or, zen, futé

tout près de la maison[s]témoin il y a un grand parking avec souvent un bus garé, son moteur tourne au ralenti – puis on longe l’eau jusqu’au pont, à cet endroit où passent la voie rapide et les pistes cyclables

en contrebas poussent des arums sauvages, ça fait du bien de voir leur grandes vasques blanches qui dénotent dans tout ce vert sombre, du bien aussi de prononcer leur nom arôme, un nom-parfum

on traverse en s’éloignant des files de voitures, on passe un portique de fer qui tourne sur lui-même, et c’est encore assez urbain – il y a des poubelles, un hôtel à insectes aux pans de bois si bien rangés, si bien vernis, qu’un insecte n’oserait pas s’installer – on suit le ponton lancé par-dessus la zone marécageuse – de grandes tiges dépassent, parfois un iris jaune tout déplumé – et puis ça tonitrune, les grenouilles sont petites mais elles font plus de bruit que cent — à peine quinze –, leurs jambes élastiques fendent les lentilles d’eau, leurs yeux roulent pendant leur spectacle, performance : parce qu’elles s’observent l’une l’autre, elles font tout, l’artiste et le public

avant la voie de chemin de fer on tourne – c’est un sentier, de l’herbe, des boutons d’or, et ça s’ensauvagise – on marche et bientôt ça retourne sur soi, on revient vers la ville en longeant l’autre parking et le garage – il y a de grands drapeaux, OR, ZEN, FUTÉ, des occasions à ce qu’il paraît, qui pourrait croire que l’or, le zen et le futé scient les planches du radeau sur lequel on se tient serrés (il est possible qu’on coule)

on reprend le portique et on retrouve le bus à l’identique, son moteur allumé que des fleurs tricolores respirent – on se dit c’est dommage : comme l’anxiété du pipi jaune dans les piscines qui se verrait tandis qu’on nage, il faudrait des fumées colorées sur le cul des voitures, des jaunes, des brunes, des écarlates – les bleues seraient acides, les vertes et les violettes les plus nocives puisque, c’est bien connu, ce sont les couleurs du poison

on se mêle aux touristes, on les entend parler anglais, allemand ou norvégien, à ça qu’on les reconnait, et puis aux appareils photos avec leurs zooms si longs qu’ils  les déséquilibrent – on pense à cette amie qui s’est acheté une canne et marche sans doute comme oscar wilde, aussi élégamment, parce qu’elle est élégante, du dedans, du dehors tout autant (mais on ne sait pas si la comparaison lui va)

on rentre à la maison (témoin) – on se demande où se trouvent ses archives car le grenier a l’air bien vide et bien propret – on se demande ce qui sera archivé, et qui nous archivera dans les fumées

des hommes se serrent les mains, se congratulent, ils s’applaudissent avant d’entonner l’hymne de la fierté et du costume amidonné – on distribue des points – on fait « voir », « plus d’infos » et « ajouter à ma playlist » – on tousse – on écoute le silence qui dure plus qu’une minute, par respect – les tiges de myosotis résistent au vent, et le banc est repeint – BFMtv répond à toutes les questions : « Révélations ce soir. Saisissez l’opportunité. Ensemble. C’est là que ça se passe. Allez, c’est parti. Partagez vos bons moments. Maîtrisez votre trajectoire. Dans la vie on ne devrait pas avoir à faire de compromis. Terminus dans trente minutes. C’est en suivant ses rêves que l’on trace sa propre route. Profitez de facilités pour le transport. Nous partageons le même amour de la liberté. C’est bientôt l’heure. L’heure des comptes. Mais je vous interromps, vous imaginez ? C’est la réalité. C’est compliqué. »

 

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