donné lieu à son scénario, mais finalement non, quoi que. Enfin, j’ai lu l’entretien que le réalisateur a accordé à je ne sais qui, et il y dit que non, ce n’est pas le point de départ du film.

La villa a été construite par le père (Maurice, Fred Ulysse) et ses amis de Méjean (le trio infernal ce sont les enfants de Maurice – Angèle, Joseph et Armand), c’est vers Marseille comme à l’accoutumée (en gros). Le mieux, sans doute, c’est cette espèce de réalité de la fraternité qu’on perçoit quand l’un embrasse l’autre, ou que le petit nouveau (Robinson Stevenin) embrasse l’ancienne (Ariane Ascaride).

C’est l’espoir (je me rends compte que je ne donne pas vraiment leur chance à Angèle et Benjamin… le matériel dont je dispose est insuffisant, ou je n’en ai pas trouvé d’autre).

Il fait beau, mais froid, apparemment, les trentenaires tiennent une espèce de compte (ils comptent beaucoup, nos amis trentenaires) (d’autant plus amicaux que ce sont nos enfants – et très souvent il m’arrive – comme à nous tous, je pense, parents ou pas – de m’interroger sur les pratiques de ces gens nés avec le socialisme (ou peut-être seulement ce qu’on appelait tel) quand il a pris le pouvoir… Les « moi d’abord » comme les TPMG (tout pour ma gueule en langage trentenaire justement), ce sont bien nos progénitures, et donc voici ce qu’on leur a appris, ce qu’ils ont retenu, ce qu’ils en ont compris (on pourrait faire dans l’écriture « inclusive » cette abjection, pourquoi pas immersive pendant qu’on y est ? non, vraiment ce monde-là – qui est assez montré dans ce film – incarné par l’ordure en motoscafi qui passe, mais aussi par la nommée Bérangère (Anaïs Demoustier) (et aussi, dans une autre mesure, par le fils des voisins, Yvan (Yann Tregouët), médecin, qui lui aussi fait comme on lui a dit de faire, j’en ai peur…) . Heureusement, sans doute, il y a la comédie et le jeu.

C’est une villa dont on va hériter (les héritages, cette plaie toujours ouverte, toujours béante et ici, ces gens-là s’entendent – c’est heureux que, quelquefois, cela puisse arriver) (pas dans ma famille, mais n’importe), une famille donc (la mère, où peut-elle bien être ? décédée probablement…), puis tout à coup, cette chanson du prix Nobel – « Je te veux » merveille s’il en est de  nos jeunes années – je me permets d’informer que je la chantais dans le métro, ça n’avance à rien années 70, mais c’était au Palais Royal – la petite marchande de violettes était sur la place – et cette séquence qui donne sa raison au film : en réalité, rire et aimer les enfants, les nôtres comme ceux des autres. Tout irait mieux, tu sais…

 

La Villa, un film de Robert Guédiguian.

en ouverture de billet : La calanque de Méjean, sur la Côte bleue – Florian Pépellin, CC BY-SA 3.0